Texte intégral
QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, ma question concerne la réforme des régimes spéciaux, une réforme qui, comme vous
l'avez dit, a été largement soutenue par l'opinion et par un gouvernement largement élu.
Ma question est en deux points : est-ce que vous allez aller plus loin vers le service minimum et à quelle échéance ? Est-ce
que la question de la remise en cause de l'emploi à vie pour certains fonctionnaires est à l'ordre du jour de la présidence
de M. Sarkozy ?
François FILLON.- Sur la première question, la loi sur le service minimum a été votée au mois de juillet dernier. Mais elle
ne s'appliquera qu'à partir du 1.1.08.
Pourquoi ? Parce que pour mettre en oeuvre le service minimum dans les transports publics, il faut un cadre législatif, ce qui
est fait. Mais il faut ensuite une négociation à l'intérieur des entreprises pour fixer les conditions exactes du service
minimum.
Je veux dire par là que la loi ne peut pas fixer dans le détail par exemple le nombre de trains qui vont circuler sur telle
ou telle portion du territoire national. Le service minimum doit être adapté aux contraintes et aux caractéristiques de
chaque entreprise. Et donc va commencer à partir de maintenant dans les entreprises une négociation sur le niveau de service
minimum et les moyens d'aboutir à ce service minimum.
Donc à partir du 1er janvier, on aura en France un outil à la fois législatif et social pour mettre en place le service
minimum. Le plus important, c'est que les partenaires sociaux et en particulier les syndicats acceptent de rentrer dans une
démarche de négociation et dans une démarche de dialogue beaucoup plus qu'ils ne le faisaient dans le passé dans les
entreprises.
Il faut dire qu'il y a une histoire. Dans les entreprises de transports en France, on commence par faire grève. Et comme on
commence par faire grève, on obtient en général à l'issue de la grève ce que l'on voulait. C'est comme ça depuis 50 ans. Il
fallait que cela s'arrête et je pense qu'aujourd'hui, on a fait la démonstration que cette façon de faire ne pouvait plus
continuer, qu'elle était contraire aux intérêts nationaux et même à terme, contraire aux intérêts des agents eux-mêmes.
Qui peut imaginer que l'on puisse continuer à payer les retraites d'agents d'entreprises qui sont dans la concurrence et qui
partent à 50 ans ? Qui peut penser que demain en Europe il y aurait des entreprises qui pourraient survivre en assurant la
charge des retraites de personnes qui partent à 50 ans ? Cela n'a évidemment aucun sens et donc je pense que l'on a fait
cette démonstration et je suis convaincu que, cet obstacle passé, on va entrer dans une phase - je ne dis pas qu'il n'y aura
pas encore quelques soubresauts car les Français ont le caractère qui est le leur mais quand même, je crois qu'il s'agit là
d'un tournant historique important.
Sur le deuxième sujet, la réponse est non. Il n'y a pas de projet sur le statut des fonctionnaires. Voilà, j'ai dit que je
vous parlais franchement et je vous réponds franchement.
QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous poser une question sur les négociations climatiques qui
commenceront bientôt à Bali et devraient se terminer à Copenhague en 2009. Quels sont les résultats minimum que la France
souhaite d'un accord global ? Deuxièmement, quels seraient les contributions de la France à un accord global et quelles sont
à votre avis les plus grandes difficultés pour obtenir un tel accord ?
François FILLON.- Nous, ce que nous voulons, ce sont des résultats concrets sur les émissions de CO2. Pour que ces résultats
puissent être obtenus, il faut que nous passions à un système de quotas qui ne soit plus un système de quotas nationaux mais
qui soit un système de quotas européens pour commencer par secteur industriel et par branches professionnelles avec la
possibilité d'échanger ces quotas.
On voit bien que ce système ne pourra fonctionner que s'il peut frapper de manière ou d'une autre les importations. Sinon,
l'Europe va faire son travail en termes de réduction des émissions de CO2, mais elle va se mettre sur le dos un handicap en
terme de compétitivité qui risque de lui coûter très cher.
Donc il faut que l'on obtienne dans les accords en cours de discussion un système mondial - ce serait évidemment l'idéal -
qui permette des engagements précis et des quotas par secteur industriel. Si on n'y parvient pas, il faut que les autres pays
comprennent que l'on ne pourra pas accepter les importations sans faire peser sur ces importations d'une manière ou d'une
autre une taxe sur le CO2 qu'elles représentent. Voilà l'état d'esprit dans lequel nous allons négocier. Je crois que c'est
un état d'esprit qui est très proche de celui du gouvernement suédois.
Par ailleurs, nous, nous avons adopté au plan français un certains nombres d'objectifs chiffrés ambitieux sur le
développement des énergies renouvelables. Nous avons fixé un calendrier sur les investissements réalisés sur l'ensemble de
l'immobilier pour réduire les émissions de CO2. Nous sommes en train de travailler à la mise en place d'un système de
taxation des véhicules avec une sorte de bonus malus-malus pour les voitures qui produisent beaucoup de CO2 , bonus pour
celles qui en produisent moins. Voilà. On est vraiment engagés dans cet effort et nous attendons beaucoup d'une position
européenne unanime et ferme pour que les accords au niveau international permettent d'avancer vite.
QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, comment voyez voit la politique européenne agricole commune ?
François FILLON.- J'ai dit au Premier ministre suédois à l'instant que la France souhaitait, pendant sa présidence, engager
la révision des politiques européennes. Tout comme nous faisons une révision des politiques publiques chez nous, on pense
qu'il faut aussi faire une revue générale des politiques européennes pour regarder celles qui marchent et celles qui ne
marchent pas, celles qui sont utiles et celles qui ne le sont pas, celles qui coûtent cher et celles qui sont efficaces et
j'ai indiqué que la PAC faisait partie des politiques qui devaient être remises sur la table.
Contrairement à ce que beaucoup pensent, la France n'est pas attachée à une politique agricole commune qui ne changerait pas.
Et d'ailleurs la PAC elle a bien des défauts et fait l'objet de critiques les plus vives de la part des principaux
intéressés, c'est-à-dire des agriculteurs français eux-mêmes. Donc nous, nous voulons saisir l'occasion qui nous est donnée
avec la revue des politiques européennes, avec la perspective de la renégociation de la PAC qui de toute façon est inscrite
dans les accords européens et puis avec l'augmentation du prix des matières premières, avec la pression qui est en train de
monter sur les marchés des produits alimentaires, pour remettre complètement à plat la PAC et essayer de trouver des règles
qui soient moins coûteuses pour le budget communautaire et qui soient efficaces.
Il y a une chose que nous ne dirons pas, c'est que l'on n'a pas besoin d'agriculture. Ceux qui attendent que nous disions ça,
ils peuvent toujours attendre car on ne le dira jamais par ce que ce serait une erreur historique.
Penser que nos pays peuvent se passer complètement d'une production agricole alors même que la population du monde augmente
et qu'on voit bien qu'on a du mal à fournir les marché mondiaux. Je pense que ce serait une grave erreur.
Nous avons besoin d'une politique européenne en matière agricole . Nous avons besoin de produire, nous avons besoin de
produire des produits de qualité mais nous avons besoin de réorganiser notre marché pour que la politique agricole soit moins
coûteuse pour le budget communautaire et qu'elle permette à nos agriculteurs de se développer, de se moderniser et de gagner
leur vie, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé, compte tenu des contraintes qui ont été mises sur eux.
QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, je suis un vieux diplomate suédois.
La question que j'avais à vous poser est, par hasard , exactement la même que celle à laquelle vous venez de répondre Je peux
me rasseoir mais ne veux pas le faire sans vous féliciter de l'exposé de la politique française que nous venons d'entendre,
la nouvelle politique française de la France éternelle. La question que je voulais vous poser et qui occupe le public
suédois, nous avons déjà votre réponse. Merci
(applaudissements dans la salle)
François FILLON.- Merci.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 novembre 2007