Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est une réelle satisfaction pour moi de vous accueillir cet après-midi à l'Hôtel de Brienne. Comme chaque année depuis 1984, cette remise du prix " Science et Défense " est l'occasion de récompenser les contributions scientifiques les plus éminentes qui intéressent la défense nationale, mais aussi de nous rencontrer de manière informelle et amicale, et de renforcer les liens qui unissent le monde de la recherche et celui de la défense.
Je tiens en effet, en décernant ce prix, à souligner toute l'importance que j'attache à l'innovation scientifique et technique et à ses implications dans le secteur de la défense. Je ne suis d'ailleurs heureusement pas le seul : ce domaine suscite un intérêt marqué comme l'ont montré notamment les débats budgétaires qui ont eu lieu à l'automne au Parlement, et le rapport parlementaire de Madame Lignières - Cassou. Je suis donc heureux de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de faire le point sur notre politique en matière de recherche et sur les priorités que j'ai fixées pour la période à venir.
[l'importance de la recherche de défense]
La recherche joue en effet un rôle essentiel dans la préparation de l'avenir de notre outil de défense. Sa finalité est de permettre de réaliser demain les systèmes d'armes dans les meilleures conditions technologiques. Cet objectif n'a pas significativement évolué depuis plusieurs décennies, mais les conditions pour les satisfaire se sont, elles, largement modifiées depuis le début des années 90. Les menaces elles-mêmes ont changé, avec l'émergence de nouvelles puissances militaires et de formes d'action diversifiées.
Les conflits récents nous ont rappelé que la supériorité technologique demeure un facteur clef de la supériorité militaire, dans la mesure où elle procure un avantage décisif tant au niveau stratégique qu'au niveau des performances des armes elles-mêmes.
En outre, à la référence à notre adversaire s'est superposée la référence à nos partenaires, dans le cadre d'opérations en coalition. Pour tenir une place cohérente avec ses ambitions politiques dans des coalitions, une nation doit disposer de capacités compatibles avec les règles définies par la coalition ou, le cas échéant, par l'allié dominant. Nous devons donc développer une stratégie d'influence technologique.
Enfin, l'environnement technologique évolue très rapidement et il est marqué par l'essor des technologies civiles dans un nombre croissant de secteurs.
Dans le même temps, des opportunités nouvelles sont apparues, avec la consolidation industrielle au niveau européen, le renforcement de la dualité des activités des grands maîtres d'uvres industriels, qui est depuis trois ans au cur de ma politique industrielle, et le retour d'expérience en matière de coopération entre ministères civils et militaires en matière de recherche scientifique et technologique.
[la refondation de la politique de recherche de défense]
Le ministère a engagé en 1997 une refondation de sa politique de recherche pour lui permettre de mieux répondre aux défis qui lui sont posés dans ce domaine. Cette refondation s'appuie sur trois principes.
Le premier est d'inscrire la recherche de défense dans un processus global de préparation de l'avenir, axé sur la satisfaction des besoins militaires. Nous nous sommes dotés pour cela d'un outil approprié, le PP 30 (plan prospectif à trente ans), mis à jour annuellement, qui recense les matériels dont nous pourrions avoir besoin dans les trente ans à venir.
Le deuxième principe consiste à établir un modèle technologique, parallèlement au modèle d'armées correspondant. Ainsi, le " modèle technologique 2015 " recense le noyau dur des technologies dont la maîtrise, d'ici à 2015, sera nécessaire à la bonne réalisation des programmes lancés entre 2015 et 2030.
Le troisième principe est de conduire les programmes de recherche, qui permettent d'atteindre le modèle technologique, conformément au référentiel de politique industrielle que sont les politiques techniques et sectorielles. Ces politiques déclinent les stratégies retenues pour l'acquisition des équipements envisagés par le PP30. Leur définition s'appuie sur un dialogue étroit avec nos autres partenaires étatiques (ministère de la recherche ou de l'industrie, ministère de la défense) et avec nos partenaires industriels.
Cette refondation de la recherche de défense est aujourd'hui largement engagée. Nous évaluons chaque année l'efficacité de notre action et nous recherchons les voies d'amélioration, dans le cadre du Conseil supérieur des études amont, que je préside, mais aussi par le biais des travaux que je confie au Conseil scientifique de la défense et au Conseil économique de défense.
Le fait que les études sont davantage tournées vers la satisfaction des besoins militaires a entraîné des effets importants, que je tiens à souligner : la démarche est désormais fondamentalement " top - down ", ce qui a pu conduire certains industriels à regretter l'époque révolue où ils proposaient à la DGA leurs programmes d'études selon une approche " bottom - up ". Ainsi, pour l'année 2000, la programmation des études amont a mis l'accent sur quatre thèmes : la maîtrise de l'information, l'interopérabilité, la sauvegarde des forces, le soutien des forces en opération.
Chaque année, depuis 1997, sur la base de la directive d'orientation que je valide à mon niveau, le ministère de la défense investit près de 8 milliards de francs dans le domaine de la recherche et technologie.
Notre investissement vise à la fois à faire émerger des technologies nouvelles spécifiquement militaires, à adapter des technologies existantes (en particulier civiles) en vue d'une utilisation militaire, ainsi qu'à développer des technologies dites " orphelines " ne relevant pas spécifiquement de la défense mais présentant un intérêt militaire et ne bénéficiant pas de programmes de recherche civile, faute d'intérêt avéré dans ce secteur.
[les priorités pour la période à venir]
C'est donc une réelle dynamique qui est aujourd'hui lancée. Sur la base de ces résultats, nous avons d'ores et déjà engagé de nouvelles évolutions, que nous devons poursuivre. J'ai retenu trois priorités.
La première est le recours accru aux démonstrateurs technologiques, qui nous permettront de lancer, au moment opportun, les programmes répondant le mieux aux besoins des armées en tirant le meilleur parti des avancées technologiques.
Nous devons également nous attacher à renforcer la coopération civil - militaire. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour garantir l'excellence scientifique, technologique et industrielle de notre pays. Nous venons de franchir lundi dernier, 29 janvier, deux étapes très importante dans ce domaine. En même temps que le ministère de la défense et celui de la recherche signaient une convention visant à structurer notre coopération en matière de recherche, les chefs de gouvernement français et italien ont signé à Turin un accord cadre portant sur la réalisation et l'exploitation d'un système dual d'observation de la Terre par des satellites. La recherche d'une " dualité " mutuellement bénéfique, parfaitement illustrée par ces deux exemples, est au cur de mes préoccupations, en plein accord avec mon collège R.G. Schwartzenberg.
Notre troisième priorité sera le développement des synergies européennes en matière de recherche. Il s'agit de construire un espace européen de la recherche de défense, et de développer la dualité à ce niveau. La dynamique politique de l'Europe de la défense, qui a abouti ces derniers mois à des résultats spectaculaires, doit nous permettre d'avancer aussi dans le domaine des technologies, en adoptant une démarche analogue à celle adoptée à Nice en matière de capacités opérationnelles.
Il nous reste maintenant à mettre en uvre ces priorités. Je souhaite que la prochaine loi de programmation militaire permette de les concrétiser. Alors que la loi actuelle est d'abord une loi de développement, la prochaine devrait être une loi de fabrication. Il sera donc nécessaire d'augmenter sensiblement le financement de la recherche, pour maintenir notre base industrielle technologique sur la base d'un modèle de capacités technologiques ambitieux.
[le prix science et défense]
C'est cette ambition pour notre pays qui nous réunit, et qui fonde le dialogue entre les scientifiques et la défense. Le prix " Science et Défense " en est l'une des expressions. Il récompense chaque année depuis 1984 les contributions scientifiques les plus éminentes à la défense du pays. En le remettant cette année encore, je tiens à marquer toute l'importance que j'attache à la qualité de ce dialogue, à l'esprit d'échange dans le développement de la recherche, qui sont des éléments déterminants pour le succès de notre action.
Je laisse au professeur Pellat l'honneur de présenter en détail les travaux des candidats et des lauréats, monsieur Michel Bruel, pour ses contributions majeures concernant la technologie silicium sur isolant, et l'équipe de messieurs Pierre Brenner et Michel Pollet, pour leurs travaux dans le domaine de l'aérodynamique.
Je souhaite toutefois relever deux caractéristiques communes aux travaux primés cette année. D'une part, la qualité de leur valorisation technologique et industrielle : l'exploitation concrète, rapide et poussée des résultats des travaux de recherche a permis de réduire des coûts, d'améliorer durablement les performances de systèmes d'armes ou encore de développer des activités industrielles. D'autre part, le fait que les secteurs civils et militaires ont bénéficié mutuellement de ces travaux. Ces résultats illustrent pleinement les objectifs de notre recherche de défense.
Je passe maintenant la parole au professeur Pellat. Je vous remercie.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 2 février 2001)
C'est une réelle satisfaction pour moi de vous accueillir cet après-midi à l'Hôtel de Brienne. Comme chaque année depuis 1984, cette remise du prix " Science et Défense " est l'occasion de récompenser les contributions scientifiques les plus éminentes qui intéressent la défense nationale, mais aussi de nous rencontrer de manière informelle et amicale, et de renforcer les liens qui unissent le monde de la recherche et celui de la défense.
Je tiens en effet, en décernant ce prix, à souligner toute l'importance que j'attache à l'innovation scientifique et technique et à ses implications dans le secteur de la défense. Je ne suis d'ailleurs heureusement pas le seul : ce domaine suscite un intérêt marqué comme l'ont montré notamment les débats budgétaires qui ont eu lieu à l'automne au Parlement, et le rapport parlementaire de Madame Lignières - Cassou. Je suis donc heureux de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de faire le point sur notre politique en matière de recherche et sur les priorités que j'ai fixées pour la période à venir.
[l'importance de la recherche de défense]
La recherche joue en effet un rôle essentiel dans la préparation de l'avenir de notre outil de défense. Sa finalité est de permettre de réaliser demain les systèmes d'armes dans les meilleures conditions technologiques. Cet objectif n'a pas significativement évolué depuis plusieurs décennies, mais les conditions pour les satisfaire se sont, elles, largement modifiées depuis le début des années 90. Les menaces elles-mêmes ont changé, avec l'émergence de nouvelles puissances militaires et de formes d'action diversifiées.
Les conflits récents nous ont rappelé que la supériorité technologique demeure un facteur clef de la supériorité militaire, dans la mesure où elle procure un avantage décisif tant au niveau stratégique qu'au niveau des performances des armes elles-mêmes.
En outre, à la référence à notre adversaire s'est superposée la référence à nos partenaires, dans le cadre d'opérations en coalition. Pour tenir une place cohérente avec ses ambitions politiques dans des coalitions, une nation doit disposer de capacités compatibles avec les règles définies par la coalition ou, le cas échéant, par l'allié dominant. Nous devons donc développer une stratégie d'influence technologique.
Enfin, l'environnement technologique évolue très rapidement et il est marqué par l'essor des technologies civiles dans un nombre croissant de secteurs.
Dans le même temps, des opportunités nouvelles sont apparues, avec la consolidation industrielle au niveau européen, le renforcement de la dualité des activités des grands maîtres d'uvres industriels, qui est depuis trois ans au cur de ma politique industrielle, et le retour d'expérience en matière de coopération entre ministères civils et militaires en matière de recherche scientifique et technologique.
[la refondation de la politique de recherche de défense]
Le ministère a engagé en 1997 une refondation de sa politique de recherche pour lui permettre de mieux répondre aux défis qui lui sont posés dans ce domaine. Cette refondation s'appuie sur trois principes.
Le premier est d'inscrire la recherche de défense dans un processus global de préparation de l'avenir, axé sur la satisfaction des besoins militaires. Nous nous sommes dotés pour cela d'un outil approprié, le PP 30 (plan prospectif à trente ans), mis à jour annuellement, qui recense les matériels dont nous pourrions avoir besoin dans les trente ans à venir.
Le deuxième principe consiste à établir un modèle technologique, parallèlement au modèle d'armées correspondant. Ainsi, le " modèle technologique 2015 " recense le noyau dur des technologies dont la maîtrise, d'ici à 2015, sera nécessaire à la bonne réalisation des programmes lancés entre 2015 et 2030.
Le troisième principe est de conduire les programmes de recherche, qui permettent d'atteindre le modèle technologique, conformément au référentiel de politique industrielle que sont les politiques techniques et sectorielles. Ces politiques déclinent les stratégies retenues pour l'acquisition des équipements envisagés par le PP30. Leur définition s'appuie sur un dialogue étroit avec nos autres partenaires étatiques (ministère de la recherche ou de l'industrie, ministère de la défense) et avec nos partenaires industriels.
Cette refondation de la recherche de défense est aujourd'hui largement engagée. Nous évaluons chaque année l'efficacité de notre action et nous recherchons les voies d'amélioration, dans le cadre du Conseil supérieur des études amont, que je préside, mais aussi par le biais des travaux que je confie au Conseil scientifique de la défense et au Conseil économique de défense.
Le fait que les études sont davantage tournées vers la satisfaction des besoins militaires a entraîné des effets importants, que je tiens à souligner : la démarche est désormais fondamentalement " top - down ", ce qui a pu conduire certains industriels à regretter l'époque révolue où ils proposaient à la DGA leurs programmes d'études selon une approche " bottom - up ". Ainsi, pour l'année 2000, la programmation des études amont a mis l'accent sur quatre thèmes : la maîtrise de l'information, l'interopérabilité, la sauvegarde des forces, le soutien des forces en opération.
Chaque année, depuis 1997, sur la base de la directive d'orientation que je valide à mon niveau, le ministère de la défense investit près de 8 milliards de francs dans le domaine de la recherche et technologie.
Notre investissement vise à la fois à faire émerger des technologies nouvelles spécifiquement militaires, à adapter des technologies existantes (en particulier civiles) en vue d'une utilisation militaire, ainsi qu'à développer des technologies dites " orphelines " ne relevant pas spécifiquement de la défense mais présentant un intérêt militaire et ne bénéficiant pas de programmes de recherche civile, faute d'intérêt avéré dans ce secteur.
[les priorités pour la période à venir]
C'est donc une réelle dynamique qui est aujourd'hui lancée. Sur la base de ces résultats, nous avons d'ores et déjà engagé de nouvelles évolutions, que nous devons poursuivre. J'ai retenu trois priorités.
La première est le recours accru aux démonstrateurs technologiques, qui nous permettront de lancer, au moment opportun, les programmes répondant le mieux aux besoins des armées en tirant le meilleur parti des avancées technologiques.
Nous devons également nous attacher à renforcer la coopération civil - militaire. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour garantir l'excellence scientifique, technologique et industrielle de notre pays. Nous venons de franchir lundi dernier, 29 janvier, deux étapes très importante dans ce domaine. En même temps que le ministère de la défense et celui de la recherche signaient une convention visant à structurer notre coopération en matière de recherche, les chefs de gouvernement français et italien ont signé à Turin un accord cadre portant sur la réalisation et l'exploitation d'un système dual d'observation de la Terre par des satellites. La recherche d'une " dualité " mutuellement bénéfique, parfaitement illustrée par ces deux exemples, est au cur de mes préoccupations, en plein accord avec mon collège R.G. Schwartzenberg.
Notre troisième priorité sera le développement des synergies européennes en matière de recherche. Il s'agit de construire un espace européen de la recherche de défense, et de développer la dualité à ce niveau. La dynamique politique de l'Europe de la défense, qui a abouti ces derniers mois à des résultats spectaculaires, doit nous permettre d'avancer aussi dans le domaine des technologies, en adoptant une démarche analogue à celle adoptée à Nice en matière de capacités opérationnelles.
Il nous reste maintenant à mettre en uvre ces priorités. Je souhaite que la prochaine loi de programmation militaire permette de les concrétiser. Alors que la loi actuelle est d'abord une loi de développement, la prochaine devrait être une loi de fabrication. Il sera donc nécessaire d'augmenter sensiblement le financement de la recherche, pour maintenir notre base industrielle technologique sur la base d'un modèle de capacités technologiques ambitieux.
[le prix science et défense]
C'est cette ambition pour notre pays qui nous réunit, et qui fonde le dialogue entre les scientifiques et la défense. Le prix " Science et Défense " en est l'une des expressions. Il récompense chaque année depuis 1984 les contributions scientifiques les plus éminentes à la défense du pays. En le remettant cette année encore, je tiens à marquer toute l'importance que j'attache à la qualité de ce dialogue, à l'esprit d'échange dans le développement de la recherche, qui sont des éléments déterminants pour le succès de notre action.
Je laisse au professeur Pellat l'honneur de présenter en détail les travaux des candidats et des lauréats, monsieur Michel Bruel, pour ses contributions majeures concernant la technologie silicium sur isolant, et l'équipe de messieurs Pierre Brenner et Michel Pollet, pour leurs travaux dans le domaine de l'aérodynamique.
Je souhaite toutefois relever deux caractéristiques communes aux travaux primés cette année. D'une part, la qualité de leur valorisation technologique et industrielle : l'exploitation concrète, rapide et poussée des résultats des travaux de recherche a permis de réduire des coûts, d'améliorer durablement les performances de systèmes d'armes ou encore de développer des activités industrielles. D'autre part, le fait que les secteurs civils et militaires ont bénéficié mutuellement de ces travaux. Ces résultats illustrent pleinement les objectifs de notre recherche de défense.
Je passe maintenant la parole au professeur Pellat. Je vous remercie.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 2 février 2001)