Interview de M. François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, dans "Le Parisien" du 30 novembre 2007, sur les mesures annoncées par N. Sarkozy en faveur du pouvoir d'achat, le remplacement de l'UDF par le MoDem et la préparation des élections municipales.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien : Quel jugement portez-vous sur la prestation télévisée de Nicolas Sarkozy ?
F.Bayrou : C'était pas mal. Un peu répétitif parfois : on commence à avoir l'impression d'avoir cent fois entendu les mêmes phrases. Mais sur le fond, sur la question du pouvoir d'achat, je trouve ses deux ou trois décisions principales convenables. Que l'on puisse échanger des RTT contre du salaire ou que l'on négocie dans les branches, et qu'on y incite, c'est bien. Que l'on favorise les primes dans les petites entreprises en les défiscalisant, c'est juste. Qu'il ait, pour une fois, évité de faire le père Noël, c'est plutôt un progrès.

LP : A-t-il su répondre à tous ceux qui se plaignent d'un pouvoir d'achat entamé ?
Il y a beaucoup de foyers où les choses ne changeront pas . Parce que faire des heures supplémentaires ou recevoir des primes, cela ne dépend pas du salarié, cela dépend de la santé de l'entreprise et de son cahier des charges.

LP : Jusqu'ici, vous étiez l'UDF. Maintenant, vous allez devenir officiellement le Mouvement Démocrate (MoDem). Cela change quoi ?
FB : Ceux qui n'acceptent pas de changer meurent. Avec le temps, l'UDF était dévenu aux yeux des Français, une simple nuance de la droite. Le MoDem, c'est l'indépendance.

LP : Qu'allez-vous dire aujourd'hui aux dhérents "historiques" d'une UDF appelée à se fondre dans le Modem?
FB : Soyez heureux de changer, car c'est comme ça que vous demeurerez vivants, et que vous progresserez. Pour la première fois, ils seront regardés pour eux-mêmes, et pas tenus pour une sous-marque de leurs voisins. La gauche est en panne, et jamais la droite n'avait à ce point fabriqué d'inégalités.

LP : Ségolène Royal écrit qu'elle vous avait proposé d'être son Premier ministre...
FB: Un certain nombre d'intermédiaires avaient suggéré qu'il en soit ainsi. Je n'avais pas répondu. Pour être Premier ministre, il faut être en phase avec le projet du président. Le moins qu'on puisse dire est que son projet me troublait, l'idée qu'elle soit élue ne me paraissait pas réaliste. Quant à l'annoncer pendant le débat, c'eût été à l'opposé de ce que j'aime : un scénario ni sérieux, ni profond.

LP : Vos amis sont de plus en plus nombreux à déserter. N'êtes vous pas condamné à une "traversée du désert"?
FB : "Traversée du désert?" Avec 40 000 adhérents nouveaux ? Par rapport au monde au monde classique des notables, il y a un peu de solitude, oui. Tout cela est le lot de ceux qui acceptent le risque du changement.

LP : Où est Bayrou, soutenant Juppé à Bordeaux et le PS Rabsamen à Dijon ?
FB : Je pense ce que pensent tous les Français : il y a de bons maires à droite comme à gauche. Et ceux-là, je veux travailler avec eux. Cela dit, dans la plupart des villes, nous aurons nos listes. Je me présente, moi, à Pau où Sarkozy soutien le maire sortant fabiusien. Vous voyez : c'est parfois drôle !

LP : Votre allergie à Nicolas Sarkozy semble augmenter...
FB: Non. Mais mes appréhensions ont été renforcées par ces derniers mois. J'avais dit combien était inacceptable la compromission entre les grandes puissances financières et médiatiques. Pour autant, je n'aurais jamais imaginé la nuit du Fouquet's, le yacht de Bolloré, l'erreur du "paquet fiscal" ou encore que , la semaine dernière, on ait supprimé l'impôt sur les grosses opérations boursières qui existaient depuis cent ans au moment même où on décidait que 780 000 personnes âgées modestes paieraient désormais la redevance audiovisuelle.

LP : Aucune réforme ne trouve grâce à vos yeux ? Ni les régimes spéciaux ni la carte judiciaire...
FB : La réforme de la carte judiciaire va coûter entre 600 et 900 millions d'euros, et ne rapportera rien. C'est de la com, et cette pensée technocratique selon laquellechque fois que l'on regroupe, c'est mieux. Pour la réforme des régimes spéciaux, qui ne représentent que 5% du coût des retraites, c'est différent. Le vrai rendez-vous, ce sera au printemps lorsqu'on parlera du régime général et que sera posée la question de l'allongement des cotisations.

Propos recueillis par Martine Chevalet et Dominique de Montvalon

source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 7 décembre 2007