Interview de M. François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, dans "Nice-Matin" du 30 novembre 2007, sur la transformation de l'UDF en MoDem et sur le modèle politique qu'il représente.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Var Nice matin - Nice matin

Texte intégral

Nice-Matin : Confirmez-vous que Ségolène Royal vous a proposé le poste de Premier ministre ?
FB : J'ai entendu des bruits en ce sens venant de son entourage et de l'entourage de Sarkozy aussi. Mais, bien sûr, ce n'était pas ma perspective ».

Nice-Matin : L'UDF est morte, vive le Mouvement démocrate ?
FB : Le Mouvement démocrate n'est pas la survivance de l'UDF. Il en est plutôt la renaissance. C'est d'ailleurs un phénomène normal et nécessaire. Songez aux transformations, hier, de la SFIO en Parti socialiste, de l'UDR en RPR puis en UMP. Le changement, c'est la vie. Ceux qui plaident pour que rien ne change plaident pour la mort. »

Nice-Matin : Gardez-vous la doctrine de votre famille politique que trois adjectifs "libéral, social et européen" traditionnellement, résument ?
FB : S'il faut choisir un adjectif, « démocrate » sera le bon. Il dit le contenu de la bonne réponse à la grande question qui travaille la France et l'Europe : quel modèle politique permettra de continuer de s'assigner, pour l'homme et la société, des objectifs de croissance et de justice ? Ce modèle a, durant un siècle et demi, inspiré et conduit les politiques de nos sociétés occidentales. L'idée simple, au fond, était que le progrès matériel, le progrès intellectuel et moral et le progrès social pouvaient et devaient marcher de conserve. Il y avait, notamment, un large accord sur le lien qu'il convenait d'établir entre la création de richesses et la réduction des inégalités. Or, il y a maintenant plus de vingt ans, en Angleterre avec Margaret Thatcher et aux États-Unis avec Ronald Reagan, ces valeurs ont été inversées. L'inégalité devient, désormais, une conséquence jugée naturelle du développement matériel. L'enrichissement du petit nombre est perçu comme une performance souhaitable du système. La transmission sans régulation des patrimoines achève de creuser l'écart toujours croissant entre les plus pauvres et les plus riches. La France n'acceptera pas ce modèle-là que Nicolas Sarkozy lui propose. Nous avons en héritage un autre modèle. Le monde du « fric », des paillettes, des yachts prêtés, ne fait pas bon ménage avec nos sentiments républicains. »

Nice-Matin : Si le Parti socialiste était prêt à l'alliance au centre, en prendriez-vous l'initiative ?
FB : Il y aura forcément des recompositions, mais les forces politiques sont loin d'être stabilisées. Il ne vous a pas échappé que le Parti socialiste n'est pas au mieux de sa forme. Il est divisé sur sa ligne comme sur son leadership. L'expérience italienne de constitution d'une grande formation démocrate est intéressante. Mais ces interrogations sur notre avenir commun ne s'arrêtent pas aux frontières de la gauche et du centre. Pensez-vous, par exemple, qu'un gaulliste accepte que la France puisse demain entrer dans l'OTAN en sifflotant ? Il est inquiétant que cette question décisive sur l'indépendance de la France, par ailleurs garante de l'indépendance de l'Europe, soit traitée par Nicolas Sarkozy avec autant de désinvolture.»

Nice-Matin : Aux élections municipales, il va bien falloir qu'au deuxième tour vous fassiez des choix entre la gauche et la droite.
FB : D'abord, n'écartez pas d'emblée de bons résultats au premier tour.Ensuite, il est vrai que les élections municipales, élections de notables locaux installés, ne sont pas pour nous, qui présentons des candidats nouveaux, des élections faciles. Nous ferons valoir néanmoins notre conception d'une démocratie locale normale. La règle, à cette échelle, pour nous, est celle du plus large pluralisme. Nous pensons qu'il serait bon de confier, par exemple, une place dans les exécutifs locaux à un représentant de la minorité. »

source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 7 décembre 2007