Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la restructuration et l'adaptation de l'industrie d'armement, le dialogue social dans l'industrie d'armement et la coopération européenne en matière d'armement, Paris le 23 janvier 2001.

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Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher ami,
Messieurs les parlementaires,
Messieurs les officiers généraux,
Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,
C'est une satisfaction pour moi de vous accueillir pour ce rendez-vous de début d'année. J'apprécie le professionnalisme de nos échanges, tout au long de l'année, mais je crois que la dimension amicale et informelle de cette cérémonie est aussi très importante.
[Une démarche audacieuse]
Ce rendez-vous annuel est l'occasion de faire un point rapide sur le processus dans lequel nous nous sommes engagés ensemble depuis trois ans pour consolider et adapter notre outil industriel de défense. C'était un pari, nous sommes en train de le gagner, même s'il nous reste encore beaucoup à faire. Je crois que la manière avec laquelle les partenaires - Etat, industriels et représentants des salariés - relèvent le défi qui leur est posé, est un exemple pour les autres mutations que notre pays doit mener.
Pour avoir pris conscience, assez tôt, de l'ampleur des évolutions structurelles qui ne pouvaient manquer de toucher le monde économique lié à la défense, et qui menaçaient de remettre en cause des pans entiers de nos acquis industriels et sociaux, nous avons décidé tous ensemble de ne pas subir ces changements. Nous les avons anticipés, en adoptant la seule approche permettant d'assurer durablement la place éminente de la France dans ce domaine : celle d'une européanisation volontaire et cohérente de nos industries de défense.
[I. bilan de l'année 2000]
Je crois que nous pouvons dire aujourd'hui que les options prises étaient les bonnes. L'année 2000 a marqué une nouvelle avancée dans ce processus de constitution de grands groupes européens de dimension mondiale, capables de relever les nouveaux défis technologiques, et dont la compétitivité garantit la pérennité de notre base industrielle et des emplois qu'elle représente.
[EADS et Thalès, groupes européens de dimension mondiale]
L'année 2000 restera bien sûr comme celle de la mise en place effective d'EADS, créée en un temps record. Français, Allemands et Espagnols ont déjà su surmonter une partie des difficultés inévitablement liées à ce type de fusions. Sans vouloir minimiser ces obstacles, je crois que la direction d'EADS a su créer, tant au niveau central qu'au sein des filiales opérationnelles, la nécessaire logique d'intégration qui sous-tend ce projet industriel ambitieux.
Mais cette année est aussi celle de la création de Thalès, qui traduit les évolutions majeures qui ont fait du groupe Thomson-CSF le pôle européen de référence en matière d'électronique professionnelle et de défense, notamment grâce à l'intégration de la société britannique Racal. Fortement dual, solidement implanté dans plusieurs pays d'Europe et au-delà, Thalès a maintenant aussi les moyens de jouer un rôle majeur au niveau mondial.
[l'amorce de partenariats transatlantiques équilibrés]
Ces deux groupes européens ont désormais les moyens de développer des partenariats avec les entreprises américaines. Vous savez que je suis favorable au développement d'une coopération équilibrée entre industries américaines et européennes pour permettre à notre industrie d'accéder progressivement au marché américain et pour partager les coûts de nouveaux développements technologiques. Je me réjouis de l'annonce en fin d'année 2000 de la constitution d'une société commune entre Thalès et Raytheon dans le domaine de la défense aérienne.
[consolidation dans d'autres secteurs]
Dans le domaine des moteurs et des équipements aéronautiques, le rapprochement avec Labinal, puis la reprise de la société Hurel-Dubois donnent à SNECMA de nouveaux atouts pour opérer des rapprochements plus larges dans un cadre qui sera désormais européen.
Je me félicite du projet des groupes SNECMA et SNPE, visant à mettre en commun leurs activités dans le domaine de la propulsion solide et des matériaux énergétiques, et qui ouvre la perspective de rapprochements entre les industriels européens du secteur.
La constitution en novembre dernier d'une société commune entre GIAT Industries et Renault Véhicules Industriels est un signe positif dans le domaine de l'armement terrestre, comme l'a été dans le domaine naval l'annonce du rapprochement entre DCN et Thalès.
[la pérennité de l'emploi industriel]
Le dernier résultat que je voudrais évoquer n'est pas le moindre : c'est la stabilité de l'emploi dans les industries de défense. Je n'oublie pas, bien entendu, les difficultés qui subsistent pour certaines entreprises et pour certains bassins d'emplois. L'Etat continuera de jouer son rôle à travers des dispositifs d'accompagnement ambitieux, qui bénéficient de la croissance générale de notre économie.
[ II. Les raisons du succès]
Ce bilan globalement positif n'est pas le fruit du hasard. Il est le résultat du travail de tous, mais surtout de la convergence de nos efforts respectifs.
[la dynamique de l'Europe de la défense]
Il y a d'abord la convergence entre les dynamiques politiques et industrielles à l'uvre en Europe dans le domaine de la défense. Cette année a été marquée par une avancée significative dans la construction de l'Europe de la défense, notamment pendant la présidence française de l'Union européenne. Notre continent est en train de se donner les moyens de mener une politique commune en matière de sécurité et de défense. Les Quinze seront capables, d'ici 2003, de déployer en moins de 60 jours, et de soutenir pendant au moins un an, une force de réaction rapide de l'importance d'un corps d'armée, soit 50 à 60 000 hommes.
Cette dynamique des Européens a en effet eu un effet mobilisateur en matière d'industrie de défense et d'armement. Le 27 juillet dernier, j'ai signé avec mes collègues allemand, espagnol, italien, britannique et suédois l'accord-cadre qui met en uvre la lettre d'intention de 1998. L'année 2000 aura vu également l'aboutissement de plusieurs grands programmes en coopération, j'y reviendrai dans quelques instants.
[importance du dialogue social]
Une autre raison importante des succès que nous avons obtenus en matière industrielle, c'est le rôle central qu'ont occupé la concertation et le dialogue social dans ces mutations. Je crois qu'il y a là matière à une réflexion très large pour notre société, qui doit plus que jamais savoir marier dynamisme économique et dialogue social.
Je salue les partenaires d'un secteur dans lequel les acteurs économiques et sociaux font preuve d'un esprit de responsabilité et de conciliation réellement remarquable. A titre d'exemple, EADS est l'une des premières sociétés à être passée aux 35 heures, c'est aussi une société dans laquelle s'invente le dialogue social à l'européenne dont nous allons avoir tellement besoin dans les années à venir. Des solutions originales émergent pour représenter les salariés dans un contexte tri-national. Un comité de groupe européen, des comités de branche, des comités nationaux vont se mettre en place avec un large consensus syndical.
L'Etat a su être le garant de ce dialogue social dont je viens de souligner l'importance. Sans interférer avec le dialogue entre la direction et les représentants des salariés, le Ministère a joué un rôle de conciliation ou de recherche d'ajustement dans un certain nombre de négociations sociales portant sur l'adaptation et les changements stratégiques de vos entreprises. J'ai l'intention de continuer à le faire, pour que les restructurations qui restent à mener portent la marque d'un souci particulier pour la préservation de l'emploi et de nos capacités industrielles françaises.
[les commandes en 2000]
Permettez-moi de terminer ce bilan de l'année 2000 en indiquant que le Ministère a engagé cette année de l'ordre de 105 milliards de francs dans de nombreux programmes d'armement structurants.
Au titre des programmes nationaux, je citerai le lancement de la réalisation du quatrième SNLE, la commande des VBCI et de chars Leclerc à GIAT, la poursuite du programme M51 et le lancement de l'ASMPA, le lancement de la réalisation de Syracuse III, et enfin le lancement de la réalisation de deux NTCD.
L'année 2000 aura été particulièrement fructueuse pour l'avancement de programmes majeurs en coopération, et notamment l'A 400M. Il y a aussi la commande de quatre frégates franco-italiennes Horizon, la commande de deux systèmes PAAMS, celle des hélicoptères NH 90, le succès du programme de missiles air-air de nouvelle génération METEOR.
[conclusion]
C'est dans un esprit de solidarité et de cohésion, avec un sens de la responsabilité que nous poursuivrons ensemble en 2001 cette politique de transformation et de modernisation. La volonté de dialogue et de progrès doit nous guider tout au long de cette année. Je sais pouvoir compter sur des femmes et des hommes très attachés à ces valeurs.
L'esprit de défense qui nous anime toutes et tous est le meilleur facteur d'intégration de la sphère économique et sociale dans le monde de la défense et de la bonne prise en compte des enjeux de la défense dans le monde industriel. Il est notre principal atout, car il nous permet un dialogue ouvert au service d'un même intérêt.
Je vous souhaite à toutes et à tous, ainsi qu'à vos proches, une bonne année 2001.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 13 février 2001)