Texte intégral
C. Barbier.- La grève s'achève. Criez-vous victoire ?
R.- Ce n'est pas le mot. D'abord, cela voudrait dire qu'il y a eu un rapport de force etc. Et moi j'ai récusé depuis le début ces termes un peu guerriers, de rapport de force, d'épreuve de force. Parce que je pense que ce n'était pas l'esprit dans lequel on était. On est, je crois, surtout content d'une chose, c'est qu'on fait aussi la démonstration qu'il faut être capable d'être très déterminé sur les réformes qu'on doit faire, parce que c'est notre devoir, et en même temps être ouvert au dialogue. Et je crois que cette méthode là est tout de même la meilleure qu'il soit.
Q.- Est-ce qu'on n'est pas simplement en sursis avec menace sur les grèves pour Noël avec le régime général des retraites qu'il faudra réformer dans la foulée ? Le feu coule sous la cendre ?
R.- Si la question est : y a-t-il trop une culture de grève en France ? La réponse est oui. Je suis le premier à regretter qu'à chaque fois qu'on veut faire bouger les choses dans le bon sens, le premier réflexe de ceux qui sont concernés, c'est de dire "attention, on va faire grève". Parce que je trouve que se sont des méthodes qui sont un peu dépassées. On l'a vu d'une certaine manière à travers ce mouvement. Je préfère de loin tout ce qui relève du dialogue, de la concertation, méthode que le Gouvernement a proposé et qui me paraît la bonne ; et qui avait été utilisé de la même manière en 2003. Cela avait été un conflit plus difficile plus long, mais c'est tout de même la meilleure manière de réformer le pays, que celle qui consiste à mettre à la fois de la détermination et du dialogue.
Q.- C'est une manière qui coûte très chère, parce que l'on va acheter aux enchères la renonciation des syndicats au régime spécial des retraites ; et c'est l'usager et le contribuable qui va payer ?
R.- Je ne suis pas d'accord avec vous. D'abord, parce que personne n'a totalement raison ou totalement tort. Et le dialogue cela permet aussi de montrer que sur certains sujets on peut bouger, et je crois que cela c'est important. Et deuxièmement, excusez-moi, ce qui coûte cher en réalité, c'est soit de ne pas réformer du tout, cela, cela coûte très cher. Et puis il y a une chose qui coûte chère, c'est les grèves. Parce que les grèves cela veut dire une économie paralysée pendant des jours et des jours. Je suis maire de Meaux, je peux vous dire que 9 jours de grève, quand on habite la grande banlieue pour mes administrés, surtout que beaucoup travaillent à Paris, c'est un cauchemar total.
Q.- Ancien ministre du Budget vous chiffrez à combien le coût de la grève ? 11 milliards 4 milliards ?
R.- Je vous avoue que je n'ai pas les moyens de faire ce chiffrage. Mais il sera publié par les entreprises elles mêmes ; et bien sûr par le ministère des Finances, le moment venu. De toute façon, cela coûte de l'argent. Parce qu'en réalité derrière tout cela, c'est de la démotivation, c'est des heures de fatigue pour des millions de concitoyens. Enfin, tout cela est extrêmement douloureux à vivre, sans compter que ce n'est pas la meilleure manière d'avoir une nation rassemblée.
Q.- On nous avait promis la rupture. La rupture c'était peut-être dès le mois de mai, juin, dans la foulée des élections, de faire par décret la suppression des régimes spéciaux ?
R.- On est au mois de novembre !
Q.- Six mois : 10 % du mandat.
R.- Je n'avais pas fait le calcul. Mais enfin ces 10 % n'ont pas été consacrés qu'à la réforme des régimes spéciaux. Je vous rappelle que dans le même temps ; il y a une réforme des universités qui est très importante ; il y a la loi sur les mineurs multirécidivistes ; sans oublier ce que nous avons fait dans le domaine d'allégement fiscal sur les heures supplémentaires.
Q.- Qui ne marche pas pour l'instant ! On ne voit pas l'argent arriver !
R.- Je ne suis pas d'accord avec vous. D'abord, ce sont des millions d'heures supplémentaires, supplémentaires, qui sont ainsi permises. Et puis, je rappelle d'autre part que c'est une amélioration du pouvoir d'achat à la clé, puisque c'est défiscalisé. C'est en place depuis le 1er octobre. J'adore ces gens qui disent en quelques jours : "Tiens ! Voyez, ça ne marche pas". Cela commence ! Et d'après les indications que nous avons, c'est plutôt bon.
Q.- On va reparler du pouvoir d'achat. Mais toute cette période de conflit n'a-t-elle pas creusé de la défiance, de la méfiance entre l'électorat de droite et la majorité, entre la majorité et le Gouvernement ?
R.- Je ne crois pas. Maintenant, attendons les années qui viennent. Mais je ne crois pas qu'aujourd'hui ce soit cela qui sorte des réunions que nous avons. Je tourne beaucoup, que ce soit dans ma ville ou dans mon département ou que ce soit partout en France, je n'ai pas ce sentiment. Dans les réunions, les gens sont plutôt à dire : "tenez bon, continuez". Et ce qui vient de se passer sur la réforme des régimes spéciaux, va plutôt conforter ceux qui considèrent que ce que nous faisons, c'est parce que c'est notre devoir pour le pays.
Q.- Le PS a été très calme dans ce conflit. Vous dites merci ?
R.- Je vais vous donner mon sentiment. J'ai plutôt apprécié que le PS qui, de manière générale est toujours extrêmement critique sur tout, jamais proposant sur rien, n'ait dans cette affaire pas mis d'huile sur le feu. Je trouve que cela c'est plutôt bien. Si cela pouvait permettre d'esquisser au PS une réflexion sur ce que pourrait être une gauche moderne, je crois que ce ne serait pas inutile. Non pas que je ne me réjouisse pas, je ne suis pas du genre à vous faire de la langue de bois sur le fait que l'opposition est faible. Je ne vais pas vous mentir, je suis dans la majorité. Mais parce que ce qui m'inquiète, ce sont ces discours de collusion qui ont trop souvent existé entre la gauche et l'extrême gauche. Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre ce luxe dans un pays moderne. L'extrême gauche a un poids beaucoup trop important dans le débat public au regard de ce qu'elle représente. Et par ailleurs, je suis choqué de certains propos qu'elle peut tenir - je parle de l'extrême gauche. Je crois que tous ceux qui de près ou de loin viendraient à s'allier à eux, à mon avis, s'affaibliraient et affaibliraient le pays.
Q.- Par exemple, O. Besancenot dénonce les parlementaires qui n'ont pas vraiment réformé leur régime spécial, qui ont gardé la double cotisation qui vous permet de prendre une retraite complète après 22 ans et demi de mandat. Vous restez les privilégiés ?
R.- Non. Tout cela est inexact. Il le sait d'ailleurs très bien. La réforme a eu lieu en 2003, elle vient d'être encore complétée sur décision de la présidence de l'Assemblée nationale et des questeurs. Puisque vous en êtes à faire des reproches, moi je reproche à O. Besancenot de ne pas s'être démarqué beaucoup plus fort qu'il ne l'a à peine fait des sabotages, dont certains se sont rendus responsables sur les voies de chemins de fer pendant cette grève.
Q.- Les grognes continuent dans les facs, maintenant cela s'étant aux lycées. Il y a la carte judiciaire, il y a les buralistes. Les élus de terrain, les députés UMP vous font remonter ces grognes. Comment les tenez-vous ?
R.- Oui. Ils les font remonter, mais le but aussi, pour nous les députés, c'est de faire remonter ce que nous entendons sur le terrain. Ce que j'apprécie beaucoup avec le Premier ministre, c'est que lorsque nous travaillons ensemble, on le voit bien à chaque fois, nous essayons d'apporter des réponses sur ces différents sujets. C'est tout l'intérêt d'une majorité qui veut, elle aussi, d'une certaine manière porter la rupture. Qu'est-ce qui est en train de changer ? Moi, en tant que président de groupe, quel est mon rôle ? C'est de faire en sorte que le débat ait lieu au sein de notre groupe. Moi je ne crois plus du tout à cette image des députés d'il y a 40 ans ou 50 ans qui étaient juste là pour voter sur le vote électronique.
Q.- Pas de godillots ?
R.- Oui, et puis même au-delà de cela, je ne suis pas choqué que le débat existe. Prenez l'exemple de l'ADN qui a beaucoup défrayé la chronique ces dernières semaines. Je n'étais pas fana total de l'amendement, mais en même temps il me paraissait absolument indispensable que le débat ait lieu. Et j'ai tout fait pour qu'il ait lieu, parce que je considère que le débat entre l'efficacité publique - lutter contre les filières de faux papiers, de faux passeports - et de l'autre l'éthique, est un débat très noble. C'est le type de débats qu'on doit avoir. On en a un qui va être maintenant sur la question de l'ouverture des commerces le dimanche. On a créé un groupe de travail. Toues les semaines, des députés à ma demande sont en mission sur un certain nombre de sujets.
Q.- Les bureaux de tabac : vous êtes pour un assouplissement, il faut y aller en douceur, il faut différer ?
R.- Sur l'affaire des buralistes, c'est un peu différent. Nous sommes en discussion avec les buralistes depuis 2003. Donc, quand j'étais ministre du Budget, j'ai conclu avec les buralistes un contrat d'avenir qui permet progressivement pour les buralistes - dont c'est évidemment un choc économique important, l'interdiction de fumer - de diversifier leur activité. Ce travail a beaucoup, beaucoup avancé. J'ai eu l'occasion de voir souvent Monsieur le Pape sur ces sujets. C'est quelqu'un de très responsable. En même temps, c'est normal qu'ils expriment les inquiétudes.
Q.- Vous demandez au Gouvernement un peu de souplesse ?
R.- La souplesse il y en a beaucoup, il y en a eu beaucoup ces derniers mois. Je crois qu'on ne doit pas perdre de vue que l'impératif de santé publique c'est quelque chose d'absolument majeur. Je veux rappeler que dans le contrat d'avenir, il y a de très nombreuses pistes pour les buralistes pour diversifier leur activité. Il faut continuer de les ouvrir.
Q.- Vous n'allez pas payer le prix de toutes ces grognes aux municipales, vous l'UMP ?
R.- Je ne le crois pas, parce qu'en réalité, ce que nous aurions payé, ce que nous payerions sans doute, c'est de ne pas faire ces réformes. Les Français nous ont élus pour que les choses se fassent. Ils voient que les choses se font. Alors, vous me dites : six mois, c'est 10 % du mandat, je trouve qu'en six mois, il y a beaucoup de choses qui ont été faites et N. Sarkozy dans ce domaine, c'est le moins que l'on puisse dire, s'est mis dans une logique qui est celle d'assumer les décisions qu'il prend et d'aller au résultat. En six mois, c'est une marque forte qui a été donnée.
Q.- Les choses se font, sauf qu'il n'y a pas le résultat sur le pouvoir d'achat. Alors, on attend les mesures pour la semaine prochaine. Le comité Méhaignerie vient de rendre des propositions. Vous avez mission d'être des députés, la majorité tourne en rond, il n'y a pas de solution.
R.- Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. C'est vrai que tout le monde s'y colle, parce que cette question du pouvoir d'achat est majeure, et que moi je souhaite que les députés, nous puissions faire des propositions très concrètes. Mais il ne faut pas tourner autour du pot. Le pouvoir d'achat c'est quoi ? D'abord, il faut lutter contre les petites arnaques du quotidien qui font que les indices des prix, les indices du pouvoir d'achat ne sont plus tout à fait bons. Parce que les arnaques du quotidien, même si vous avez votre salaire, de l'autre, vous avez des prix de téléphone mobile, des factures que vous ne comprenez pas bien, sur les frais bancaires, les téléphones mobiles, les ordinateurs. Cela a complètement bouleversé le pouvoir d'achat. C'est le premier élément : il faut lutter contre les petites arnaques du quotidien, la loi Chatel d'ailleurs a repris beaucoup de nos propositions. Il y a le deuxième point sur lequel il faut mettre les pieds dans le plat, c'est la question du travail.
Q.- Donc, il faut abroger les 35 heures, travailler plus, relancer la compétitivité ?
R.- Il faudra mettre les pieds dans le plat sur la question des heures supplémentaires, et donc, on le voit bien, autour de cela, sur ce que doit être la durée du travail. Et moi je souhaite, nous avons de ce point de vue missionné un certain nombre d'amis députés sur ce sujet, il y a des gens comme G. Carrez, F. Lefebvre, J. Chartier qui sont à la commission des Finances, vont travailler sur ce sujet très étroitement, à ma demande, parce que je pense que nous devons apporter nous aussi, sur ces questions d'organisation du travail en France, des réponses, en les comparant à ce qui se passe dans les autres pays d'Europe. Il ne s'agit pas de travailler comme les Chinois. Par contre, il s'agit de regarder comment en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, les autres font pour le pouvoir d'achat et l'organisation du travail.
Q.- En un mot : R. Yade, justement, ne va pas en Chine avec N. Sarkozy. On met les Droits de l'Homme en dessous des contrats économiques à signer ?
R.- Cela, je n'en sais rien. Je n'ai pas d'information là-dessus. Le président de la République va en Chine...
Q.- Il parlera des Droits de l'Homme ?
R.- Je ne sais pas, mais j'imagine que c'est à l'agenda. Je n'imagine pas les choses autrement, ça a toujours été comme cela chaque fois que le chef de l'Etat français s'est rendu en Chine. Il se trouve que là, ça a une dimension particulière : c'est le premier voyage du Président et c'est une visite d'Etat à dimension majeure.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 novembre 2007
R.- Ce n'est pas le mot. D'abord, cela voudrait dire qu'il y a eu un rapport de force etc. Et moi j'ai récusé depuis le début ces termes un peu guerriers, de rapport de force, d'épreuve de force. Parce que je pense que ce n'était pas l'esprit dans lequel on était. On est, je crois, surtout content d'une chose, c'est qu'on fait aussi la démonstration qu'il faut être capable d'être très déterminé sur les réformes qu'on doit faire, parce que c'est notre devoir, et en même temps être ouvert au dialogue. Et je crois que cette méthode là est tout de même la meilleure qu'il soit.
Q.- Est-ce qu'on n'est pas simplement en sursis avec menace sur les grèves pour Noël avec le régime général des retraites qu'il faudra réformer dans la foulée ? Le feu coule sous la cendre ?
R.- Si la question est : y a-t-il trop une culture de grève en France ? La réponse est oui. Je suis le premier à regretter qu'à chaque fois qu'on veut faire bouger les choses dans le bon sens, le premier réflexe de ceux qui sont concernés, c'est de dire "attention, on va faire grève". Parce que je trouve que se sont des méthodes qui sont un peu dépassées. On l'a vu d'une certaine manière à travers ce mouvement. Je préfère de loin tout ce qui relève du dialogue, de la concertation, méthode que le Gouvernement a proposé et qui me paraît la bonne ; et qui avait été utilisé de la même manière en 2003. Cela avait été un conflit plus difficile plus long, mais c'est tout de même la meilleure manière de réformer le pays, que celle qui consiste à mettre à la fois de la détermination et du dialogue.
Q.- C'est une manière qui coûte très chère, parce que l'on va acheter aux enchères la renonciation des syndicats au régime spécial des retraites ; et c'est l'usager et le contribuable qui va payer ?
R.- Je ne suis pas d'accord avec vous. D'abord, parce que personne n'a totalement raison ou totalement tort. Et le dialogue cela permet aussi de montrer que sur certains sujets on peut bouger, et je crois que cela c'est important. Et deuxièmement, excusez-moi, ce qui coûte cher en réalité, c'est soit de ne pas réformer du tout, cela, cela coûte très cher. Et puis il y a une chose qui coûte chère, c'est les grèves. Parce que les grèves cela veut dire une économie paralysée pendant des jours et des jours. Je suis maire de Meaux, je peux vous dire que 9 jours de grève, quand on habite la grande banlieue pour mes administrés, surtout que beaucoup travaillent à Paris, c'est un cauchemar total.
Q.- Ancien ministre du Budget vous chiffrez à combien le coût de la grève ? 11 milliards 4 milliards ?
R.- Je vous avoue que je n'ai pas les moyens de faire ce chiffrage. Mais il sera publié par les entreprises elles mêmes ; et bien sûr par le ministère des Finances, le moment venu. De toute façon, cela coûte de l'argent. Parce qu'en réalité derrière tout cela, c'est de la démotivation, c'est des heures de fatigue pour des millions de concitoyens. Enfin, tout cela est extrêmement douloureux à vivre, sans compter que ce n'est pas la meilleure manière d'avoir une nation rassemblée.
Q.- On nous avait promis la rupture. La rupture c'était peut-être dès le mois de mai, juin, dans la foulée des élections, de faire par décret la suppression des régimes spéciaux ?
R.- On est au mois de novembre !
Q.- Six mois : 10 % du mandat.
R.- Je n'avais pas fait le calcul. Mais enfin ces 10 % n'ont pas été consacrés qu'à la réforme des régimes spéciaux. Je vous rappelle que dans le même temps ; il y a une réforme des universités qui est très importante ; il y a la loi sur les mineurs multirécidivistes ; sans oublier ce que nous avons fait dans le domaine d'allégement fiscal sur les heures supplémentaires.
Q.- Qui ne marche pas pour l'instant ! On ne voit pas l'argent arriver !
R.- Je ne suis pas d'accord avec vous. D'abord, ce sont des millions d'heures supplémentaires, supplémentaires, qui sont ainsi permises. Et puis, je rappelle d'autre part que c'est une amélioration du pouvoir d'achat à la clé, puisque c'est défiscalisé. C'est en place depuis le 1er octobre. J'adore ces gens qui disent en quelques jours : "Tiens ! Voyez, ça ne marche pas". Cela commence ! Et d'après les indications que nous avons, c'est plutôt bon.
Q.- On va reparler du pouvoir d'achat. Mais toute cette période de conflit n'a-t-elle pas creusé de la défiance, de la méfiance entre l'électorat de droite et la majorité, entre la majorité et le Gouvernement ?
R.- Je ne crois pas. Maintenant, attendons les années qui viennent. Mais je ne crois pas qu'aujourd'hui ce soit cela qui sorte des réunions que nous avons. Je tourne beaucoup, que ce soit dans ma ville ou dans mon département ou que ce soit partout en France, je n'ai pas ce sentiment. Dans les réunions, les gens sont plutôt à dire : "tenez bon, continuez". Et ce qui vient de se passer sur la réforme des régimes spéciaux, va plutôt conforter ceux qui considèrent que ce que nous faisons, c'est parce que c'est notre devoir pour le pays.
Q.- Le PS a été très calme dans ce conflit. Vous dites merci ?
R.- Je vais vous donner mon sentiment. J'ai plutôt apprécié que le PS qui, de manière générale est toujours extrêmement critique sur tout, jamais proposant sur rien, n'ait dans cette affaire pas mis d'huile sur le feu. Je trouve que cela c'est plutôt bien. Si cela pouvait permettre d'esquisser au PS une réflexion sur ce que pourrait être une gauche moderne, je crois que ce ne serait pas inutile. Non pas que je ne me réjouisse pas, je ne suis pas du genre à vous faire de la langue de bois sur le fait que l'opposition est faible. Je ne vais pas vous mentir, je suis dans la majorité. Mais parce que ce qui m'inquiète, ce sont ces discours de collusion qui ont trop souvent existé entre la gauche et l'extrême gauche. Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre ce luxe dans un pays moderne. L'extrême gauche a un poids beaucoup trop important dans le débat public au regard de ce qu'elle représente. Et par ailleurs, je suis choqué de certains propos qu'elle peut tenir - je parle de l'extrême gauche. Je crois que tous ceux qui de près ou de loin viendraient à s'allier à eux, à mon avis, s'affaibliraient et affaibliraient le pays.
Q.- Par exemple, O. Besancenot dénonce les parlementaires qui n'ont pas vraiment réformé leur régime spécial, qui ont gardé la double cotisation qui vous permet de prendre une retraite complète après 22 ans et demi de mandat. Vous restez les privilégiés ?
R.- Non. Tout cela est inexact. Il le sait d'ailleurs très bien. La réforme a eu lieu en 2003, elle vient d'être encore complétée sur décision de la présidence de l'Assemblée nationale et des questeurs. Puisque vous en êtes à faire des reproches, moi je reproche à O. Besancenot de ne pas s'être démarqué beaucoup plus fort qu'il ne l'a à peine fait des sabotages, dont certains se sont rendus responsables sur les voies de chemins de fer pendant cette grève.
Q.- Les grognes continuent dans les facs, maintenant cela s'étant aux lycées. Il y a la carte judiciaire, il y a les buralistes. Les élus de terrain, les députés UMP vous font remonter ces grognes. Comment les tenez-vous ?
R.- Oui. Ils les font remonter, mais le but aussi, pour nous les députés, c'est de faire remonter ce que nous entendons sur le terrain. Ce que j'apprécie beaucoup avec le Premier ministre, c'est que lorsque nous travaillons ensemble, on le voit bien à chaque fois, nous essayons d'apporter des réponses sur ces différents sujets. C'est tout l'intérêt d'une majorité qui veut, elle aussi, d'une certaine manière porter la rupture. Qu'est-ce qui est en train de changer ? Moi, en tant que président de groupe, quel est mon rôle ? C'est de faire en sorte que le débat ait lieu au sein de notre groupe. Moi je ne crois plus du tout à cette image des députés d'il y a 40 ans ou 50 ans qui étaient juste là pour voter sur le vote électronique.
Q.- Pas de godillots ?
R.- Oui, et puis même au-delà de cela, je ne suis pas choqué que le débat existe. Prenez l'exemple de l'ADN qui a beaucoup défrayé la chronique ces dernières semaines. Je n'étais pas fana total de l'amendement, mais en même temps il me paraissait absolument indispensable que le débat ait lieu. Et j'ai tout fait pour qu'il ait lieu, parce que je considère que le débat entre l'efficacité publique - lutter contre les filières de faux papiers, de faux passeports - et de l'autre l'éthique, est un débat très noble. C'est le type de débats qu'on doit avoir. On en a un qui va être maintenant sur la question de l'ouverture des commerces le dimanche. On a créé un groupe de travail. Toues les semaines, des députés à ma demande sont en mission sur un certain nombre de sujets.
Q.- Les bureaux de tabac : vous êtes pour un assouplissement, il faut y aller en douceur, il faut différer ?
R.- Sur l'affaire des buralistes, c'est un peu différent. Nous sommes en discussion avec les buralistes depuis 2003. Donc, quand j'étais ministre du Budget, j'ai conclu avec les buralistes un contrat d'avenir qui permet progressivement pour les buralistes - dont c'est évidemment un choc économique important, l'interdiction de fumer - de diversifier leur activité. Ce travail a beaucoup, beaucoup avancé. J'ai eu l'occasion de voir souvent Monsieur le Pape sur ces sujets. C'est quelqu'un de très responsable. En même temps, c'est normal qu'ils expriment les inquiétudes.
Q.- Vous demandez au Gouvernement un peu de souplesse ?
R.- La souplesse il y en a beaucoup, il y en a eu beaucoup ces derniers mois. Je crois qu'on ne doit pas perdre de vue que l'impératif de santé publique c'est quelque chose d'absolument majeur. Je veux rappeler que dans le contrat d'avenir, il y a de très nombreuses pistes pour les buralistes pour diversifier leur activité. Il faut continuer de les ouvrir.
Q.- Vous n'allez pas payer le prix de toutes ces grognes aux municipales, vous l'UMP ?
R.- Je ne le crois pas, parce qu'en réalité, ce que nous aurions payé, ce que nous payerions sans doute, c'est de ne pas faire ces réformes. Les Français nous ont élus pour que les choses se fassent. Ils voient que les choses se font. Alors, vous me dites : six mois, c'est 10 % du mandat, je trouve qu'en six mois, il y a beaucoup de choses qui ont été faites et N. Sarkozy dans ce domaine, c'est le moins que l'on puisse dire, s'est mis dans une logique qui est celle d'assumer les décisions qu'il prend et d'aller au résultat. En six mois, c'est une marque forte qui a été donnée.
Q.- Les choses se font, sauf qu'il n'y a pas le résultat sur le pouvoir d'achat. Alors, on attend les mesures pour la semaine prochaine. Le comité Méhaignerie vient de rendre des propositions. Vous avez mission d'être des députés, la majorité tourne en rond, il n'y a pas de solution.
R.- Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. C'est vrai que tout le monde s'y colle, parce que cette question du pouvoir d'achat est majeure, et que moi je souhaite que les députés, nous puissions faire des propositions très concrètes. Mais il ne faut pas tourner autour du pot. Le pouvoir d'achat c'est quoi ? D'abord, il faut lutter contre les petites arnaques du quotidien qui font que les indices des prix, les indices du pouvoir d'achat ne sont plus tout à fait bons. Parce que les arnaques du quotidien, même si vous avez votre salaire, de l'autre, vous avez des prix de téléphone mobile, des factures que vous ne comprenez pas bien, sur les frais bancaires, les téléphones mobiles, les ordinateurs. Cela a complètement bouleversé le pouvoir d'achat. C'est le premier élément : il faut lutter contre les petites arnaques du quotidien, la loi Chatel d'ailleurs a repris beaucoup de nos propositions. Il y a le deuxième point sur lequel il faut mettre les pieds dans le plat, c'est la question du travail.
Q.- Donc, il faut abroger les 35 heures, travailler plus, relancer la compétitivité ?
R.- Il faudra mettre les pieds dans le plat sur la question des heures supplémentaires, et donc, on le voit bien, autour de cela, sur ce que doit être la durée du travail. Et moi je souhaite, nous avons de ce point de vue missionné un certain nombre d'amis députés sur ce sujet, il y a des gens comme G. Carrez, F. Lefebvre, J. Chartier qui sont à la commission des Finances, vont travailler sur ce sujet très étroitement, à ma demande, parce que je pense que nous devons apporter nous aussi, sur ces questions d'organisation du travail en France, des réponses, en les comparant à ce qui se passe dans les autres pays d'Europe. Il ne s'agit pas de travailler comme les Chinois. Par contre, il s'agit de regarder comment en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, les autres font pour le pouvoir d'achat et l'organisation du travail.
Q.- En un mot : R. Yade, justement, ne va pas en Chine avec N. Sarkozy. On met les Droits de l'Homme en dessous des contrats économiques à signer ?
R.- Cela, je n'en sais rien. Je n'ai pas d'information là-dessus. Le président de la République va en Chine...
Q.- Il parlera des Droits de l'Homme ?
R.- Je ne sais pas, mais j'imagine que c'est à l'agenda. Je n'imagine pas les choses autrement, ça a toujours été comme cela chaque fois que le chef de l'Etat français s'est rendu en Chine. Il se trouve que là, ça a une dimension particulière : c'est le premier voyage du Président et c'est une visite d'Etat à dimension majeure.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 novembre 2007