Texte intégral
T. Steiner.- Bonjour R. Karoutchi. Alors, est-ce que N. Sarkozy est en train de manger son chapeau sur la Turquie ?
R.- Ah non, je ne crois pas du tout, je crois qu'il a clairement dit, déjà depuis longtemps, comme d'ailleurs la très grande majorité et de la majorité et des Français qu'il était opposé à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et favorable à un partenariat privilégié, comme cela a été dit tout à l'heure. Eh bien, nous allons mettre cela en musique...
Q.- Et l'avant projet de loi sur la réforme des institutions qui prévoit que l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne pourra être ratifiée par référendum ou par le Parlement ?
R.- Eh bien c'est un choix qui reviendra au président de la République, mais sur la Turquie, chacun a compris que...
Q.- Cela se fera par référendum quand même ?
R.- Oh, chacun a compris que, sur la Turquie, il n'y avait pas d'accord, ni du président de la République, ni du gouvernement, ni de la majorité. Oui à un partenariat privilégié, ce qui est normal, avec un pays avec qui nous sommes liés depuis longtemps, depuis François 1er et l'Empire ottoman. Mais en revanche, l'entrée dans l'Union européenne, non, pas dans les conditions actuelles.
Q.- Les rumeurs vont bon train, un remaniement ministériel annoncé dans dix jours à l'occasion des voeux présidentiels, c'est la dernière qui circule depuis hier.
R.- Eh bien, vous me l'apprenez ! Non, je crois, franchement je ne suis pas convaincu qu'un remaniement ministériel le 31 décembre, cela ait beaucoup de sens ! Il y a forcément...
Q.- Ce sera avant ou après les municipales ?
R.- Voilà, le chef de l'Etat décidera, ce sera ou juste avant ou après les municipales, mais c'est plutôt dans cette période là, naturellement, que cela a un sens politique. Le 31 décembre, il présentera plutôt ses voeux aux Français.
Q.- Mauvaise rumeur donc, et qu'est-ce qui se dit d'autres ? R. Dati à l'Intérieur, J. Lang pour la remplacer à la Justice ?
R.- Oh, là, là, moi je ne suis pas chef de l'Etat, je ne distribue pas les portefeuilles.
Q.- Attali qui rentre au gouvernement, non ?
R.- Oh, non, non, je n'en sais rien !
Q.- Vous n'avez rien entendu de tout ça ?
R.- Non, je n'écoute pas, surtout.
Q.- Quel bilan vous faites, vous, de l'ouverture après six mois ? Cela vous donne envie de voir d'autres personnalités de gauche rentrer au gouvernement ou cela fait assez de couacs comme ça ?
R.- Non, il n'y a pas de problème de couacs. Moi, je trouve que, parmi ceux qui sont rentrés au gouvernement au nom de l'ouverture, il y a une belle réussite globale - je ne vais pas rentrer dans le détail pour chacun. Il y a une belle réussite globale. D'abord une réussite dans le fait qu'ils se sont parfaitement intégrés à une équipe qui n'est pas naturellement la leur au départ. Mais ils ont participé et accepté le projet présidentiel et donc on le met tous en place, quelles que soient nos origines politiques. Et deuxième élément, je pense que cela donne une image beaucoup moins partisane, beaucoup moins sectaire, beaucoup moins fermée et figée de l'équipe gouvernementale. Et en cela, c'est un plus pour réussir les réformes. Si vous voulez réussir les réformes dans ce pays, si vous donnez une image clanique, vous échouez d'avance, parce que c'est bloc à bloc. Si vous voulez dire, "il y a vraiment des réformes qui sont nécessaires dans le pays, allons-y tous ensemble et quelles que soient nos origines politiques", c'est beaucoup plus facile.
Q.- Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement et si on vous invite ce matin, c'est justement pour faire un bilan, alors que les députés et les sénateurs s'apprêtent à prendre deux semaines de repos pour les fêtes de fin d'année. Un repos bien mérité après plus de 600 heures de débats et une trentaine de textes adoptés. C'est un rythme auquel il va falloir s'habituer, ou cela va se calmer un petit peu ?
R.- Alors je l'ai dit hier soir à l'Assemblée nationale, en clôturant si je puis dire, puisque, effectivement, pendant quinze jours, heureusement d'ailleurs, les députés et sénateurs peuvent un peu souffler. Le mois de janvier sera, malheureusement ou heureusement un peu sur le même rythme. Les réformes sont nécessaires, N. Sarkozy a clairement dit, dans la campagne et après, qu'il ne reviendrait pas sur tous ces engagements qui ont été pris. Cela veut forcément dire pour avoir ce bloc de réformes, ce bloc de ruptures, cela veut forcément dire, dans un premier temps, des textes assez nombreux pour créer ce bloc de ruptures.
Q.- Vous avez dit que 50 % des engagements du candidat Sarkozy sont déjà votés ou en cours de débat.
R.- Ou en cours de débat, soit par des textes déjà transmis en commissions, soit par des textes en cours de réalisation. Mais à peu près, effectivement, la moitié de tous les engagements pris pendant la campagne présidentielle ont déjà ou été votés ou sont en cours d'élaboration, ce qui est considérable et chacun voudra bien le reconnaître, cela veut clairement dire que N. Sarkozy veut tenir ses engagements.
Q.- Alors le dernier gros morceau avant les vacances c'était le projet de loi sur le pouvoir d'achat. Le gouvernement a donné l'impression de bricoler, voire de patauger complètement avec le rachat des RTT. C'était de l'improvisation totale cette mesure ?
R.- Non, je ne crois pas du tout que cela se pose comme ça. Il y a eu un débat...
Q.- Même les députés de la majorité le disent !
R.- Non, les députés de la majorité que j'ai d'ailleurs félicités hier, comme ceux de l'opposition, parce qu'après tout dans le débat, chacun pouvait apporter des idées. Les députés de la majorité avaient des propositions. Par exemple prendre le 30 juin 2008, plutôt que le 31 décembre 2007 sur la date butoir si je puis dire, sur leur rachat. A partir du moment où on dit et où nous disons que dans le cadre de la révision future, nous espérons revaloriser le travail du Parlement, il est normal qu'il y ait un échange entre le gouvernement et sa majorité. Et nous avons accepté un certain nombre d'amendements sur les 10 jours de RTT, sur les dates, de manière à ce que...
Q.- A l'arrivée, c'est étendu jusqu'au 30 juin 2008, mais les jours de congés de 2007 seront payés à un prix, les jours de 2008 seront payés à un autre, même L. Parisot du MEDEF dit que c'est incompréhensible !
R.- Oui, j'ai cru comprendre que L. Parisot disait qu'elle croisait les skis, moi je ne skie pas, donc je vais tout droit et je vous dis simplement, c'est du pouvoir d'achat en plus pour les salariés. On vient de voir par exemple, tenez, on nous a dit, regardez le système des heures supplémentaires est tellement compliqué, celui qu'on a mis en place en juillet. Et puis les URSAFF nous disent maintenant que, dès le mois d'octobre, 40% des entreprises ont accepté de les mettre en place, les mettent en place et que cela fait du pouvoir d'achat supplémentaire pour l'ensemble des salariés. Eh bien cela sera la même chose pour les RTT, comme pour la libération des réserves de participation.
Q.- Donc les jours de 2007 payés à 110 %, ceux de 2008 payés à 125 % ?
R.- Oui, voilà.
Q.- Certains députés de l'UMP se demandent si tout cela ne manque pas de courage, de défaire complètement les 35 heures ?
R.- N. Sarkozy l'a clairement dit : on assouplit, on transforme, on évolue, on ne remet pas en cause certaines bases. Je crois que le système qui évolue en ce moment, c'est celui qui permet de travailler plus pour gagner plus. Donc on libère sur les heures supplémentaires, sur la réserve, sur les RTT, voilà. Il faut qu'on trouve...
Q.- Sur les RTT, le plus, vous le chiffrez à combien, le plus de gagner plus ?
R.- Eh bien ça, on verra à l'arrivée. Je ne peux pas vous dire d'avance quels seront les salariés qui vont choisir des RTT ou quels sont ceux qui vont vouloir se les faire payer ? Je serais prophète en mon pays, ce qui est rare.
Q.- N. Sarkozy a fait le Noël des personnes âgées, en demandant au Parlement de maintenir l'exonération de redevance audiovisuelle, c'est un joli cadeau, à quelque chose comme 100 millions d'euros à peu près. Est-ce que ce n'est pas quand même un peu cavalier d'interpeller comme ça le Parlement pour lui dire ce qu'il doit faire ? On aurait cru entendre que N. Sarkozy était très soucieux de renforcer le rôle du Parlement. Là, c'est plutôt tais-toi et exécute ?
R.- Non, ce n'est pas tout à fait ça, je vous signale que d'abord, la fin de l'exonération a été automatique, puisque c'est un texte de 2004 qui se terminait en 2007. Deuxième élément, au Parlement, la fin de cette exonération, aussi automatique soit-elle, était mal passée, puisque dans un premier temps le Parlement avait réduit de moitié le niveau de la redevance payée par les 780.000 foyers - et il y avait, hier d'ailleurs, inscrit plusieurs amendements de l'UMP, comme de l'opposition socialiste pour arriver à rétablir cette exonération. Donc en réalité, quand N. Sarkozy a dit : "allez on y va"...
Q.- Cela ne la fiche pas mal quand même que le président dise comme ça...
R.- A partir du moment où il y avait des amendements parlementaires des deux camps allant dans le même sens et où on savait bien qu'il y avait débat et au gouvernement et dans la majorité et dans l'opposition parlementaire, que le président de la République exprime un choix et que cela libère un petit peu les esprits, ce n'est pas plus mal.
Q.- Le programme pour début 2008 est déjà assez chargé, vous le disiez, avec la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne, entériné lors du congrès qui est prévu le 4 février, avant la trêve pour les municipales. Aucun état d'âme face aux Français qui auraient trouvé ça normal de faire un nouveau référendum ?
R.- Il y a eu un débat, mais le candidat, N. Sarkozy avait clairement dit qu'il souhaitait aboutir à un traité simplifié, de manière à relancer l'Europe et il avait dit, dans le même temps, qu'il le ferait ratifier par la voie parlementaire. C'est la voie qui a été choisie, et c'est celle qui nous permettra et qui permettra à la France de ratifier parmi les premiers ce traité européen, de manière à relancer un petit peu la machine.
Q.- Depuis la rentrée, la grogne dans les rangs de la majorité présidentielle a eu quelques occasions de s'exprimer sur les tests ADN par exemple ou sur la réforme de la carte judiciaire que certains trouvent pas assez concertée. Est-ce que les élus UMP ne sont pas au bord de la crise de nerf ?
R.- Non, non, vous ne retenez que ces quelques éléments là, oubliant de dire, que tous les textes, tous, ont été votés massivement par l'ensemble de la majorité, UMP et Nouveau Centre d'ailleurs, voire dans certains cas avec l'apport ici ou là d'élus de l'opposition. Non, je crois qu'il y a forcément des débats et heureusement. Quand il y a beaucoup, beaucoup de textes, beaucoup, beaucoup de réformes, cela heurte, ou cela doit faire exploser certaines réticences. Et par conséquent, il y a forcément des débats et quand vous prenez des sujets, plus de société et tout, il y a autre chose que la politique qui entre en jeu. Donc, c'est assez normal que chacun s'exprime, eh bien cette expression on l'a écoutée, il y a eu des évolutions. Il y a parfois, un petit peu, ici ou là, d'amertume, parce que tel ou tel aurait voulu... Mais globalement, franchement, la majorité a largement soutenu le gouvernement et a joué à plein le jeu. Et j'ai demandé à plusieurs reprises avec l'accord du Premier ministre, à tous les ministres de débattre le plus en amont possible avec les députés UMP, Nouveau centre. Et même si l'opposition le souhaitait avec eux, parce que mon sentiment, c'est que lorsqu'on a un programme parlementaire très lourd, il faut forcément beaucoup discuter avant, si on veut que cela avance. (...)
Q.- Tout à l'heure, vous avez démenti la rumeur d'un remaniement ministériel dans les dix prochains jours - c'était la dernière qui circulait - ; les ministres issus de l'ouverture se sont magnifiquement intégrés à l'équipe, dites-vous, et l'ouverture donne une image beaucoup moins sectaire de l'équipe gouvernementale, le mois de janvier sera sur le même rythme que les mois précédents, nous avez-vous dit, le bloc de rupture voulu par le président nécessite des textes nombreux et donc beaucoup de travail de la part du Parlement. Mais 50 % des promesses du candidat Sarkozy sont déjà votées ou en cours de débat, nous avez-vous dit également. Sur la réforme...
R.- Est-ce que je peux d'abord dire un mot Sur le président très chrétien ? Sur le président rappelant les racines chrétiennes. Le reste, qu'il soit ou pas très chrétien, c'est son problème personnel sur lequel je n'ai rien à dire. Moi, je vais vous dire, je suis d'autant plus libre pour dire ça que personnellement, je ne suis pas chrétien puisque je suis de religion juive, donc je suis assez dégagé par rapport à ces affirmations. Mais je dis simplement que reconnaître que la France a des racines chrétiennes, sincèrement l'historien que je suis n'est pas ni étonné ni choqué, c'est une réalité. Et deuxième point, la laïcité positive c'est quelque chose très fort à quoi je crois moi beaucoup et que je partage pleinement avec le président. A savoir qu'on peut être (ce qui est mon cas) défenseur de l'enseignement laïc, défenseur d'un certain nombre de valeurs, et pour autant dire que la laïcité, c'est aussi l'acceptation que des gens aient des convictions religieuses, les affirment et les vivent. Je ne suis pas pour une guerre permanente entre les laïcs et les religieux, je crois que la laïcité positive et apaisée, c'est justement le fait qu'on peut défendre la laïcité tout en comprenant et acceptant parfaitement la pratique religieuse des autres.
Q.- En tout cas, le gouvernement a tenu peu compte des remarques de l'Eglise catholique concernant la politique de l'immigration !
R.- Ce n'est pas vrai, B. Hortefeux...
Q.- B. Hortefeux a écrit aux évêques...
R.- B. Hortefeux lui-même me racontait, au banc - puisque malheureusement ou heureusement j'y suis souvent - du gouvernement à l'Assemblée, me racontait tous ses entretiens avec les archevêques, avec les représentants de l'ensemble des Eglises d'ailleurs, et combien ça avait...
Q.- Ils ont été sensibles à sa lettre mais ils n'ont pas été convaincus ; le cardinal Barbarin nous le disait hier.
R.- Pour autant, bien des éléments qui ont été apportés par le gouvernement pour encadrer ces textes, pour encadrer un certain nombre de choses sont aussi issus de ces conversations.
Q.- Un mot sur et t peut-être plus qu'un mot sur la réforme des institutions, la réforme de la Vème République. Vers quelle date va-t-on ? Parce que là vous, vous aviez calé une semaine, celle du 22 janvier et puis finalement maintenant on dit " : non ! Ça va passer en commission, ce sera pour après les municipales".
R.- Je pense et j'espère qu'on pourra, en tout état de cause avant les municipales, avoir un texte qui ne passera peut-être pas en hémicycle, mais qui sera devant la commission. Deuxième point, ce que je veux dire c'est que pour nous, lorsque le comité Balladur a été mis en place pour présenter un certain nombre de réformes, et dans les conversations que l'on avait avec le chef de l'Etat comme avec le Premier ministre, le coeur du dispositif, c'est la rénovation-revalorisation du travail du Parlement. Avec toute une série d'éléments : l'ordre du jour partagé qui fait que les parlementaires pourraient davantage mettre à l'ordre du jour des textes issus des parlementaires et non pas du gouvernement, avec le fait... c'est technique et je ne veux pas y revenir, que le texte abordé en hémicycle soit le texte de la commission, donc travaillé par les parlementaires et non pas le texte du gouvernement, avec un pouvoir de contrôle, avec la limitation du 49.3 à la période budgétaire et une seule fois en session, etc..., etc. En réalité, c'est le coeur du dispositif, c'est la revalorisation du Parlement. Sur la venue du chef de l'Etat devant le Parlement (qui est l'un des points d'achoppement avec le Parti socialiste) moi je veux dire simplement : quel est le système aujourd'hui ? Le président de la République peut parfaitement avoir un message auprès du Parlement. Le message peut faire 1 page ou 10 pages. Ce qui se passe, c'est que dans la plus prochaine séance, le président de l'Assemblée ou du Sénat se lève, debout, dit aux députés et aux sénateurs "Messieurs, Mesdames debout", tout le monde se lève, tout le monde écoute en silence la lecture qui peut durer 2 minutes ou 20 minutes, tout le monde se rassoie, personne n'a le droit de faire un commentaire. Sincèrement, si c'est ça la modernité du Parlement, je ne suis pas d'accord. Deuxième élément, je pense que le chef de l'Etat doit venir dire devant la représentation nationale quelles sont ses grandes orientations. On reprochait tout à l'heure : est-ce qu'on est passé à la télécratie ? Si vous ne voulez pas que le chef de l'Etat dise devant la représentation nationale des choses fortes, il le dit au 20 heures.
Q.- Très rapidement : la dose de proportionnelle et l'interdiction du cumul des mandats, c'est à la trappe ?
R.- Non, ce n'est pas à la trappe, c'est en discussion parce que je rappelle que ça n'est pas dans la révision constitutionnelle ; le mode de scrutin est dans la loi organique qui suivra la révision. Donc dans la Constitution, le mode de scrutin aujourd'hui n'y est pas et ne sera pas plus demain. Donc ça, ça nous laisse un peu plus de temps, il faut d'abord réviser la Constitution et ensuite se mettre d'accord sur les différents éléments.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 décembre 2007
R.- Ah non, je ne crois pas du tout, je crois qu'il a clairement dit, déjà depuis longtemps, comme d'ailleurs la très grande majorité et de la majorité et des Français qu'il était opposé à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et favorable à un partenariat privilégié, comme cela a été dit tout à l'heure. Eh bien, nous allons mettre cela en musique...
Q.- Et l'avant projet de loi sur la réforme des institutions qui prévoit que l'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne pourra être ratifiée par référendum ou par le Parlement ?
R.- Eh bien c'est un choix qui reviendra au président de la République, mais sur la Turquie, chacun a compris que...
Q.- Cela se fera par référendum quand même ?
R.- Oh, chacun a compris que, sur la Turquie, il n'y avait pas d'accord, ni du président de la République, ni du gouvernement, ni de la majorité. Oui à un partenariat privilégié, ce qui est normal, avec un pays avec qui nous sommes liés depuis longtemps, depuis François 1er et l'Empire ottoman. Mais en revanche, l'entrée dans l'Union européenne, non, pas dans les conditions actuelles.
Q.- Les rumeurs vont bon train, un remaniement ministériel annoncé dans dix jours à l'occasion des voeux présidentiels, c'est la dernière qui circule depuis hier.
R.- Eh bien, vous me l'apprenez ! Non, je crois, franchement je ne suis pas convaincu qu'un remaniement ministériel le 31 décembre, cela ait beaucoup de sens ! Il y a forcément...
Q.- Ce sera avant ou après les municipales ?
R.- Voilà, le chef de l'Etat décidera, ce sera ou juste avant ou après les municipales, mais c'est plutôt dans cette période là, naturellement, que cela a un sens politique. Le 31 décembre, il présentera plutôt ses voeux aux Français.
Q.- Mauvaise rumeur donc, et qu'est-ce qui se dit d'autres ? R. Dati à l'Intérieur, J. Lang pour la remplacer à la Justice ?
R.- Oh, là, là, moi je ne suis pas chef de l'Etat, je ne distribue pas les portefeuilles.
Q.- Attali qui rentre au gouvernement, non ?
R.- Oh, non, non, je n'en sais rien !
Q.- Vous n'avez rien entendu de tout ça ?
R.- Non, je n'écoute pas, surtout.
Q.- Quel bilan vous faites, vous, de l'ouverture après six mois ? Cela vous donne envie de voir d'autres personnalités de gauche rentrer au gouvernement ou cela fait assez de couacs comme ça ?
R.- Non, il n'y a pas de problème de couacs. Moi, je trouve que, parmi ceux qui sont rentrés au gouvernement au nom de l'ouverture, il y a une belle réussite globale - je ne vais pas rentrer dans le détail pour chacun. Il y a une belle réussite globale. D'abord une réussite dans le fait qu'ils se sont parfaitement intégrés à une équipe qui n'est pas naturellement la leur au départ. Mais ils ont participé et accepté le projet présidentiel et donc on le met tous en place, quelles que soient nos origines politiques. Et deuxième élément, je pense que cela donne une image beaucoup moins partisane, beaucoup moins sectaire, beaucoup moins fermée et figée de l'équipe gouvernementale. Et en cela, c'est un plus pour réussir les réformes. Si vous voulez réussir les réformes dans ce pays, si vous donnez une image clanique, vous échouez d'avance, parce que c'est bloc à bloc. Si vous voulez dire, "il y a vraiment des réformes qui sont nécessaires dans le pays, allons-y tous ensemble et quelles que soient nos origines politiques", c'est beaucoup plus facile.
Q.- Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement et si on vous invite ce matin, c'est justement pour faire un bilan, alors que les députés et les sénateurs s'apprêtent à prendre deux semaines de repos pour les fêtes de fin d'année. Un repos bien mérité après plus de 600 heures de débats et une trentaine de textes adoptés. C'est un rythme auquel il va falloir s'habituer, ou cela va se calmer un petit peu ?
R.- Alors je l'ai dit hier soir à l'Assemblée nationale, en clôturant si je puis dire, puisque, effectivement, pendant quinze jours, heureusement d'ailleurs, les députés et sénateurs peuvent un peu souffler. Le mois de janvier sera, malheureusement ou heureusement un peu sur le même rythme. Les réformes sont nécessaires, N. Sarkozy a clairement dit, dans la campagne et après, qu'il ne reviendrait pas sur tous ces engagements qui ont été pris. Cela veut forcément dire pour avoir ce bloc de réformes, ce bloc de ruptures, cela veut forcément dire, dans un premier temps, des textes assez nombreux pour créer ce bloc de ruptures.
Q.- Vous avez dit que 50 % des engagements du candidat Sarkozy sont déjà votés ou en cours de débat.
R.- Ou en cours de débat, soit par des textes déjà transmis en commissions, soit par des textes en cours de réalisation. Mais à peu près, effectivement, la moitié de tous les engagements pris pendant la campagne présidentielle ont déjà ou été votés ou sont en cours d'élaboration, ce qui est considérable et chacun voudra bien le reconnaître, cela veut clairement dire que N. Sarkozy veut tenir ses engagements.
Q.- Alors le dernier gros morceau avant les vacances c'était le projet de loi sur le pouvoir d'achat. Le gouvernement a donné l'impression de bricoler, voire de patauger complètement avec le rachat des RTT. C'était de l'improvisation totale cette mesure ?
R.- Non, je ne crois pas du tout que cela se pose comme ça. Il y a eu un débat...
Q.- Même les députés de la majorité le disent !
R.- Non, les députés de la majorité que j'ai d'ailleurs félicités hier, comme ceux de l'opposition, parce qu'après tout dans le débat, chacun pouvait apporter des idées. Les députés de la majorité avaient des propositions. Par exemple prendre le 30 juin 2008, plutôt que le 31 décembre 2007 sur la date butoir si je puis dire, sur leur rachat. A partir du moment où on dit et où nous disons que dans le cadre de la révision future, nous espérons revaloriser le travail du Parlement, il est normal qu'il y ait un échange entre le gouvernement et sa majorité. Et nous avons accepté un certain nombre d'amendements sur les 10 jours de RTT, sur les dates, de manière à ce que...
Q.- A l'arrivée, c'est étendu jusqu'au 30 juin 2008, mais les jours de congés de 2007 seront payés à un prix, les jours de 2008 seront payés à un autre, même L. Parisot du MEDEF dit que c'est incompréhensible !
R.- Oui, j'ai cru comprendre que L. Parisot disait qu'elle croisait les skis, moi je ne skie pas, donc je vais tout droit et je vous dis simplement, c'est du pouvoir d'achat en plus pour les salariés. On vient de voir par exemple, tenez, on nous a dit, regardez le système des heures supplémentaires est tellement compliqué, celui qu'on a mis en place en juillet. Et puis les URSAFF nous disent maintenant que, dès le mois d'octobre, 40% des entreprises ont accepté de les mettre en place, les mettent en place et que cela fait du pouvoir d'achat supplémentaire pour l'ensemble des salariés. Eh bien cela sera la même chose pour les RTT, comme pour la libération des réserves de participation.
Q.- Donc les jours de 2007 payés à 110 %, ceux de 2008 payés à 125 % ?
R.- Oui, voilà.
Q.- Certains députés de l'UMP se demandent si tout cela ne manque pas de courage, de défaire complètement les 35 heures ?
R.- N. Sarkozy l'a clairement dit : on assouplit, on transforme, on évolue, on ne remet pas en cause certaines bases. Je crois que le système qui évolue en ce moment, c'est celui qui permet de travailler plus pour gagner plus. Donc on libère sur les heures supplémentaires, sur la réserve, sur les RTT, voilà. Il faut qu'on trouve...
Q.- Sur les RTT, le plus, vous le chiffrez à combien, le plus de gagner plus ?
R.- Eh bien ça, on verra à l'arrivée. Je ne peux pas vous dire d'avance quels seront les salariés qui vont choisir des RTT ou quels sont ceux qui vont vouloir se les faire payer ? Je serais prophète en mon pays, ce qui est rare.
Q.- N. Sarkozy a fait le Noël des personnes âgées, en demandant au Parlement de maintenir l'exonération de redevance audiovisuelle, c'est un joli cadeau, à quelque chose comme 100 millions d'euros à peu près. Est-ce que ce n'est pas quand même un peu cavalier d'interpeller comme ça le Parlement pour lui dire ce qu'il doit faire ? On aurait cru entendre que N. Sarkozy était très soucieux de renforcer le rôle du Parlement. Là, c'est plutôt tais-toi et exécute ?
R.- Non, ce n'est pas tout à fait ça, je vous signale que d'abord, la fin de l'exonération a été automatique, puisque c'est un texte de 2004 qui se terminait en 2007. Deuxième élément, au Parlement, la fin de cette exonération, aussi automatique soit-elle, était mal passée, puisque dans un premier temps le Parlement avait réduit de moitié le niveau de la redevance payée par les 780.000 foyers - et il y avait, hier d'ailleurs, inscrit plusieurs amendements de l'UMP, comme de l'opposition socialiste pour arriver à rétablir cette exonération. Donc en réalité, quand N. Sarkozy a dit : "allez on y va"...
Q.- Cela ne la fiche pas mal quand même que le président dise comme ça...
R.- A partir du moment où il y avait des amendements parlementaires des deux camps allant dans le même sens et où on savait bien qu'il y avait débat et au gouvernement et dans la majorité et dans l'opposition parlementaire, que le président de la République exprime un choix et que cela libère un petit peu les esprits, ce n'est pas plus mal.
Q.- Le programme pour début 2008 est déjà assez chargé, vous le disiez, avec la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne, entériné lors du congrès qui est prévu le 4 février, avant la trêve pour les municipales. Aucun état d'âme face aux Français qui auraient trouvé ça normal de faire un nouveau référendum ?
R.- Il y a eu un débat, mais le candidat, N. Sarkozy avait clairement dit qu'il souhaitait aboutir à un traité simplifié, de manière à relancer l'Europe et il avait dit, dans le même temps, qu'il le ferait ratifier par la voie parlementaire. C'est la voie qui a été choisie, et c'est celle qui nous permettra et qui permettra à la France de ratifier parmi les premiers ce traité européen, de manière à relancer un petit peu la machine.
Q.- Depuis la rentrée, la grogne dans les rangs de la majorité présidentielle a eu quelques occasions de s'exprimer sur les tests ADN par exemple ou sur la réforme de la carte judiciaire que certains trouvent pas assez concertée. Est-ce que les élus UMP ne sont pas au bord de la crise de nerf ?
R.- Non, non, vous ne retenez que ces quelques éléments là, oubliant de dire, que tous les textes, tous, ont été votés massivement par l'ensemble de la majorité, UMP et Nouveau Centre d'ailleurs, voire dans certains cas avec l'apport ici ou là d'élus de l'opposition. Non, je crois qu'il y a forcément des débats et heureusement. Quand il y a beaucoup, beaucoup de textes, beaucoup, beaucoup de réformes, cela heurte, ou cela doit faire exploser certaines réticences. Et par conséquent, il y a forcément des débats et quand vous prenez des sujets, plus de société et tout, il y a autre chose que la politique qui entre en jeu. Donc, c'est assez normal que chacun s'exprime, eh bien cette expression on l'a écoutée, il y a eu des évolutions. Il y a parfois, un petit peu, ici ou là, d'amertume, parce que tel ou tel aurait voulu... Mais globalement, franchement, la majorité a largement soutenu le gouvernement et a joué à plein le jeu. Et j'ai demandé à plusieurs reprises avec l'accord du Premier ministre, à tous les ministres de débattre le plus en amont possible avec les députés UMP, Nouveau centre. Et même si l'opposition le souhaitait avec eux, parce que mon sentiment, c'est que lorsqu'on a un programme parlementaire très lourd, il faut forcément beaucoup discuter avant, si on veut que cela avance. (...)
Q.- Tout à l'heure, vous avez démenti la rumeur d'un remaniement ministériel dans les dix prochains jours - c'était la dernière qui circulait - ; les ministres issus de l'ouverture se sont magnifiquement intégrés à l'équipe, dites-vous, et l'ouverture donne une image beaucoup moins sectaire de l'équipe gouvernementale, le mois de janvier sera sur le même rythme que les mois précédents, nous avez-vous dit, le bloc de rupture voulu par le président nécessite des textes nombreux et donc beaucoup de travail de la part du Parlement. Mais 50 % des promesses du candidat Sarkozy sont déjà votées ou en cours de débat, nous avez-vous dit également. Sur la réforme...
R.- Est-ce que je peux d'abord dire un mot Sur le président très chrétien ? Sur le président rappelant les racines chrétiennes. Le reste, qu'il soit ou pas très chrétien, c'est son problème personnel sur lequel je n'ai rien à dire. Moi, je vais vous dire, je suis d'autant plus libre pour dire ça que personnellement, je ne suis pas chrétien puisque je suis de religion juive, donc je suis assez dégagé par rapport à ces affirmations. Mais je dis simplement que reconnaître que la France a des racines chrétiennes, sincèrement l'historien que je suis n'est pas ni étonné ni choqué, c'est une réalité. Et deuxième point, la laïcité positive c'est quelque chose très fort à quoi je crois moi beaucoup et que je partage pleinement avec le président. A savoir qu'on peut être (ce qui est mon cas) défenseur de l'enseignement laïc, défenseur d'un certain nombre de valeurs, et pour autant dire que la laïcité, c'est aussi l'acceptation que des gens aient des convictions religieuses, les affirment et les vivent. Je ne suis pas pour une guerre permanente entre les laïcs et les religieux, je crois que la laïcité positive et apaisée, c'est justement le fait qu'on peut défendre la laïcité tout en comprenant et acceptant parfaitement la pratique religieuse des autres.
Q.- En tout cas, le gouvernement a tenu peu compte des remarques de l'Eglise catholique concernant la politique de l'immigration !
R.- Ce n'est pas vrai, B. Hortefeux...
Q.- B. Hortefeux a écrit aux évêques...
R.- B. Hortefeux lui-même me racontait, au banc - puisque malheureusement ou heureusement j'y suis souvent - du gouvernement à l'Assemblée, me racontait tous ses entretiens avec les archevêques, avec les représentants de l'ensemble des Eglises d'ailleurs, et combien ça avait...
Q.- Ils ont été sensibles à sa lettre mais ils n'ont pas été convaincus ; le cardinal Barbarin nous le disait hier.
R.- Pour autant, bien des éléments qui ont été apportés par le gouvernement pour encadrer ces textes, pour encadrer un certain nombre de choses sont aussi issus de ces conversations.
Q.- Un mot sur et t peut-être plus qu'un mot sur la réforme des institutions, la réforme de la Vème République. Vers quelle date va-t-on ? Parce que là vous, vous aviez calé une semaine, celle du 22 janvier et puis finalement maintenant on dit " : non ! Ça va passer en commission, ce sera pour après les municipales".
R.- Je pense et j'espère qu'on pourra, en tout état de cause avant les municipales, avoir un texte qui ne passera peut-être pas en hémicycle, mais qui sera devant la commission. Deuxième point, ce que je veux dire c'est que pour nous, lorsque le comité Balladur a été mis en place pour présenter un certain nombre de réformes, et dans les conversations que l'on avait avec le chef de l'Etat comme avec le Premier ministre, le coeur du dispositif, c'est la rénovation-revalorisation du travail du Parlement. Avec toute une série d'éléments : l'ordre du jour partagé qui fait que les parlementaires pourraient davantage mettre à l'ordre du jour des textes issus des parlementaires et non pas du gouvernement, avec le fait... c'est technique et je ne veux pas y revenir, que le texte abordé en hémicycle soit le texte de la commission, donc travaillé par les parlementaires et non pas le texte du gouvernement, avec un pouvoir de contrôle, avec la limitation du 49.3 à la période budgétaire et une seule fois en session, etc..., etc. En réalité, c'est le coeur du dispositif, c'est la revalorisation du Parlement. Sur la venue du chef de l'Etat devant le Parlement (qui est l'un des points d'achoppement avec le Parti socialiste) moi je veux dire simplement : quel est le système aujourd'hui ? Le président de la République peut parfaitement avoir un message auprès du Parlement. Le message peut faire 1 page ou 10 pages. Ce qui se passe, c'est que dans la plus prochaine séance, le président de l'Assemblée ou du Sénat se lève, debout, dit aux députés et aux sénateurs "Messieurs, Mesdames debout", tout le monde se lève, tout le monde écoute en silence la lecture qui peut durer 2 minutes ou 20 minutes, tout le monde se rassoie, personne n'a le droit de faire un commentaire. Sincèrement, si c'est ça la modernité du Parlement, je ne suis pas d'accord. Deuxième élément, je pense que le chef de l'Etat doit venir dire devant la représentation nationale quelles sont ses grandes orientations. On reprochait tout à l'heure : est-ce qu'on est passé à la télécratie ? Si vous ne voulez pas que le chef de l'Etat dise devant la représentation nationale des choses fortes, il le dit au 20 heures.
Q.- Très rapidement : la dose de proportionnelle et l'interdiction du cumul des mandats, c'est à la trappe ?
R.- Non, ce n'est pas à la trappe, c'est en discussion parce que je rappelle que ça n'est pas dans la révision constitutionnelle ; le mode de scrutin est dans la loi organique qui suivra la révision. Donc dans la Constitution, le mode de scrutin aujourd'hui n'y est pas et ne sera pas plus demain. Donc ça, ça nous laisse un peu plus de temps, il faut d'abord réviser la Constitution et ensuite se mettre d'accord sur les différents éléments.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 décembre 2007