Texte intégral
Monsieur le Président de la République du Chili,
Monsieur le Président de la République d'Uruguay,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Président de la Banque interaméricaine de développement,
Monsieur le Directeur général du Fonds monétaire international,
Monsieur le Directeur général de l'UNESCO,
Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation des Etats d'Amérique,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Alors que l'Amérique latine fait face en même temps aux difficultés financières et à des catastrophes naturelles d'envergure exceptionnelle, je tiens à saluer le rôle précieux joué par la Banque interaméricaine de développement. Je voudrais tout particulièrement rendre hommage au Président IGLESIAS : sous sa direction, la Banque constitue un efficace trait d'union entre l'Amérique latine et l'Europe. L'Histoire, la culture, la langue, nous rapprochent. Au-delà de cette complicité " latine ", l'attachement de la France à la BID tient aussi à la façon dont celle-ci remplit depuis quarante ans ses missions. (I) Ensemble, nous pouvons contribuer à la mise en place d'un modèle de développement équilibré. (II) Dès maintenant, nous devons décider de mesures immédiates aussi bien vers les pays émergents que vers les Etats les plus pauvres.
I - Le modèle de développement équilibré que nous appelons de nos voeux a besoin de règles.
En matière de développement, deux scénarios extrêmes peuvent être opposés.
Le premier s'écrit sous nos yeux en épisodes dramatiques : des zones de prospérité, sans règle de droit assurée, vivent de l'exploitation d'un potentiel économique sans autre ambition que de dégager rapidement des bénéfices qui échappent souvent à la population locale. Née en Asie il y a deux ans, la crise financière qui a frappé certains de vos pays n'est pas sans rapport avec cette conception du développement économique. Elle en a souligné les défauts à l'excès : instabilité sociale, inégalités, extrême pauvreté de populations entières.
Un second scénario est possible. Je souhaite que nous l'écrivions ensemble. Dans ce modèle de développement équilibré, la croissance de l'économie et le progrès de la société vont de pair, dans le respect de l'environnement. Le secteur privé est un moteur de l'économie, l'Etat assume pleinement son rôle de régulation et de protection des plus faibles.
Ce modèle de développement équilibré a besoin que de nouvelles règles du jeu soient établies.
D'abord dans le domaine financier. La crise en Asie est née d'une croissance non maîtrisée des financements à court terme, d'une insuffisante libéralisation des investissements de long terme et du manque de régulation exercée par des Etats qu'affaiblissent les lacunes de la règle de droit. Le développement a besoin d'un cadre stable et fiable. Les solutions ne viendront ni d'un nouveau protectionnisme, ni d'un renoncement à la libre circulation des capitaux. En revanche, nous pouvons élaborer des règles communes relatives à la surveillance et à la transparence des flux financiers. La France et l'Europe ont récemment fait des propositions en ce sens. Nous souhaitons ainsi adopter un " code de la route " pour la circulation des capitaux. Il devra s'appliquer à tous, y compris aux fonds spéculatifs et aux places financières " off-shore ".
Il nous faut aussi de nouvelles règles en matière sociale. Quand elle se nourrit de l'exploitation, la croissance n'est pas seulement criticable, elle est aussi fragile. Il n'y a pas de développement économique durable si la croissance mine la cohésion sociale : le développement doit être partagé. C'est pourquoi la France souhaite que soit défini, en liaison étroite avec l'Organisation internationale du travail, un code de bonne pratique en matière sociale, qui reconnaisse et encourage la responsabilité des Etats dans ce domaine.
Il nous faut enfin de nouvelles règles pour la protection de l'environnement. Vous savez combien celui-ci est indispensable à l'équilibre de nos sociétés : votre continent recèle le plus vaste réservoir d'espèces animales et végétales. Il est urgent de protéger ce patrimoine de l'impact négatif induit par l'activité économique. Nous devons fixer des règles communes permettant de concilier développement et protection de l'environnement. Nul doute que cela est essentiel pour l'avenir. Ce travail est en cours contre l'effet de serre. Il avance plus difficilement en matière de biodiversité. Notre volontarisme doit être à la hauteur de l'enjeu : permettre aux générations futures de jouir à leur tour des richesses et des beautés de la Terre.
Ces règles pour un développement équilibré doivent inspirer une politique de coopération approfondie.
Celle-ci passe d'abord par le développement des institutions multilatérales. Traitement des crises, aide aux réformes, protection des populations vulnérables : les institutions financières internationales sont des relais indispensables pour les Gouvernements, comme le montre avec succès l'action de la BID. Au Brésil, par exemple, la Banque a concentré son aide sur la réforme de la sécurité sociale et la mise en place de " filets sociaux " pour protéger les plus pauvres. De même, la BID favorise les transferts de technologies respectueuses de l'environnement et prend en compte la compatibilité des programmes qu'elle finance avec le développement durable.
Pour mieux jouer encore leur rôle, les institutions multilatérales doivent bénéficier d'un mandat et d'une légitimité politique renouvelés. C'est dans cet esprit que la France propose de transformer le Comité intérimaire du Fonds monétaire international en un véritable Conseil des ministres des Finances, enceinte de débat et d'orientation politiques qui permettra aussi de mieux associer le monde en développement à la gestion des affaires financières internationales. De même, la France soutient la proposition du Président IGLESIAS de réunir une fois par an, au niveau des ministres, le Comité des gouverneurs de la BID.
L'intégration régionale est une deuxième source de coopération favorable à la stabilité politique et économique. L'Amérique latine s'est engagée sur le chemin de l'intégration régionale. Je m'en réjouis. Dans ce domaine, l'Europe a près d'un demi-siècle d'expérience. Le 1er janvier dernier, onze pays ont adopté une monnaie unique, qui permet à l'Europe d'être plus forte face à la crise financière et de s'affranchir des fluctuations internes. C'est là le résultat d'un long travail d'intégration dont bénéficie notre croissance. Je sais qu'un séminaire sera consacré demain à l'euro. Je souhaite qu'il permette de partager tous les enseignements de cette expérience.
Mesdames et Messieurs, l'avènement d'un tel modèle de développement, même si nous devons chercher à l'accélérer, prendra du temps. Cette perspective ne doit donc pas retarder l'adoption des mesures les plus pressantes.
II - La France soutient à cet égard deux priorités, l'une adaptée aux pays émergents, l'autre aux Etats les plus pauvres.
Les pays émergents doivent retrouver la confiance des investisseurs privés.
L'investissement privé est devenu le moteur financier du développement des pays émergents. Les flux de capitaux privés en direction de ces économies ont rapidement progressé pour dépasser, en 1997, 250 milliards de dollars. Lors de la crise, ces capitaux - en particulier ceux placés à court terme - se sont retirés brutalement et massivement. Cette crise du crédit est un obstacle majeur à la reprise. Il est donc impératif de redonner confiance aux investisseurs pour qu'ils reprennent une activité de long terme dans ces pays.
Il faut créer les conditions de cette confiance. Quatre actions peuvent y concourir.
1) Pour mieux réguler les flux de capitaux, une réforme du secteur financier est indispensable. Je sais que les Gouvernements des pays touchés par la crise s'y emploient avec le FMI, la BID et la Banque mondiale. Certains Etats d'Amérique latine ont déjà expérimenté un mécanisme de régulation des flux de court terme. La réflexion doit être approfondie en ce sens.
2) Les Banques de développement peuvent également restaurer la confiance en cofinançant les projets des investisseurs privés. Il faut donc se féliciter que les Gouverneurs de la BID aient décidé d'augmenter la proportion des opérations réalisées en partenariat avec des financements privés.
3) La conversion de dettes en investissements est aussi un coup de pouce à la confiance, qu'il faut donner plus souvent tant son impact sur l'afflux des capitaux privés est bénéfique.
4) Enfin, le secteur privé doit être mieux associé à la prévention et à la gestion des crises. De nombreux travaux ont déjà été entrepris en ce domaine. La France y a largement contribué et continuera d'intervenir dans les enceintes appropriées. Par ces quatre actions, il est essentiel que nous obtenions des créanciers privés qu'ils maintiennent - au minimum - leurs engagements dans les pays bénéficiant d'un programme d'assistance internationale.
Notre réponse à la crise financière ne doit pas nous faire oublier la situation des pays les plus pauvres, qui n'ont pas accès aux marchés de capitaux et qui, tout en devant s'acquitter d'une lourde dette, restent dépendants de l'aide publique.
Alléger la dette des Etats les plus pauvres, réformer l'aide publique dont ils bénéficient : telle est l'autre priorité de la France.
Le poids de la dette reste le premier obstacle au développement de ces pays. Afin de rendre à leurs économies un " oxygène " indispensable, la France appelle avec constance ses partenaires au règlement définitif du problème de la dette. Depuis le sommet du G 7, à Lyon, la communauté internationale dispose, avec " l'initiative pour les pays pauvres très endettés ", d'un cadre adéquat pour traiter leur endettement bilatéral et multilatéral. Dans un cadre purement bilatéral, la France a décidé des annulations de dette - lors de la dévaluation du Franc CFA et, plus récemment, pour venir en aide aux quatre pays les plus durement touchés par le cyclone Mitch.
Aujourd'hui, il faut aller plus loin. C'est pourquoi le 20 février dernier, à Bonn, le ministre français des Finances, Monsieur Dominique STRAUSS-KAHN, a présenté, au nom du gouvernement français, une initiative sur la dette des pays les plus pauvres. Trois principes fondamentaux nous guident.
La solidarité, qui nous invite à accorder aux pays les plus pauvres le traitement le plus favorable. Pour les Etats éligibles à " l'initiative sur la dette des pays pauvres très endettés ", nous proposerons des mesures exceptionnelles d'allégement des créances d'aide publique au développement. Pour ce qui concerne les autres pays, la France plaidera en faveur d'une large annulation de leur dette dans le cadre du Club de Paris.
L'équité, qui exige un partage équilibré de l'effort financier. Avec le Japon, la France est un des pays qui ont le plus contribué au financement des pays les plus pauvres. Nous invitons donc les autres Etats membres du G 7, de l'OCDE et du Club de Paris non seulement à annuler leurs créances résiduelles d'aide publique, mais aussi à apporter des financements nouveaux. Nous n'acceptons pas que certains Etats, parmi les plus puissants et les plus riches, se contentent d'annonces retentissantes sans faire d'efforts concrets.
Enfin, le principe de responsabilité, qui justifie que ces mesures de soutien exceptionnel bénéficient d'abord aux pays qui, par une bonne gestion des affaires publiques, conduisent avec volontarisme des politiques économique et sociale positives. Sur ce point, je souhaite que nous puissions pleinement associer les organisations non-gouvernementales, dont l'expertise est essentielle, à la mise en oeuvre de ces mesures.
Les propositions françaises devront être discutées, avec d'autres, lors du sommet du G 7 à Cologne, en juin prochain. Je souhaite que des mesures concrètes, immédiatement opératoires, y soient décidées.
L'allégement de la dette, aussi nécessaire soit-il, ne peut se substituer à une véritable politique de développement. L'aide publique reste en effet une ressource indispensable pour les pays les plus pauvres. En particulier, elle est nécessaire à la mise en place d'infrastructures de base dans les domaines sociaux - éducation, santé -, comme à l'efficacité des administrations, dont le bon fonctionnement contribue au succès des programmes d'investissement. L'Union européenne, qui fournit 57 % des ressources mondiale de l'aide publique au développement, est le premier soutien de l'Amérique latine. Chaque année, la France consacre à son aide publique au développement un effort deux fois supérieur à la moyenne des pays développés. Nous maintiendrons cet effort, dans le cadre d'une politique rénovée d'aide au développement.
Mesdames et Messieurs,
Aussi important qu'il soit, l'effort porté par l'Europe et la France ne doit pas rester isolé. L'élargir, c'est donner un sens concret à l'idéal de fraternité qui doit animer la communauté internationale. C'est bâtir, par le codéveloppement, un avenir commun. La Banque interaméricaine de développement est un maillon essentiel de cette chaîne de la solidarité entre l'Amérique latine et l'Europe. Cette assemblée à Paris en témoigne avec force. Je souhaite que les liens entre la France et votre institution, Monsieur le Président, continuent de se renforcer. Je vous renouvelle toute la confiance et les remerciements de la France pour l'oeuvre que vous accomplissez en faveur du développement de l'Amérique latine et des Caraïbes.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 17 mars 1999)
Monsieur le Président de la République d'Uruguay,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Président de la Banque interaméricaine de développement,
Monsieur le Directeur général du Fonds monétaire international,
Monsieur le Directeur général de l'UNESCO,
Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation des Etats d'Amérique,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Alors que l'Amérique latine fait face en même temps aux difficultés financières et à des catastrophes naturelles d'envergure exceptionnelle, je tiens à saluer le rôle précieux joué par la Banque interaméricaine de développement. Je voudrais tout particulièrement rendre hommage au Président IGLESIAS : sous sa direction, la Banque constitue un efficace trait d'union entre l'Amérique latine et l'Europe. L'Histoire, la culture, la langue, nous rapprochent. Au-delà de cette complicité " latine ", l'attachement de la France à la BID tient aussi à la façon dont celle-ci remplit depuis quarante ans ses missions. (I) Ensemble, nous pouvons contribuer à la mise en place d'un modèle de développement équilibré. (II) Dès maintenant, nous devons décider de mesures immédiates aussi bien vers les pays émergents que vers les Etats les plus pauvres.
I - Le modèle de développement équilibré que nous appelons de nos voeux a besoin de règles.
En matière de développement, deux scénarios extrêmes peuvent être opposés.
Le premier s'écrit sous nos yeux en épisodes dramatiques : des zones de prospérité, sans règle de droit assurée, vivent de l'exploitation d'un potentiel économique sans autre ambition que de dégager rapidement des bénéfices qui échappent souvent à la population locale. Née en Asie il y a deux ans, la crise financière qui a frappé certains de vos pays n'est pas sans rapport avec cette conception du développement économique. Elle en a souligné les défauts à l'excès : instabilité sociale, inégalités, extrême pauvreté de populations entières.
Un second scénario est possible. Je souhaite que nous l'écrivions ensemble. Dans ce modèle de développement équilibré, la croissance de l'économie et le progrès de la société vont de pair, dans le respect de l'environnement. Le secteur privé est un moteur de l'économie, l'Etat assume pleinement son rôle de régulation et de protection des plus faibles.
Ce modèle de développement équilibré a besoin que de nouvelles règles du jeu soient établies.
D'abord dans le domaine financier. La crise en Asie est née d'une croissance non maîtrisée des financements à court terme, d'une insuffisante libéralisation des investissements de long terme et du manque de régulation exercée par des Etats qu'affaiblissent les lacunes de la règle de droit. Le développement a besoin d'un cadre stable et fiable. Les solutions ne viendront ni d'un nouveau protectionnisme, ni d'un renoncement à la libre circulation des capitaux. En revanche, nous pouvons élaborer des règles communes relatives à la surveillance et à la transparence des flux financiers. La France et l'Europe ont récemment fait des propositions en ce sens. Nous souhaitons ainsi adopter un " code de la route " pour la circulation des capitaux. Il devra s'appliquer à tous, y compris aux fonds spéculatifs et aux places financières " off-shore ".
Il nous faut aussi de nouvelles règles en matière sociale. Quand elle se nourrit de l'exploitation, la croissance n'est pas seulement criticable, elle est aussi fragile. Il n'y a pas de développement économique durable si la croissance mine la cohésion sociale : le développement doit être partagé. C'est pourquoi la France souhaite que soit défini, en liaison étroite avec l'Organisation internationale du travail, un code de bonne pratique en matière sociale, qui reconnaisse et encourage la responsabilité des Etats dans ce domaine.
Il nous faut enfin de nouvelles règles pour la protection de l'environnement. Vous savez combien celui-ci est indispensable à l'équilibre de nos sociétés : votre continent recèle le plus vaste réservoir d'espèces animales et végétales. Il est urgent de protéger ce patrimoine de l'impact négatif induit par l'activité économique. Nous devons fixer des règles communes permettant de concilier développement et protection de l'environnement. Nul doute que cela est essentiel pour l'avenir. Ce travail est en cours contre l'effet de serre. Il avance plus difficilement en matière de biodiversité. Notre volontarisme doit être à la hauteur de l'enjeu : permettre aux générations futures de jouir à leur tour des richesses et des beautés de la Terre.
Ces règles pour un développement équilibré doivent inspirer une politique de coopération approfondie.
Celle-ci passe d'abord par le développement des institutions multilatérales. Traitement des crises, aide aux réformes, protection des populations vulnérables : les institutions financières internationales sont des relais indispensables pour les Gouvernements, comme le montre avec succès l'action de la BID. Au Brésil, par exemple, la Banque a concentré son aide sur la réforme de la sécurité sociale et la mise en place de " filets sociaux " pour protéger les plus pauvres. De même, la BID favorise les transferts de technologies respectueuses de l'environnement et prend en compte la compatibilité des programmes qu'elle finance avec le développement durable.
Pour mieux jouer encore leur rôle, les institutions multilatérales doivent bénéficier d'un mandat et d'une légitimité politique renouvelés. C'est dans cet esprit que la France propose de transformer le Comité intérimaire du Fonds monétaire international en un véritable Conseil des ministres des Finances, enceinte de débat et d'orientation politiques qui permettra aussi de mieux associer le monde en développement à la gestion des affaires financières internationales. De même, la France soutient la proposition du Président IGLESIAS de réunir une fois par an, au niveau des ministres, le Comité des gouverneurs de la BID.
L'intégration régionale est une deuxième source de coopération favorable à la stabilité politique et économique. L'Amérique latine s'est engagée sur le chemin de l'intégration régionale. Je m'en réjouis. Dans ce domaine, l'Europe a près d'un demi-siècle d'expérience. Le 1er janvier dernier, onze pays ont adopté une monnaie unique, qui permet à l'Europe d'être plus forte face à la crise financière et de s'affranchir des fluctuations internes. C'est là le résultat d'un long travail d'intégration dont bénéficie notre croissance. Je sais qu'un séminaire sera consacré demain à l'euro. Je souhaite qu'il permette de partager tous les enseignements de cette expérience.
Mesdames et Messieurs, l'avènement d'un tel modèle de développement, même si nous devons chercher à l'accélérer, prendra du temps. Cette perspective ne doit donc pas retarder l'adoption des mesures les plus pressantes.
II - La France soutient à cet égard deux priorités, l'une adaptée aux pays émergents, l'autre aux Etats les plus pauvres.
Les pays émergents doivent retrouver la confiance des investisseurs privés.
L'investissement privé est devenu le moteur financier du développement des pays émergents. Les flux de capitaux privés en direction de ces économies ont rapidement progressé pour dépasser, en 1997, 250 milliards de dollars. Lors de la crise, ces capitaux - en particulier ceux placés à court terme - se sont retirés brutalement et massivement. Cette crise du crédit est un obstacle majeur à la reprise. Il est donc impératif de redonner confiance aux investisseurs pour qu'ils reprennent une activité de long terme dans ces pays.
Il faut créer les conditions de cette confiance. Quatre actions peuvent y concourir.
1) Pour mieux réguler les flux de capitaux, une réforme du secteur financier est indispensable. Je sais que les Gouvernements des pays touchés par la crise s'y emploient avec le FMI, la BID et la Banque mondiale. Certains Etats d'Amérique latine ont déjà expérimenté un mécanisme de régulation des flux de court terme. La réflexion doit être approfondie en ce sens.
2) Les Banques de développement peuvent également restaurer la confiance en cofinançant les projets des investisseurs privés. Il faut donc se féliciter que les Gouverneurs de la BID aient décidé d'augmenter la proportion des opérations réalisées en partenariat avec des financements privés.
3) La conversion de dettes en investissements est aussi un coup de pouce à la confiance, qu'il faut donner plus souvent tant son impact sur l'afflux des capitaux privés est bénéfique.
4) Enfin, le secteur privé doit être mieux associé à la prévention et à la gestion des crises. De nombreux travaux ont déjà été entrepris en ce domaine. La France y a largement contribué et continuera d'intervenir dans les enceintes appropriées. Par ces quatre actions, il est essentiel que nous obtenions des créanciers privés qu'ils maintiennent - au minimum - leurs engagements dans les pays bénéficiant d'un programme d'assistance internationale.
Notre réponse à la crise financière ne doit pas nous faire oublier la situation des pays les plus pauvres, qui n'ont pas accès aux marchés de capitaux et qui, tout en devant s'acquitter d'une lourde dette, restent dépendants de l'aide publique.
Alléger la dette des Etats les plus pauvres, réformer l'aide publique dont ils bénéficient : telle est l'autre priorité de la France.
Le poids de la dette reste le premier obstacle au développement de ces pays. Afin de rendre à leurs économies un " oxygène " indispensable, la France appelle avec constance ses partenaires au règlement définitif du problème de la dette. Depuis le sommet du G 7, à Lyon, la communauté internationale dispose, avec " l'initiative pour les pays pauvres très endettés ", d'un cadre adéquat pour traiter leur endettement bilatéral et multilatéral. Dans un cadre purement bilatéral, la France a décidé des annulations de dette - lors de la dévaluation du Franc CFA et, plus récemment, pour venir en aide aux quatre pays les plus durement touchés par le cyclone Mitch.
Aujourd'hui, il faut aller plus loin. C'est pourquoi le 20 février dernier, à Bonn, le ministre français des Finances, Monsieur Dominique STRAUSS-KAHN, a présenté, au nom du gouvernement français, une initiative sur la dette des pays les plus pauvres. Trois principes fondamentaux nous guident.
La solidarité, qui nous invite à accorder aux pays les plus pauvres le traitement le plus favorable. Pour les Etats éligibles à " l'initiative sur la dette des pays pauvres très endettés ", nous proposerons des mesures exceptionnelles d'allégement des créances d'aide publique au développement. Pour ce qui concerne les autres pays, la France plaidera en faveur d'une large annulation de leur dette dans le cadre du Club de Paris.
L'équité, qui exige un partage équilibré de l'effort financier. Avec le Japon, la France est un des pays qui ont le plus contribué au financement des pays les plus pauvres. Nous invitons donc les autres Etats membres du G 7, de l'OCDE et du Club de Paris non seulement à annuler leurs créances résiduelles d'aide publique, mais aussi à apporter des financements nouveaux. Nous n'acceptons pas que certains Etats, parmi les plus puissants et les plus riches, se contentent d'annonces retentissantes sans faire d'efforts concrets.
Enfin, le principe de responsabilité, qui justifie que ces mesures de soutien exceptionnel bénéficient d'abord aux pays qui, par une bonne gestion des affaires publiques, conduisent avec volontarisme des politiques économique et sociale positives. Sur ce point, je souhaite que nous puissions pleinement associer les organisations non-gouvernementales, dont l'expertise est essentielle, à la mise en oeuvre de ces mesures.
Les propositions françaises devront être discutées, avec d'autres, lors du sommet du G 7 à Cologne, en juin prochain. Je souhaite que des mesures concrètes, immédiatement opératoires, y soient décidées.
L'allégement de la dette, aussi nécessaire soit-il, ne peut se substituer à une véritable politique de développement. L'aide publique reste en effet une ressource indispensable pour les pays les plus pauvres. En particulier, elle est nécessaire à la mise en place d'infrastructures de base dans les domaines sociaux - éducation, santé -, comme à l'efficacité des administrations, dont le bon fonctionnement contribue au succès des programmes d'investissement. L'Union européenne, qui fournit 57 % des ressources mondiale de l'aide publique au développement, est le premier soutien de l'Amérique latine. Chaque année, la France consacre à son aide publique au développement un effort deux fois supérieur à la moyenne des pays développés. Nous maintiendrons cet effort, dans le cadre d'une politique rénovée d'aide au développement.
Mesdames et Messieurs,
Aussi important qu'il soit, l'effort porté par l'Europe et la France ne doit pas rester isolé. L'élargir, c'est donner un sens concret à l'idéal de fraternité qui doit animer la communauté internationale. C'est bâtir, par le codéveloppement, un avenir commun. La Banque interaméricaine de développement est un maillon essentiel de cette chaîne de la solidarité entre l'Amérique latine et l'Europe. Cette assemblée à Paris en témoigne avec force. Je souhaite que les liens entre la France et votre institution, Monsieur le Président, continuent de se renforcer. Je vous renouvelle toute la confiance et les remerciements de la France pour l'oeuvre que vous accomplissez en faveur du développement de l'Amérique latine et des Caraïbes.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 17 mars 1999)