Interview de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, à i-Télévision le 25 janvier 2008, sur le rejet par les députés UMP de la politisation des élections municipales, sur le rapport de J. Attali sur la libération de la croissance et sur l'affaire de la Société Générale.

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Média : I-télévision

Texte intégral

A. Caron.-  Il y a quelques mois encore, malgré quelques mouvements  d'humeur passagère rapidement contrôlés, presque tous les députés  UMP affichaient un indéfectible soutien à N. Sarkozy. Et puis, ces  dernières semaines, les sondages se faisant moins flatteurs vis-à-vis  du Président, il semble que les élus UMP hésitent de moins en  moins à reprendre leur liberté de parole. Exemples : les  municipales où beaucoup de candidats souhaitent se passer du  soutien présidentiel ; ou encore, le rapport de la commission Attali  qui a suscité il y a deux jours des réactions très diverses au sein de  la majorité. Ces remous donnent, à n'en pas douter, du fil à  retordre au secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le  Parlement. 
 
R.- Pas du tout ! 
 
Q.- Mais si, mais si ! On va en parler... 
 
R.- Mais pas du tout. Zen ! 
 
Q.- Oui, je sais que vous êtes zen mais néanmoins c'est compliqué  quand même, d'autant que vous êtes occupé, je le disais, à une  autre mission, celle de prêter main forte à F. de Panafieu dans sa  conquête de la mairie de Paris. R. Karoutchi est notre invité ce  matin, bonjour. 
 
R.- Bonjour. 
 
Q.- Et merci d'être avec nous. 
 
R.- Un grand bonheur ! 
 
Q.- On va le voir, donc, si ça vous donne du fil à retordre ou pas. 
 
R.- Non ! 
 
Q.- Mardi, N. Sarkozy a affirmé qu'il n'avait pas à se mêler de la  campagne des municipales ; il a dit exactement le contraire il y a  quinze jours. Est-ce que c'est vous qui avez, notamment, fait  remonter au Président le mécontentement ou le doute de certains  parlementaires qui ont dit : « non, non, finalement, c'est mieux que  le Président ne se mêle pas des municipales » ? 
 
R.- Non, non, je crois qu'il y a à la fois confusion et mauvaise  interprétation. Si je puis me permettre, qu'est-ce qu'a dit le Président  dans la première mouture de ce que vous appelez les déclarations  présidentielles ? 
 
Q.- Je le sais, il a dit, je vais vous le dire, si je peux me permettre... 
 
R.- Allez-y, alors ! 
 
Q.- « Bien sûr que je m'engagerai parce que le concept même d'élection  dépolitisée est absurde ». 
 
R.- Naturellement ! Et donc, qu'est-ce qu'il nous a demandé à nous tous ?  C'est de politiser les élections municipales, ou plus exactement il a  demandé à la direction de l'UMP, aux différents ministres qui font des  réunions, de bien rappeler à la fois ce qu'est l'action du Gouvernement,  parce que cette action du Gouvernement, cette action du président de la  République, c'est pour tous nos candidats, partout en France, j'allais  dire le soubassement de leur campagne. Bien entendu, le président de la  République ne va pas - et c'est là qu'est la confusion - il ne va pas aller  faire des meetings locaux à Limoges, à Pau, à Clermont-Ferrand, pour  soutenir les candidats. Ce n'est pas son rôle. 
 
Q.- Vous êtes sûr qu'il n'y a quand même pas un changement  d'attitude ? 
 
R.- Non, non, non. Il a toujours dit... 
 
Q.- ... on a quand même senti et entendu une certaine... 
 
R.- Il a toujours dit : dépolitiser, comme certains le souhaitent ou le  souhaitaient, c'est une erreur parce qu'en tout état de cause, la  politisation nous... mais pour autant, on sait bien qu'il y a la politisation  qui consiste à dire il y a le soubassement de l'action gouvernementale et  l'action du Président de la République, et puis il y a naturellement tous  les produits locaux, dans les 36.000 communes de France il y a des  considérations locales particulières, ce qui est normal. 
 
Q.- Quand on entend Juppé cette semaine qui dit à la télévision, il  s'adresse aux électeurs : « surtout, il ne faut pas confondre, il ne  faut pas que vous sanctionniez l'action du Président à travers ces  élections qui sont bien municipales, qui sont bien locales », on a  presque l'impression que certains veulent vraiment prendre leur  distance vis-à-vis du Président. Concernant Juppé, c'est un petit  désaveu ? 
 
R.- Vous savez, moi, je vais vous dire puisque vous avez l'amabilité de dire  que ça remonte vers moi, pas que vers moi... 
 
Q.- ... oui, en tant que chargé des Relations avec le Parlement ! 
 
R.- Mais oui, ça joue aussi. J'ai eu, moi - et je les ai conservés ou je leur ai  dit « non, c'est pas comme ça que ça se passe » - des, allez, je ne vais  pas mentir, au moins une centaine de demandes de parlementaires me  disant : « est-ce que le président de la République accepterait de venir  dans ma ville, dans mon canton... », puisqu'il y a des cantonales en  même temps, « faire un tour, un marché, un machin ? ». Et je leur ai  dit : « attendez, c'est pas possible... Non, je ne crois pas ». Il ne faut pas  confondre, il y a ce qu'apporte le Gouvernement dans sa politique de  réforme, ce qu'est l'image de N. Sarkozy dans sa volonté de rupture, et  puis l'action locale de nos candidats, mais c'est complémentaire, ça  n'est pas exclusif. Et pourquoi nous disons "il faut politiser" ? Parce  que, vous le savez bien, et vous le ferez le premier, le soir... 
 
Q.- Mais je ne sais pas de quoi vous parlez, alors j'attends de savoir. 
 
R.- Mais je le sais, je vous connais ! Le soir du deuxième tour, vous allez  nous dire, si par exemple les municipales se passent plutôt bien pour la  majorité présidentielle, vous direz : « la majorité a résisté, le  Gouvernement a tenu bon ». Si les municipales se passent mal, si nous  perdons des villes, et tout... 
 
Q.- ... donc, ce sont les journalistes qui politisent. 
 
R.- Non, c'est l'analyse des élections qui est politisée d'office. 
 
Q.- D'accord. 
 
R.- Rappelez-vous les régionales de 2004. On avait dit, et le Gouvernement  Raffarin avait dit « dépolitisons ». Mais le soir du deuxième tour, quand  vingt régions sur vingt-deux en métropole étaient de gauche, on a dit  « sanction contre le Gouvernement ». Voilà. 
 
Q.- Un mot sur le rapport Attali. Est-ce que votre sentiment vis-à-vis de  ce rapport est plutôt proche de celui de J.-P. Raffarin, de J.-F. Copé  ou de N. Sarkozy ? Ils n'ont pas la même vision. Sarkozy qui dit en  gros : « moi, tout me va à part trois mesures » ; J.-P. Raffarin qui a  été très critique vis-à-vis de ce rapport ; et J.-F. Copé qui a dit : « il  faut voir, on va étudier ça l'Assemblée, on va créer des commissions  pour en parler ». 
 
R.- Comme toujours, il faut ne pas être uniforme. Il y a 316 mesures  proposées par le rapport Attali, alors c'est sûr que comme par hasard,  mais enfin c'est la vie, on va parler de cinq, six mesure un peu phares,  et puis on ne parle pas de près de 300 mesures. Moi, je crois,  sincèrement, pour avoir suivi de près à la fois les travaux et puis le  rapport, que beaucoup, beaucoup, beaucoup de mesures, je serais  presque tenté de dire 90 % des mesures ne posent aucun souci parce  qu'elles sont et elles vont dans cette ligne de réformes, de respiration...  attendez, attendez ! Je faisais un débat avec F. Hollande où il me disait  lui-même que sur tout ce qui concerne éducation, formation,  apprentissage... 
 
Q.-... ah mais, les socialistes, c'est vrai qu'ils sont divisés sur la  question. 
 
R.- ... PME, etc., il était d'accord. Donc, je crois que déjà on dit : voilà un  type qui fait un rapport, on lui dit il y a 316 mesures et avant même de...  il y a l'essentiel, bon. Bon, ceci étant, il y a des mesures dans ce rapport  et le président de la République... 
 
Q.-  ... lesquelles ne vous conviennent pas ? Les départements ? 
 
R.- La suppression des départements, le président de la République l'a dit ;  l'analyse sur le principe de précaution, le Président l'a aussi dit, où J.  Attali dit « non, enlevez-moi tout ça parce que c'est un principe  d'inaction ». Alors nous, nous disons : non, le principe de précaution  peut être aussi positif et un principe d'action. La position sur  l'immigration qui n'est pas claire ; nous, nous avons, et vous le savez,  adopté un texte de loi en septembre et le Président de la République a  souhaité la mise en place de quotas professionnels dans l'année. 
 
Q.- C'est vrai qu'il y a une contradiction entre l'idée, il faut le  rappeler, d'Attali qui est, effectivement, de favoriser  l'immigration...
 
R.-  ... oui, d'ouvrir totalement et ça. 
 
Q.- ... pour des emplois des étrangers. 
 
R.- Voilà, sur ces points-là, il n'y a pas d'accord. Alors, pour autant, il y a  un séminaire gouvernemental qui va se réunir dans quinze jours autour  du Premier ministre. Le Premier ministre et l'ensemble du  Gouvernement vont analyser l'ensemble. On va regarder un peu, et  puis, bien entendu, les commissions parlementaires sont d'ores et déjà  saisies. Elles sont déjà reçues J. Attali, là, à l'Assemblée comme au  Sénat. Donc, à partir de là, travail au Parlement, travail du  Gouvernement et on va voir comment on avance. 
 
Q.- Donc, vous vous dites : il faut bien laisser les élus travailler, c'est à  eux... vous êtes un peu sur la position de J.-F. Copé, entre celle de  N. Sarkozy et celle de J.-F. Copé. 
 
R.- Non, pas du tout, non, non, je dis : ce rapport il est... 
 
Q.-... parce que J. Attali dit : « c'est tout ou rien », en gros les députés  n'auraient pas vraiment à travailler. 
 
R.- Oui, mais quand il dit « c'est tout ou rien », dans la mesure où le  président de la République, déjà dès réception du rapport, a déjà dit  « pas de suppression des départements, pas de principe de précaution,  etc. », ça veut dire que ça ne sera pas tout. Mais beaucoup d'éléments  du rapport Attali sont très positifs et doivent être mis en place. Le  président de la République nous a dit six mois. Eh bien moi je vous  donne rendez-vous dans six mois, je reviendrai parce que vous  m'inviterez, naturellement. 
 
Q.- Evidemment ! 
 
R.- Et, vous verrez que je vous dirai : sur les 316 vous en avez 300. Eh  bien, regardez, il n'y a pas beaucoup de rapports qui ont été réellement  appliqués aussi vite. 
 
Q.- R. Karoutchi, est-ce que vous un compte à la Société Générale ? 
 
R.- Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas, j'espère, oui. Il n'est  pas lourd, pardon de le dire. 
 
Q.- C'est vrai ! Vous allez retirer vos avoirs ? 
 
R.- Oh, mes avoirs... 
 
Q.- J'aime bien ce terme « vos avoirs ». 
 
R.- J'ai un compte courant, il doit y avoir royalement, je ne préfère pas le  dire... 
 
Q.- ... si, si, dites-le, allez ! 
 
R.- Je crois que sur mon compte courant à la Société Générale, allez, ça  doit être royal, je ne sais pas, 5-6 000 euros. 
 
Q.- C'est déjà pas mal. 
 
R.- Oui, et j'espère que, comment il s'appelle, là, je ne sais plus, mais  j'espère qu'il ne les a pas perdus en les jouant... 
 
Q.- Le trader. 
 
R.- ...Nuitamment sur internet. Non, je ne suis pas inquiet, je ne vais pas  retirer mes 5-6 000 euros. 
 
Q.- Qu'est-ce que ça vous inspire cette fraude à la Société Générale  comme réflexion sur le système bancaire, sur la bourse ? 
 
R.- D'abord, pour quelqu'un comme moi qui ai été formé bien avant que  tout ça se précipite au niveau technique, d'abord un très profond  étonnement. Le fait qu'un homme seul, apparemment seul en tout cas... 
 
Q.- ... c'est ce que dit pour l'instant la Société Générale. 
 
... qu'un homme seul puisse, même si c'est uniquement technique, et  qu'on ne le voit pas se promener avec des liasses, mais manipuler des  sommes aussi considérables sans qu'il y ait des verrous de sécurité, de  contrôle qui se mettent en place, c'est un étonnement lourd parce que je  connais un peu les procédures publiques, et sincèrement bien des  acteurs publics se sont faits esquinter pour des sommes ridicules. Quand  on voit qu'on peut manipuler autant d'argent, c'est très étonnant.  Deuxième élément, C. Lagarde a répondu, hier, au Sénat, à une  question... [coupure son]... commission bancaire une enquête, de  nouveaux contrôles et je crois que le président de la Banque de France...  le gouverneur de la Banque de France, C. Noyer, a dit lui-même qu'ils  allaient, bien entendu, resserrer un petit peu les contrôles. Mais,  sincèrement, je crois que beaucoup de gens peuvent se dire aujourd'hui,  comment un homme seul peut perdre cinq milliards d'euros ? 
 
Q.- Donc, une suspicion vis-à-vis des déclarations des dirigeants de la  Société Générale. 
 
R.- Non, suspicion de rien du tout. 
 
Q.- Un peu quand même. 
 
R.- Non ! 
 
Q.- Ah si ! 
 
R.- Mais je me dis - moi je ne suis pas un technicien - sincèrement, j'espère  que l'enquête va dire ce qui s'est passé. 
 
Q.- Un dernier mot, R. Karoutchi, il nous reste 30 secondes à peu près,  sur Paris puisqu'on vous a vu cette semaine... 
 
R.-... très belle ville. 
 
Q.- C'est vrai, c'est une belle ville... aux côtés de F. de Panafieu. Vous  vous engagez à ses côtés. 
 
R.- Ca fait longtemps que je suis engagé aux côtés de F. de Panafieu. 
 
Q.- Oui, c'est un peu logique d'ailleurs, compte tenu de votre fonction  de leader de la droite en Ile de France. 
 
R.- Oui, c'est assez logiquement mon rôle. 
 
Q.- En tout cas, vous avez défendu ensemble cette semaine l'idée d'un  Grand Paris. Une idée à laquelle vous n'étiez pas forcément  extrêmement favorable, jusqu'à présent en tout cas, on ne vous entendait pas beaucoup sur la question. Pourquoi aujourd'hui  insister sur ce point ? 
 
R.- Un, je suis favorable à l'organisation d'un Paris coeur d'agglo. Depuis  plus d'un an et demi, avec F. de Panafieu, nous multiplions les réunions  sur ce thème. Deux, je crois que le président de la République a  parfaitement raison, notre région capitale souffre de beaucoup de  maux : elle manque de dynamisme économique, elle manque de grands  gestes architecturaux, elle manque d'attractivité, de logements, d'un  meilleur maillage de transports. Il faut que nous trouvions des solutions.  Alors, laquelle ? Dans un premier temps, nous disons Syndicat mixte  ouvert. Et puis, je sais bien que ça n'est qu'une phase intermédiaire et  qu'il faudra aller plus loin. Faudra-t-il, je ne sais pas, faudra-t-il un  établissement public du Grand Paris ? Faudra-t-il aller vers un syndicat  intercommunal plus lié ? Peut-être. En tout état de cause, ce qui compte  c'est le point de départ, il faut redynamiser le coeur de la région et  alléger les espèces de contraintes, de freins qui empêchent tout. Un  exemple, un seul : Métrophérique qui est un souhait pour tous, une  liaison métro, je vous le rappelle, tout autour de Paris mais à 5-6 km de  Paris, donc interbanlieue. Ça sera toujours mieux que le tramway qui  n'est qu'à l'intérieur de Paris, cette liaison Métrophérique, on est en  train de nous dire que vu les études, les machins, et tout et par tranche,  si c'est fini dans vingt ans, on a de la chance. Sincèrement, je ne me  vois pas aller en banlieue pour dire dans une commune : eh bien, vous  avez de la chance, dans vingt ans, vous avez Métrophérique. Les types  ils ont besoin de décisions plus rapides et de portée concrète plus  rapide. Et je souhaite qu'on trouve pour Métrophérique, peut-être par  un partenariat public/privé, des solutions pour que en six, sept ans on  arrive à le faire. Eh bien, voilà le Grand Paris. 
 
Q.- Donc, vous avez des points communs en tout cas sur vos idées pour  la capitale avec le Parti socialiste, finalement. 
 
R.- Il n'y a pas beaucoup de chance ! 
 
Q.- Ah bon ! Vous reviendrez nous en parler alors. 
 
R.- Oui, quand vous voulez. 
 
Q.- Merci beaucoup R. Karoutchi d'avoir été notre invité.   
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 janvier 2008