Texte intégral
A. Caron.- Il y a quelques mois encore, malgré quelques mouvements d'humeur passagère rapidement contrôlés, presque tous les députés UMP affichaient un indéfectible soutien à N. Sarkozy. Et puis, ces dernières semaines, les sondages se faisant moins flatteurs vis-à-vis du Président, il semble que les élus UMP hésitent de moins en moins à reprendre leur liberté de parole. Exemples : les municipales où beaucoup de candidats souhaitent se passer du soutien présidentiel ; ou encore, le rapport de la commission Attali qui a suscité il y a deux jours des réactions très diverses au sein de la majorité. Ces remous donnent, à n'en pas douter, du fil à retordre au secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement.
R.- Pas du tout !
Q.- Mais si, mais si ! On va en parler...
R.- Mais pas du tout. Zen !
Q.- Oui, je sais que vous êtes zen mais néanmoins c'est compliqué quand même, d'autant que vous êtes occupé, je le disais, à une autre mission, celle de prêter main forte à F. de Panafieu dans sa conquête de la mairie de Paris. R. Karoutchi est notre invité ce matin, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Et merci d'être avec nous.
R.- Un grand bonheur !
Q.- On va le voir, donc, si ça vous donne du fil à retordre ou pas.
R.- Non !
Q.- Mardi, N. Sarkozy a affirmé qu'il n'avait pas à se mêler de la campagne des municipales ; il a dit exactement le contraire il y a quinze jours. Est-ce que c'est vous qui avez, notamment, fait remonter au Président le mécontentement ou le doute de certains parlementaires qui ont dit : « non, non, finalement, c'est mieux que le Président ne se mêle pas des municipales » ?
R.- Non, non, je crois qu'il y a à la fois confusion et mauvaise interprétation. Si je puis me permettre, qu'est-ce qu'a dit le Président dans la première mouture de ce que vous appelez les déclarations présidentielles ?
Q.- Je le sais, il a dit, je vais vous le dire, si je peux me permettre...
R.- Allez-y, alors !
Q.- « Bien sûr que je m'engagerai parce que le concept même d'élection dépolitisée est absurde ».
R.- Naturellement ! Et donc, qu'est-ce qu'il nous a demandé à nous tous ? C'est de politiser les élections municipales, ou plus exactement il a demandé à la direction de l'UMP, aux différents ministres qui font des réunions, de bien rappeler à la fois ce qu'est l'action du Gouvernement, parce que cette action du Gouvernement, cette action du président de la République, c'est pour tous nos candidats, partout en France, j'allais dire le soubassement de leur campagne. Bien entendu, le président de la République ne va pas - et c'est là qu'est la confusion - il ne va pas aller faire des meetings locaux à Limoges, à Pau, à Clermont-Ferrand, pour soutenir les candidats. Ce n'est pas son rôle.
Q.- Vous êtes sûr qu'il n'y a quand même pas un changement d'attitude ?
R.- Non, non, non. Il a toujours dit...
Q.- ... on a quand même senti et entendu une certaine...
R.- Il a toujours dit : dépolitiser, comme certains le souhaitent ou le souhaitaient, c'est une erreur parce qu'en tout état de cause, la politisation nous... mais pour autant, on sait bien qu'il y a la politisation qui consiste à dire il y a le soubassement de l'action gouvernementale et l'action du Président de la République, et puis il y a naturellement tous les produits locaux, dans les 36.000 communes de France il y a des considérations locales particulières, ce qui est normal.
Q.- Quand on entend Juppé cette semaine qui dit à la télévision, il s'adresse aux électeurs : « surtout, il ne faut pas confondre, il ne faut pas que vous sanctionniez l'action du Président à travers ces élections qui sont bien municipales, qui sont bien locales », on a presque l'impression que certains veulent vraiment prendre leur distance vis-à-vis du Président. Concernant Juppé, c'est un petit désaveu ?
R.- Vous savez, moi, je vais vous dire puisque vous avez l'amabilité de dire que ça remonte vers moi, pas que vers moi...
Q.- ... oui, en tant que chargé des Relations avec le Parlement !
R.- Mais oui, ça joue aussi. J'ai eu, moi - et je les ai conservés ou je leur ai dit « non, c'est pas comme ça que ça se passe » - des, allez, je ne vais pas mentir, au moins une centaine de demandes de parlementaires me disant : « est-ce que le président de la République accepterait de venir dans ma ville, dans mon canton... », puisqu'il y a des cantonales en même temps, « faire un tour, un marché, un machin ? ». Et je leur ai dit : « attendez, c'est pas possible... Non, je ne crois pas ». Il ne faut pas confondre, il y a ce qu'apporte le Gouvernement dans sa politique de réforme, ce qu'est l'image de N. Sarkozy dans sa volonté de rupture, et puis l'action locale de nos candidats, mais c'est complémentaire, ça n'est pas exclusif. Et pourquoi nous disons "il faut politiser" ? Parce que, vous le savez bien, et vous le ferez le premier, le soir...
Q.- Mais je ne sais pas de quoi vous parlez, alors j'attends de savoir.
R.- Mais je le sais, je vous connais ! Le soir du deuxième tour, vous allez nous dire, si par exemple les municipales se passent plutôt bien pour la majorité présidentielle, vous direz : « la majorité a résisté, le Gouvernement a tenu bon ». Si les municipales se passent mal, si nous perdons des villes, et tout...
Q.- ... donc, ce sont les journalistes qui politisent.
R.- Non, c'est l'analyse des élections qui est politisée d'office.
Q.- D'accord.
R.- Rappelez-vous les régionales de 2004. On avait dit, et le Gouvernement Raffarin avait dit « dépolitisons ». Mais le soir du deuxième tour, quand vingt régions sur vingt-deux en métropole étaient de gauche, on a dit « sanction contre le Gouvernement ». Voilà.
Q.- Un mot sur le rapport Attali. Est-ce que votre sentiment vis-à-vis de ce rapport est plutôt proche de celui de J.-P. Raffarin, de J.-F. Copé ou de N. Sarkozy ? Ils n'ont pas la même vision. Sarkozy qui dit en gros : « moi, tout me va à part trois mesures » ; J.-P. Raffarin qui a été très critique vis-à-vis de ce rapport ; et J.-F. Copé qui a dit : « il faut voir, on va étudier ça l'Assemblée, on va créer des commissions pour en parler ».
R.- Comme toujours, il faut ne pas être uniforme. Il y a 316 mesures proposées par le rapport Attali, alors c'est sûr que comme par hasard, mais enfin c'est la vie, on va parler de cinq, six mesure un peu phares, et puis on ne parle pas de près de 300 mesures. Moi, je crois, sincèrement, pour avoir suivi de près à la fois les travaux et puis le rapport, que beaucoup, beaucoup, beaucoup de mesures, je serais presque tenté de dire 90 % des mesures ne posent aucun souci parce qu'elles sont et elles vont dans cette ligne de réformes, de respiration... attendez, attendez ! Je faisais un débat avec F. Hollande où il me disait lui-même que sur tout ce qui concerne éducation, formation, apprentissage...
Q.-... ah mais, les socialistes, c'est vrai qu'ils sont divisés sur la question.
R.- ... PME, etc., il était d'accord. Donc, je crois que déjà on dit : voilà un type qui fait un rapport, on lui dit il y a 316 mesures et avant même de... il y a l'essentiel, bon. Bon, ceci étant, il y a des mesures dans ce rapport et le président de la République...
Q.- ... lesquelles ne vous conviennent pas ? Les départements ?
R.- La suppression des départements, le président de la République l'a dit ; l'analyse sur le principe de précaution, le Président l'a aussi dit, où J. Attali dit « non, enlevez-moi tout ça parce que c'est un principe d'inaction ». Alors nous, nous disons : non, le principe de précaution peut être aussi positif et un principe d'action. La position sur l'immigration qui n'est pas claire ; nous, nous avons, et vous le savez, adopté un texte de loi en septembre et le Président de la République a souhaité la mise en place de quotas professionnels dans l'année.
Q.- C'est vrai qu'il y a une contradiction entre l'idée, il faut le rappeler, d'Attali qui est, effectivement, de favoriser l'immigration...
R.- ... oui, d'ouvrir totalement et ça.
Q.- ... pour des emplois des étrangers.
R.- Voilà, sur ces points-là, il n'y a pas d'accord. Alors, pour autant, il y a un séminaire gouvernemental qui va se réunir dans quinze jours autour du Premier ministre. Le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement vont analyser l'ensemble. On va regarder un peu, et puis, bien entendu, les commissions parlementaires sont d'ores et déjà saisies. Elles sont déjà reçues J. Attali, là, à l'Assemblée comme au Sénat. Donc, à partir de là, travail au Parlement, travail du Gouvernement et on va voir comment on avance.
Q.- Donc, vous vous dites : il faut bien laisser les élus travailler, c'est à eux... vous êtes un peu sur la position de J.-F. Copé, entre celle de N. Sarkozy et celle de J.-F. Copé.
R.- Non, pas du tout, non, non, je dis : ce rapport il est...
Q.-... parce que J. Attali dit : « c'est tout ou rien », en gros les députés n'auraient pas vraiment à travailler.
R.- Oui, mais quand il dit « c'est tout ou rien », dans la mesure où le président de la République, déjà dès réception du rapport, a déjà dit « pas de suppression des départements, pas de principe de précaution, etc. », ça veut dire que ça ne sera pas tout. Mais beaucoup d'éléments du rapport Attali sont très positifs et doivent être mis en place. Le président de la République nous a dit six mois. Eh bien moi je vous donne rendez-vous dans six mois, je reviendrai parce que vous m'inviterez, naturellement.
Q.- Evidemment !
R.- Et, vous verrez que je vous dirai : sur les 316 vous en avez 300. Eh bien, regardez, il n'y a pas beaucoup de rapports qui ont été réellement appliqués aussi vite.
Q.- R. Karoutchi, est-ce que vous un compte à la Société Générale ?
R.- Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas, j'espère, oui. Il n'est pas lourd, pardon de le dire.
Q.- C'est vrai ! Vous allez retirer vos avoirs ?
R.- Oh, mes avoirs...
Q.- J'aime bien ce terme « vos avoirs ».
R.- J'ai un compte courant, il doit y avoir royalement, je ne préfère pas le dire...
Q.- ... si, si, dites-le, allez !
R.- Je crois que sur mon compte courant à la Société Générale, allez, ça doit être royal, je ne sais pas, 5-6 000 euros.
Q.- C'est déjà pas mal.
R.- Oui, et j'espère que, comment il s'appelle, là, je ne sais plus, mais j'espère qu'il ne les a pas perdus en les jouant...
Q.- Le trader.
R.- ...Nuitamment sur internet. Non, je ne suis pas inquiet, je ne vais pas retirer mes 5-6 000 euros.
Q.- Qu'est-ce que ça vous inspire cette fraude à la Société Générale comme réflexion sur le système bancaire, sur la bourse ?
R.- D'abord, pour quelqu'un comme moi qui ai été formé bien avant que tout ça se précipite au niveau technique, d'abord un très profond étonnement. Le fait qu'un homme seul, apparemment seul en tout cas...
Q.- ... c'est ce que dit pour l'instant la Société Générale.
... qu'un homme seul puisse, même si c'est uniquement technique, et qu'on ne le voit pas se promener avec des liasses, mais manipuler des sommes aussi considérables sans qu'il y ait des verrous de sécurité, de contrôle qui se mettent en place, c'est un étonnement lourd parce que je connais un peu les procédures publiques, et sincèrement bien des acteurs publics se sont faits esquinter pour des sommes ridicules. Quand on voit qu'on peut manipuler autant d'argent, c'est très étonnant. Deuxième élément, C. Lagarde a répondu, hier, au Sénat, à une question... [coupure son]... commission bancaire une enquête, de nouveaux contrôles et je crois que le président de la Banque de France... le gouverneur de la Banque de France, C. Noyer, a dit lui-même qu'ils allaient, bien entendu, resserrer un petit peu les contrôles. Mais, sincèrement, je crois que beaucoup de gens peuvent se dire aujourd'hui, comment un homme seul peut perdre cinq milliards d'euros ?
Q.- Donc, une suspicion vis-à-vis des déclarations des dirigeants de la Société Générale.
R.- Non, suspicion de rien du tout.
Q.- Un peu quand même.
R.- Non !
Q.- Ah si !
R.- Mais je me dis - moi je ne suis pas un technicien - sincèrement, j'espère que l'enquête va dire ce qui s'est passé.
Q.- Un dernier mot, R. Karoutchi, il nous reste 30 secondes à peu près, sur Paris puisqu'on vous a vu cette semaine...
R.-... très belle ville.
Q.- C'est vrai, c'est une belle ville... aux côtés de F. de Panafieu. Vous vous engagez à ses côtés.
R.- Ca fait longtemps que je suis engagé aux côtés de F. de Panafieu.
Q.- Oui, c'est un peu logique d'ailleurs, compte tenu de votre fonction de leader de la droite en Ile de France.
R.- Oui, c'est assez logiquement mon rôle.
Q.- En tout cas, vous avez défendu ensemble cette semaine l'idée d'un Grand Paris. Une idée à laquelle vous n'étiez pas forcément extrêmement favorable, jusqu'à présent en tout cas, on ne vous entendait pas beaucoup sur la question. Pourquoi aujourd'hui insister sur ce point ?
R.- Un, je suis favorable à l'organisation d'un Paris coeur d'agglo. Depuis plus d'un an et demi, avec F. de Panafieu, nous multiplions les réunions sur ce thème. Deux, je crois que le président de la République a parfaitement raison, notre région capitale souffre de beaucoup de maux : elle manque de dynamisme économique, elle manque de grands gestes architecturaux, elle manque d'attractivité, de logements, d'un meilleur maillage de transports. Il faut que nous trouvions des solutions. Alors, laquelle ? Dans un premier temps, nous disons Syndicat mixte ouvert. Et puis, je sais bien que ça n'est qu'une phase intermédiaire et qu'il faudra aller plus loin. Faudra-t-il, je ne sais pas, faudra-t-il un établissement public du Grand Paris ? Faudra-t-il aller vers un syndicat intercommunal plus lié ? Peut-être. En tout état de cause, ce qui compte c'est le point de départ, il faut redynamiser le coeur de la région et alléger les espèces de contraintes, de freins qui empêchent tout. Un exemple, un seul : Métrophérique qui est un souhait pour tous, une liaison métro, je vous le rappelle, tout autour de Paris mais à 5-6 km de Paris, donc interbanlieue. Ça sera toujours mieux que le tramway qui n'est qu'à l'intérieur de Paris, cette liaison Métrophérique, on est en train de nous dire que vu les études, les machins, et tout et par tranche, si c'est fini dans vingt ans, on a de la chance. Sincèrement, je ne me vois pas aller en banlieue pour dire dans une commune : eh bien, vous avez de la chance, dans vingt ans, vous avez Métrophérique. Les types ils ont besoin de décisions plus rapides et de portée concrète plus rapide. Et je souhaite qu'on trouve pour Métrophérique, peut-être par un partenariat public/privé, des solutions pour que en six, sept ans on arrive à le faire. Eh bien, voilà le Grand Paris.
Q.- Donc, vous avez des points communs en tout cas sur vos idées pour la capitale avec le Parti socialiste, finalement.
R.- Il n'y a pas beaucoup de chance !
Q.- Ah bon ! Vous reviendrez nous en parler alors.
R.- Oui, quand vous voulez.
Q.- Merci beaucoup R. Karoutchi d'avoir été notre invité.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 janvier 2008
R.- Pas du tout !
Q.- Mais si, mais si ! On va en parler...
R.- Mais pas du tout. Zen !
Q.- Oui, je sais que vous êtes zen mais néanmoins c'est compliqué quand même, d'autant que vous êtes occupé, je le disais, à une autre mission, celle de prêter main forte à F. de Panafieu dans sa conquête de la mairie de Paris. R. Karoutchi est notre invité ce matin, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Et merci d'être avec nous.
R.- Un grand bonheur !
Q.- On va le voir, donc, si ça vous donne du fil à retordre ou pas.
R.- Non !
Q.- Mardi, N. Sarkozy a affirmé qu'il n'avait pas à se mêler de la campagne des municipales ; il a dit exactement le contraire il y a quinze jours. Est-ce que c'est vous qui avez, notamment, fait remonter au Président le mécontentement ou le doute de certains parlementaires qui ont dit : « non, non, finalement, c'est mieux que le Président ne se mêle pas des municipales » ?
R.- Non, non, je crois qu'il y a à la fois confusion et mauvaise interprétation. Si je puis me permettre, qu'est-ce qu'a dit le Président dans la première mouture de ce que vous appelez les déclarations présidentielles ?
Q.- Je le sais, il a dit, je vais vous le dire, si je peux me permettre...
R.- Allez-y, alors !
Q.- « Bien sûr que je m'engagerai parce que le concept même d'élection dépolitisée est absurde ».
R.- Naturellement ! Et donc, qu'est-ce qu'il nous a demandé à nous tous ? C'est de politiser les élections municipales, ou plus exactement il a demandé à la direction de l'UMP, aux différents ministres qui font des réunions, de bien rappeler à la fois ce qu'est l'action du Gouvernement, parce que cette action du Gouvernement, cette action du président de la République, c'est pour tous nos candidats, partout en France, j'allais dire le soubassement de leur campagne. Bien entendu, le président de la République ne va pas - et c'est là qu'est la confusion - il ne va pas aller faire des meetings locaux à Limoges, à Pau, à Clermont-Ferrand, pour soutenir les candidats. Ce n'est pas son rôle.
Q.- Vous êtes sûr qu'il n'y a quand même pas un changement d'attitude ?
R.- Non, non, non. Il a toujours dit...
Q.- ... on a quand même senti et entendu une certaine...
R.- Il a toujours dit : dépolitiser, comme certains le souhaitent ou le souhaitaient, c'est une erreur parce qu'en tout état de cause, la politisation nous... mais pour autant, on sait bien qu'il y a la politisation qui consiste à dire il y a le soubassement de l'action gouvernementale et l'action du Président de la République, et puis il y a naturellement tous les produits locaux, dans les 36.000 communes de France il y a des considérations locales particulières, ce qui est normal.
Q.- Quand on entend Juppé cette semaine qui dit à la télévision, il s'adresse aux électeurs : « surtout, il ne faut pas confondre, il ne faut pas que vous sanctionniez l'action du Président à travers ces élections qui sont bien municipales, qui sont bien locales », on a presque l'impression que certains veulent vraiment prendre leur distance vis-à-vis du Président. Concernant Juppé, c'est un petit désaveu ?
R.- Vous savez, moi, je vais vous dire puisque vous avez l'amabilité de dire que ça remonte vers moi, pas que vers moi...
Q.- ... oui, en tant que chargé des Relations avec le Parlement !
R.- Mais oui, ça joue aussi. J'ai eu, moi - et je les ai conservés ou je leur ai dit « non, c'est pas comme ça que ça se passe » - des, allez, je ne vais pas mentir, au moins une centaine de demandes de parlementaires me disant : « est-ce que le président de la République accepterait de venir dans ma ville, dans mon canton... », puisqu'il y a des cantonales en même temps, « faire un tour, un marché, un machin ? ». Et je leur ai dit : « attendez, c'est pas possible... Non, je ne crois pas ». Il ne faut pas confondre, il y a ce qu'apporte le Gouvernement dans sa politique de réforme, ce qu'est l'image de N. Sarkozy dans sa volonté de rupture, et puis l'action locale de nos candidats, mais c'est complémentaire, ça n'est pas exclusif. Et pourquoi nous disons "il faut politiser" ? Parce que, vous le savez bien, et vous le ferez le premier, le soir...
Q.- Mais je ne sais pas de quoi vous parlez, alors j'attends de savoir.
R.- Mais je le sais, je vous connais ! Le soir du deuxième tour, vous allez nous dire, si par exemple les municipales se passent plutôt bien pour la majorité présidentielle, vous direz : « la majorité a résisté, le Gouvernement a tenu bon ». Si les municipales se passent mal, si nous perdons des villes, et tout...
Q.- ... donc, ce sont les journalistes qui politisent.
R.- Non, c'est l'analyse des élections qui est politisée d'office.
Q.- D'accord.
R.- Rappelez-vous les régionales de 2004. On avait dit, et le Gouvernement Raffarin avait dit « dépolitisons ». Mais le soir du deuxième tour, quand vingt régions sur vingt-deux en métropole étaient de gauche, on a dit « sanction contre le Gouvernement ». Voilà.
Q.- Un mot sur le rapport Attali. Est-ce que votre sentiment vis-à-vis de ce rapport est plutôt proche de celui de J.-P. Raffarin, de J.-F. Copé ou de N. Sarkozy ? Ils n'ont pas la même vision. Sarkozy qui dit en gros : « moi, tout me va à part trois mesures » ; J.-P. Raffarin qui a été très critique vis-à-vis de ce rapport ; et J.-F. Copé qui a dit : « il faut voir, on va étudier ça l'Assemblée, on va créer des commissions pour en parler ».
R.- Comme toujours, il faut ne pas être uniforme. Il y a 316 mesures proposées par le rapport Attali, alors c'est sûr que comme par hasard, mais enfin c'est la vie, on va parler de cinq, six mesure un peu phares, et puis on ne parle pas de près de 300 mesures. Moi, je crois, sincèrement, pour avoir suivi de près à la fois les travaux et puis le rapport, que beaucoup, beaucoup, beaucoup de mesures, je serais presque tenté de dire 90 % des mesures ne posent aucun souci parce qu'elles sont et elles vont dans cette ligne de réformes, de respiration... attendez, attendez ! Je faisais un débat avec F. Hollande où il me disait lui-même que sur tout ce qui concerne éducation, formation, apprentissage...
Q.-... ah mais, les socialistes, c'est vrai qu'ils sont divisés sur la question.
R.- ... PME, etc., il était d'accord. Donc, je crois que déjà on dit : voilà un type qui fait un rapport, on lui dit il y a 316 mesures et avant même de... il y a l'essentiel, bon. Bon, ceci étant, il y a des mesures dans ce rapport et le président de la République...
Q.- ... lesquelles ne vous conviennent pas ? Les départements ?
R.- La suppression des départements, le président de la République l'a dit ; l'analyse sur le principe de précaution, le Président l'a aussi dit, où J. Attali dit « non, enlevez-moi tout ça parce que c'est un principe d'inaction ». Alors nous, nous disons : non, le principe de précaution peut être aussi positif et un principe d'action. La position sur l'immigration qui n'est pas claire ; nous, nous avons, et vous le savez, adopté un texte de loi en septembre et le Président de la République a souhaité la mise en place de quotas professionnels dans l'année.
Q.- C'est vrai qu'il y a une contradiction entre l'idée, il faut le rappeler, d'Attali qui est, effectivement, de favoriser l'immigration...
R.- ... oui, d'ouvrir totalement et ça.
Q.- ... pour des emplois des étrangers.
R.- Voilà, sur ces points-là, il n'y a pas d'accord. Alors, pour autant, il y a un séminaire gouvernemental qui va se réunir dans quinze jours autour du Premier ministre. Le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement vont analyser l'ensemble. On va regarder un peu, et puis, bien entendu, les commissions parlementaires sont d'ores et déjà saisies. Elles sont déjà reçues J. Attali, là, à l'Assemblée comme au Sénat. Donc, à partir de là, travail au Parlement, travail du Gouvernement et on va voir comment on avance.
Q.- Donc, vous vous dites : il faut bien laisser les élus travailler, c'est à eux... vous êtes un peu sur la position de J.-F. Copé, entre celle de N. Sarkozy et celle de J.-F. Copé.
R.- Non, pas du tout, non, non, je dis : ce rapport il est...
Q.-... parce que J. Attali dit : « c'est tout ou rien », en gros les députés n'auraient pas vraiment à travailler.
R.- Oui, mais quand il dit « c'est tout ou rien », dans la mesure où le président de la République, déjà dès réception du rapport, a déjà dit « pas de suppression des départements, pas de principe de précaution, etc. », ça veut dire que ça ne sera pas tout. Mais beaucoup d'éléments du rapport Attali sont très positifs et doivent être mis en place. Le président de la République nous a dit six mois. Eh bien moi je vous donne rendez-vous dans six mois, je reviendrai parce que vous m'inviterez, naturellement.
Q.- Evidemment !
R.- Et, vous verrez que je vous dirai : sur les 316 vous en avez 300. Eh bien, regardez, il n'y a pas beaucoup de rapports qui ont été réellement appliqués aussi vite.
Q.- R. Karoutchi, est-ce que vous un compte à la Société Générale ?
R.- Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas, j'espère, oui. Il n'est pas lourd, pardon de le dire.
Q.- C'est vrai ! Vous allez retirer vos avoirs ?
R.- Oh, mes avoirs...
Q.- J'aime bien ce terme « vos avoirs ».
R.- J'ai un compte courant, il doit y avoir royalement, je ne préfère pas le dire...
Q.- ... si, si, dites-le, allez !
R.- Je crois que sur mon compte courant à la Société Générale, allez, ça doit être royal, je ne sais pas, 5-6 000 euros.
Q.- C'est déjà pas mal.
R.- Oui, et j'espère que, comment il s'appelle, là, je ne sais plus, mais j'espère qu'il ne les a pas perdus en les jouant...
Q.- Le trader.
R.- ...Nuitamment sur internet. Non, je ne suis pas inquiet, je ne vais pas retirer mes 5-6 000 euros.
Q.- Qu'est-ce que ça vous inspire cette fraude à la Société Générale comme réflexion sur le système bancaire, sur la bourse ?
R.- D'abord, pour quelqu'un comme moi qui ai été formé bien avant que tout ça se précipite au niveau technique, d'abord un très profond étonnement. Le fait qu'un homme seul, apparemment seul en tout cas...
Q.- ... c'est ce que dit pour l'instant la Société Générale.
... qu'un homme seul puisse, même si c'est uniquement technique, et qu'on ne le voit pas se promener avec des liasses, mais manipuler des sommes aussi considérables sans qu'il y ait des verrous de sécurité, de contrôle qui se mettent en place, c'est un étonnement lourd parce que je connais un peu les procédures publiques, et sincèrement bien des acteurs publics se sont faits esquinter pour des sommes ridicules. Quand on voit qu'on peut manipuler autant d'argent, c'est très étonnant. Deuxième élément, C. Lagarde a répondu, hier, au Sénat, à une question... [coupure son]... commission bancaire une enquête, de nouveaux contrôles et je crois que le président de la Banque de France... le gouverneur de la Banque de France, C. Noyer, a dit lui-même qu'ils allaient, bien entendu, resserrer un petit peu les contrôles. Mais, sincèrement, je crois que beaucoup de gens peuvent se dire aujourd'hui, comment un homme seul peut perdre cinq milliards d'euros ?
Q.- Donc, une suspicion vis-à-vis des déclarations des dirigeants de la Société Générale.
R.- Non, suspicion de rien du tout.
Q.- Un peu quand même.
R.- Non !
Q.- Ah si !
R.- Mais je me dis - moi je ne suis pas un technicien - sincèrement, j'espère que l'enquête va dire ce qui s'est passé.
Q.- Un dernier mot, R. Karoutchi, il nous reste 30 secondes à peu près, sur Paris puisqu'on vous a vu cette semaine...
R.-... très belle ville.
Q.- C'est vrai, c'est une belle ville... aux côtés de F. de Panafieu. Vous vous engagez à ses côtés.
R.- Ca fait longtemps que je suis engagé aux côtés de F. de Panafieu.
Q.- Oui, c'est un peu logique d'ailleurs, compte tenu de votre fonction de leader de la droite en Ile de France.
R.- Oui, c'est assez logiquement mon rôle.
Q.- En tout cas, vous avez défendu ensemble cette semaine l'idée d'un Grand Paris. Une idée à laquelle vous n'étiez pas forcément extrêmement favorable, jusqu'à présent en tout cas, on ne vous entendait pas beaucoup sur la question. Pourquoi aujourd'hui insister sur ce point ?
R.- Un, je suis favorable à l'organisation d'un Paris coeur d'agglo. Depuis plus d'un an et demi, avec F. de Panafieu, nous multiplions les réunions sur ce thème. Deux, je crois que le président de la République a parfaitement raison, notre région capitale souffre de beaucoup de maux : elle manque de dynamisme économique, elle manque de grands gestes architecturaux, elle manque d'attractivité, de logements, d'un meilleur maillage de transports. Il faut que nous trouvions des solutions. Alors, laquelle ? Dans un premier temps, nous disons Syndicat mixte ouvert. Et puis, je sais bien que ça n'est qu'une phase intermédiaire et qu'il faudra aller plus loin. Faudra-t-il, je ne sais pas, faudra-t-il un établissement public du Grand Paris ? Faudra-t-il aller vers un syndicat intercommunal plus lié ? Peut-être. En tout état de cause, ce qui compte c'est le point de départ, il faut redynamiser le coeur de la région et alléger les espèces de contraintes, de freins qui empêchent tout. Un exemple, un seul : Métrophérique qui est un souhait pour tous, une liaison métro, je vous le rappelle, tout autour de Paris mais à 5-6 km de Paris, donc interbanlieue. Ça sera toujours mieux que le tramway qui n'est qu'à l'intérieur de Paris, cette liaison Métrophérique, on est en train de nous dire que vu les études, les machins, et tout et par tranche, si c'est fini dans vingt ans, on a de la chance. Sincèrement, je ne me vois pas aller en banlieue pour dire dans une commune : eh bien, vous avez de la chance, dans vingt ans, vous avez Métrophérique. Les types ils ont besoin de décisions plus rapides et de portée concrète plus rapide. Et je souhaite qu'on trouve pour Métrophérique, peut-être par un partenariat public/privé, des solutions pour que en six, sept ans on arrive à le faire. Eh bien, voilà le Grand Paris.
Q.- Donc, vous avez des points communs en tout cas sur vos idées pour la capitale avec le Parti socialiste, finalement.
R.- Il n'y a pas beaucoup de chance !
Q.- Ah bon ! Vous reviendrez nous en parler alors.
R.- Oui, quand vous voulez.
Q.- Merci beaucoup R. Karoutchi d'avoir été notre invité.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 janvier 2008