Texte intégral
Journal de l'île de La Réunion : Dans le cadre du mini-remaniement, vous avez hérité de l'Outre-mer. Qu'avez-vous dit à François Fillon : "Merci" ou "J'aurais préféré autre chose" ?
Yves Jégo : "J'ai dit oui sans hésiter et je suis entré dans ce ministère avec quelques convictions que je voudrais faire partager. La mondialisation change profondément les équilibres de la planète et transforme à la fois les modes de production des richesses et la géographie du développement mondial. Dans le même temps, la prise de conscience écologique ouvre de nouvelles perspectives et nous oblige à agir pour préserver l'avenir de nos enfants. Face à ces défis, nos Outre-Mers, par leur emplacement et leur potentiel humain et naturel, sont une chance formidable pour toute la nation. Je voudrais faire prendre conscience de cela à notre pays tout entier. Pour peu que l'on s'en donne les moyens, ces territoires peuvent ambitionner non seulement de rattraper le retard pris dans bien des domaines mais bien plus de devenir des exemples de progrès pour toute la nation. C'est la logique du projet présidentiel que je voudrais ainsi décliner en liaison avec Michèle Alliot-Marie. Pour y arriver, nous devons évidemment sortir des habitudes d'affrontement pour unir nos forces, former notre jeunesse et mobiliser l'investissement indispensable à ce renouveau économique et social. C'est cette grande ambition qui m'a incité à accepter cette lourde charge.
Journal de l'île de La Réunion : Quel est le but de votre visite dans l'île ?
Yves Jégo : C'est mon premier déplacement comme Ministre et je n'ai pas choisi la Réunion par hasard. J'ai voulu d'abord saluer l'extraordinaire potentiel de vitalité de la plus peuplée de nos îles. J'ai souhaité aussi venir écouter les élus et tous les acteurs du développement. Pour moi, ce n'est pas dans les bureaux parisiens que l'on trouvera les réponses à toutes les questions qui se posent. Je suis un élu local depuis longtemps et je sais que le dialogue direct vaut mieux que tous les rapports mêmes les mieux rédigés. Enfin, je mesure à travers les projets en cours d'élaboration combien le partenariat étroit entre l'État et les acteurs locaux est indispensable. Je suis porteur d'un message d'avenir et d'une volonté d'union de toutes nos forces aux profits des Réunionnais.
Journal de l'île de La Réunion : Pourquoi avoir choisi la Réunion en premier ? Parce qu'elle a voté à 63% en faveur de Ségolène Royal en mai 2007 ?
Yves Jégo : C'est vrai. Mais il est vrai aussi que près de 140 000 Réunionnais ont voté pour Nicolas Sarkozy. Je veux démontrer aux habitants et aux élus que l'État est porteur d'une très grande ambition pour la Réunion comme pour toute l'Outre-Mer. Le président de la République, élu par une immense majorité de Français en mai dernier, a pris des engagements précis. Je suis là pour affirmer qu'ils seront tenus, ici comme ailleurs. J'aurai peut-être aussi l'occasion de répondre à ceux qui me semblent vouloir poursuivre au-delà du raisonnable la campagne présidentielle. Je ne laisserai pas caricaturer l'action du gouvernement à la Réunion par ceux qui ne défendent en fait que leurs petits intérêts partisans.
Journal de l'île de La Réunion : Votre tournée des communes risque d'être très rapide : savez-vous que sur les 24 communes de la Réunion, il n'en reste plus que dix à droite depuis le 16 mars dernier ?
Yves Jégo : J'ai vu cela. Comme Ministre de la République, je n'ai pas à juger du choix des Réunionnais. Par nature, je suis disposé à travailler avec chacun pour peu que l'on se place dans une logique de partenariat clair et lisible. L'État est prêt à de nombreux engagements dans une idée simple, celle du respect mutuel.
Journal de l'île de La Réunion : Comment expliquez-vous cette cinglante défaite ? N'y a-t-il pas eu, selon vous, un manque d'adhésion à la politique gouvernementale ainsi qu'à la méthode Sarkozy ?
Yves Jégo : Chacun le sait, les élections municipales se sont d'abord et surtout jouées sur des enjeux locaux. Mais il ne faut pas être sourd au message national exprimé à cette occasion. À mon sens, le pays manifeste une véritable impatience de toucher les fruits du travail engagés par la majorité présidentielle depuis 10 mois. Nous sommes très déterminés à répondre à cette attente, même si tous ceux qui ont travaillé la terre le savent, il faut un peu de patience avant de récolter. Je suis là aussi pour évaluer la performance des services de l'État dans la mise en oeuvre des réformes et mesurer sur le terrain le résultat de ce qui a été décidé à Paris."
Journal de l'île de la Réunion : L'UMP Nassimah Dindar a été élue, dimanche, présidente du conseil général à la tête d'une majorité de gauche PS-PCR. Quel est votre sentiment ?
Yves Jégo : "J'ai pris acte comme tout le monde. J'ai ensuite pris connaissance de l'appel lancé par la présidente sortante après sa réélection. Elle souhaite manifestement qu'une très large majorité se rassemble dans l'intérêt des Réunionnais. J'ai trouvé sa main tendue à ceux de sa famille politique qui ne l'ont pas encore rejointe assez courageuse et j'espère sincèrement que la droite locale trouvera rapidement le chemin de la réconciliation.
Journal de l'île de la Réunion : La droite locale dont nombre d'élus y compris des députés ont rendu sur le champ, dimanche, leur carte UMP, vous accuse d'être à l'origine de ce "hold-up" ? Vrai ou faux ?
Yves Jégo : Faux évidement. Au cours de ces derniers jours, j'ai eu au téléphone les deux candidats qui se sont affrontés au premier tour à savoir Jean-Louis Lagourgue et Nassimah Dindar, la présidente sortante. Je les ai appelés par courtoisie après ma nomination comme je l'ai fait pour les principaux élus des territoires ultramarins. Je leur ai dit à tous les deux la même chose : battez-vous pour créer les conditions d'une stabilité politique durable car les enjeux du développement de la Réunion sont tels qu'il serait dramatique qu'une crise institutionnelle fondée sur des mésententes ne vienne bloquer les grands projets en cours au profit des Réunionnais. À tous les deux, j'ai dit mon désir ardent de coopérer avec le futur président du conseil général quel qu'il soit. Ils m'ont tous les deux fait part de leur grande satisfaction face à cette position.
Journal de l'île de la Réunion : La droite locale qui condamne la position de l'UMP nationale dans ces tractations vous tient pour principal responsable de ce "complot" monté avec la complicité du communiste Paul Vergès et des socialistes. Qu'en dites-vous ?
Yves Jégo : Tout ceci est sans fondement.
Journal de l'île de la Réunion : Le groupe des 20 élus UMP-Divers droite du conseil général, qui s'appelle depuis hier "la nouvelle droite", estime qu'en négociant avec le PCR et le PS, en faveur de Nassimah Dindar, vous avez torpillé la droite réunionnaise. Que leur répondez-vous ?
Yves Jégo : Le ministre que je suis n'est pas là pour organiser d'une manière ou d'une autre la vie politique des assemblées des territoires ultramarins. Je n'ai pas l'intention de sortir du rôle qui est le mien et qui consiste à veiller au bon fonctionnement des institutions de la République tout en garantissant la liberté de chaque assemblée de s'organiser comme elle le souhaite.
Journal de l'île de la Réunion : Le comité départemental de l'UMP annonce qu'il va boycotter votre visite prévue jeudi prochain dans l'île. Allez-vous annuler ce déplacement ou demanderez-vous à Nassimah Dindar de vous organiser un comité d'accueil, avec l'aide de la gauche ?
Yves Jégo : J'ai beaucoup d'amis militants UMP à la Réunion, je pense à eux et je souhaite vivement que ma visite soit une source d'apaisement plutôt que de tensions. Je suis un homme de dialogue et je considère que l'énergie perdue à de vains affrontements est plus utile lorsqu'elle s'investit au service de l'intérêt collectif. Je viens dans cet esprit et je serai évidemment très heureux à l'occasion de ce premier déplacement de rencontrer toutes celles et tous ceux qui souhaiteront me voir."
Entretien réalisé par Yves Mont-Rouge
source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 26 mars 2008