Texte intégral
Président de l'UDF, François Bayrou tire les leçons des élections municipales. Contre ceux " qui ne veulent entendre parler pour la présidentielle que de la candidature de Jacques Chirac ", il proclame les vertus de la compétition ".
Jacques Chirac a-t-il raison de refuser de répondre à la convocation du juge Halphen ?
Il y a un argument juridique que je m'étonne de ne pas voir évoqué. Savez-vous qu'aucun membre du gouvernement, qu'il soit premier ministre, ministre ou simplement secrétaire d'Etat, ne peut être entendu comme témoin par un juge d'instruction sans une délibération préalable du Conseil des ministres, qui, est pratique, n'est jamais accordée ? Alors ce qui vaut pour un membre du gouvernement devrait valoir au moins pour le Président de la République Peut-être faut-il changer ce type de protections, mais ce ne peut être qu'à l'issue d'un débat national.
Les élections municipales n'ont-elles pas montré que les électeurs plébiscitaient l'union et sanctionnaient les divisions ?
La clé de la victoire, c'est la dynamique du second tour. Dans de nombreuses villes, Blois, Aix, Chartres, il y a eu des primaires, et au second tour rassemblement autour de la liste arrivée en tête. Ailleurs, c'est l'unité qui a marché. Mais, à Paris ou à Lyon, la fracture était trop profonde, pour des raisons politiques et morales, et le rassemblement de second tour était devenu impossible. La leçon est claire : le rassemblement de second tour se prépare au premier.
La perte de Lyon n'est-elle pas avant tout la défaite de l'UDF, comme celle de Paris est la défaite du RPR ?
Cessons de croire que les villes appartiennent aux partis ! Je ne vais pas vous dire que nous ne ressentons pas la perte de Lyon, sous prétexte que le candidat du second tour était RPR. La défaite est commune, comme ailleurs la victoire est commune. Mais je voudrais surtout retenir une leçon politique. A Lyon, comme à Toulouse, on a vu que les électeurs du centre détenaient la clé de la victoire. Dans les deux cas, ils se sont détournés soit d'une droite qui n'était plus modérée, soit d'une gauche qui se radicalisait.
En 1998, l'UDF avait stigmatisé l'attitude de Charles Millon. Ne vous appartient-il pas de réconcilier deux électorats qui ne veulent plus s'additionner ?
Cette nécessité de la réconciliation, je l'accepte. La France connaît deux sensibilités dans l'opposition : la droite a besoin d'exister, et le centre d'être fort. Je constate que tous les responsables de l'opposition parlent désormais de la droite et du centre : quel progrès ! Mais ce qui doit unir la droite et le centre, c'est le pacte républicain. Un pacte républicain qui renonce à tout accord de compromission avec l'extrême droite. Cela doit être clarifié. Je l'ai dit explicitement à Charles Millon. Dès l'instant qu'on accepte le pacte républicain, tout le monde a sa place.
Apparemment, le résultat des municipales donne lieu à deux lectures différentes pour la suite
Ce n'est pas une surprise. Il y a ceux qui ne veulent entendre parler pour la présidentielle que de la candidature de Jacques Chirac. Et il y a ceux qui estiment que l'offre d'un renouvellement dans l'opposition est la condition de la victoire.
Mais le renouvellement des hommes, c'est précisément l'ambition d'Alternance 2002
Cette opération, conduite à peine discrètement par les conseillers de l'Elysée, a pour objectif de préparer la candidature de Jacques Chirac. Il n'y a aucun mal à cela. Mais vouloir, pour arriver à ses fins, faire disparaître ses partenaires, ce n'est pas vraiment amical, et ce ne sera pas vraiment efficace. Je le dis à l'avance et sans émoi particulier. Disons que tout cela est cousu de fil blanc.
François Léotard affirme que, s'il doit choisir entre l'UDF et Alternance 2002, il choisira la seconde. L'UDF autorisera-t-elle la double appartenance ?
S'il s'agit d'un parti politique, distribuant des investitures, il y a une règle de base : on ne peut pas appartenir à deux partis à la fois. Mais mon impression, aujourd'hui, c'est qu'on n'en est pas là. Ce n'est pas la clarification qui est en marche. Au contraire, c'est la confusion qui est à son comble. Si je comprends bien, on s'apprête pour toute nouveauté à réinventer, sous un autre nom, à l'Assemblée et au Sénat, un intergroupe qui existe déjà depuis plusieurs années. Vous parlez d'un changement ! Pour gagner, la clarté est plus efficace.
Les parlementaires de l'opposition semblent déterminer à imposer l'union aux chefs de leur groupe et de leur parti
Je connais beaucoup de parlementaires qui attendent, comme tous les Français, un courage nouveau, un espoir qui ne retombe pas. Or ce choix nouveau, ce n'est pas le verrouillage que l'on obtiendra. Le débat et la compétition sont bien venus. Car ce ne sont pas les petits cercles habitués au pouvoir mais les électeurs qui peuvent imposer le renouvellement.
Avec Alain Madelin, vous êtes deux candidats à vouloir incarner une alternative face à Jacques Chirac. Cela ne fait-il pas un peu trop ?
La liberté que je revendique pour moi-même, je la reconnais aux autres. Que chacun joue sa chance. Il y aura bien cinq candidatures à gauche. Et puis, qui vous dit qu'un jour ou l'autre nos démarches ne se rejoindront pas ?
Jacques Chirac n'est-il pas le plus centriste des candidats ?
La vogue récente du centre réjouit mon cur Quant au reste, au-delà des positionnements tactiques, il y a la vérité des choix et des comportements. Les électeurs savent très bien faire la différence.
Vous condamnez le clivage droite-gauche. Quelles solutions institutionnelles proposez-vous pour sortir de ce clivage ?
Je ne vois aucun des problèmes majeurs de la France aujourd'hui pour la solution desquels le clivage droite-gauche soit le bon. Qu'est-ce que ce clivage nous dit sur les jeunes, sur l'avenir européen, sur les retraites, sur le sort des salariés, sur l'environnement ? Rien. Aujourd'hui, l'Europe est devant la fièvre aphteuse. Droite et gauche institutionnelles sont d'accord pour laisser continuer les massacres. Moi, je suis pour la vaccination. Droite et gauche sont d'accord pour défendre la politique agricole commune telle qu'elle était. Je plaide au contraire pour qu'on la change. Des majorités d'idées nouvelles vont naître, et d'abord à la présidentielle. Et le chapitre "institutions" sera au centre de ces idées nouvelles. Les collectivités locales disposeront de pouvoirs nouveaux. Le Parlement devra être irrigué par des courants moins dépendants de la mode ou de la peur. Il faudra proposer aux Français un nouveau mode de scrutin, plus souple et plus fort, avec une dose de proportionnelle, comme en Allemagne.
Propos recueillis par Alexis Brézet et Guillaume Tabard
(source http://www.udf.org, le 3 avril 2001)
Jacques Chirac a-t-il raison de refuser de répondre à la convocation du juge Halphen ?
Il y a un argument juridique que je m'étonne de ne pas voir évoqué. Savez-vous qu'aucun membre du gouvernement, qu'il soit premier ministre, ministre ou simplement secrétaire d'Etat, ne peut être entendu comme témoin par un juge d'instruction sans une délibération préalable du Conseil des ministres, qui, est pratique, n'est jamais accordée ? Alors ce qui vaut pour un membre du gouvernement devrait valoir au moins pour le Président de la République Peut-être faut-il changer ce type de protections, mais ce ne peut être qu'à l'issue d'un débat national.
Les élections municipales n'ont-elles pas montré que les électeurs plébiscitaient l'union et sanctionnaient les divisions ?
La clé de la victoire, c'est la dynamique du second tour. Dans de nombreuses villes, Blois, Aix, Chartres, il y a eu des primaires, et au second tour rassemblement autour de la liste arrivée en tête. Ailleurs, c'est l'unité qui a marché. Mais, à Paris ou à Lyon, la fracture était trop profonde, pour des raisons politiques et morales, et le rassemblement de second tour était devenu impossible. La leçon est claire : le rassemblement de second tour se prépare au premier.
La perte de Lyon n'est-elle pas avant tout la défaite de l'UDF, comme celle de Paris est la défaite du RPR ?
Cessons de croire que les villes appartiennent aux partis ! Je ne vais pas vous dire que nous ne ressentons pas la perte de Lyon, sous prétexte que le candidat du second tour était RPR. La défaite est commune, comme ailleurs la victoire est commune. Mais je voudrais surtout retenir une leçon politique. A Lyon, comme à Toulouse, on a vu que les électeurs du centre détenaient la clé de la victoire. Dans les deux cas, ils se sont détournés soit d'une droite qui n'était plus modérée, soit d'une gauche qui se radicalisait.
En 1998, l'UDF avait stigmatisé l'attitude de Charles Millon. Ne vous appartient-il pas de réconcilier deux électorats qui ne veulent plus s'additionner ?
Cette nécessité de la réconciliation, je l'accepte. La France connaît deux sensibilités dans l'opposition : la droite a besoin d'exister, et le centre d'être fort. Je constate que tous les responsables de l'opposition parlent désormais de la droite et du centre : quel progrès ! Mais ce qui doit unir la droite et le centre, c'est le pacte républicain. Un pacte républicain qui renonce à tout accord de compromission avec l'extrême droite. Cela doit être clarifié. Je l'ai dit explicitement à Charles Millon. Dès l'instant qu'on accepte le pacte républicain, tout le monde a sa place.
Apparemment, le résultat des municipales donne lieu à deux lectures différentes pour la suite
Ce n'est pas une surprise. Il y a ceux qui ne veulent entendre parler pour la présidentielle que de la candidature de Jacques Chirac. Et il y a ceux qui estiment que l'offre d'un renouvellement dans l'opposition est la condition de la victoire.
Mais le renouvellement des hommes, c'est précisément l'ambition d'Alternance 2002
Cette opération, conduite à peine discrètement par les conseillers de l'Elysée, a pour objectif de préparer la candidature de Jacques Chirac. Il n'y a aucun mal à cela. Mais vouloir, pour arriver à ses fins, faire disparaître ses partenaires, ce n'est pas vraiment amical, et ce ne sera pas vraiment efficace. Je le dis à l'avance et sans émoi particulier. Disons que tout cela est cousu de fil blanc.
François Léotard affirme que, s'il doit choisir entre l'UDF et Alternance 2002, il choisira la seconde. L'UDF autorisera-t-elle la double appartenance ?
S'il s'agit d'un parti politique, distribuant des investitures, il y a une règle de base : on ne peut pas appartenir à deux partis à la fois. Mais mon impression, aujourd'hui, c'est qu'on n'en est pas là. Ce n'est pas la clarification qui est en marche. Au contraire, c'est la confusion qui est à son comble. Si je comprends bien, on s'apprête pour toute nouveauté à réinventer, sous un autre nom, à l'Assemblée et au Sénat, un intergroupe qui existe déjà depuis plusieurs années. Vous parlez d'un changement ! Pour gagner, la clarté est plus efficace.
Les parlementaires de l'opposition semblent déterminer à imposer l'union aux chefs de leur groupe et de leur parti
Je connais beaucoup de parlementaires qui attendent, comme tous les Français, un courage nouveau, un espoir qui ne retombe pas. Or ce choix nouveau, ce n'est pas le verrouillage que l'on obtiendra. Le débat et la compétition sont bien venus. Car ce ne sont pas les petits cercles habitués au pouvoir mais les électeurs qui peuvent imposer le renouvellement.
Avec Alain Madelin, vous êtes deux candidats à vouloir incarner une alternative face à Jacques Chirac. Cela ne fait-il pas un peu trop ?
La liberté que je revendique pour moi-même, je la reconnais aux autres. Que chacun joue sa chance. Il y aura bien cinq candidatures à gauche. Et puis, qui vous dit qu'un jour ou l'autre nos démarches ne se rejoindront pas ?
Jacques Chirac n'est-il pas le plus centriste des candidats ?
La vogue récente du centre réjouit mon cur Quant au reste, au-delà des positionnements tactiques, il y a la vérité des choix et des comportements. Les électeurs savent très bien faire la différence.
Vous condamnez le clivage droite-gauche. Quelles solutions institutionnelles proposez-vous pour sortir de ce clivage ?
Je ne vois aucun des problèmes majeurs de la France aujourd'hui pour la solution desquels le clivage droite-gauche soit le bon. Qu'est-ce que ce clivage nous dit sur les jeunes, sur l'avenir européen, sur les retraites, sur le sort des salariés, sur l'environnement ? Rien. Aujourd'hui, l'Europe est devant la fièvre aphteuse. Droite et gauche institutionnelles sont d'accord pour laisser continuer les massacres. Moi, je suis pour la vaccination. Droite et gauche sont d'accord pour défendre la politique agricole commune telle qu'elle était. Je plaide au contraire pour qu'on la change. Des majorités d'idées nouvelles vont naître, et d'abord à la présidentielle. Et le chapitre "institutions" sera au centre de ces idées nouvelles. Les collectivités locales disposeront de pouvoirs nouveaux. Le Parlement devra être irrigué par des courants moins dépendants de la mode ou de la peur. Il faudra proposer aux Français un nouveau mode de scrutin, plus souple et plus fort, avec une dose de proportionnelle, comme en Allemagne.
Propos recueillis par Alexis Brézet et Guillaume Tabard
(source http://www.udf.org, le 3 avril 2001)