Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, accordée aux médias arabes le 8 février 1999, sur l'avenir du processus de paix au Proche-Orient après le décès du Roi Hussein de Jordanie, la négociation de Rambouillet sur le Kosovo et la situation en Irak.

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Média : Presse étrangère - Télévision

Texte intégral

Q - Après la disparition du Roi de Jordanie, comment concevez-vous les choses ? Y aura-t-il une continuité et quen est-il de la relation franco-jordanienne ?
R - Après la disparition très regrettable du Roi Hussein, qui a inspirée une grande tristesse dans le monde entier, je crois quil y aura une vraie continuité parce que cest lintérêt fondamental de la Jordanie. Le Roi Hussein a donné une empreinte très forte à la politique de son pays et chaque fois quil la pu, il a participé à la relance du processus de paix, à sa consolidation. On la encore vu, il y a quelques semaines lorsquil était venu à Wye River. Je crois que cest quelque chose qui, au-delà de sa personne très exceptionnelle, a engagé son pays tout entier. Je nai pas de doute sur ce point. Je suis convaincu que la Jordanie continuera dêtre un pays désirant ardemment la paix et faisant tout ce qui est en son pouvoir pour cela.
Q - A propos du Kossovo, vous avez dit quil y avait eu quatre miracles qui ont permis de faire venir différents partenaires à Rambouillet. Vous dites également que vous restez quand même plutôt pessimiste. Sur quels point laccord est-il facile et sur quels autres laccord est-il très difficile ?
R - Il ny a pas de points faciles dans cette discussion. En effet, on peut souligner que cest déjà un résultat extraordinaire qui est dû notamment au travail des diplomaties européennes et plus particulièrement des diplomaties britanniques et françaises. Elles ont réussi à faire passer lidée dune négociation sous cette forme très ramassée, avec une date précise, ont obtenu que les Serbes viennent, que les Kossovards viennent, quils aient accepté, non pas de commencer encore à négocier directement, mais au moins, entendre les médiateurs leur exposer les schémas possibles de solutions. Les choses ont commencé alors quil y avait eu toutes sortes doccasions, (le diable est souvent dans le détail) qui font que cela aurait pu se bloquer tout de suite.
Pour le moment, cela avance. Jai déjà eu loccasion de le dire : je ne peux pas être optimiste parce que cest trop compliqué, les positions sont trop antagonistes comme on le sait, mais nous sommes déterminés à faire tout ce que nous pouvons M. Cook et moi-même, ainsi que les représentants des six pays du Groupe de contact, pour que les choses avancent. Maintenant quils sont là, croyez-moi, leffort ne va pas être relâché un seul instant jusquau résultat.
Voilà ce que je peux dire aujourdhui. Je ne peux pas mavancer plus, parce que chacun des points est compliqué, - il ny a pas délément facile dans cet accord.
Q - Avez-vous lintention de vous rendre à Rambouillet aujourdhui ?
R - je suis les négociations en permanence. Il se peut que jy aille mais je nai pas fixé le moment. Jirai dès que cest utile. Je les suis depuis le Quai dOrsay, heure par heure, si ce nest plus.
Q - Peut-on vous demander de nous dire officiellement que vous nêtes pas parti en Jordanie à cause de Rambouillet mais que vous auriez souhaité y aller ?
R - Jaurai naturellement souhaité être à Amman aujourdhui pour les obsèques du Roi Hussein. Cest un moment dune grande émotion, un moment dune très grande intensité mais chacun le comprendra, je suis vraiment obligé de rester à Paris pour suivre les négociations de Rambouillet sur le Kossovo. Je les suis heure par heure, minute par minute et je peux avoir à me rendre à tout instant pour aider et compléter le travail des trois négociateurs qui sont à loeuvre.
Q - Pouvez-vous nous dire comment se présentent les discussions sur le Kossovo à Rambouillet ?
R - Ce qui est très important, cest quelles aient commencé et que les Yougoslaves et dautre part les Albanais du Kossovo soient venus, quils aient répondu à la convocation, à linjonction du Groupe de contact. Ils ont sans doute compris quils ne pouvaient pas faire autrement. Ce dialogue, cette négociation, est fondamentale. Nous nen sommes quau début, cest extrêmement complexe puisque les points de vues sont absolument antagonistes. Cest pour cela que nous avons pris nos responsabilités. Nous bousculons les choses et le Groupe de contact met sur la table, un schéma de règlement possible pour cette autonomie substantielle.
Q - Le plan de paix présenté hier a-t-il déjà été discuté ?
R - Cela commence juste. Chaque partie lexamine et le regarde de son côté. Nous nous rendons compte que ce nest pas une négociation laissée à elle-même, cest une négociation conduite de façon très active par les trois négociateurs et sous la coprésidence de M. Cook et moi. Je suis cela heure par heure.
Q - Comment voyez-vous lavenir de la région après le décès du Roi Hussein de Jordanie ?
R - Le décès du Roi de Jordanie a provoqué une tristesse réelle, sincère je crois, dans le monde entier. Son courage, sa persévérance, son action pour la paix, même encore ces dernières semaines, ont été salués très spontanément.
En même temps, je nai aucun doute sur la politique de la Jordanie et je suis convaincu pour beaucoup de raisons que ce pays restera engagé pour la stabilité et pour la paix, pour la relance du processus de paix, pour sa consolidation. jai une vraie confiance sur ce plan.
Q - Où en sont les idées françaises à propos de lIraq et de la levée de lembargo ?
R - Ce sont les seules idées qui aient été présentées par un pays qui couvre lensemble du sujet, aussi bien dans sa dimension humanitaire par rapport au peuple iraquien que dans la dimension de sécurité régionale qui est tout à fait importante. Ce sont autour de ces idées que la discussion sest engagée et quelle se poursuit au Conseil de sécurité.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, février 1999)