Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations franco-chypriotes, le programme français pour la présidence de l'Union européenne, les relations entre Chypre et la Turquie, la situation au Liban et le projet d'Union méditerranéenne, Chypre le 9 mai 2008.

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Circonstance : Voyage à Malte et à Chypre les 8 et 9 mai 2008-point de presse à Chypre le 9

Texte intégral

Merci monsieur le Président.

Je voudrais remercier le président Christofias pour la sincérité, pour la chaleur des échanges que nous venons d'avoir à la fois sur les priorités de la présidence française de l'Union européenne et sur la question chypriote, et celle de nos relations bilatérales.
Sur les questions européennes, nous avons un dialogue très étroit. Plusieurs ministres français sont venus à Chypre, Jean-Pierre Jouyet le 11 avril. J'ai présenté au président Christofias les priorités de la présidence française.
Le pacte européen pour l'immigration et l'asile qui doit nous permettre d'avancer sur une approche commune des Européens dans un domaine qui nous concerne tous.
Nous avons discuté de l'avenir de la Politique agricole commune et nous sommes convenus que cette politique agricole commune doit évoluer pour faire face aux nouveaux défis que représente la question de la sécurité alimentaire du monde et la question de la hausse des prix des produits alimentaires. Mais aussi la question de l'environnement, du développement durable et de la protection des équilibres des territoires.
J'ai rappelé que la question du climat et de l'énergie serait au coeur des priorités de la présidence française.
L'Europe doit être en avance, elle doit être irréprochable sur la question de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle doit montrer l'exemple mais elle doit le faire en défendant ses intérêts économiques, en évitant les délocalisations en dehors de son territoire et en s'assurant de son indépendance sur le plan énergétique.
Nous avons évoqué la relance de la défense européenne, il y a des convergences de vues très claires sur ce sujet entre la République de Chypre et la France. S'agissant de la politique européenne de sécurité et de défense et de ses opérations, nous avons la conviction que nous allons pouvoir progresser sur ce terrain.
Au-delà des priorités de la présidence française, je veux me réjouir de la chance qui m'est donnée d'effectuer cette visite à un moment que nous espérons tous crucial pour l'histoire de l'île, quelques semaines après la première rencontre entre le président Christofias et le chef de la communauté chypriote-turque, M. Talat, après l'ouverture d'un nouveau point de passage rue Ledra au coeur de Nicosie, et après le début des travaux des groupes d'experts, qui concrétise le lancement du processus de négociation.
Les autorités françaises, comme toute la communauté internationale, se sont félicitées de l'espoir qui est né de ces développements, qui montrent qu'il existe une volonté d'avancer. Nous avons salué les engagements pris par les dirigeants chypriotes et nous les encourageons vivement à poursuivre leurs efforts avec la plus grande détermination pour parvenir à un règlement durable et équitable et pour mettre un terme à cette partition qui n'a que trop duré.
Et je veux dire que la France veillera toujours, notamment au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, à soutenir et à encourager tous les efforts qui iront dans ce sens.
Enfin, nous avons évoqué la situation préoccupante au Liban, et la situation toute particulière de Chypre, qui nous a déjà, à plusieurs reprises, apporté une assistance extrêmement précieuse, notamment à l'occasion de la crise de 2006, que nous n'espérons pas voir se reproduire.
Enfin, monsieur le Président, j'ai visité en arrivant à Chypre un chantier important d'une entreprise française, qui illustre la bonne coopération économique entre la France et la République de Chypre, coopération économique que nous souhaitons encore approfondir.
Je vous remercie.

Questions des journalistes à François Fillon
Question à propos de l'adhésion Turquie à l'Union européenne.
François Fillon : Nous, nous pensons, ce n'est un secret pour personne, que l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne n'est pas forcément la bonne solution, qu'il existe encore aujourd'hui beaucoup trop d'obstacles à cette adhésion et qu'un partenariat privilégié entre l'Union européenne et ce grand pays qu'est la Turquie constituerait une étape nécessaire. Dans cet esprit, nous avons souhaité que ne s'ouvrent, avec la Turquie, que les chapitres de négociation qui ne débouchent pas directement sur l'adhésion. Et naturellement, nous suivons avec la plus grande attention l'évolution des engagements qui ont été pris par la Turquie. Je dirais, pour finir très simplement que nous ne pouvons pas imaginer qu'un pays puisse vouloir adhérer à l'Union européenne, alors même que son armée occupe un territoire d'un autre pays de l'Union européenne.

Question à propos de la situation au Liban et d'une éventuelle implication de la France.
François Fillon : Nous sommes extrêmement préoccupés par ces violences. Nous savons que ces violences peuvent conduire à un engrenage qui, lui-même, conduirait à la guerre civile. Il faut lever les barrages, il faut rouvrir les routes et l'aéroport. Comme le montre l'histoire du Liban, il n'y a pas d'autre solution que politique. Les éléments de cette solution sont connus, ce sont ceux du plan de la Ligue arabe. Nous soutenons les institutions libanaises, nous soutenons le Gouvernement et l'armée, à qui il revient de préserver la stabilité et la sécurité du pays. Les autorités françaises sont mobilisées pour trouver avec tous les acteurs concernés avec lesquels nous sommes en contact permanent, à commencer par la Ligue arabe, une solution politique à la crise. Le ministre des Affaires étrangères français a appelé aujourd'hui même le Premier ministre libanais, il doit s'entretenir dans les prochaines heures avec tous les principaux dirigeants du pays afin de contribuer à la reprise du dialogue. Enfin, naturellement, notre ambassade est mobilisée pour assurer la sécurité des Français. Elle nous informe en temps réel et nous sommes prêts à réagir à toute évolution de la situation.

Question : Je voulais savoir ce que la France allait faire à partir du 1er juillet et pendant toute sa présidence pour infléchir, pour influencer la Turquie afin de montrer une attitude plus positive aux pourparlers et reprendre les négociations. Le président Christofias, aujourd'hui, a dit clairement que s'il n'y avait pas de progrès lors des travaux des groupes de travail constitués, les pourparlers ne pouvaient pas reprendre. Qu'est-ce que la France compte faire à partir du 1er juillet pour influencer l'attitude turque ?
François Fillon : Notre position est une position qui est bien connue : nous voulons un règlement durable, équitable et conforme au droit international de la question chypriote, pour tous les Chypriotes. Cette solution, nous avons toujours indiqué qu'elle devait venir des Chypriotes eux-mêmes, avec l'appui des Nations unies, c'est dans le cadre des Nations unies que cette question doit être traitée et sous l'autorité du Secrétaire général des Nations unies. L'Union européenne, naturellement, est là pour appuyer les efforts et les actions qui vont dans le sens d'un règlement, mais comme vous le savez, l'Union n'a pas de mandat pour traiter globalement la question de Chypre. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, comme je l'ai indiqué il y a quelques instants, nous ne ménagerons aucun effort pour soutenir les initiatives qui visent à rechercher une solution. Et nous souhaitons vivement que le processus qui a été engagé par monsieur Christofias puisse aller de l'avant et puisse aboutir le plus rapidement possible à un règlement. Et tout l'effort de la France, que ce soit dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne ou que ce soit dans le cadre de l'exercice de sa souveraineté, ira dans ce sens, celui de soutenir les efforts du Gouvernement chypriote en vue d'un règlement, qui est un règlement qui devrait aller de soi dans ce début de XXIe siècle. Vous me permettrez de terminer en disant que l'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons tellement cette Union de la Méditerranée, c'est parce que nous pensons que toutes les tensions qui existent en Méditerranée ne pourront, à terme, se résoudre que si l'ensemble des acteurs qui sont autour de la Méditerranée coopèrent ensemble. Je voulais vous dire qu'il n'y a aucune fatalité, regardez la crise qui a existé pendant des siècles et des siècles entre les pays européens. Nous l'avons résolue, ces tensions ces rivalités, ces guerres, nous les avons résolues en créant l'Union européenne, c'est-à-dire en se donnant un projet commun pour surmonter nos divergences. Eh bien il faut qu'autour de la Méditerranée, autour de projets concrets, progressivement, tous les pays acceptent et apprennent à travailler ensemble dans le sens de la paix et non pas dans le sens de la division.

Question : Est-ce que vous seriez d'accord pour faire du 9 mai "Journée de l'Europe", un jour férié à la place du 8 mai ?
François Fillon : C'est une question très, très importante, stratégique, par rapport à celle que nous venons d'évoquer. C'est vrai que les Français aiment beaucoup les jours fériés, je ne sais pas ce qu'il en est s'agissant des Chypriotes, mais en tout cas, on en discutera au sein du Parlement français avant de prendre une décision.
Merci beaucoup.

Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 mai 2008