Interview de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, à France 2 le 3 juin 2008, sur le débat sur le projet de loi de réforme des institutions et sur la gestion des régions par les socialistes.

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Média : France 2

Texte intégral

F. Laborde.- Nous allons parler des relations avec le Parlement puisque c'est cette après-midi même à l'Assemblée que vient en discussion ce grand texte de réforme sur les institutions. Est-ce qu'à l'arrivée ce texte, qui avait quand même suscité beaucoup de débats, voire de polémiques, à l'arrivée ce texte vous convient ?
 
Oui, tout à fait, c'est un texte d'ouverture qui donne beaucoup plus de pouvoir au Parlement, beaucoup plus de pouvoir aux citoyens au travers du référendum d'initiative populaire, du défenseur du citoyen. C'est un texte d'ouverture puisqu'on était parti du texte Balladur mais on accédait...
 
De la commission qui avait été réunie, qui réunissait les personnalités de droite et gauche.
 
De gauche et de droite et des experts. Et on a eu un long travail parlementaire, beaucoup de concertations. On a pris beaucoup de propositions et d'amendements de la gauche, beaucoup de propositions et d'amendements du Centre et de l'UMP, et on a fait un travail finalement de synthèse. J'espère que c'est un travail qui aboutira à la réforme.
 
Parmi les dispositions, il y a ce référendum en cas d'élargissement notamment, qui ne vise pas directement les pays. Il y avait un débat : est-ce qu'il faut dire il faut un référendum si l'on laisse entrer tel ou tel pays ? Et là, on s'est basé sur un pourcentage de population.
 
Un pourcentage de population, c'est-à-dire on dit cela a un sens de demander aux Français de s'exprimer directement si c'est 5 % ou plus de la population de l'Union européenne, c'est-à-dire en gros un peu plus de 20 à 25 millions d'habitants. C'est assez logique. Un Etat de plus de 25 millions d'habitants qui rentre, cela change la nature, l'équilibre en Europe. Cela peut concerner la Turquie, ça peut concerner l'Ukraine et, si un jour elle le demande, la Russie.
 
Il y aura aussi un référendum d'initiative populaire ?
 
Populaire, c'est-à-dire que c'est 10 %, 4 millions à peu près des Français électeurs inscrits, demandent sur un texte précis : est-ce qu'il y a un débat parlementaire et un texte de loi, eh bien ce sera possible.
 
Mais concrètement, cela va se passer comment ? Ils écrivent à leur député, ils disent...
 
Non, non, il suffira qu'un groupe, une association, un mouvement réunisse à la fois 20 % des parlementaires, 10 % du corps électoral et le texte deviendra forcément débat au Parlement pour devenir éventuellement un texte de loi.
 
 Il y a un amendement qui a été déposé et voté d'ailleurs par deux députés UMP sur la parité homme/femme et on a le sentiment que vous n'étiez pas très favorable à cet amendement. Pourquoi ? Pourtant la parité homme/femme...
 
Attendez ! Qui peut être défavorable ? Non, non, non. Là-dessus, le problème ne se posait pas, c'est un amendement UMP d'ailleurs de M.- J. Zimmermann. Nous avons dit à M.-J. Zimmermann dans la lettre de mission qui est donnée à S. Veil, qui revoit le préambule de la Constitution : il y a cet objectif de parité, que donc nous souhaitons inscrire dans le préambule. M.-J. Zimmermann a dit...
 
Le préambule, c'est un peu plus fort que la Constitution !
 
Le préambule ce sont les grands principes. Mais comme la révision du préambule ne vient que début 2009, M.-J. Zimmermann a préféré prendre tout de suite, plutôt qu'attendre, et donc finalement c'est inscrit dans la Constitution.
 
Donc, ce n'est pas un couac dans la majorité ?
 
Non, puisque de toute façon elle était d'accord sur le fond. Simplement, on disait : est-ce que tu ne préfères pas attendre le préambule ? Elle nous a dit : "non, mettez le tout de suite dans la Constitution". Très bien c'est dans la Constitution.
 
La grande nouveauté aussi, c'est que le président de la République désormais, enfin quand le texte sera voté, parce qu'il passe le 17 au sénat, il faut quand même le rappeler...
 
Il passe le 17 juin devant le Sénat, et puis il y aura Congrès à l'arrivée, au mois de juillet.
 
Une fois que ce texte sera voté, le président de la République pourra s'exprimer devant le Congrès, c'est-à-dire les deux Assemblées réunies : Sénat, Assemblée nationale.
 
Les sénateurs et les députés réunis, le Président viendra dire ce que sont les grands défis de la France, dire ce que sont les grandes orientations de sa politique, définir les grands enjeux.
 
Mais ce n'est pas ce que fait le Président aux Etats-Unis, par exemple quand il fait son discours de l'Union ?
 
C'est le discours de l'Union mais peut-être, là, pour la France, ce sera un peu moins solennel ; ce sera beaucoup plus sur du rythme, sur les réformes, sur les enjeux, peut-être pas la grand messe. Mais vraiment un vrai travail de proximité.
 
Il y a eu quelques demandes d'inscription dans le texte d'une dose, comme on dit, de proportionnelle, c'était notamment le souhait de F. Bayrou du MoDem qui aurait aimé qu'on réforme un peu le scrutin. Et la gauche avait l'air de soutenir plutôt cette demande.
 
Oui, enfin elle la soutenait du bout des lèvres.
 
Ah bon...
 
Oui du bout des lèvres. Je ne suis pas sûr absolument que les dirigeants socialistes tiennent beaucoup à voir Monsieur Besancenot avoir un groupe de 30 à 35 députés. Je n'en sais rien !
 
C'est l'extrême gauche.
 
Je n'en sais rien.
 
35 députés, s'il y avait la proportionnelle, d'extrême gauche ?
 
S'ils font 7 ou 8 %, oui, ils auraient 35 députés.
 
Donc, en fait, vous vous êtes entendus avec la gauche pour qu'il n'y ait ni le Front national, ni l'extrême gauche ?
 
Non, non, non. Nous, nous avons dit dès le départ : la proportionnelle ça déséquilibre en partie l'équilibre de la Vème République et de l'Assemblée nationale. Donc, nous avions dit : pas de proportionnelle à l'Assemblée, nous sommes pour le scrutin majoritaire. On a vu arriver les amendements qui en soi ne sont pas ni choquant ni rien, mais simplement on dit politiquement à la gauche : est-ce qu vous êtes sûrs de vouloir aller au terme de cette évolution ? Voilà.
 
Vous n'étiez pas enthousiasme d'accord.
 
On ne peut pas dire qu'ils se soient battus outre mesure.
 
Est-ce que la majorité est toujours aussi agitée, parce qu'on a vu qu'il y avait un peu de tangage de temps en temps ?
 
La majorité est agitée par des débats.
 
J.-F. Copé parfois était surpris par tel et tel vote.
 
Ah, non, non. Il peut y avoir un petit incident - ce qui c'est produit sur les OGM - un incident de délégations et de procurations. Sincèrement, c'est un incident technique qui peut se produire. Mais la majorité elle est à la fois bouillonnante d'idées, parce qu'il y a beaucoup de réformes qui se font, parce qu'on change peu de choses.
 
... C'est le côté positif pour dire qu'elle est agitée et qu'elle ne suit pas les consignes.
 
Non, pas du tout ! Parce que je vous signale que 40 textes de réformes ont été adoptés à un an. Nous n'avons pas eu un seul retrait, pas eu une seule difficulté pour faire adopter un seul texte de réforme. Les textes de réforme sont adoptés. Maintenant, qu'on demande à nos députés ou à nos sénateurs d'être actifs, présents, d'être en force de proposition, c'est ce qu'a demandé le président de la République. Mais à l'arrivée, quand on vote, il faut naturellement la loyauté, la fidélité et l'efficacité que constitue en réalité le vote final.
 
Et vous, ce n'est pas trop difficile d'avoir à jouer comme cela de temps en temps, siffler la fin de la récrée, le rappel au règlement ?
 
Je ne siffle pas la fin de la récréation mais j'assiste à tout le match jour et nuit.
 
A propos de match justement vous sortez la nouvelle édition de votre Livre noir des régions de socialistes, édition 2008, c'est une troisième ?
 
Troisième.
 
On peut dire que dans l'ensemble, vous avez pas remarquez que c'était formidablement géré. Il n'y a pas une région socialiste dont vous dites du bien. Pourquoi ?
 
Parce qu'il n'y en a pas une qui sort du lot. Sauf que ...
 
Ce n'est pas parti pris !
 
Pensez donc ! C'est moi qui l'ai coordonné. Cela ne peut pas être de parti pris !
 
D'accord, d'accord.
 
Non, mais ce que je veux dire, c'est que bien sûr qu'il y a des régions différentes. Les régions les mieux gérées à gauche ont fait 25 % de hausse d'impôts en 3 ans. Les régions les plus mal gérées 77 % de hausse d'impôts en 3 ans. Pour des gens qui passent leur temps à dire : nous, nous luttons pour le pouvoir d'achat, ils ont fait exploser l'impôt, fait exposer l'emprunt, fait exploser la dette, réguler des preuves d'investissement et exploser les dépenses de fonctionnement.
 
A gauche, on dit : oui mais vous êtes bien gentil mais on doit gérer sur le plan... prendre en charge sur le plan local un certain nombre de dispositifs qui étaient avant gérés par l'Etat et que nous, nous gérons les personnes âgées, les collèges, les établissements...
 
Prétexte ! Non, non, non. Les collèges, c'est les départements. Non mais prétexte, pourquoi ? Parce que la Constitution et c'est inscrit dorénavant dans la Constitution, assure l'équilibre financier en cas de transfert. Deuxième élément, il y a une commission d'évaluation des charges qui dit exactement quel doit être le transfert financier. Et en réalité, les régions socialistes dissimilent, sous couvert de défaussement de l'Etat, leurs dépenses excessives en matière de communication, de représentation, de saupoudrages associatifs, etc.
 
Dès que vous trouverez une région socialiste qui gère bien, vous nous le ferez savoir.
 
J'irais peut-être y vivre, mais cela m'étonnerait parce que je ne souhaite qu'une chose : c'est que les prochaines régionales se passent bien pour la majorité.
 
Une dernière question un peu comme cela, dans la légèreté. Il se murmure dans Paris que vos déjeuners du dimanche sont très courus et que vous invitez la Cour et la Ville, si je puis dire, à votre ministère le dimanche. C'est vrai ?
 
La Cour, pas, je suis très républicain. Cela veut surtout dire que comme je travaille le samedi et le dimanche dans mon ministère, sans problème, le dimanche, j'invite effectivement gauche-droite, des gens politiques, médiatiques etc. pour parler parce que beaucoup d'ouverture d'esprit ne nuit pas.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 juin 2008