Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, pour la remise du prix du Sénat du Livre d'histoire à Denis Lacorne, pour son ouvrage "De la religion en Amérique. Essai d'histoire politique", Paris le 7 juin 2008.

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Texte intégral

Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Mesdames et Messieurs les membres du jury du Prix du Livre d'Histoire du Sénat,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Le Président Jean-Noël JEANNENEY vient de mettre fin à un suspense particulièrement éprouvant en nous dévoilant le nom de l'heureux lauréat du sixième Prix du Livre d'Histoire du Sénat, Monsieur Denis LACORNE. J'éprouve un extrême plaisir à le féliciter. Je vais vous en donner les raisons.
Vous prenez rang, en effet, cher Monsieur, au Panthéon de vos illustres prédécesseurs que sont, chronologiquement, M. François AZOUVI, Mme Colette BEAUNE, M. Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, Mme Mona OZOUF et M. Paul VEYNE. Les brillants historiens qui les avaient distingués ont choisi, cette année, de vous honorer et de vous attribuer, cette « palme d'or » particulièrement apte à nourrir notre réflexion républicaine, dans le cadre d'une manifestation - les Rendez-Vous Citoyens-Histoire du Sénat - qui rencontre chaque année un succès manifeste et grandissant.
Le jury qui vous honore, aujourd'hui, s'est réuni à cinq reprises depuis le mois de février et vous a choisi parmi les ultimes finalistes évoqués à l'instant par Jean-Noël JEANNENEY, digne successeur du regretté René REMOND. Partant d'une liste initiale de quelque deux cents ouvrages, il en a progressivement distingué trente, puis quinze, puis sept, puis trois : rude tâche s'il en est ! Exercice parfois frustrant tant la production nationale de l'actuelle école historique française s'avère féconde.
Aussi, permettez-moi de rendre un vibrant hommage à sa ténacité, à sa rigueur intellectuelle ainsi qu'à la convivialité qui préside à l'occasion de ses échanges.
Merci donc à chacun des membres de notre prestigieux jury.
Cher Denis LACORNE, en cette année d'élection présidentielle aux États-Unis d'Amérique, vous nous apportez une mise en perspective salutaire. Votre propos aborde l'Amérique dans son rapport politique à la religion, constitutif de l'identité nationale américaine depuis trois siècles. Au fil d'une chronologie renouvelée, vous nous ménagez de belles surprises.
Vous analysez la foi des Pèlerins, la montée en puissance des sectes évangéliques, la « guerre des Bibles » entre catholiques et protestants au XIXème siècle, l'invocation du Credo anglo- protestant contre l'afflux des nouveaux immigrés, l'annonce de « la mort de Dieu » dans les années 1930, ou encore l'usage plus récent du fondamentalisme religieux à des fins électorales.
Au fil des chapitres, vous mettez en évidence deux conceptions opposées de la nation : l'une, séculière, qui puise ses racines dans l'héritage des Lumières, l'autre baignée dans la culture des puritains. Dès l'origine, les Fondateurs ont érigé « un mur de séparation » entre l'Église et l'État, mur parfois ébranlé mais toujours reconstruit.
Oui, les États-Unis sont bien les pionniers de la laïcité dans la mesure où les Pères de l'Indépendance sont des hommes des Lumières. Mais il n'en est pas moins vrai que le « billet vert » mentionne : « En Dieu, nous croyons ».
Entre ces deux appréhensions de l'histoire, ces deux conceptions de la nation, les divergences sont importantes.
Mais votre essai ne se limite pas au seul discours de l'Amérique sur elle même. Il ne cesse de solliciter, de Voltaire à Sartre, le regard tantôt avisé et plus souvent biaisé des Français, séduits par l'exotisme d'une Amérique si étrangère à leur tradition nationale et à leurs habitudes de pensée.
Votre expertise de la sociologie politique américaine confère à votre contribution une originalité qui permet précisément de décrypter l'imbrication du religieux et du politique dans la plus vieille démocratie du monde.
Nous vous en savons gré. Je vous remercie de votre attention. Source http://www.senat.fr, le 11 juin 2008