Interview de M. Serge Lepeltier, secrétaire général du RPR, à Europe 1 le 30 mars 2001, sur sa nomination comme secrétaire général, son soutien à Jacques Chirac, son intérêt pour les questions d'environnement, les licenciements chez Danone et la constitution d'Alternance 2002.

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Média : Europe 1

Texte intégral

A. Chabot
Vous occupez un poste qui a déjà été occupé par A. Juppé, J. Toubon, N. Sarkozy, c'est dire que c'est quelque chose. Beaucoup de noms avaient circulé avant que vous ne soyez nommé. Certains on refusé, vous avez accepté. Pourquoi ? Parce que vous êtes moins conscient que d'autres des difficultés ?
- "Quand on a été militant depuis longtemps, je crois que c'est une fonction qui ne se refuse pas. C'est une fonction essentielle pour le mouvement, pour le Rassemblement pour la République. Quand on vous demande d'assumer cette mission, pour moi, aucune question ne se pose sur la réponse. C'est la première des choses, c'est un devoir."
Donc, vous n'avez pas hésité une seconde ? Vous avez dit "oui" quand M. Alliot-Marie vous a demandé d'occuper le poste ?
- "Quand M. Alliot-Marie m'a posé la question de la façon suivante : "est-ce que tu es prêt à accepter toute fonction jusqu'à celle de secrétaire général ?", j'ai respiré et j'ai dit "oui.""
Vous avez dit hier : "je serai l'homme de la présidente." Cela veut-il dire désormais que le poste de secrétaire général est celui de super-intendant du RPR ou directeur de cabinet de M. Alliot-Marie ?
- "C'est deux choses : d'abord, c'est son choix personnel. Elle a réfléchi à ma nomination, elle l'a souhaité pour un certain nombre de raisons, la première étant ma fonction de maire de Bourges. Je crois qu'elle est très attachée à mettre en avant tous ceux qui, aux élections municipales dernières, ont fait des campagnes de proximité, qui ont donc bien compris la population."
Vous appartenez à la génération terrain, comme F. Keller, N. Perruchot ?
- "Je crois que j'appartiens à cette génération de femmes et d'hommes qui sont dans la proximité. Les élections municipales ont d'abord été la victoire de la proximité contre le débat national. Et puis une chose qui a été importante pour M. Alliot-Marie, c'est que je suis le maire du Printemps de Bourges, c'est-à-dire celui qui, RPR, a soutenu et accompagne le Printemps de Bourges, qui tient beaucoup à cet événement, un événement qui donne du bonheur aux jeunes. C'est important."
Là, vous donnez un coup à J. Lang ! Le Printemps de Bourges, c'est J. Lang quand même !
- "Le Printemps de Bourges, ce n'est pas J. Lang. Il a été créé en 1977, c'est-à-dire il y a plus de 25 ans. Dans la fonction de secrétaire général, il y a deux choses : premièrement, c'est celui qui tient la maison, c'est-à-dire celui qui est un peu le patron du Rassemblement, qui va donc mettre en place l'animation, l'organisation pour les futures élections législatives. Deuxièmement - elle y tient beaucoup - elle m'a dit : "le secrétaire général est un homme politique, il faut que tu interviennes dans le débat politique, que tu donnes ta vision politique.""
Ce n'est pas une potiche ?
- "Je ne pense pas être une potiche. En tout cas, nous verrons. Mais je n'imagine pas de l'être."
Vous avez été réélu au premier tour maire de Bourges. Certains ne s'y attendaient pas. C'était une mairie autrefois communiste. J. Chirac vous a félicité tout de suite par téléphone et là, vous a-t-il appelé ?
- "Pour les élections municipales, il m'a appelé, mais pas pour cette nomination. Je crois qu'il n'intervient pas dans le débat interne au sein du Rassemblement pour la République. Il n'avait donc pas à le faire."
Mais vous êtes chiraquien, absolument chiraquien ?
- "Oui, sans discussion. J'ai été, dès septembre 1994, l'un des premiers députés à m'être prononcé en faveur de l'élection de J. Chirac. Pourquoi ? Je me suis posé à ce moment-là une seule question. Je me suis dit : "si tu es dans l'isoloir et que cette élection se fait à une seule voix, qui est-ce que tu veux pour Président de la République ?." J'ai répondu à l'époque : "J. Chirac."
Et pas E. Balladur ?
- "J'avais répondu J. Chirac."
Et cette fois, vous n'avez pas de doute non plus ?
- "Non, je n'ai pas de doute, parce que le lien entre Président de la République et la population est extrêmement fort. Il ressent la population, il comprend la population. On l'a très bien vu quand il est venu à Bourges il y a quelques mois. Ce lien est essentiel, je crois que les Français souhaitent se reconnaître dans un homme, et il me semble qu'aujourd'hui J. Chirac est l'homme de la situation."
Vous êtes spécialiste de l'environnement, vous êtes passionné par les problèmes d'environnement. Pourquoi n'êtes-vous pas chez les Verts ?
- "C'est une des raisons pour lesquels M. Alliot-Marie a souhaité me nommer, puisqu'elle souhaite mettre l'accent très fortement sur ces questions d'écologie et d'environnement. Elle souhaitait nommer celui qui a été récemment le secrétaire national à l'environnement - je pense avoir fait bouger le Rassemblement pour la République sur ces questions. Pourquoi je ne suis pas chez les Verts ? Pour une raison simple - j'ai beaucoup de respect pour le travail de D. Voynet, sachez-le -: les Verts sont aujourd'hui dans des débats idéologiques des années 70. Ils ont un peu un train de retard sur ces questions. Ils proposent des choses qui datent d'une trentaine d'années : ils sont contre le nucléaire, alors même que le nucléaire est aujourd'hui la seule énergie propre en matière d'effet de serre ; ils sont contre la voiture individuelle, alors même que les Français ont démontré quasiment leur volonté indéfectible d'utiliser la voiture individuelle. Donc, il faut apporter de nouvelles réponses."
Mais la voiture individuelle pollue ?
- "Il faut apporter de nouvelles réponses en matière d'environnement. En matière de voiture individuelle, développons une voiture propre. Je vous assure que là, on respectera à la fois la liberté individuelle des Français d'être dans une voiture individuelle et la lutte contre la pollution."
On arrive à l'actualité. Vous êtes défenseur de l'environnement. Hier, le Président américain a dit qu'il ne respecterait pas l'accord de Kyoto qui devait limiter la production de gaz à effet de serre. Dites-vous que c'est insupportable, épouvantable, irresponsable ?
- "Je dis, comme D. Voynet, que c'est un scandale, c'est irresponsable et il faut absolument que l'Europe se mobilise. Le Président Bush essaye de placer l'Europe en accusée dans cette affaire, alors même que les Etats-Unis sont les plus pollueurs. Il faut donc, au niveau européen, que nous démontrions notre volonté d'aller plus loin et de moins polluer dans ce domaine. Il faut donc que nous prenions des mesures nous-mêmes pour entraîner avec nous les pays en voie de développement. Europe plus pays en voie de développement : à ce moment-là, les Etats-Unis seront obligés de nous suivre. Je crois qu'il faut mettre le Président Bush devant cette obligation."
Cela peut-il faire l'objet d'actions communes ? Vous dites que D. Voynet a raison. Dans certains domaines, peut-il y avoir travail, action et démarche commune entre majorité et opposition ?
- "Je le crois beaucoup. Le secrétaire général du RPR que je suis aujourd'hui a été à La Haye pendant dix jours. Je faisais partie de la délégation française, avec D. Voynet. J'ai travaillé pendant dix jours avec D. Voynet, parce que lorsque l'essentiel est en cause, je crois qu'on doit dépasser les clivages politiques."
Que pensez-vous de l'action du Gouvernement ? Quels points positifs et négatifs reconnaissez-vous ?
- "En matière d'environnement, je crois que malgré la figure emblématique de D. Voynet, ce Gouvernement ne fait pas vraiment de politique d'environnement. C'est ce qui me gêne. Il faut que nous allions beaucoup plus loin. Si je prends le simple domaine de la voiture individuelle que nous évoquions tout à l'heure, je dis : développons une voiture propre, mettons de l'argent dans la recherche-développement pour développer une voiture bi-mode et pour cela, donnons une prime aux Français qui feront l'effort d'acheter une voiture propre. Mettons en place une prime de 30 000 francs. Aujourd'hui, le Gouvernement propose une prime de 10 000 qui est très insuffisante. Donc, je dis qu'aujourd'hui, malgré D. Voynet, malgré tout ce qu'elle fait, le Premier ministre arbitre toujours contre elle."
Vous lui donnez un coup de main ce matin... Que pense le secrétaire général du RPR du plan de restructuration de la branche biscuits de Danone. 570 salariés qui doivent peut-être perdre leur emploi, est-ce que vous dites, là aussi que c'est irresponsable ?
- "Cela montre surtout que lorsque le Gouvernement et le Premier ministre se félicitent de la croissance, ils ne voient pas toutes les difficultés qu'il peut y avoir ici ou là dans les entreprises en restructuration."
Vous êtes solidaire de ceux qui font grève aujourd'hui chez Lu ?
- "Il faut comprendre les difficultés de ces personnes qui, d'un seul coup, voient le trou noir devant eux, qui n'ont plus d'avenir. C'est ce qu'oublie actuellement le Gouvernement. Face à une croissance, il croit que tout va bien. Non, il y a encore de grands pans de l'économie, des personnes, des populations qui souffrent et c'est à celles-ci qu'il faut penser."
La restructuration est-elle légitime de la part de Danone ?
- "Elle est légitime et nécessaire. Mais ne nous félicitons pas trop dans tous les cas de tout ce qui est croissance, parce qu'il y a des difficultés. Les restructurations sont nécessaires, apportons aussi un accompagnement social."
D'accord pour "zéro chômeur" chez Danone, comme dit N. Notat ?
- "Bien sûr. Quand il y a des systèmes qui le permettent, je suis d'accord avec N. Notat."
Selon le sondage CSA-Le Parisien-Aujourd'hui, une majorité de Français - 64 % - pensent que le juge Halphen avait raison de convoquer J. Chirac et 59 % pensent que le Président de la République a tort de refuser de se rendre à cette convocation. Vous dites que vous êtes proche des Français , vous les comprenez ?
- "Ce sondage ne me surprend pas. Il est assez logique que les Français le souhaitent, mais je crois que le Président de la République a pris la bonne décision. Je crois qu'il ne faut pas abaisser la fonction du Président de la République. Politiquement, il aurait vraisemblablement été souhaitable pour lui qu'il témoigne, cela aurait été plus facile pour lui. Mais son devoir de Président de la République est de ne pas témoigner pour ne pas abaisser la fonction de Président de la République."
Et tant pis si les Français ne comprennent pas ?
- "Nous devons l'expliquer aux Français : le Président de la République ne doit pas être dépendant d'un magistrat à tel ou tel moment."
J. Tiberi devrait être entendu comme témoin assisté dans l'affaire des faux électeurs du 5ème. Pensez-vous qu'il faudra un jour ou l'autre réintégrer l'ancien maire de Paris au RPR ?
- "La question d'intégration ou de réintégration ne se pose pas actuellement. Nous pouvons cependant discuter avec J. Tiberi, cela me semble logique et normal."
La semaine prochaine, on parlera beaucoup de la réunion d'Alternance 2002, ceux qui rêvent d'un grand parti de droite. Etes-vous pour ou contre la fusion, pour ou contre une confédération ?
- "Je suis d'abord pour l'union, mais pas ..."
Tout le monde est pour l'union mais personne ne pense pareil. Donc, cela pose un problème.
- .".. mais pas dans la confusion. Il faut la faire dans la clarté. Ce que veulent les Français, je crois, c'est bien sentir que nous avons le souhait de travailler ensemble, et que nous avons envie de travailler ensemble. C'est ce qui est important. Donc, faisons l'union dans la clarté. D'ici les présidentielles, la question de la fusion ne se pose pas, on ne va pas détruire nos structures au moment où nous avons à mener un combat. Donc, soyons pragmatiques. Voyons ce qui se passe, et nous le verrons après les présidentielles."
Vous serez à la convention Alternance 2002 mercredi ?
- "Bien sûr. Le Rassemblement a dit qu'il soutenait cette réunion pour deux raisons : d'abord le code de bonne conduite. Je pense qu'Alternance peut être le soutien, le défenseur d'un code de bonne conduite entre les partis politiques."
.. et les candidats .à l'élection présidentielle, peut-être ?
- "Et les candidats, aux législatives en tout cas. Et puis la deuxième motivation est celle de donner un label en quelque sorte. Donner un label d'union, cela me paraît aussi très important."
Mais vous dites : "le RPR d'abord" ?
- "Je dis que le Rassemblement pour la République a son utilité aujourd'hui. Il l'a démontré. Donc, ne détruisons pas les structures qui ont démontré leur efficacité."
(Source httt://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 30 mars 2001)