Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la situation économique et politique internationale, le rôle de la France pendant la présidence de l'Union européenne, la politique économique du gouvernement et sur la mission des ambassadeurs pour préserver le réseau diplomatique et gérer les crises, Paris le 28 août 2008.

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Circonstance : XVIème Conférence des ambassadeurs à Paris du 27 au 29 août 2008

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre, cher Alain Juppé,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
L'année dernière, je vous recevais avec un ciel un tout petit peu plus clément que ce soir, et dans la foulée d'une élection présidentielle qui marquait le début d'une modernisation exceptionnelle de notre modèle politique, économique et social. Le paysage international pouvait alors laisser croire, en tout cas, à ceux qui avaient envie d'y croire, à une certaine stabilité relativement prometteuse. Mais les évènements en ont décidé autrement. Il y a d'abord eu la crise financière, dont je veux rappeler à mon tour, qu'elle est née aux Etats-Unis... de ces fautes qui ont été commises, par un certain nombre d'établissements financiers américains et par le système de régulation, mais dont nous allons en Europe subir toutes les conséquences. Et puis il y a eu la crise alimentaire et enfin la crise énergétique, qui ont convergé, et qui fragilisent la croissance des pays développés et affectent les pays émergeants dans leur développement.
Autour de nous, la mondialisation créait de nouveaux défis et de nouveaux rapports de force. Elle alerte l'humanité sur les limites de ces ressources naturelles et sur les dangers du réchauffement climatique. Elle consacre de nouvelles puissances, à l'image de la Chine, et nous venons d'en avoir une démonstration efficace. Elle restaure les ambitions de la Russie, qui dans le Caucase teste dangereusement les limites de son influence historique. Elle prolonge des conflits plus anciens comme vient tragiquement de le montrer l'attaque dont nos soldats ont été victimes en Afghanistan.
Dans cet environnement chahuté, nous menons, sous l'autorité de Bernard Kouchner, une diplomatie de présence et d'initiatives. Une diplomatie qui donne la priorité aux intérêts de la France, qui contribue aux équilibres internationaux et à la défense des Droits de l'Homme tout en renforçant, la présence et le rôle de l'Union européenne. Les démarches novatrices du chef de l'Etat, ont crée des donnes inédites et elles ont replacé la France au centre du jeu. Il y a eu le 13 juillet, la réunion historique des pays méditerranéens qui a permis d'asseoir à la même table des Etats qui n'avaient parfois jamais siégé ensemble.
Nous jouons un rôle clé pour tenter de dissuader l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Au Liban, nous avons exhorté sans exclusive, mais sans complaisance toutes les parties, à maîtriser une crise qui menaçait de dégénérer à nouveau en affrontement armé. Et je me rendrais d'ailleurs sur place à Beyrouth à l'automne en compagnie d'une très importante délégation de chefs d'entreprise français, pour contribuer à la reprise du développement économique du pays.
En Palestine, comme en Israël le président de la République n'a pas hésité à tenir un discours de vérité et de courage. Appelant chacun à surmonter ses doutes, pour accepter les compromis. En organisant, la conférence des donateurs de Paris nous avons oeuvré pour que les conditions de vie des Palestiniens s'améliorent, et pour qu'ils perçoivent effectivement les bénéfices de cette logique de paix.
Ces résultats diplomatiques sont déjà considérables. Ils signent une stratégie globale, qui est une stratégie qui est destinée à placer la France à la pointe des réponses internationales, au défi de la mondialisation. Mieux associer les pays émergents à la gestion de ce monde complexe. Accroître leurs responsabilités, passer d'un G8 à un G13 ou à un G14 comme le président de la République a eu le courage de le proposer. Et conformément, à la logique, que nous avons fait prévaloir dans la réforme des cotes parts du FMI. Je le rappelle, c'est la France qui a montré l'exemple dans la lutte pour le climat avec le "Grenelle pour l'environnement". Son engagement et celui de l'Allemagne ont convaincu les Etats-Unis de se joindre à la déclaration finale de Bali. C'est la France qui a porté les travaux consacrés à la crise financière internationale au niveau du G8 et au sein de l'Union. Et c'est la France encore, qui a doublé récemment son aide alimentaire et fait endosser par le G8, sa proposition d'un partenariat mondial pour l'agriculture et l'alimentation.
La politique intérieure et la politique internationale sont complémentaires, nous agissons pour nous-mêmes, et nous agissons pour le monde, pour un monde plus sûr et pour cela, le gouvernement sait qu'il peut compter sur vous. Et je voudrais, dès à présent, vous remerciez pour l'efficacité avec laquelle vous travaillez à la sécurité des Français. Je pense, naturellement, à Ingrid Betancourt désormais libre. Je pense aux soldats franco-israéliens, Gilad Shalit qui doit bénéficier du même effort, je pense au Tchad, où la mobilisation de nos moyens a permis en quelques jours l'évacuation prioritaire de la quasi-totalité de nos ressortissants. Je pense à la Somalie où une opération conduite avec audace a rendu la liberté aux otages du Ponant et à peut-être ouvrir le chemin à une réaction internationale coordonnée et digne de ce nom, contre la piraterie maritime. Je pense au Tchad encore, où nous avons obtenu que les membres de l'Arche de Zoé reçoivent le traitement judiciaire qu'appelaient leurs actes.
L'action de la France, en faveur des Français menacés et des otages retenus dans le monde est efficace. Et je voudrais profiter de cette occasion pour rendre hommage ce soir à tous ceux qui la conduisent. Je veux d'abord penser aux équipes de la cellule de crise, à celles de la direction des Français de l'étranger, et à nos agents dans les postes concernés.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, la défense de nos intérêts économiques exigent de vous-mêmes, le même engagement. Vous savez que notre commerce extérieur accuse un déficit lourd, que nous connaissons une érosion sévère de nos parts de marché. Nous savons qu'à terme, l'amélioration viendra des réformes et du renforcement de nos PME. Mais nous n'avons pas l'intention d'attendre le succès de ces réformes pour agir. Et dès à présent l'Etat prend en main l'accompagnement des entreprises exportatrices. Il appuie au plus haut niveau, les secteurs d'excellences français, c'est le cas de l'armement bien sûr, je vous avais annoncé l'année dernière, la création de la CIEDS, eh bien, elle s'est réunie à cinq reprises, elle a mis en ordre de marche l'Etat, au bénéfice de nos exportations de défense, qui je veux le dire ont cessé de perdre du terrain sur la concurrence. Le succès de la méthode a justifié son extension au contrat civil, dans le cadre de la commission interministérielle d'appui aux grands contrats internationaux. C'est le cas des transports avec une très vigoureuse reprise des commandes d'AIRBUS. Avec les importants contrats de matériels ferroviaires remportés par ALSTOM, notamment en Argentine ou au Maroc. C'est le cas de l'énergie, domaine dans lequel nous avons déverrouillé plusieurs situations délicates, nous avons conclu ce qu'on a appelé une "pax électrica" avec l'Italie.
Nous avons décidé après 18 ans, 18 ans d'atermoiement, la construction d'une ligne très haute tension à travers les Pyrénées. Et enfin consolider notre partenariat gazier avec l'Algérie. Mais surtout s'agissant de l'énergie, nous avons multiplié les accords en Europe, en Asie, en Amérique et au Moyen-Orient pour profiter de la relance du nucléaire. Pour soutenir notre effort de coopération et notre savoir-faire à l'étranger, nous avons crée l'Agence France nucléaire internationale, nous ne dissimulons pas nos ambitions dans ce domaine, nous voulons être le premier acteur sur la scène mondiale, dans le domaine de l'énergie nucléaire.
Partout dans le monde, nos entreprises doivent pouvoir compter sur les autorités françaises pour promouvoir leurs contrats commerciaux et pour sécuriser leurs investissements. J'ai eu l'occasion au Maroc, au Kazakhstan, en Argentine, en Algérie, au Japon en particulier, d'emmener avec moi, d'importantes délégations de chefs d'entreprise. Je veux dire qu'à chaque fois, ils me confirment l'utilité de ces déplacements et surtout l'importance du soutien public qu'ils attendent en particulier de vos services.
Mesdames et Messieurs, trois mois et demi avant le Conseil européen décisif de décembre, la Présidence française de l'Union européenne, entame sa phase la plus importante, elle sera marquée par deux évènements que nous n'avions pas en réalité prévue, lorsque nous l'avons préparé, le conflit du Caucase et la dégradation globale de la situation économique.
Le conflit du Caucase a justifié la convocation par la Présidence française d'un Conseil européen extraordinaire, lundi prochain. Nous concentrerons nos efforts sur la mise en oeuvre intégrale de l'accord en six points et notamment le retrait des forces russes ainsi que sur l'aide à la Géorgie. La reconnaissance par la Russie de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud n'est pas acceptable et nous la condamnons. Le règlement de la crise devra reposer sur le respect des principes du droit international. La souveraineté, l'indépendance, et l'intégrité territoriale des Etats. La Russie ne cesse de rappeler au monde, qu'elle est un pays déterminant pour sa stabilité. Eh bien, il lui revient dans les faits, de se montrer à la hauteur de cette responsabilité. Mais la Russie est pour la France un partenaire ancien, un partenaire essentiel, un partenaire avec lequel nous avons toujours eu une politique nourrie. Eh bien, c'est cette politique que nous voulons poursuivre dès lors que cette grande nation manifestera la même volonté de dialogue et le respect de ses engagements.
Quant à la situation économique et financière, j'avais averti dès mon retour d'un déplacement à Washington après avoir rencontré les autorités économiques et monétaires américaines que nous allions traverser des moments difficiles. Si la France fait preuve d'une certaine résilience à la crise, et notamment son secteur financier, qui il faut le dire, n'a pas commis les mêmes erreurs que celui des Etats-Unis. Nous n'en subissons pas moins les contrecoups d'un quadruple choc mondial. Il y a la forte hausse des matières premières et en particulier du pétrole qui a détérioré les conditions de l'offre et qui a alimenté une inflation préoccupante. Elle a amené nos concitoyens à arbitrer dans leurs dépenses.
Dans la même période, l'appréciation significative de l'euro, 11 %, au premier semestre par rapport au dollar, 11 % a permis de limiter la facture énergétique, mais tous les experts s'accordent pour dire, qu'elle nous a coûté près d'un demi-point de croissance. Il y a le durcissement des conditions de crédits qui est peut-être encore plus grave, et qui pèse sur la croissance européenne et sur la croissance française. Il résulte à la fois des hausses, des taux directeurs de la Banque centrale européenne, qui ont commencé dès 2005 et qui produisent aujourd'hui leur plein effet. Mais aussi, des inquiétudes nées de la crise financière, sur la politique de crédits des banques. Enfin, même si les pays émergents ont globalement bien résisté, la croissance mondiale a ralenti, et avec elle la demande adressée aux exportateurs français. Les économistes ont montré récemment que l'ensemble de ces chocs avait réduit de moitié, la croissance en zone euro au premier semestre, de 3 à 0,5 % en glissement annuel.
Alors quel doit être face à cette situation exceptionnelle notre réaction ? D'abord, elle doit être une réaction de sang-froid. Face à ces difficultés, il faut suivre un cap cohérent, et il faut continuer à muscler notre économie, pour qu'elle soit en mesure de prendre l'accélération au bon moment. Les respirations et les à-coups de la conjoncture internationale font partie de notre environnement, mais le défaut de notre pays, jusqu'à aujourd'hui, c'est de ne pas redécoller avec les autres quand les signaux reviennent au vert. Parce que notre potentiel économique est bridé par un excès de réglementation. Pour le libérer, notre politique économique suit et suivra des principes clairs, valoriser le travail, optimiser la recherche et l'innovation, accentuer la compétitivité des entreprises, maîtriser l'inflation, retrouver la maîtrise de nos finances publiques. Il reste à inscrire cet effort dans le cadre plus large, d'un effort européen. En effet, pour la première fois, dans son histoire, la zone euro dans son ensemble connaît un trimestre de croissance négative.
Et l'Europe qui est la première puissance économique et commerciale du monde, ne peut pas rester simple spectatrice de la dégradation de la situation. Il revient à la présidence française d'ouvrir le débat avec ses partenaires, pour tenter avec eux de définir une stratégie économique qui permettra à toute l'Europe de retrouver le chemin d'une croissance plus robuste et plus durable. Christine Lagarde va s'y atteler dès la réunion du conseil ECOFIN informel de Nice, avec plusieurs messages : d'abord réaffirmer la priorité donnée aux réformes structurelles. Et dans ce contexte, veiller à ce que le rythme de l'ajustement économique demandé aux différents pays prenne en compte l'évolution de la conjoncture économique.
Pour la France, cela passe par la restauration de notre crédibilité budgétaire et la tenue de nos engagements. Il convient ensuite de renforcer la stabilité et la solidité du secteur financier européen et nous avons fait des propositions dans ce domaine. De porter une attention toute particulière aux conditions de financement des entreprises, en mobilisant la Banque européenne d'investissement et en mettant sur les rails, un "small business act" européen d'envergure. Nous voulons également accentuer le dialogue économique avec la BCE, afin de recueillir rapidement, les dividendes du reflux des tensions inflationnistes. Je trouve que cette phrase montre que je fais des progrès dans le domaine du langage diplomatique ! Sous l'influence de Bernard, naturellement.
Plaider enfin, à plus long terme en faveur d'un investissement massif dans les technologies d'avenir : le transport, l'espace, la médecine, les télécoms, l'énergie et l'environnement. En matière européenne, le mois de juillet a été marqué par des résultats significatifs, nous avons obtenu un soutien unanime aux principales dispositions du pacte européen sur l'asile et l'immigration. Nous avons réussi, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le lancement de l'Union pour la Méditerranée. Nous avons obtenu l'adoption des premières mesures européennes d'économie d'énergie. Nous avons obtenu des progrès significatifs dans la mise en oeuvre du plan européen pour la stabilité financière.
Et enfin, le renforcement d'Europol et d'Eurojust. Pour que la Présidence française réponde aux espoirs considérables placés en elle, il lui reste à prolonger ses débuts heureux dans plusieurs domaines d'importance. D'abord dans la mise en ordre des institutions communes, le président de la République l'a évoqué hier, je n'y reviendrais pas. Il faut surmonter les conséquences du "non" irlandais, trouver une voie de ratification ne va pas être facile, mais ne pas en trouver est tout simplement impossible.
Ensuite le commerce international, il faut rapidement tirer les leçons de l'échec des négociations de Genève, nous devons entamer un dialogue plus étroit entre l'Union européenne, l'Inde et la Chine, avec lesquelles des sommets bilatéraux se tiendront sous la présidence française. Nous devons souligner l'intérêt partagé d'une ouverture commerciale réciproque. Mais je dis bien réciproque.
Dans le domaine agricole, les négociations commerciales ont ravivé la nécessité d'un accord rapide sur le bilan de santé de la Politique agricole commune. Seul cet accord peut donner aux Etats membres la souplesse d'action nécessaire au soutien des filières en difficulté. Dès le mois de septembre, les débats vont s'accélérer au conseil sur le bilan de santé de la PAC et sur son avenir.
Il en va de l'environnement, comme du commerce ou de l'agriculture, une situation provisoirement dégradée, ne doit pas servir de prétexte à retarder les décisions nécessaires. Les émissions de gaz à effet de serre, doivent être contenues. La Présidence française va faire bientôt des propositions ambitieuses pour maintenir l'objectif initial que nous, nous étions fixés, avant l'arrivée du ralentissement économique international.
Sans ambition de la part de l'Europe, il n'y a en effet aucune chance d'obtenir un accord international à l'occasion des rendez-vous prévus en 2009 sur le climat. Naturellement certains pays du fait de la situation économique voient leurs réserves et leurs interrogations renforcées. On prendra en compte ces réserves et ces interrogations mais il n'en reste pas moins que l'avenir appartient dans le monde entier aux industries les moins carbonées.
Dans tous ces domaines, comme dans ceux de la défense, dont la crise en Géorgie, de la défense européenne, dont la crise en Géorgie montre plus que jamais la nécessité, ou de l'immigration, la France s'est fixée des objectifs élevés, elle peut et elle doit les remplir. Il nous reste, je crois 13 semaines utiles, pour y parvenir, et nous devons nous mobiliser pour que des résultats se dessinent à la mesure des défis engagés. Je veux vous dire que votre implication personnelle, implication de chacun des ambassadeurs présents ici sera cruciale. Où que vous soyez, votre information et votre analyse, seront les clés de nos avancées et de votre dynamisme et de votre pugnacité dépendra notre capacité à convaincre.
Je vous demande à tous de placer invariablement vos ambassades aux services des objectifs de la Présidence française, qui sont des objectifs de portée mondiale. Les Français, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs n'ont pas peur de la mondialisation, mais ils souhaitent simplement que nous les aidions à y être mieux préparés. C'est tout le travail des réformes internes que nous avons conduit depuis un an. L'année dernière, je vous avais demandé d'être les porte-parole d'une France acquise au changement.
Cette année, je vous demande de vous faire les interprètes d'une France qui a déjà changé et qui poursuit ses objectifs avec ténacité. Je vous avais dit nos objectifs, nous voulons être au premier rang de la croissance européenne, franchement, il n'y a aucune raison structurelle, qui puisse nous empêcher d'espérer y parvenir. Nous avons dit que nous voulons être une France du plein emploi, qui peut aujourd'hui me trouver un seul argument qui pourrait justifier que la France ne puisse pas, comme 10 ou 12 autres pays européens parvenir à cet objectif. Et enfin nous voulons atteindre l'équilibre des finances publiques, c'est certain que la situation économique internationale ne nous y aide pas. Mais en même temps nous avons autour de nous combien d'exemple, de pays qui étaient dans des situations plus difficiles que nous et qui y sont parvenus.
Pour parvenir à tout cela, nous avons défini une stratégie qui est une stratégie extrêmement simple. Travailler plus, investir plus et dépenser moins. La crise aidant, des voix se sont élevées pour demander que cette stratégie change, qu'à la maîtrise et à l'effort le gouvernement préfère un plan de relance artificiel, coûteux, incertain dans ses résultats, je m'en suis expliqué. La politique des réformes structurelles ne changera pas. Ce qui est un handicap pour notre pays, c'est d'abord et avant tout, les difficultés de compétitivité de l'économie française. Et donc nous allons continuer à améliorer la compétitivité de l'économie française, sans négliger nos objectifs de justice sociale. C'est la seule voix du redressement français, nous poursuivrons son application avec ténacité.
Travailler plus c'est ce que font désormais 6 millions de salariés dans 560 000 entreprises grâce à la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous sommes avec cette mesure sortis définitivement du raisonnement pervers qui présentait la diminution ou le partage du travail comme une solution au problème de l'économie française. Nous avons accompli la révolution de réhabiliter le mérite, l'effort et l'accomplissement de soi. On peut discuter à l'infini du détail des mesures qu'on a pris, mais la vérité, c'est que c'est autour du travail, du mérite et de l'effort que le débat est aujourd'hui organisé. Travailler plus pour réussir mieux, c'est ce que nous avons permis en développement, un modèle français de "flex-sécurité". Nous avons dépassé un tabou en réalisant la fusion des ASSEDIC et de l'Agence Pour l'Emploi, en créant un service unique de l'accompagnement vers la formation et l'emploi et en faisant voter par le parlement un texte qui prévoit qu'après deux refus d'offres raisonnables d'emploi, les demandeurs d'emplois se voient réduire leur indemnisation. Nous avons réformé les régimes spéciaux de retraites, et fait un grand pas vers leur harmonisation générale. Et nous allons maintenant nous attaquer à la réforme du système de formation professionnelle.
Pour parvenir à ces résultats, nous avons utilisé une méthode que connaissent bien d'autres pays européens, mais à laquelle nous n'étions pas tout à fait habitués. C'est celle du dialogue social. Nous avons obtenu des partenaires sociaux, le 11 janvier dernier, je veux attirer votre attention sur ce point, un accord historique sur le contrat de travail. Historique pourquoi ? Parce que c'était la première fois depuis les années 60 que les partenaires sociaux se mettaient d'accord majoritairement, sur une réforme du contrat de travail qui facilite en particulier sa rupture. Le 9 avril, nous avons obtenu d'eux, un engagement dans le sens d'une réforme de la représentativité syndicale, et cette réforme est désormais inscrite dans la loi. Depuis combien de temps parlait-on de la liberté de candidature aux élections professionnelles ? C'est fait. Depuis combien de temps parlait-on de créer un mécanisme d'élection de représentativité pour savoir quels sont réellement les syndicats représentatifs dans notre pays ? Et enfin depuis combien de temps, nous interrogerions-nous sur la méthode qui consistait à valider de grandes réformes sociales par des accords minoritaires.
Désormais, grâce aux réformes qui ont été conduites, nous allons vers la voie des accords majoritaires. Et c'est ce qui nous a permis de mettre en place une réforme fondamentale qui va permettre la négociation dans les entreprises, des heures supplémentaires donc du temps de travail. Il faut dire autour de vous, dans les pays que vous représentez, aux industriels que vous rencontrez, que désormais en France, dans l'entreprise on peut négocier avec les organisations syndicales, librement, sans contrainte du volume des heures supplémentaires, de leur mise en oeuvre ou du repos compensateur. Certes, la durée légale reste celle de 35 heures, mais désormais toutes les adaptations sont possibles. Ces réformes structurelles doivent être connues, elles signent le retour de la France, sur le chemin de la compétitivité et vous pouvez ajouter qu'elles se déroulent dans un climat social qui est certes exigeant, mais qui est extrêmement constructif et j'ai envie de dire serein.
Le deuxième gage que nous donnons à l'avenir, c'est notre politique en faveur de l'investissement et de la recherche. Pour doper cette dernière, nous avons ouvert aux universités françaises, un vrai statut d'autonomie, qui les réinscrit dans une coopération active avec les entreprises et dans une rivalité dynamique avec les universités étrangères. Un an après la promulgation de la loi, toutes nos universités ont mis en place leur nouveau conseil d'administration, et 20 universités seront effectivement autonomes au 1er janvier 2009. Elles seront suivies par les autres qui ont toutes, vocation à le devenir d'ici 2012. Nous avons mis en place un programme extrêmement ambitieux de modernisation de 10 grands campus de recherche de niveau international, qui vont recevoir à terme, 5 milliards d'euros, et qui ont été, je voudrais attirer votre attention sur ce point, choisis par une commission, j'allais dire indépendante, en fonction des mérites des projets qui étaient présentés. C'était la première fois, depuis bien longtemps dans l'histoire de l'enseignement supérieur de notre pays, qu'on mettait en compétition des universités et qu'on leur attribuait des crédits en fonction de leurs performances et non pas sur un modèle égalitaire traditionnel. Pour faire de notre pays, un foyer d'intelligence, nous avons assuré au budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, une augmentation exceptionnelle de 50 % en 5 ans.
Pour encourager l'entreprise française à investir, nous avons accru le rôle de OSEO et nous avons multiplié le crédit impôt recherche par trois. Nous sommes désormais de tous les pays de l'OCDE, celui qui possède en terme d'encouragement à la recherche, le dispositif le plus généreux. Pour jouer sur l'industrie, aussi bien que sur les services, nous avons voté en juillet la loi de modernisation de l'économie, qui lève beaucoup des freins qui pesaient sur les PME, qui accorde aux plus innovantes un traitement préférentiel, qui favorise leur reprise ou leur transmission et qui libère la concurrence. Désormais dans notre pays on peut négocier ses tarifs directement dans un dialogue singulier entre le producteur et le consommateur et le distributeur. C'est peut-être, ça peut paraître assez banal pour beaucoup de ceux qui sont ici. C'était impossible.
Enfin, j'arrive au bout de mon propos, dépenser moins, c'est le troisième principe de notre politique. Nous l'appliquons avec la même détermination et avec le même pragmatisme. Le budget de l'Etat sur les trois prochaines années sera maintenu en volume. Il n'y aura donc pas d'augmentation des dépenses. La règle du non-remplacementt d'un départ sur deux, des fonctionnaires partant à la retraite sera respectée. La réforme de l'Etat va se poursuivre, vous êtes, vous qui êtes des observateurs du monde, bien mieux placés pour savoir que les mutations permanentes exigent des structures administratives souples, réactives, évolutives.
Vous savez que depuis 20 ans, les pays développés qui ont connu les taux de croissance les plus élevés, sont tous, sans exception, ceux qui ont su transformer leur état en diminuant significativement leurs dépenses publiques. Au Canada, où Alain Juppé est un citoyen d'honneur et le meilleur connaisseur, le poids de cette dépense dans le PIB est passé de 52 à 40 % depuis le début des années 90. En suède, il est passé de 73 à 54 %. Aux Pays-Bas de 56 à 49 %. Et en France, de 44 % à 54 %. C'est-à-dire qu'au cours des dernières décennies, nos dépenses ont évolué à rebours du reste de la planète ou plus ou moins des grands pays développés. Notre budget n'a pas connu l'équilibre depuis 74, en 1980 notre dette publique représentait 20 % du Produit Intérieur Brut, elle représente aujourd'hui, plus de 64 %. Quand tous les pays développés resserraient, modernisaient leur fonction publique, l'Etat français, lui, gagnait 300 000 fonctionnaires supplémentaires, sans compter ceux qui ont été recrutés dans les collectivités territoriales.
Voilà, ce n'est pas la peine de continuer longtemps, la démonstration, ça ne pouvait plus durer. Si nous n'avions rien fait, la situation de nos finances publiques hypothéquerait toutes nos marges de manoeuvre, si nous ne faisons rien l'Etat continuera de consumer dans des politiques incertaines et dans des structures dépassées, les ressources pourtant immenses de notre nation. Depuis un an, avec le président de la République, nous refusons ce fatalisme, nous avons pris l'engagement de remettre nos finances publiques en ordre, nous voulons que l'Etat redevienne le moteur de la performance nationale. Et nous sommes décidés pour cela, à le transformer. Les choses ont commencé à changer, c'est vrai que c'est long et difficile, mais je voudrais évoquer devant vous quelques exemples : la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, Monsieur le Ministre, ont été fusionnées avec succès. Le rapprochement entre la police et la gendarmerie est en cours. Et nous avons en conseil des ministres de la semaine dernière, adopté des décisions qui assurent désormais le même commandement de ces deux forces.
Nous avons engagé une réforme profonde du format de nos armées et de leurs implantations. On ne pouvait pas continuer après avoir réduit considérablement le format des armées, du fait notamment de la professionnalisation à continuer pour des raisons d'aménagement du territoire à avoir des implantations qui absorbaient une grande partie des moyens nécessaires à la modernisation des forces. La gestion du parc des logements sociaux est en voie de modernisation, comme l'ensemble de notre politique du logement. Nos politiques d'aides aux entreprises, de l'emploi et de la formation sont profondément repensées. Partout nous supprimons des procédures inutiles, des structures redondantes, nous simplifions, nous adaptons, nous recentrons l'Etat sur ses missions prioritaires.
Bref, la réforme de l'Etat n'est plus un sujet de colloque, c'est un mouvement en marche et c'est le cadre où s'inscrit la réforme de notre diplomatie, Monsieur le Ministre. Comme les autres structures de l'Etat, la diplomatie française constitue un capital précieux, fait de compétences et d'expériences. Comme les autres, elle doit s'interroger sur ses méthodes, sur son organisation et sur son coût. Bon, je le sais, le Quai d'Orsay contribue à cet effort depuis des années et des années. Mais je le dis aussi, il devra le poursuivre en 2009. Votre investissement dans les chantiers de la RGPP et du Livre Blanc est à la hauteur du remarquable travail qui a été effectué par la commission présidée par Alain Juppé, et par Louis Schweitzer. Et je veux vous remercier tous les deux, cher Alain, cher Louis Schweitzer, de cette contribution qui éclaire notre action.
Je sais que vous aurez au cours de la conférence des débats approfondis sur l'ensemble des volets de la réforme. Je me contenterai donc de vous adresser trois recommandations : la première c'est de valoriser vos avantages comparatifs, c'est-à-dire de vous renforcer là où votre supériorité est nette. Le premier de ces avantages c'est votre connaissance du monde. Avec le président de la République, nous avons voulu préserver l'universalité de notre réseau. Nous approuvons la proposition du Livre Blanc, qui remet les directions géographiques au coeur de votre dispositif. Nous voulons refaire une priorité de la formation linguistique. Le deuxième, c'est votre maîtrise de la négociation multilatérale, elle justifie que le ministère se dote d'une direction des affaires globales, pendant, pour les grands dossiers de la mondialisation, de la direction dépendante de la direction des affaires politiques.
La gestion des crises est un autre de vos points forts, c'est pourquoi je salue la création par Bernard Kouchner d'un véritable centre de crise. La liste de vos avantages ne serait pas complète si je ne mentionnais pas la politique d'influence à l'heure de ce qu'on appelle le "soft power" j'attends de votre ministère, qu'il diffuse les idées de la France, qu'il défende son image, qu'il promeuve son attrait. Mon second message sera pour réaffirmer le rôle pilote du ministère des Affaires étrangères, dans la conduite de la politique extérieure de la France à Paris, comme dans les ambassades. Bien sûr, cette responsabilité doit aller de pair avec une attention de chaque instant, à la coordination interministérielle. Elle doit s'accompagner chez vous, d'une grande ouverture aux agents venus de l'extérieur et d'une plus grande mobilité de vos agents vers le reste de l'administration, mais aussi vers les entreprises.
La fonction de pilotage stratégique dévolue au ministère des Affaires étrangères, devra également l'amener à se séparer de certaines de ses activités opérationnelles, au profit d'opérateurs dont il devra assurer la tutelle effective. Enfin mon troisième et dernier message est destiné à vous sensibiliser sur le changement majeur, que constitue la récente réforme de nos institutions. Je vais vous dire que désormais le domaine dit "réservé" n'est plus d'actualité. Par l'intermédiaire du Parlement, la nation va être de plus en plus fréquemment invitée à se prononcer sur notre politique étrangère et de défense. Et ce sera le cas d'ailleurs très bientôt, le 22 septembre prochain, où je serais conduit avec Bernard Kouchner et Hervé Morin, à demander à la représentation nationale de soutenir par son vote, le maintien de notre effort militaire en Afghanistan. Pour le pouvoir exécutif, comme pour vous-mêmes, je veux vous dire que ce changement institutionnel est considérable. Et qu'il ne faut certainement pas le sous-estimer. C'est à la fois un défi et une chance. C'est défi, parce qu'il s'agit désormais de convaincre largement au-delà des cercles initiés, du bien-fondé de nos actions extérieures et c'est une chance, parce que le débat démocratique est une façon d'associer la nation aux enjeux du monde. Eh bien, dorénavant, il vous revient de considérer le Parlement, comme un des acteurs de notre diplomatie et donc des parlementaires que vous recevez fréquemment de la même manière.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs les Directeurs du Département, j'attends de vous avec Bernard Kouchner, avec Jean-Pierre Jouyet, avec Alain Joyandet et avec Rama Yade, que vous vous fassiez l'écho du vaste mouvement de réformes qui est à l'oeuvre en France. J'attends de vous, que vous participiez pleinement à celle de notre diplomatie, la France se modernise, elle se redresse, elle tient son rang, c'est-à-dire qu'elle se tient aux premiers rangs, aux premiers rangs au pluriel, c'est à vous de le faire savoir au reste du monde et je compte sur vous pour le faire.
source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 1er septembre 2008