Texte intégral
New York, 25 septembre 1997)
Q - Est-ce que vous pouvez un peu développer cette coopération avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, concernant la formation au maintien de la paix en Afrique ?
R - Je ne peux pas développer parce que c'est une sorte d'engagement à agir ensemble et nous n'en sommes qu'au début, donc je ne peux pas développer. Jusqu'ici il y a eu énormément d'actions de la France en matière de formation militaire, notamment dans les pays avec lesquels nous avons des accords militaires ou de coopération militaire. Il y a eu quelques actions britanniques et très peu d'actions américaines. Mais étant donné que l'axe général en matière de sécurité et de stabilité en Afrique, c'est d'aider les Africains à être capables d'assurer eux-mêmes les opérations de maintien de la paix, celles-ci étant, vous connaissez le raisonnement, décidées par l'ONU et par l'OUA et en liaison avec l'OUA, nous avons pensé que nous pouvions mettre en commun certaines de ces opérations. Je ne veux pas dire que nous faisons tout en commun mais nous pouvons agir en commun. C'est très récent, c'est un accord qui coïncide quasiment avec l'arrivée du nouveau gouvernement. Et cela répond à une idée qui est très simple : quand on veut monter des forces de maintien de la paix, on s'aperçoit que ce n'est pas si simple que cela. Il ne suffit pas d'avoir des armées. Je ne parle pas de la décision politique ou du financement, c'est autre chose. Mais sur le plan de la technique militaire, c'est compliqué. N'importe quelle armée n'est pas capable de faire du maintien de la paix. C'est comme lorsqu'on parle du maintien de l'ordre, en fait, on s'aperçoit que c'est une action très sophistiquée, très compliquée, d'utiliser la force, la montrer pour dissuader, calmer, prévenir. C'est tout un travail. Nous n'en sommes qu'au début, donc je ne peux pas vous en dire plus, mais cela traduit un état d'esprit ouvert et coopératif qui fait que si tous les ministres vont voyager en Afrique et bien tant mieux.
Q - Mais quand on voit les Américains qui envoient une vingtaine d'officiers américains au Sénégal, en Côte d'Ivoire, est-ce que cela participe de la coopération américaine et britannique ?
R - Non, vu la date, c'est une action conçue avant, ce n'est pas encore l'application dont je vous ai parlée et puis ce sont des chiffres infimes par rapport à ce que nous faisons dans beaucoup de pays depuis très longtemps.
Q - Il y a eu la Somalie
R - Oui, mais ce n'est pas la même chose, ce n'est pas du tout une opération de coopération pour la formation. Cela les a amenés à conclure qu'il fallait se méfier des interventions directes mal préparées. Cela va dans le même sens
Q - Il y a aussi le Rwanda ?
R - Dans quel sens ?
Q - Il y a aussi le Congo Kinshasa ?
R - Oui, mais cela n'a pas tellement de rapport avec le sujet précédent
Q - Non, je veux dire dans la présence de conseillers militaires américains sur le terrain.
R - Oui, mais il y a des actions classiques de présence de coopérants ou de conseillers militaires et puis, d'autre part, il y a cette approche nouvelle. Précisément, l'approche nouvelle cela consiste à se mettre sur un terrain plus clair, plus clair que celui de la formation des opérations de maintien de la paix. Ce n'est pas la coopération militaire classique qui a sa légitimité. Cela fait partie d'une sorte d'adaptation générale des politiques des grands pays occidentaux par rapport aux réalités africaines d'aujourd'hui.
Q - L'un des points importants aujourd'hui, c'est ce qu'a dit le Conseil sur la Libye ? Mme Albright a réagi, vous nous en aviez parlé il y a deux jours.
R - Oui, je n'ai rien de plus à dire qu'il y a deux jours. En effet, il y a un certain nombre de pays, notamment africains ou arabes, qui plaident pour une adaptation des résolutions mais les résolutions dépendent du Conseil de sécurité et elles pourront être adaptées quand les conditions posées auront été remplies. Rien n'interdit à des pays membres de l'ONU de plaider pour des évolutions de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. Rien ne l'en empêche.
Q - Mais la proposition libyenne qui n'est pas nouvelle d'ailleurs, de faire traduire en justice les personnes soupçonnées des attentats, comme dans le cas de celui de Lockerbie, devant la Cour internationale de Justice, est-ce une proposition satisfaisante ?
R - Comme vous le dites, ce n'est pas une proposition nouvelle donc la position ne l'est pas non plus. Nous n'avons pas changé de position.
Q - Plus généralement, qu'avez-vous pensé de cette réunion de ce matin
R - Je pense que c'est une bonne idée, de toutes façons, de parler de l'Afrique. C'était une bonne idée, comme je l'ai dit au début, de parler de l'Afrique, pas uniquement parce qu'il y a une crise urgente à traiter mais parce que l'on s'interroge sur le plan général, sur ce que l'on peut faire en matière de développement et d'aide à la stabilité à la sécurité en Afrique et puis cela permet de dire des choses. Cela m'a permis de rappeler précisément que c'est très bien si tout le monde s'intéresse à l'Afrique, à condition de ne pas oublier le besoin urgent et prioritaire d'aide au développement. Comme je l'ai indiqué, c'est vrai que l'insertion de l'Afrique dans l'économie mondiale est une bonne chose mais que c'est encore parcellaire comme mouvement et que tout reste à faire en matière d'aide au développement. Il ne faudrait pas qu'il y ait de tours de passe-passe là-dessus.
Q - Qu'est-ce que vous attendez du rapport du Secrétaire général ?
Est-ce que cela ne va pas être un rapport de plus sur l'Afrique ? Il y a eu les initiatives spéciales sur l'Afrique. Tous les jours on sort quelque chose de nouveau sur l'Afrique, mais on n'a pas d'argent ou personne n'a d'argent pour mettre en place ces programmes.
R - L'Europe a de l'argent. Je comprends que vous soyez un peu sceptique parce qu'il y a beaucoup de rapports sur le sujet, mais de toutes façons, cela ne fait pas de mal pour parler en termes simples. Il faut que l'on fasse un tour de table pour échanger les points de vues et voir que l'Afrique est quand même un continent qui, non seulement n'est pas oublié, mais qui attire de plus en plus l'attention. Maintenant, sur le plan pratique je crois que cela va plutôt se passer au niveau national et au niveau de l'Europe, puisque l'Europe est évidemment de très loin le premier partenaire de l'Afrique. D'après ce que je comprends, les Etats africains ont pris cela très bien qu'il y ait un débat au Conseil de sécurité sur l'Afrique, mais ils savent bien que c'est au niveau des décisions européennes que les choses concrètes vont se passer après.
Q - Mais pourquoi un rapport du Secrétaire général des Nations unies alors ?
R - Cela maintient une pression. Cela maintient une vigilance, un suivi et puis, d'autre part cela maintient le lien avec l'approche générale, la question économique et les opérations de maintien de la paix dont on parlait. D'ailleurs, s'il n'annonçait pas de rapport, vous vous demanderiez pourquoi. Vous trouveriez que c'est un grave signe de désintérêt. C'est une attention qui est suivie, c'est très bien.
Q - Quand vous dites "c'est l'Europe", il n'y a pas un peu de télescopage entre les aides bilatérales, européennes, multilatérales ?
R - Dès lors qu'elles s'additionnent pour les bénéficiaires , c'est très bien Q - Vous êtes pour le multilatéralisme ou pour le bilatéralisme ?
R - Je suis pour une bonne combinaison. C'est ce qui passe, d'ailleurs. Cela dépend. Il n'y a pas de règles générales, il y a des cas où les aides bilatérales sont gaspillées, dans d'autres cas ce sont les aides multilatérales. Placez-vous du point de vue de n'importe lequel des Etats africains qui sont bénéficiaires. Ils sont très heureux. Ensuite, c'est à eux de bien combiner les choses. On retombe sur la façon dont ils gèrent leurs propres affaires, sur la fameuse bonne gouvernance. Un vieux terme français comme je le disais au dîner francophone.
Q - Votre conversation avec M. David Levy ?
R - C'était très sympathique. Bonne ambiance. C'était vraiment une conversation en amis, c'est-à-dire en amis qui se parlent franchement. Je lui ai expliqué pourquoi on était vraiment inquiets sur la situation, sur l'arrêt, à nos yeux, du processus et il m'a expliqué avec la même amitié, la même franchise comment il voit les choses et dans quelle situation ils estiment se trouver. Le climat était très bon. Ce n'était pas un climat d'amitié au sens diplomatique. Nous nous sommes parlés franchement, mais je crois que c'était une bonne conversation.
Q - Il ne vous a pas annoncé plus qu'à Mme Albright, qu'il avait l'intention de relancer la colonisation ?
R - Non, il ne m'a rien annoncé de ce type.
Q - Comment réagissez-vous à cette décision ?
R - Il m'a surtout indiqué ce qu'il espérait des réunions de Washington qui se tiennent maintenant. Il s'est placé sur ce terrain, sur le terrain d'une éventuelle relance.
Q - Comment analysez-vous cette décision israélienne, à quelques jours de la rencontre avec les Palestiniens ?
R - Je crois que cela ne va pas dans le bon sens.
Q - Est-ce que l'on peut parler de l'Algérie ? Peut-être d'ailleurs j'arrive à retardement, vous en avez déjà parlé hier, mais ce matin Mme Albright et son porte-parole ont dit qu'il y avait eu des discussions sérieuses entre la France et les Etats-Unis au sujet de l'Algérie à l'occasion de votre rencontre et que c'était une très bonne chose que deux grands pays comme la France et les Etats-Unis s'intéressent à l'Algérie, qu'il y avait des décisions de coordonner à la fois l'évaluation de la situation et les moyens d'aider les Algériens à sortir de cette situation terrible?
R - Notre entretien a duré une heure environ, mais nous avons parlé de sujets différents. C'est vrai que nous avons eu un échange sur ce point mais cela a consisté à se dire qu'il fallait être en contact plus étroit pour analyser la situation, comprendre ce qui se passe et qu'il fallait au-delà de cela réfléchir en commun sur ce qui pouvait être fait.
Q - Vous n'avez pas du tout parlé de ce qui pouvait être fait, quelles avenues pouvaient être empruntées ?
R - Non, nous n'avons rien exploré de plus précis.
Q - Elle n'a pas indiqué qu'elle avait des idées, des suggestions ?
R - Non.
Q - Votre rencontre avec le ministre iranien ?
R - Je l'ai reçu à sa demande parce qu'il voulait me parler du Proche-Orient et du Liban. A l'occasion, mais ce n'était pas le sujet principal, je lui ai réitéré la solidarité entière des Quinze à propos de l'affaire des ambassadeurs. Il n'y a pas eu de discussion sur ce point.
Q - Sur l'Iran, est-ce que vous sentez que les changements intervenus ont modifié les comportements ?
R - Les comportements, c'est trop tôt pour le dire, le ton, un petit peu. Cela se voit à certaines déclarations et encore, cela dépend de qui. Il est trop tôt pour répondre à cette question. Tous les pays qui s'intéressent à l'Iran, pour une raison ou pour une autre, sont en train de se poser la question, sont en train d'observer. Ils observent, ils écoutent, ils regardent, nous en sommes encore là.
Q - Est-ce que justement avec Mme Albright, vous parlez de ce genre de choses, l'Iran, le Soudan, la loi d'Amato ?
R - Oui, à propos de la loi d'Amato, j'ai eu l'occasion plusieurs fois de lui parler du problème que pose à l'Union européenne les lois unilatérales. Elle le sait aussi bien que nous. Elle le sait très bien et elle est souvent confrontée à ce type de problème concernant les relations administration/Congrès. Avec Mme Albright, nous parlons de tout. Simplement, à chaque fois, nous avons un ordre du jour et il y a plusieurs dizaines de sujets qui mériteraient des discussions approfondies entre Français et Américains. C'est la vie quotidienne de la relation franco-américaine. Quand nous nous sommes vus physiquement ou parlés au téléphone, nous abordions quelques sujets, donc je ne peux pas dire que j'ai déjà parlé de tout avec elle. Même si nous n'avons pas parlé directement, nous connaissons nos positions mutuelles.
Q - Pour revenir une seconde sur la Libye, vous avez été surpris par ce qu'a dit Primakov ?
R - Non, parce qu'il en avait dit un mot déjà, quand j'étais à Moscou. Je sais que c'était sa position.
Q - La réunion de demain du Conseil OTAN-Russie, qu'est-ce que vous en attendez ?
R - J'en attends que l'on donne un début de substance à cette relation, puisqu'il faut se rappeler que la création de cette relation entre l'OTAN et la Russie est consécutive à l'élargissement de l'OTAN et qu'elle visait en quelque sorte à équilibrer les conséquences négatives que cela aurait pu avoir en Russie. Nous souhaitons une politique étrangère russe qui reste coopérative et qui recherche les meilleurs relations possibles avec les Européens et plus généralement avec les Occidentaux. Donc, il y a ce Conseil qui est un lieu de discussion et de conversation. Pour nous, ce qui le plus important c'est qu'il existe. C'est même la raison pour laquelle je suis ici à New York au lieu d'être en Russie avec le président, puisque par ailleurs M. Primakov est lui aussi ici au lieu d'être à Moscou. Donc, c'est une importance en soi. Cela n'est pas vrai de tous les organismes. Maintenant il faut déterminer quelle est l'ampleur, la portée, le contenu de consultations que l'on peut avoir avec un pays comme la Russie, qui n'est pas membre de l'OTAN actuellement. L'enjeu de la réunion c'est cela en réalité, c'est une réunion qui va faire précédent, qui va déterminer par son contenu même le type de sujet dont on parlera.
Q - Quand allez-vous vous rendre en Afrique ?
R - En octobre, je vais en Côte d'Ivoire, en Afrique du Sud et en Ethiopie. En Ethiopie parce que c'est le siège de l'OUA.
Q - Une petite question sur l'Italie. Que pensez-vous de l'attitude italienne concernant la réforme du Conseil de Sécurité, ce qu'a dit M. Dini ce matin ?
R - Il défend ses intérêts, je connais bien sa position, il me l'a expliquée à Rome l'autre jour. C'est vrai que pour les Italiens c'est important. Il ne faut pas être étonné du fait que les Italiens défendent leurs intérêts.
Q - Mais vous ne le soutenez pas
R - On a pris une position depuis un certain temps. Il y a une position française précise sur l'Allemagne et le Japon, mais aussi pour des membres importants du Sud. Mais il faut trouver quand même un consensus. Cela ne peut pas se faire par un acte de brutalité d'une partie de l'organisation contre une autre. C'est une position de départ et nous avons annoncé un soutien à la réforme, mais il y a tout un vrai travail à faire Il y a le cas italien, mais il y en a d'autres. C'est très compliqué. C'est tout l'intérêt de la proposition Razali. Il a pris le taureau par les cornes. C'est un sujet un peu délicat, il a fait des propositions qui naturellement ne peuvent pas satisfaire tout le monde d'emblée, mais il a eu le mérite de prendre le sujet. Maintenant la réflexion commence./.
New York, 26 septembre 1997)
Q - Votre dernière rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo ?
R - C'était intéressant. J'ai été content d'avoir pu saisir l'occasion de ma présence ici pour voir les ministres du Congo démocratique, de l'Ouganda, du Rwanda, pour avoir une vision plus complète de la situation dans la région, de ce que veulent les autorités de ces pays. Ils sont tous demandeurs d'une coopération accrue avec la France.
Q - Sur l'enquête ?
R - Sur l'enquête, ce n'est pas un problème direct avec la France, c'est un problème avec le Secrétariat général des Nations unies, mais nous sommes engagés par ce que fait le Secrétaire général pour le compte du Conseil de Sécurité. Il m'a assuré que son gouvernement voulait que l'enquête puisse de dérouler. Mais il faut que vous recoupiez parce que je sais qu'il a eu des entretiens avec le Secrétaire général des Nations unies. En me parlant, il a présenté les choses sous un jour encourageant.
Q - Convaincu ?
R - Je n'ai pas les éléments pour apprécier. Il m'a longuement expliqué ce que voulait faire ce régime, ce gouvernement, la reconstruction, les priorités. Enfin il a longuement analysé leur politique intérieure.
Q - L'Ouganda ?
R - C'est assez différent parce que l'Ouganda, c'est un pays qui parle simplement de développement économique. Le discours de ce pays nous dit qu'il a des échanges, une économie qui marche, qu'il faut investir, commercer avec lui. En revanche, quand vous écoutez les Rwandais ou les gens de Kinshasa, ils vous parlent reconstruction.
Q - Avez-vous l'impression là-dessus, que de part et d'autre, sur le Rwanda comme sur le Congo démocratique, il y a une volonté peut-être de normaliser, une volonté de normaliser avec la France, ou d'aller dans cette voie en tous cas ?
R - Exactement, mais "normaliser", ce n'est pas le terme qu'ils emploient. Eux-mêmes ne présentent pas les choses comme cela. Ils n'ont pas dit "nous avons une situation difficile ou inexistante qu'il faut normaliser". Ils m'ont dit, dans les deux cas que vous citez "nous souhaitons que la France soit plus présente et qu'elle développe son action et sa coopération".
Q - Vous avez rencontré des représentants du Burundi aussi ?
R - Non, je n'ai pas rencontré tout le monde, hélas !
Q - Sur l'enquête de l'ONU ?
R - Encore une fois, ce n'est pas à moi de mener les négociations, la discussion et la conversation relèvent de l'autorité du Secrétaire général des Nations unies. La seule précision qu'il m'a donnée, c'est de dire que le lieu normal de l'enquête de cette mission c'était l'Est du pays.
Q - Vous les avez tous reçus à leur demande ?
R - Ceux-là, oui.
Q - C'est-à-dire que le Burundi n'a pas demandé à vous voir ?
R - Non. Ce n'est peut-être pas un signe.
Q - Non, c'est une information.
R - Oui, mais peut-être qu'il n'est pas là en même temps que moi.
Q - Sur le dernier communiqué du GIA...
R - Je n'ai pas de commentaires, il faut toujours être très prudent pour interpréter ce type de texte. Dans la mesure où il serait exact, c'est un texte qui parle de lui-même, donc je n'ai rien à ajouter.
Q -Il y a des signes d'authenticité ?
R - Je n'en sais rien, je n'ai pas les éléments d'appréciation.
Q - Est-ce que ceci vous renforce dans la volonté d'aborder ce sujet avec la
plus grande prudence ?
R - La prudence, cela a un autre nom : c'est le sens des responsabilités. Par
ailleurs, je vous renvoie à ce qu'a dit le président de la République,
puisqu'il est à Moscou et il a parlé.
Q - Sur la réunion de l'OTAN ?
R - Oui, que voulez-vous savoir ?
Q - Comment réagissez-vous à l'intervention russe demandant que l'OTAN ne s'occupe plus d'affaires régionales de maintien de la paix et que ce soit
laissé à l'ONU ?
R - Je ne vais pas réagir dans le détail sur chaque point. Ce que je peux vous dire, c'est que pour nous c'est très important que ce Conseil existe. S'il y avait eu un élargissement de l'OTAN sans que soit créée une relation particulière entre cet ensemble nouveau élargi et la Russie, il y aurait eu un élément de déséquilibre pour la sécurité en Europe. Donc la création de ce Conseil - l'on est passés trop vite sur l'importance de la création de cette instance - est un élément important, stabilisateur et une très bonne chose C'est également une très bonne chose que cette séance ait eu lieu. Je dirais, presque indépendamment de ce qui a pu se dire. D'autre part, tout le monde est intervenu, les alliés n'ont pas forcément la même conception que M. Primakov sur les sujets dont on doit parler, ce qu'on doit faire ensemble ou pas ensemble. Mais, c'était quand même dans un climat de coopération, globalement, très coopératif, très arrangeant. Manifestement, les Russes ont montré qu'ils jugeaient très positive cette rencontre. Ensuite, il peut y avoir des nuances d'interprétation sur ce que l'on veut ou pas, mais c'est fait pour cela justement. C'est cela la différence : il y a un cadre pour discuter de ce genre de choses.
Q - Est-ce que c'est un type de réunion qui va être institutionnalisé ?
R - Deux fois par an au niveau ministériel et une fois par an au niveau des représentants permanents à Bruxelles.
Q - Vous disiez hier de cette réunion, puisque c'était une première, que cela définirait un peu à quoi servirait ce mécanisme, à part le fait qu'il existe. On aurait une idée plus nette du contenu. Donc, quel serait le contenu ?
R - On a vu en effet que les alliés et les Russes n'ont pas exactement la même définition du périmètre des sujets dont on va traiter ensemble. Les Russes en ont une version extensive et les alliés en ont une vision plus formellement limitée. Je pense que l'on retrouvera cette configuration dans les prochaines réunions. On trouvera des sujets dont les Russes voudront parler et où les alliés diront que cela ne relève pas du Conseil. Enfin, vraisemblablement, cela se développera comme cela sur des sujets que l'actualité nous présentera. Mais en tous cas, je le répète, c'est dans un cadre de coopération qui existe. C'est le fait majeur.
Q - Est-ce que l'Iraq a été évoqué ?
R - Non, mais je vois le ministre iraquien cet après-midi.
Q - Mais avec les autres ?
R - Non, je n'en ai pas eu l'occasion, je n'ai pas d'éléments nouveaux particuliers.
Q - Sur la Bosnie, il y a eu un éditorial très violent contre l'intention du président Clinton de rester en Bosnie, ce matin dans le New York Times.
R - Je n'ai pas vu cela. J'ai vu le papier de Sandy Berger qui faisait une réflexion dans l'autre sens, sur la nécessité de rester. Ce texte de Sandy Berger est important parce que ce n'est pas acquis encore. Ce n'est pas la position officielle de l'Administration Clinton jusqu'à maintenant
Q - L'éditorial soulignait que l'Europe avait amenée une tragédie en Bosnie et avait forcé l'Amérique à suivre. Et maintenant dans les couloirs, on dit que les Russes vont aller en Bosnie pour remplacer les Américains ?
R - Je ne suis pas là pour commenter les éditoriaux, surtout des éditoriaux qui constituent un débat entre Américains. Ce n'est pas mon rôle.
Q - Non, c'est la question des Russes qui pourraient aller en Bosnie..
R - Je crois que cela ne se présente pas comme cela. De toutes façons, encore une fois, je n'ai pas à commenter d'éditoriaux.
Q - Il n'y avait pas de Russes dans l'éditorial. Ma seule question porte sur les Russes.
R - Les Américains débattent entre eux de l'opportunité de rester ou de ne pas rester. C'est leur débat démocratique à eux. Ce que je sais - nous avons eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises -, c'est que nous estimions que les pays, qui sont présents aujourd'hui, devaient rester. C'est cohérent avec l'engagement qu'ils ont pris dans le cadre des Accords de Dayton et ce n'est qu'à partir du moment où les Américains, les Européens, les Russes ont fait pression, tous ensemble, sur l'ensemble des communautés parties à cette tragédie, que l'on a commencé à avoir des résultats. Donc, il faut maintenir cet engagement. On voit bien que jusqu'ici, cela a permis d'obtenir de très grands résultats en matière de pacification et de sécurité mais que beaucoup reste à faire en matière de construction dans l'Etat bosniaque démocratique. Donc, il faut maintenir cet engagement, même si cela doit s'adapter, même si les formes doivent être adaptées au fur et à mesure. L'engagement tous ensemble, c'est cela notre position. Donc, je me suis réjoui de voir ce que Sandy Berger a dit parce que cela nous parait amorcer ou annoncer une évolution de la position américaine dans le sens que nous souhaitons. Pour le reste, ce sont de pures hypothèses.
Q - La position de la France reste la même qu'au moment de l'engagement, c'est-à-dire, si les Américains s'en vont, tout le monde part ?
R - Oui, pour les raisons que je vous ai indiquées. Ce n'est pas pour gêner les Américains, c'est parce que si nous voulons être efficaces dans cette affaire très compliquée, il faut maintenir une concentration de pression de l'ensemble des pays extérieurs sur l'ensemble des communautés concernées. On voit bien que l'on n'a pas encore atteint le but.
Q - Pour revenir une seconde sur l'Afrique, ces trois pays étaient certainement demandeurs d'une assistance ...
R - Pas d'une assistance, ce n'est pas le terme, mais de coopération, plus de présence française, plus d'aide, plus de coopération.
Q - Est-ce que cette présence française accrue peut se dérouler en même temps que des avancées des relations politiques avec ces pays ?
R - A mon avis, les choses sont liées bien sûr. Quand je parle avec un ministre, c'est une sorte de relation politique bien sûr, une discussion.
Q - Bien sûr, mais il y a eu un certain nombre de problèmes
R - Mais si c'est eux qui demandent ? Les problèmes ne sont pas posés par nous
Et puis c'est intéressant de distinguer, parce que souvent on voit des déclarations, de leur côté, de personnes plus ou moins autorisées, des commentaires de presse peut-être inspirés, peut-être, pas je n'en sais rien. Mais là, j'ai eu affaire à des ministres, dans le cadre de leur gouvernement, qui m'ont parlé dans ces termes. Donc, je l'ai relevé parce que cela m'a paru intéressant sur le fond et intéressant à vous indiquer./.
(source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 22 octobre 2001)
Q - Est-ce que vous pouvez un peu développer cette coopération avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, concernant la formation au maintien de la paix en Afrique ?
R - Je ne peux pas développer parce que c'est une sorte d'engagement à agir ensemble et nous n'en sommes qu'au début, donc je ne peux pas développer. Jusqu'ici il y a eu énormément d'actions de la France en matière de formation militaire, notamment dans les pays avec lesquels nous avons des accords militaires ou de coopération militaire. Il y a eu quelques actions britanniques et très peu d'actions américaines. Mais étant donné que l'axe général en matière de sécurité et de stabilité en Afrique, c'est d'aider les Africains à être capables d'assurer eux-mêmes les opérations de maintien de la paix, celles-ci étant, vous connaissez le raisonnement, décidées par l'ONU et par l'OUA et en liaison avec l'OUA, nous avons pensé que nous pouvions mettre en commun certaines de ces opérations. Je ne veux pas dire que nous faisons tout en commun mais nous pouvons agir en commun. C'est très récent, c'est un accord qui coïncide quasiment avec l'arrivée du nouveau gouvernement. Et cela répond à une idée qui est très simple : quand on veut monter des forces de maintien de la paix, on s'aperçoit que ce n'est pas si simple que cela. Il ne suffit pas d'avoir des armées. Je ne parle pas de la décision politique ou du financement, c'est autre chose. Mais sur le plan de la technique militaire, c'est compliqué. N'importe quelle armée n'est pas capable de faire du maintien de la paix. C'est comme lorsqu'on parle du maintien de l'ordre, en fait, on s'aperçoit que c'est une action très sophistiquée, très compliquée, d'utiliser la force, la montrer pour dissuader, calmer, prévenir. C'est tout un travail. Nous n'en sommes qu'au début, donc je ne peux pas vous en dire plus, mais cela traduit un état d'esprit ouvert et coopératif qui fait que si tous les ministres vont voyager en Afrique et bien tant mieux.
Q - Mais quand on voit les Américains qui envoient une vingtaine d'officiers américains au Sénégal, en Côte d'Ivoire, est-ce que cela participe de la coopération américaine et britannique ?
R - Non, vu la date, c'est une action conçue avant, ce n'est pas encore l'application dont je vous ai parlée et puis ce sont des chiffres infimes par rapport à ce que nous faisons dans beaucoup de pays depuis très longtemps.
Q - Il y a eu la Somalie
R - Oui, mais ce n'est pas la même chose, ce n'est pas du tout une opération de coopération pour la formation. Cela les a amenés à conclure qu'il fallait se méfier des interventions directes mal préparées. Cela va dans le même sens
Q - Il y a aussi le Rwanda ?
R - Dans quel sens ?
Q - Il y a aussi le Congo Kinshasa ?
R - Oui, mais cela n'a pas tellement de rapport avec le sujet précédent
Q - Non, je veux dire dans la présence de conseillers militaires américains sur le terrain.
R - Oui, mais il y a des actions classiques de présence de coopérants ou de conseillers militaires et puis, d'autre part, il y a cette approche nouvelle. Précisément, l'approche nouvelle cela consiste à se mettre sur un terrain plus clair, plus clair que celui de la formation des opérations de maintien de la paix. Ce n'est pas la coopération militaire classique qui a sa légitimité. Cela fait partie d'une sorte d'adaptation générale des politiques des grands pays occidentaux par rapport aux réalités africaines d'aujourd'hui.
Q - L'un des points importants aujourd'hui, c'est ce qu'a dit le Conseil sur la Libye ? Mme Albright a réagi, vous nous en aviez parlé il y a deux jours.
R - Oui, je n'ai rien de plus à dire qu'il y a deux jours. En effet, il y a un certain nombre de pays, notamment africains ou arabes, qui plaident pour une adaptation des résolutions mais les résolutions dépendent du Conseil de sécurité et elles pourront être adaptées quand les conditions posées auront été remplies. Rien n'interdit à des pays membres de l'ONU de plaider pour des évolutions de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. Rien ne l'en empêche.
Q - Mais la proposition libyenne qui n'est pas nouvelle d'ailleurs, de faire traduire en justice les personnes soupçonnées des attentats, comme dans le cas de celui de Lockerbie, devant la Cour internationale de Justice, est-ce une proposition satisfaisante ?
R - Comme vous le dites, ce n'est pas une proposition nouvelle donc la position ne l'est pas non plus. Nous n'avons pas changé de position.
Q - Plus généralement, qu'avez-vous pensé de cette réunion de ce matin
R - Je pense que c'est une bonne idée, de toutes façons, de parler de l'Afrique. C'était une bonne idée, comme je l'ai dit au début, de parler de l'Afrique, pas uniquement parce qu'il y a une crise urgente à traiter mais parce que l'on s'interroge sur le plan général, sur ce que l'on peut faire en matière de développement et d'aide à la stabilité à la sécurité en Afrique et puis cela permet de dire des choses. Cela m'a permis de rappeler précisément que c'est très bien si tout le monde s'intéresse à l'Afrique, à condition de ne pas oublier le besoin urgent et prioritaire d'aide au développement. Comme je l'ai indiqué, c'est vrai que l'insertion de l'Afrique dans l'économie mondiale est une bonne chose mais que c'est encore parcellaire comme mouvement et que tout reste à faire en matière d'aide au développement. Il ne faudrait pas qu'il y ait de tours de passe-passe là-dessus.
Q - Qu'est-ce que vous attendez du rapport du Secrétaire général ?
Est-ce que cela ne va pas être un rapport de plus sur l'Afrique ? Il y a eu les initiatives spéciales sur l'Afrique. Tous les jours on sort quelque chose de nouveau sur l'Afrique, mais on n'a pas d'argent ou personne n'a d'argent pour mettre en place ces programmes.
R - L'Europe a de l'argent. Je comprends que vous soyez un peu sceptique parce qu'il y a beaucoup de rapports sur le sujet, mais de toutes façons, cela ne fait pas de mal pour parler en termes simples. Il faut que l'on fasse un tour de table pour échanger les points de vues et voir que l'Afrique est quand même un continent qui, non seulement n'est pas oublié, mais qui attire de plus en plus l'attention. Maintenant, sur le plan pratique je crois que cela va plutôt se passer au niveau national et au niveau de l'Europe, puisque l'Europe est évidemment de très loin le premier partenaire de l'Afrique. D'après ce que je comprends, les Etats africains ont pris cela très bien qu'il y ait un débat au Conseil de sécurité sur l'Afrique, mais ils savent bien que c'est au niveau des décisions européennes que les choses concrètes vont se passer après.
Q - Mais pourquoi un rapport du Secrétaire général des Nations unies alors ?
R - Cela maintient une pression. Cela maintient une vigilance, un suivi et puis, d'autre part cela maintient le lien avec l'approche générale, la question économique et les opérations de maintien de la paix dont on parlait. D'ailleurs, s'il n'annonçait pas de rapport, vous vous demanderiez pourquoi. Vous trouveriez que c'est un grave signe de désintérêt. C'est une attention qui est suivie, c'est très bien.
Q - Quand vous dites "c'est l'Europe", il n'y a pas un peu de télescopage entre les aides bilatérales, européennes, multilatérales ?
R - Dès lors qu'elles s'additionnent pour les bénéficiaires , c'est très bien Q - Vous êtes pour le multilatéralisme ou pour le bilatéralisme ?
R - Je suis pour une bonne combinaison. C'est ce qui passe, d'ailleurs. Cela dépend. Il n'y a pas de règles générales, il y a des cas où les aides bilatérales sont gaspillées, dans d'autres cas ce sont les aides multilatérales. Placez-vous du point de vue de n'importe lequel des Etats africains qui sont bénéficiaires. Ils sont très heureux. Ensuite, c'est à eux de bien combiner les choses. On retombe sur la façon dont ils gèrent leurs propres affaires, sur la fameuse bonne gouvernance. Un vieux terme français comme je le disais au dîner francophone.
Q - Votre conversation avec M. David Levy ?
R - C'était très sympathique. Bonne ambiance. C'était vraiment une conversation en amis, c'est-à-dire en amis qui se parlent franchement. Je lui ai expliqué pourquoi on était vraiment inquiets sur la situation, sur l'arrêt, à nos yeux, du processus et il m'a expliqué avec la même amitié, la même franchise comment il voit les choses et dans quelle situation ils estiment se trouver. Le climat était très bon. Ce n'était pas un climat d'amitié au sens diplomatique. Nous nous sommes parlés franchement, mais je crois que c'était une bonne conversation.
Q - Il ne vous a pas annoncé plus qu'à Mme Albright, qu'il avait l'intention de relancer la colonisation ?
R - Non, il ne m'a rien annoncé de ce type.
Q - Comment réagissez-vous à cette décision ?
R - Il m'a surtout indiqué ce qu'il espérait des réunions de Washington qui se tiennent maintenant. Il s'est placé sur ce terrain, sur le terrain d'une éventuelle relance.
Q - Comment analysez-vous cette décision israélienne, à quelques jours de la rencontre avec les Palestiniens ?
R - Je crois que cela ne va pas dans le bon sens.
Q - Est-ce que l'on peut parler de l'Algérie ? Peut-être d'ailleurs j'arrive à retardement, vous en avez déjà parlé hier, mais ce matin Mme Albright et son porte-parole ont dit qu'il y avait eu des discussions sérieuses entre la France et les Etats-Unis au sujet de l'Algérie à l'occasion de votre rencontre et que c'était une très bonne chose que deux grands pays comme la France et les Etats-Unis s'intéressent à l'Algérie, qu'il y avait des décisions de coordonner à la fois l'évaluation de la situation et les moyens d'aider les Algériens à sortir de cette situation terrible?
R - Notre entretien a duré une heure environ, mais nous avons parlé de sujets différents. C'est vrai que nous avons eu un échange sur ce point mais cela a consisté à se dire qu'il fallait être en contact plus étroit pour analyser la situation, comprendre ce qui se passe et qu'il fallait au-delà de cela réfléchir en commun sur ce qui pouvait être fait.
Q - Vous n'avez pas du tout parlé de ce qui pouvait être fait, quelles avenues pouvaient être empruntées ?
R - Non, nous n'avons rien exploré de plus précis.
Q - Elle n'a pas indiqué qu'elle avait des idées, des suggestions ?
R - Non.
Q - Votre rencontre avec le ministre iranien ?
R - Je l'ai reçu à sa demande parce qu'il voulait me parler du Proche-Orient et du Liban. A l'occasion, mais ce n'était pas le sujet principal, je lui ai réitéré la solidarité entière des Quinze à propos de l'affaire des ambassadeurs. Il n'y a pas eu de discussion sur ce point.
Q - Sur l'Iran, est-ce que vous sentez que les changements intervenus ont modifié les comportements ?
R - Les comportements, c'est trop tôt pour le dire, le ton, un petit peu. Cela se voit à certaines déclarations et encore, cela dépend de qui. Il est trop tôt pour répondre à cette question. Tous les pays qui s'intéressent à l'Iran, pour une raison ou pour une autre, sont en train de se poser la question, sont en train d'observer. Ils observent, ils écoutent, ils regardent, nous en sommes encore là.
Q - Est-ce que justement avec Mme Albright, vous parlez de ce genre de choses, l'Iran, le Soudan, la loi d'Amato ?
R - Oui, à propos de la loi d'Amato, j'ai eu l'occasion plusieurs fois de lui parler du problème que pose à l'Union européenne les lois unilatérales. Elle le sait aussi bien que nous. Elle le sait très bien et elle est souvent confrontée à ce type de problème concernant les relations administration/Congrès. Avec Mme Albright, nous parlons de tout. Simplement, à chaque fois, nous avons un ordre du jour et il y a plusieurs dizaines de sujets qui mériteraient des discussions approfondies entre Français et Américains. C'est la vie quotidienne de la relation franco-américaine. Quand nous nous sommes vus physiquement ou parlés au téléphone, nous abordions quelques sujets, donc je ne peux pas dire que j'ai déjà parlé de tout avec elle. Même si nous n'avons pas parlé directement, nous connaissons nos positions mutuelles.
Q - Pour revenir une seconde sur la Libye, vous avez été surpris par ce qu'a dit Primakov ?
R - Non, parce qu'il en avait dit un mot déjà, quand j'étais à Moscou. Je sais que c'était sa position.
Q - La réunion de demain du Conseil OTAN-Russie, qu'est-ce que vous en attendez ?
R - J'en attends que l'on donne un début de substance à cette relation, puisqu'il faut se rappeler que la création de cette relation entre l'OTAN et la Russie est consécutive à l'élargissement de l'OTAN et qu'elle visait en quelque sorte à équilibrer les conséquences négatives que cela aurait pu avoir en Russie. Nous souhaitons une politique étrangère russe qui reste coopérative et qui recherche les meilleurs relations possibles avec les Européens et plus généralement avec les Occidentaux. Donc, il y a ce Conseil qui est un lieu de discussion et de conversation. Pour nous, ce qui le plus important c'est qu'il existe. C'est même la raison pour laquelle je suis ici à New York au lieu d'être en Russie avec le président, puisque par ailleurs M. Primakov est lui aussi ici au lieu d'être à Moscou. Donc, c'est une importance en soi. Cela n'est pas vrai de tous les organismes. Maintenant il faut déterminer quelle est l'ampleur, la portée, le contenu de consultations que l'on peut avoir avec un pays comme la Russie, qui n'est pas membre de l'OTAN actuellement. L'enjeu de la réunion c'est cela en réalité, c'est une réunion qui va faire précédent, qui va déterminer par son contenu même le type de sujet dont on parlera.
Q - Quand allez-vous vous rendre en Afrique ?
R - En octobre, je vais en Côte d'Ivoire, en Afrique du Sud et en Ethiopie. En Ethiopie parce que c'est le siège de l'OUA.
Q - Une petite question sur l'Italie. Que pensez-vous de l'attitude italienne concernant la réforme du Conseil de Sécurité, ce qu'a dit M. Dini ce matin ?
R - Il défend ses intérêts, je connais bien sa position, il me l'a expliquée à Rome l'autre jour. C'est vrai que pour les Italiens c'est important. Il ne faut pas être étonné du fait que les Italiens défendent leurs intérêts.
Q - Mais vous ne le soutenez pas
R - On a pris une position depuis un certain temps. Il y a une position française précise sur l'Allemagne et le Japon, mais aussi pour des membres importants du Sud. Mais il faut trouver quand même un consensus. Cela ne peut pas se faire par un acte de brutalité d'une partie de l'organisation contre une autre. C'est une position de départ et nous avons annoncé un soutien à la réforme, mais il y a tout un vrai travail à faire Il y a le cas italien, mais il y en a d'autres. C'est très compliqué. C'est tout l'intérêt de la proposition Razali. Il a pris le taureau par les cornes. C'est un sujet un peu délicat, il a fait des propositions qui naturellement ne peuvent pas satisfaire tout le monde d'emblée, mais il a eu le mérite de prendre le sujet. Maintenant la réflexion commence./.
New York, 26 septembre 1997)
Q - Votre dernière rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo ?
R - C'était intéressant. J'ai été content d'avoir pu saisir l'occasion de ma présence ici pour voir les ministres du Congo démocratique, de l'Ouganda, du Rwanda, pour avoir une vision plus complète de la situation dans la région, de ce que veulent les autorités de ces pays. Ils sont tous demandeurs d'une coopération accrue avec la France.
Q - Sur l'enquête ?
R - Sur l'enquête, ce n'est pas un problème direct avec la France, c'est un problème avec le Secrétariat général des Nations unies, mais nous sommes engagés par ce que fait le Secrétaire général pour le compte du Conseil de Sécurité. Il m'a assuré que son gouvernement voulait que l'enquête puisse de dérouler. Mais il faut que vous recoupiez parce que je sais qu'il a eu des entretiens avec le Secrétaire général des Nations unies. En me parlant, il a présenté les choses sous un jour encourageant.
Q - Convaincu ?
R - Je n'ai pas les éléments pour apprécier. Il m'a longuement expliqué ce que voulait faire ce régime, ce gouvernement, la reconstruction, les priorités. Enfin il a longuement analysé leur politique intérieure.
Q - L'Ouganda ?
R - C'est assez différent parce que l'Ouganda, c'est un pays qui parle simplement de développement économique. Le discours de ce pays nous dit qu'il a des échanges, une économie qui marche, qu'il faut investir, commercer avec lui. En revanche, quand vous écoutez les Rwandais ou les gens de Kinshasa, ils vous parlent reconstruction.
Q - Avez-vous l'impression là-dessus, que de part et d'autre, sur le Rwanda comme sur le Congo démocratique, il y a une volonté peut-être de normaliser, une volonté de normaliser avec la France, ou d'aller dans cette voie en tous cas ?
R - Exactement, mais "normaliser", ce n'est pas le terme qu'ils emploient. Eux-mêmes ne présentent pas les choses comme cela. Ils n'ont pas dit "nous avons une situation difficile ou inexistante qu'il faut normaliser". Ils m'ont dit, dans les deux cas que vous citez "nous souhaitons que la France soit plus présente et qu'elle développe son action et sa coopération".
Q - Vous avez rencontré des représentants du Burundi aussi ?
R - Non, je n'ai pas rencontré tout le monde, hélas !
Q - Sur l'enquête de l'ONU ?
R - Encore une fois, ce n'est pas à moi de mener les négociations, la discussion et la conversation relèvent de l'autorité du Secrétaire général des Nations unies. La seule précision qu'il m'a donnée, c'est de dire que le lieu normal de l'enquête de cette mission c'était l'Est du pays.
Q - Vous les avez tous reçus à leur demande ?
R - Ceux-là, oui.
Q - C'est-à-dire que le Burundi n'a pas demandé à vous voir ?
R - Non. Ce n'est peut-être pas un signe.
Q - Non, c'est une information.
R - Oui, mais peut-être qu'il n'est pas là en même temps que moi.
Q - Sur le dernier communiqué du GIA...
R - Je n'ai pas de commentaires, il faut toujours être très prudent pour interpréter ce type de texte. Dans la mesure où il serait exact, c'est un texte qui parle de lui-même, donc je n'ai rien à ajouter.
Q -Il y a des signes d'authenticité ?
R - Je n'en sais rien, je n'ai pas les éléments d'appréciation.
Q - Est-ce que ceci vous renforce dans la volonté d'aborder ce sujet avec la
plus grande prudence ?
R - La prudence, cela a un autre nom : c'est le sens des responsabilités. Par
ailleurs, je vous renvoie à ce qu'a dit le président de la République,
puisqu'il est à Moscou et il a parlé.
Q - Sur la réunion de l'OTAN ?
R - Oui, que voulez-vous savoir ?
Q - Comment réagissez-vous à l'intervention russe demandant que l'OTAN ne s'occupe plus d'affaires régionales de maintien de la paix et que ce soit
laissé à l'ONU ?
R - Je ne vais pas réagir dans le détail sur chaque point. Ce que je peux vous dire, c'est que pour nous c'est très important que ce Conseil existe. S'il y avait eu un élargissement de l'OTAN sans que soit créée une relation particulière entre cet ensemble nouveau élargi et la Russie, il y aurait eu un élément de déséquilibre pour la sécurité en Europe. Donc la création de ce Conseil - l'on est passés trop vite sur l'importance de la création de cette instance - est un élément important, stabilisateur et une très bonne chose C'est également une très bonne chose que cette séance ait eu lieu. Je dirais, presque indépendamment de ce qui a pu se dire. D'autre part, tout le monde est intervenu, les alliés n'ont pas forcément la même conception que M. Primakov sur les sujets dont on doit parler, ce qu'on doit faire ensemble ou pas ensemble. Mais, c'était quand même dans un climat de coopération, globalement, très coopératif, très arrangeant. Manifestement, les Russes ont montré qu'ils jugeaient très positive cette rencontre. Ensuite, il peut y avoir des nuances d'interprétation sur ce que l'on veut ou pas, mais c'est fait pour cela justement. C'est cela la différence : il y a un cadre pour discuter de ce genre de choses.
Q - Est-ce que c'est un type de réunion qui va être institutionnalisé ?
R - Deux fois par an au niveau ministériel et une fois par an au niveau des représentants permanents à Bruxelles.
Q - Vous disiez hier de cette réunion, puisque c'était une première, que cela définirait un peu à quoi servirait ce mécanisme, à part le fait qu'il existe. On aurait une idée plus nette du contenu. Donc, quel serait le contenu ?
R - On a vu en effet que les alliés et les Russes n'ont pas exactement la même définition du périmètre des sujets dont on va traiter ensemble. Les Russes en ont une version extensive et les alliés en ont une vision plus formellement limitée. Je pense que l'on retrouvera cette configuration dans les prochaines réunions. On trouvera des sujets dont les Russes voudront parler et où les alliés diront que cela ne relève pas du Conseil. Enfin, vraisemblablement, cela se développera comme cela sur des sujets que l'actualité nous présentera. Mais en tous cas, je le répète, c'est dans un cadre de coopération qui existe. C'est le fait majeur.
Q - Est-ce que l'Iraq a été évoqué ?
R - Non, mais je vois le ministre iraquien cet après-midi.
Q - Mais avec les autres ?
R - Non, je n'en ai pas eu l'occasion, je n'ai pas d'éléments nouveaux particuliers.
Q - Sur la Bosnie, il y a eu un éditorial très violent contre l'intention du président Clinton de rester en Bosnie, ce matin dans le New York Times.
R - Je n'ai pas vu cela. J'ai vu le papier de Sandy Berger qui faisait une réflexion dans l'autre sens, sur la nécessité de rester. Ce texte de Sandy Berger est important parce que ce n'est pas acquis encore. Ce n'est pas la position officielle de l'Administration Clinton jusqu'à maintenant
Q - L'éditorial soulignait que l'Europe avait amenée une tragédie en Bosnie et avait forcé l'Amérique à suivre. Et maintenant dans les couloirs, on dit que les Russes vont aller en Bosnie pour remplacer les Américains ?
R - Je ne suis pas là pour commenter les éditoriaux, surtout des éditoriaux qui constituent un débat entre Américains. Ce n'est pas mon rôle.
Q - Non, c'est la question des Russes qui pourraient aller en Bosnie..
R - Je crois que cela ne se présente pas comme cela. De toutes façons, encore une fois, je n'ai pas à commenter d'éditoriaux.
Q - Il n'y avait pas de Russes dans l'éditorial. Ma seule question porte sur les Russes.
R - Les Américains débattent entre eux de l'opportunité de rester ou de ne pas rester. C'est leur débat démocratique à eux. Ce que je sais - nous avons eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises -, c'est que nous estimions que les pays, qui sont présents aujourd'hui, devaient rester. C'est cohérent avec l'engagement qu'ils ont pris dans le cadre des Accords de Dayton et ce n'est qu'à partir du moment où les Américains, les Européens, les Russes ont fait pression, tous ensemble, sur l'ensemble des communautés parties à cette tragédie, que l'on a commencé à avoir des résultats. Donc, il faut maintenir cet engagement. On voit bien que jusqu'ici, cela a permis d'obtenir de très grands résultats en matière de pacification et de sécurité mais que beaucoup reste à faire en matière de construction dans l'Etat bosniaque démocratique. Donc, il faut maintenir cet engagement, même si cela doit s'adapter, même si les formes doivent être adaptées au fur et à mesure. L'engagement tous ensemble, c'est cela notre position. Donc, je me suis réjoui de voir ce que Sandy Berger a dit parce que cela nous parait amorcer ou annoncer une évolution de la position américaine dans le sens que nous souhaitons. Pour le reste, ce sont de pures hypothèses.
Q - La position de la France reste la même qu'au moment de l'engagement, c'est-à-dire, si les Américains s'en vont, tout le monde part ?
R - Oui, pour les raisons que je vous ai indiquées. Ce n'est pas pour gêner les Américains, c'est parce que si nous voulons être efficaces dans cette affaire très compliquée, il faut maintenir une concentration de pression de l'ensemble des pays extérieurs sur l'ensemble des communautés concernées. On voit bien que l'on n'a pas encore atteint le but.
Q - Pour revenir une seconde sur l'Afrique, ces trois pays étaient certainement demandeurs d'une assistance ...
R - Pas d'une assistance, ce n'est pas le terme, mais de coopération, plus de présence française, plus d'aide, plus de coopération.
Q - Est-ce que cette présence française accrue peut se dérouler en même temps que des avancées des relations politiques avec ces pays ?
R - A mon avis, les choses sont liées bien sûr. Quand je parle avec un ministre, c'est une sorte de relation politique bien sûr, une discussion.
Q - Bien sûr, mais il y a eu un certain nombre de problèmes
R - Mais si c'est eux qui demandent ? Les problèmes ne sont pas posés par nous
Et puis c'est intéressant de distinguer, parce que souvent on voit des déclarations, de leur côté, de personnes plus ou moins autorisées, des commentaires de presse peut-être inspirés, peut-être, pas je n'en sais rien. Mais là, j'ai eu affaire à des ministres, dans le cadre de leur gouvernement, qui m'ont parlé dans ces termes. Donc, je l'ai relevé parce que cela m'a paru intéressant sur le fond et intéressant à vous indiquer./.
(source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 22 octobre 2001)