Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le développement de Strasbourg et de l'Alsace dans le cadre de l'Union européenne, à Strasbourg le 4 septembre 2008.

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Circonstance : Inauguration de la Foire européenne de Strasbourg, le 4 septembre 2008

Texte intégral

Monsieur le Sénateur Maire,
Monsieur le Ministre, Madame la Ministre,
Monsieur le Président du Conseil Régional, Monsieur le Président du Conseil Général; Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président de la Communauté urbaine,
Monsieur le Président des Chambres consulaires, Monsieur le Président de Strasbourg Evènement
Mesdames et Messieurs,
C'est un très grand plaisir pour moi d'être parmi vous, pour participer à l'inauguration de la Foire européenne de Strasbourg et je remercie chaleureusement le Sénateur Maire de Strasbourg de son invitation. La Foire est en effet un événement de cette rentrée européenne, et je suis tout particulièrement heureux d'y prendre part au moment où la France assure la Présidence du Conseil de l'Union européenne.
Après la pause estivale, si tant est que l'on puisse parler de pause estivale quand on sait combien nos plus hautes autorités, et je pense au président de la République et à Bernard Kouchner, ont été mobilisées par la Géorgie !, la deuxième partie de la Présidence française a commencé cette semaine avec la session plénière du Parlement européen.
Malheureusement, comme chacun d'entre vous le sait, pour la première fois, un cas de force majeur n'a pas permis à cette session plénière de se tenir à Strasbourg. Le gouvernement bien entendu, mais également un grand nombre de nos partenaires et de parlementaires européens le regrettent amèrement. Je mesure les retombées de ceci pour Strasbourg, mais la sécurité de tous ceux et celles qui travaillent au Parlement était à ce prix. Je tiens à saluer ici l'efficacité et la mobilisation de la municipalité et de la préfecture qui ont dû gérer au coeur de l'été une situation exceptionnelle. Ils l'ont fait avec une compétence et un dévouement exemplaires.
J'ai longuement rencontré mardi le secrétaire général du Parlement européen (02/09/2008). J'arrive d'une visite sur site. Je voulais écouter, voir et comprendre. J'ai pu constater que les travaux de rénovation du plafond de l'hémicycle, qui ont été conduits avec une diligence exceptionnelle, étaient achevés et offraient toutes les garanties souhaitées. La parfaite coopération du Parlement avec les services de l'Etat n'y est pas pour rien.
Il m'a été également confirmé que de nouvelles difficultés techniques sur d'autres parties du bâtiment ont été identifiées par un audit indépendant. Sur cette base, le Parlement européen vient de constater qu'il ne lui serait pas possible de siéger à Strasbourg pour la seconde session de septembre.
Vous vous doutez bien que je suis le premier à regretter cette décision du Parlement européen. Mais la sécurité des personnes prime sur toute autre considération. L'intérêt de long terme de Strasbourg est de ne pas transiger sur ce point. Et je peux vous garantir que nous ferons tout pour accélérer les travaux, dans un parfait esprit de transparence et de collaboration avec le Parlement. Vous vous imaginez bien que tout est mis en oeuvre pour que le Président de la République vienne à Strasbourg, comme prévu, le 21 octobre, pour intervenir devant la session plénière du Parlemente européen. Monsieur le Sénateur Maire a totalement raison de rappeler qu'un incident technique ne saurait remettre en cause le texte du traité. Les opposants au siège de Strasbourg en seront pour leurs frais. Il y a un Traité. Il sera respecté. Ce point n'est pas négociable. Ce n'est l'intérêt de personne de réouvrir l'ensemble des dispositions du Traité sur les sièges ou les accords sur les agences.
Depuis mon entrée en fonction voici dix-sept mois, j'ai été présent à Strasbourg à chaque session, parce que c'est en grande partie au Parlement que se joue le succès d'une présidence. Mais je dois vous avouer une frustration. Quand bien même je suis un familier des couloirs du Parlement, j'ai rarement le temps de "prendre" le pouls de votre ville et de votre région. De m'y immerger pour le simple plaisir de goûter à votre hospitalité, votre chaleur, votre générosité. Je me rattrape un peu aujourd'hui et je n'aurais pour rien au monde fait faux bond à Roland Ries qui m'avait invité à inaugurer cette Foire car je savais pouvoir ainsi enfin découvrir une autre facette de l'Alsace. Je comprends que mes contraintes d'agenda, mais elles sont celles de la Présidence, ont pu gêner quelques exposants. J'en suis désolé et j'espère qu'ils ne m'en tiendront pas rigueur.
Je voudrais ici souligner le rôle moteur de l'Alsace dans l'économie française. Votre région est la 4ème région exportatrice de France en volume et la première par tête d'habitant. Année après année, l'Alsace dégage un solde excédentaire de son commerce extérieur. C'est d'autant plus remarquable que vous n'ignorez malheureusement pas la dégradation continue de nos performances commerciales au niveau national. L'Alsace est ainsi une des locomotives de notre pays, 3ème région en termes de PIB par habitant. Je ne vais pas énumérer vos points forts. Pourtant permettez-moi de souligner qu'en trois domaines, le laboratoire alsacien est un modèle dont beaucoup de régions devraient s'inspirer. Quels sont-ils ?
- le poids et la compétitivité de l'industrie (textile, automobile et chimie) ;
- votre capacité à attirer et retenir les investissements étrangers : les capitaux représentent 43 % des emplois industriels; ce ratio est de 25 au niveau national ;
- enfin, vous avez réussi à bâtir une vraie économie transfrontalière.
Je voudrais revenir sur l'importance de l'industrie. L'industrie alsacienne a connu en 2007 une année assez satisfaisante. Pourtant, il y a des signes d'inquiétude, dans le secteur automobile notamment. Le nombre d'emplois industriels se contracte.
Mais il faut se battre. Il faut se battre pour conserver un socle industriel solide car j'ai la conviction qu'il n'y a pas d'économie forte sans une industrie forte. Je ne crois pas à la pérennité d'économies totalement "tertiarisées". Et c'est pour cela que je milite à Bruxelles pour une politique industrielle européenne ambitieuse. Il y a vingt ans, c'était un gros mot de parler de politique européenne en ce domaine. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. J'en veux pour preuve tout le travail qui a été fait pour développer les pôles de compétitivité au niveau européen.
Nous avons aussi pour ambition de rénover, pour la fortifier, la Politique agricole commune, en insistant sur la qualité, la sécurité alimentaire et les productions durables.
J'ai mentionné également l'atout que constitue le développement de l'économie transfrontalière. Il ne faudrait pas se limiter à la sphère économique et je ne doute pas que l'avenir de Strasbourg est lié au renforcement de la relation franco-allemande, dans toutes ses dimensions. Je sais, Monsieur le Sénateur-Maire, la place que vous accordez à ce sujet. J'avais pu le constater, en janvier, lorsque j'ai proposé à mon homologue allemand et ami, Günter Gloser, de décentraliser conjointement nos deux cabinets à Strasbourg, le temps d'une session plénière du Parlement.
A tous ceux qui mettent l'Europe en demeure d'apporter la démonstration par la preuve de ce qu'elle apporte à nos concitoyens, je les renvoie au quotidien des transfrontaliers. Imaginez ce qu'il en serait si nous n'avions pas fait l'Europe ! J'ai la conviction que l'on peut aller beaucoup plus loin encore. Il faut pouvoir faire preuve de créativité, ajuster les normes aux réalités locales, accepter de sortir de nos schémas administratifs classiques. C'est l'essence même de la politique que de rendre possible ce genre d'adaptations ! C'est la raison pour laquelle j'ai confié une mission exploratoire à M. Bernard Cottin, afin qu'il évalue les conditions, notamment juridiques, d'un approfondissement de la coopération transfrontalière de l'eurodistrict Strasbourg-Ortenau. Il effectuera cette mission avec M. Vetter, ancien ministre du Land de Bade-Wurtemberg et je remercie les autorités allemandes de leur implication, notamment mon ami, Günter Gloser.
Les questions de nature sociale, liées au droit du travail où aux questions de santé publique, ont vocation à être traitées dans ce cadre. Bien entendu, on ne part pas de rien : le travail impressionnant de l'Euro-info-centre de Kehl, de même que les travaux de la Mission opérationnelle transfrontalière et les recommandations qu'avait formulées Alain Lamassoure en 2005 restent d'actualité. Il y aura des obstacles à surmonter, je le sais. Mais l'attractivité - y compris économique - des territoires transfrontaliers, pour les citoyens comme les entreprises ou les services publiques, en dépend. Ce serait un fantastique indice de la vitalité de la citoyenneté européenne si les populations transfrontalières votaient préférentiellement dans leur lieu de résidence, quelle que soit leur nationalité, aux prochaines européennes.
Vous savez, Monsieur le Sénateur Maire, Mesdames et Messieurs les Elus, pouvoir compter sur mon entier soutien pour faire progresser le plus loin possible ces perspectives d'avenir. Je ne suis pas le seul. Tout l'Etat a à coeur le développement de la dimension européenne de Strasbourg. En témoignent des innovations comme la mise en place, depuis juillet dernier, d'une liaison directe à grande vitesse entre Bruxelles et Strasbourg. Je me suis personnellement investi dans ce dossier
Sous l'autorité du Premier ministre et sous le pilotage du préfet de région, les contours d'un nouveau "contrat triennal" entre l'Etat et les collectivités locales sont en train de voir le jour. Xavier Darcos, ministre de l'Education nationale, inaugurera tout à l'heure l'Ecole européenne de Strasbourg, projet longtemps attendu et qui dotera la ville d'une structure d'enseignement scolaire à la hauteur de ses ambitions internationales. Claude Allègre vient d'être chargé d'une mission par le président de la République sur l'innovation et la recherche. Il travaillera auprès de Bernard Kouchner et moi-même et m'a dit avoir à coeur de renforcer le potentiel scientifique et d'innovation de Strasbourg.
Vous le voyez, l'Etat est à vos côtés, aujourd'hui plus que jamais. Ce ne sont pas les péripéties des dernières semaines qui y changeront quelque chose. Strasbourg est une grande capitale européenne sur les plans politiques, éducatifs, scientifiques et économiques. Comme le président de la République l'a souligné, cela n'est pas négociable pour la France. Vous pouvez compter sur notre détermination et notre engagement. Et moi je sais pouvoir compter sur votre vigilance et votre esprit d'entreprise.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 septembre 2008