Texte intégral
Monsieur le Président,
Vous avez le 27 août 2008 appelé le Parlement à se prononcer sur la présence de la France en Afghanistan. Les députés et sénateurs socialistes, radicaux et citoyens souhaitent sans attendre vous faire connaître leur point de vue et leurs attentes.
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Président de la République Jacques Chirac, le Premier ministre Lionel Jospin et le Parlement avaient manifesté aux autorités et au peuple américains la solidarité de la France.
La France avait alors décidé d'appuyer la coalition internationale constituée par les Nations unies pour éliminer le terrorisme d'Al-Qaida et ceux qui en Afghanistan lui accordaient protection. La feuille de route confiée par l'ONU à la coalition était la suivante : sécuriser, stabiliser, aider l'Afghanistan à reconstruire un pays démocratique, économiquement viable, militairement apte à affirmer son identité nationale contre les terroristes d'Al -Qaida.
Sept ans après, un bilan s'impose à la Nation comme à la communauté internationale. Avons-nous rempli le contrat qui avait été fixé ?
Le constat est rude, mai il doit être fait La sécurité en Afghanistan est plus précaire aujourd'hui qu'elle ne l'était en 2001 au lendemain de la chute du régime des Talibans. La population, hier favorable, est de plus en plus incertaine. La coalition est souvent perçue comme une force occupante. La construction d'un État, l'afghanisation, est un chantier encore en jachère. L'armée afghane est faible, non représentative et traitée comme une force supplétive. Le président Karzaï en est réduit à dénoncer publiquement la mort de civils, victimes de bombardements de la coalition. Quant au développement, les donations annoncées périodiquement de conférences en conférences, peinent à ses concrétiser. Le Conseil de sécurité dénonce régulièrement cette situation, ainsi que de plus en plus fréquemment la corruption. Seule l'économie de la drogue semble avoir fortement progressé depuis la chute du régime des Talibans.
Nous constatons un enlisement politique, militaire et diplomatique.
Au printemps dernier vous avez décidé d'élargir les missions confiées à nos soldats et ce, en contradiction avec vos déclarations lors de la campagne présidentielle qui évoquaient une présence non décisive dans cette région du monde. Hier nos troupes sécurisaient, stabilisaient, formaient, aujourd'hui elles sont en première ligne.
Pour évoquer cette décision les députés socialistes, radicaux et citoyens ont été contraints le 8 avril dernier de déposer une motion de censure contre votre gouvernement. Alors que la stratégie américaine est de plus en plus contestée, la France ne peut accepter de s'impliquer davantage et plus longtemps sans contreparties.
Membre du Conseil de sécurité, présidente actuelle de l'Union européenne, la France est à ce double titre comptable de la paix et de la coopération internationales. Son engagement en Afghanistan demeure aujourd'hui nécessaire, mais nous attendons du débat parlementaire le 22 septembre que des conditions soient fixées.
La France doit prendre l'initiative d'un débat avec ses alliés sur cinq points majeurs :
- une meilleure répartition des responsabilités au sein de la coalition grâce à la création d'un directoire de la coalition, compétent tant politiquement que militairement et rendant compte régulièrement de l'impact de notre présence ;
- la relance d'un dialogue politique entre Afghans qui ait pour effet d'élargir la coalition au pouvoir autour du président Karzaï et de diviser les insurgés ;
- l'élargissement de la coalition à d'autres pays afin d'éviter de donner le sentiment d'une guerre opposant le seul Occident aux rebelles afghans et de construire un partenariat commun le plus large possible face au terrorisme ;
- une clarification avec le Pakistan, impliqué dans la situation interne de l'Afghanistan ;
- l'établissement d'un calendrier sur les nouveaux objectifs de la coalition assorti d'un échéancier sur notre présence en Afghanistan.
Le débat du 22 septembre n'est pas de savoir si la France doit se désengager de l'Afghanistan, elle ne le doit pas, mais de définir à quelles conditions la présence de nos soldats peut contribuer à une paix durable, dans cette région comme dans le reste du monde.
Il est de votre responsabilité que la France puisse s'exprimer d'une seule voix. Il vous appartient de sauvegarder l'unité de vue qui a prévalu dans nos assemblées lors de la décision d'engager nos forces armées en Afghanistan.
Avant de nous prononcer, nous attendons les clarifications indispensables.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'expression de notre très haute considération.
Source http://www.planeteradicale.org, le 19 septembre 2008
Vous avez le 27 août 2008 appelé le Parlement à se prononcer sur la présence de la France en Afghanistan. Les députés et sénateurs socialistes, radicaux et citoyens souhaitent sans attendre vous faire connaître leur point de vue et leurs attentes.
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Président de la République Jacques Chirac, le Premier ministre Lionel Jospin et le Parlement avaient manifesté aux autorités et au peuple américains la solidarité de la France.
La France avait alors décidé d'appuyer la coalition internationale constituée par les Nations unies pour éliminer le terrorisme d'Al-Qaida et ceux qui en Afghanistan lui accordaient protection. La feuille de route confiée par l'ONU à la coalition était la suivante : sécuriser, stabiliser, aider l'Afghanistan à reconstruire un pays démocratique, économiquement viable, militairement apte à affirmer son identité nationale contre les terroristes d'Al -Qaida.
Sept ans après, un bilan s'impose à la Nation comme à la communauté internationale. Avons-nous rempli le contrat qui avait été fixé ?
Le constat est rude, mai il doit être fait La sécurité en Afghanistan est plus précaire aujourd'hui qu'elle ne l'était en 2001 au lendemain de la chute du régime des Talibans. La population, hier favorable, est de plus en plus incertaine. La coalition est souvent perçue comme une force occupante. La construction d'un État, l'afghanisation, est un chantier encore en jachère. L'armée afghane est faible, non représentative et traitée comme une force supplétive. Le président Karzaï en est réduit à dénoncer publiquement la mort de civils, victimes de bombardements de la coalition. Quant au développement, les donations annoncées périodiquement de conférences en conférences, peinent à ses concrétiser. Le Conseil de sécurité dénonce régulièrement cette situation, ainsi que de plus en plus fréquemment la corruption. Seule l'économie de la drogue semble avoir fortement progressé depuis la chute du régime des Talibans.
Nous constatons un enlisement politique, militaire et diplomatique.
Au printemps dernier vous avez décidé d'élargir les missions confiées à nos soldats et ce, en contradiction avec vos déclarations lors de la campagne présidentielle qui évoquaient une présence non décisive dans cette région du monde. Hier nos troupes sécurisaient, stabilisaient, formaient, aujourd'hui elles sont en première ligne.
Pour évoquer cette décision les députés socialistes, radicaux et citoyens ont été contraints le 8 avril dernier de déposer une motion de censure contre votre gouvernement. Alors que la stratégie américaine est de plus en plus contestée, la France ne peut accepter de s'impliquer davantage et plus longtemps sans contreparties.
Membre du Conseil de sécurité, présidente actuelle de l'Union européenne, la France est à ce double titre comptable de la paix et de la coopération internationales. Son engagement en Afghanistan demeure aujourd'hui nécessaire, mais nous attendons du débat parlementaire le 22 septembre que des conditions soient fixées.
La France doit prendre l'initiative d'un débat avec ses alliés sur cinq points majeurs :
- une meilleure répartition des responsabilités au sein de la coalition grâce à la création d'un directoire de la coalition, compétent tant politiquement que militairement et rendant compte régulièrement de l'impact de notre présence ;
- la relance d'un dialogue politique entre Afghans qui ait pour effet d'élargir la coalition au pouvoir autour du président Karzaï et de diviser les insurgés ;
- l'élargissement de la coalition à d'autres pays afin d'éviter de donner le sentiment d'une guerre opposant le seul Occident aux rebelles afghans et de construire un partenariat commun le plus large possible face au terrorisme ;
- une clarification avec le Pakistan, impliqué dans la situation interne de l'Afghanistan ;
- l'établissement d'un calendrier sur les nouveaux objectifs de la coalition assorti d'un échéancier sur notre présence en Afghanistan.
Le débat du 22 septembre n'est pas de savoir si la France doit se désengager de l'Afghanistan, elle ne le doit pas, mais de définir à quelles conditions la présence de nos soldats peut contribuer à une paix durable, dans cette région comme dans le reste du monde.
Il est de votre responsabilité que la France puisse s'exprimer d'une seule voix. Il vous appartient de sauvegarder l'unité de vue qui a prévalu dans nos assemblées lors de la décision d'engager nos forces armées en Afghanistan.
Avant de nous prononcer, nous attendons les clarifications indispensables.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'expression de notre très haute considération.
Source http://www.planeteradicale.org, le 19 septembre 2008