Texte intégral
R. Duchemin.- L'union sacrée pour vous-même, même en temps de crise, c'est non ? C'est pourtant l'appel lancé par F. Fillon...
Il ne peut y avoir union nationale que s'il y a remise en cause de la politique suivie, que s'il y a remise en cause d'une politique qui est, dans ses fondamentaux, dans ses orientations principales, aussi massivement erronée que l'a été la politique suivie par N. Sarkozy. Je crois qu'il faut prendre la mesure de ce qui est en train d'arriver et qui est dans une espèce de très profonde angoisse, que tout le monde atteint. C'est l'échec et selon moi la remise en cause fondamentale du modèle avec lequel l'Amérique, le monde anglo-saxon, a vécu pendant des décennies, le modèle Reagan-Thatcher, modèle dans lequel on voulait que la France s'aligne. N. Sarkozy a fait sa campagne et quand il parlait de "rupture", c'était bien de cette rupture-là qu'il s'agissait, au lieu de voir la France rester sur le vieux modèle européen, comme on disait, il fallait que la France rejoigne cette partie du monde qui, en fait, avait fait de l'acceptation des inégalités et aussi de la finance, son dieu. Eh bien c'est cela qui s'écroule aujourd'hui, et il ne peut y avoir d'appel à une union, à une solidarité nationale que s'il y a remise en cause de ces fondamentaux.
Donc il ne faut pas faire comme aux Etats-Unis, s'allier, démocrates républicains, finalement oublier les clivages politiques même quand la situation est grave ?
Peut-être n'avez-vous pas vu ce qui s'est passé cette nuit, c'est qu'ils ne se sont pas alliés ! Pourquoi ? Parce que le peuple américain...
En tout cas une tentative, une volonté d'essayer de marcher ensemble pour sortir de la crise.
Il ne peut y avoir, n'est-ce pas, c'est très simple, lorsque vous voulez une union nationale, vous invitez au minimum les autres grands courants démocratiques du pays à venir s'asseoir autour de la table en disant, "on a un problème qu'on n'avait pas prévu. Visiblement, notre politique n'a pas été celle qu'il fallait pour répondre à ce problème-là, un certain nombre des critiques que vous aviez faites sont justifiées, on voit bien aujourd'hui que ça ne va pas dans le bon sens, alors nous vous invitons à vous asseoir autour de la table avec nous pour discuter".
C'est ce que vous attendez aujourd'hui que fasse N. Sarkozy ?
Voilà exactement la démarche minimale, - minimale ! - qui aurait dû être assumée par le Gouvernement.
Il est encore temps de le faire, vous souhaitez qu'il vous invite aujourd'hui pour travailler ensemble ?
Il est toujours temps de le faire mais pour l'instant, le Gouvernement ne remet en rien en cause les orientations de la politique qu'il a suivie, et cette politique était erronée. On voit bien les milliards du paquet fiscal, qui ont été la première mesure, les remises d'impôts aux plus fortunés, le bouclier fiscal, à votre avis, il touche qui ? Il touche ce monde-là, le monde de l'argent qui se trouve avec des revenus incroyablement plus élevés que les revenus du reste du pays, et qui a donc été mis à l'abri soigneusement, y compris des financements sociaux, par le président de la République et son Gouvernement.
Il y a eu quand même un début de rétropédalage sur la situation économique. Je pense notamment au discours de Toulon où, visiblement...
Le discours de Toulon n'est pas un rétropédalage du tout, c'est une prise de précaution verbale, mais ce n'est pas un rétropédalage ! Il n'a changé aucune des orientations, au contraire, il a dit qu'il faut encore accélérer ! Jamais le bouclier fiscal n'a été remis en cause.
Sur la moralisation du capitalisme financier, quand même...
Non, mais la moralisation du capitalisme, cela fait des années qu'on nous vend ça ! Les parachutes dorés, soi-disant on a voté une loi il y a dix-huit mois pour lutter contre les parachutes dorés, évidemment rien n'a changé ! Encore une fois, ce n'est pas la moralisation qui est en cause, on ne va pas donner des leçons de morale à un peuple qui vient de donner 400 millions d'euros à monsieur Tapie en un seul jour, c'est-à-dire la plus grosse somme d'argent public qui n'ait jamais été allouée à qui que ce soit, à mon avis sur le continent européen ! Donc franchement, vous voyez bien que c'est d'une remise en cause fondamentale qu'il s'agit et pas de paroles sympathiquement rassembleuses sur une politique qui est fausse.
Alors qu'est-ce qu'il faut faire pour vous aujourd'hui et pour le MoDem ? Le PS propose un plan en six points, il faut rebâtir totalement le système mondial financier, une sorte de Bretton Woods ?
Il y a une première chose à faire qui est urgente, c'est que l'Europe qui a une seule monnaie, les pays de la zone euro se mettent autour de la table pour discuter ensemble de ce qu'il faut faire.
Il ne faut pas que chaque pays s'occupe de nationaliser, il faut qu'on travaille ensemble au niveau de l'Union européenne ?
On devrait travailler ensemble au niveau, sinon de l'Union européenne, du moins de la zone euro, de ces pays qui ont une seule monnaie en partage. Comment vous voulez que ça marche s'il y a une seule monnaie et 27 pays qui décident chacun dans leur coin de ce qu'il faut faire ? Donc il me semble que de ce point de vue là, la plus grosse lacune de l'action de N. Sarkozy c'est qu'il est soi-disant Président en exercice de l'Union européenne, pour l'instant il n'y a aucune démarche européenne concertée. Et en face de ces événements, de ces vagues énormes qui ont été provoquées par le système dominant dans le monde, il faudrait au moins penser un réflexe européen autour de la zone euro pour... Je vais donner une seule idée, très simple, tout le monde dit, "il faut une régulation" ; pour une régulation, il faut un régulateur, c'est-à-dire quelqu'un qui surveille qu'on ne fasse pas trop de bêtises dans le monde financier et il faut un régulateur européen unique quand on a une monnaie européenne unique.
Un dernier mot F. Bayrou sur le contexte général, la hausse du chômage annoncée au mois d'août, 41.300 demandeurs inscrits en plus à l'ANPE, c'est énorme. Est-ce qu'on va pouvoir réellement un jour inverser la tendance ?
Pas avec cette politique-là, à mon avis. N. Sarkozy s'était fait élire sur quatre engagements : il avait dit je serai le Président du pouvoir d'achat ; il avait dit "j'irai chercher la croissance avec les dents" ; il avait dit "nous aurons le plein emploi en 2009", et il avait annoncé la baisse des prélèvements obligatoires de 4 points, c'est-à-dire 70 milliards. De tout cela, qu'est-ce qu'il reste aujourd'hui ? Et donc la politique qui est suivie, à mon sens, et plus encore que la politique suivie, le modèle qu'ils ont en tête, c'est cela qui est profondément en crise, c'est cela qui doit être remis en cause. Autrement eh bien nous allons continuer à nous enfoncer dans une direction politique qui, à mon avis, est une impasse.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 septembre 2008
Il ne peut y avoir union nationale que s'il y a remise en cause de la politique suivie, que s'il y a remise en cause d'une politique qui est, dans ses fondamentaux, dans ses orientations principales, aussi massivement erronée que l'a été la politique suivie par N. Sarkozy. Je crois qu'il faut prendre la mesure de ce qui est en train d'arriver et qui est dans une espèce de très profonde angoisse, que tout le monde atteint. C'est l'échec et selon moi la remise en cause fondamentale du modèle avec lequel l'Amérique, le monde anglo-saxon, a vécu pendant des décennies, le modèle Reagan-Thatcher, modèle dans lequel on voulait que la France s'aligne. N. Sarkozy a fait sa campagne et quand il parlait de "rupture", c'était bien de cette rupture-là qu'il s'agissait, au lieu de voir la France rester sur le vieux modèle européen, comme on disait, il fallait que la France rejoigne cette partie du monde qui, en fait, avait fait de l'acceptation des inégalités et aussi de la finance, son dieu. Eh bien c'est cela qui s'écroule aujourd'hui, et il ne peut y avoir d'appel à une union, à une solidarité nationale que s'il y a remise en cause de ces fondamentaux.
Donc il ne faut pas faire comme aux Etats-Unis, s'allier, démocrates républicains, finalement oublier les clivages politiques même quand la situation est grave ?
Peut-être n'avez-vous pas vu ce qui s'est passé cette nuit, c'est qu'ils ne se sont pas alliés ! Pourquoi ? Parce que le peuple américain...
En tout cas une tentative, une volonté d'essayer de marcher ensemble pour sortir de la crise.
Il ne peut y avoir, n'est-ce pas, c'est très simple, lorsque vous voulez une union nationale, vous invitez au minimum les autres grands courants démocratiques du pays à venir s'asseoir autour de la table en disant, "on a un problème qu'on n'avait pas prévu. Visiblement, notre politique n'a pas été celle qu'il fallait pour répondre à ce problème-là, un certain nombre des critiques que vous aviez faites sont justifiées, on voit bien aujourd'hui que ça ne va pas dans le bon sens, alors nous vous invitons à vous asseoir autour de la table avec nous pour discuter".
C'est ce que vous attendez aujourd'hui que fasse N. Sarkozy ?
Voilà exactement la démarche minimale, - minimale ! - qui aurait dû être assumée par le Gouvernement.
Il est encore temps de le faire, vous souhaitez qu'il vous invite aujourd'hui pour travailler ensemble ?
Il est toujours temps de le faire mais pour l'instant, le Gouvernement ne remet en rien en cause les orientations de la politique qu'il a suivie, et cette politique était erronée. On voit bien les milliards du paquet fiscal, qui ont été la première mesure, les remises d'impôts aux plus fortunés, le bouclier fiscal, à votre avis, il touche qui ? Il touche ce monde-là, le monde de l'argent qui se trouve avec des revenus incroyablement plus élevés que les revenus du reste du pays, et qui a donc été mis à l'abri soigneusement, y compris des financements sociaux, par le président de la République et son Gouvernement.
Il y a eu quand même un début de rétropédalage sur la situation économique. Je pense notamment au discours de Toulon où, visiblement...
Le discours de Toulon n'est pas un rétropédalage du tout, c'est une prise de précaution verbale, mais ce n'est pas un rétropédalage ! Il n'a changé aucune des orientations, au contraire, il a dit qu'il faut encore accélérer ! Jamais le bouclier fiscal n'a été remis en cause.
Sur la moralisation du capitalisme financier, quand même...
Non, mais la moralisation du capitalisme, cela fait des années qu'on nous vend ça ! Les parachutes dorés, soi-disant on a voté une loi il y a dix-huit mois pour lutter contre les parachutes dorés, évidemment rien n'a changé ! Encore une fois, ce n'est pas la moralisation qui est en cause, on ne va pas donner des leçons de morale à un peuple qui vient de donner 400 millions d'euros à monsieur Tapie en un seul jour, c'est-à-dire la plus grosse somme d'argent public qui n'ait jamais été allouée à qui que ce soit, à mon avis sur le continent européen ! Donc franchement, vous voyez bien que c'est d'une remise en cause fondamentale qu'il s'agit et pas de paroles sympathiquement rassembleuses sur une politique qui est fausse.
Alors qu'est-ce qu'il faut faire pour vous aujourd'hui et pour le MoDem ? Le PS propose un plan en six points, il faut rebâtir totalement le système mondial financier, une sorte de Bretton Woods ?
Il y a une première chose à faire qui est urgente, c'est que l'Europe qui a une seule monnaie, les pays de la zone euro se mettent autour de la table pour discuter ensemble de ce qu'il faut faire.
Il ne faut pas que chaque pays s'occupe de nationaliser, il faut qu'on travaille ensemble au niveau de l'Union européenne ?
On devrait travailler ensemble au niveau, sinon de l'Union européenne, du moins de la zone euro, de ces pays qui ont une seule monnaie en partage. Comment vous voulez que ça marche s'il y a une seule monnaie et 27 pays qui décident chacun dans leur coin de ce qu'il faut faire ? Donc il me semble que de ce point de vue là, la plus grosse lacune de l'action de N. Sarkozy c'est qu'il est soi-disant Président en exercice de l'Union européenne, pour l'instant il n'y a aucune démarche européenne concertée. Et en face de ces événements, de ces vagues énormes qui ont été provoquées par le système dominant dans le monde, il faudrait au moins penser un réflexe européen autour de la zone euro pour... Je vais donner une seule idée, très simple, tout le monde dit, "il faut une régulation" ; pour une régulation, il faut un régulateur, c'est-à-dire quelqu'un qui surveille qu'on ne fasse pas trop de bêtises dans le monde financier et il faut un régulateur européen unique quand on a une monnaie européenne unique.
Un dernier mot F. Bayrou sur le contexte général, la hausse du chômage annoncée au mois d'août, 41.300 demandeurs inscrits en plus à l'ANPE, c'est énorme. Est-ce qu'on va pouvoir réellement un jour inverser la tendance ?
Pas avec cette politique-là, à mon avis. N. Sarkozy s'était fait élire sur quatre engagements : il avait dit je serai le Président du pouvoir d'achat ; il avait dit "j'irai chercher la croissance avec les dents" ; il avait dit "nous aurons le plein emploi en 2009", et il avait annoncé la baisse des prélèvements obligatoires de 4 points, c'est-à-dire 70 milliards. De tout cela, qu'est-ce qu'il reste aujourd'hui ? Et donc la politique qui est suivie, à mon sens, et plus encore que la politique suivie, le modèle qu'ils ont en tête, c'est cela qui est profondément en crise, c'est cela qui doit être remis en cause. Autrement eh bien nous allons continuer à nous enfoncer dans une direction politique qui, à mon avis, est une impasse.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 septembre 2008