Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations franco-allemandes, la coopération entre les deux pays pour la construction de l'Europe et la rénovation des institutions financières internationales et sur la commémoration de la réunification de l'Allemagne, Paris le 3 octobre 2008.

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Circonstance : Fête nationale allemande le 3 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Ministre Président,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Je veux d'abord vous dire, toute la joie qui est la mienne de participer à cette cérémonie. D'abord pour célébrer l'amitié franco-allemande. Cette amitié franco-allemande on l'a tellement souvent célébrée qu'on finit par répéter des mots et des phrases dont on ne comprend plus toujours exactement le sens. L'Allemagne et la France sont les deux piliers de la réconciliation de l'Europe. Ce qui veut dire que l'amitié franco-allemande est constitutive du projet européen. Et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas d'autre choix que de cultiver cette amitié, de renforcer nos liens, de chercher en permanence à aplanir nos différends, à construire ensemble le futur de l'Europe. Parce que si nous ne le faisons pas, alors il n'y a pas la moindre chance que l'Europe puisse aboutir aux objectifs que nous lui avons fixés, celle d'être une grande puissance, faisant entendre dans le monde entier une voix originale, qui est la voix de l'addition des vieilles cultures européennes. C'est vrai qu'il y a toujours une petite compétition entre la France et l'Allemagne, c'est vrai qu'il faut que les Français comprennent que l'Allemagne a changé, que la réunification est passée par là, que l'Allemagne est une jeune puissance de 18 ans, qui a tout l'avenir devant elle. Il faut que nous la regardions avec ces yeux là, il faut que, vous aussi, vous changiez votre regard sur notre pays, que vous compreniez que la France n'est plus ce pays, peut-être un peu endormi, où vous aimez bien venir passer vos vacances, comme c'est le cas du Ministre-Président, et de beaucoup d'autres ici, mais que c'est un pays qui a décidé de se rénover profondément qui a engagé un effort de réformes sans précédent, qui est en train de rattraper le retard qu'il avait pris dans la modernisation de son système d'éducation, dans la modernisation de son système d'enseignement supérieur, dans la modernisation de son système de recherche, dans la modernisation tout court, de son économie. La France, ce n'est plus la France des 35 heures, ce n'est plus la France des grèves, c'est aujourd'hui une France qui va de l'avant, et qui d'ailleurs par bien des aspects, met ses pieds là où vous-même vous avez mis les vôtres, en rénovant votre économie, et votre organisation. Je disais qu'il y a souvent une petite compétition entre la France et l'Allemagne, il y a en une sur la question de la réussite de la présidence française de l'Union européenne, par rapport à la présidence allemande de l'Union européenne. Nous voulons faire au moins aussi bien. Seulement vous reconnaîtrez que les circonstances dans lesquelles nous exerçons cette présidence, ne sont pas exactement les mêmes que celles que vous avez connues. On s'était fixé un objectif très ambitieux, avec la perspective d'un accord sur la lutte contre le réchauffement climatique, avec la perspective d'un rapprochement de nos politiques de défense, pour aller plus loin vers une défense européenne, vers une modernisation de la PAC, ou encore vers un pacte commun sur l'immigration. Mais l'actualité est venue ajouter une crise majeure en Géorgie, et l'actualité est venue ajouter une crise financière sans précédent qui complique notre tâche, et donc vous voudrez bien admettre que quels que soient désormais les résultats prévisibles de la présidence française, compte tenu du contexte, on aura fait au moins aussi bien que la présidence allemande. Et je veux surtout vous dire monsieur l'Ambassadeur, mesdames et messieurs, monsieur le Ministre-Président, qu'il n'y a aucune raison d'avoir peur des initiatives françaises. Je parlais à l'instant de cette crise financière qui secoue l'Europe, des inquiétudes qui sont celles de nos concitoyens devant la fragilité, qui leur apparaît tout d'un coup brutalement, du système financier, du système bancaire. Ce que nous voulons faire demain, avec Angela Merkel, avec les quatre membres européens du G8, c'est préparer ensemble le début de ce qui pourrait être une position européenne, une positon européenne commune sur la rénovation de nos institutions financières internationales. Car je pense que, devant le spectacle que donne en ce moment le monde financier et en particulier le monde financier américain, personne ne peut imaginer qu'il n'y ait pas besoin d'apporter les éléments d'une rénovation et d'une refondation de ce système financier.
Enfin, permettez moi de dire un mot pour accueillir les jeunes qui ont la chance d'effectuer un séjour à Paris, de remercier le Ministre-Président Rüttgers, d'avoir eu la bonne idée de mettre en oeuvre cette initiative. Je le retrouve avec beaucoup de plaisir, car nous nous connaissons depuis longtemps. Nous avons été ensemble en charge de la Recherche et l'Espace au début des années 90, et je crois que l'on peut dire que nous avons ensemble, nouveau témoignage de la nécessité de l'amitié franco-allemande, de la coopération franco-allemande sauvé l'Europe de l'Espace qui était dans les années 94/95 au bord du désastre, parce que les décisions n'étaient jamais prises. Et j'ai un excellent souvenir de cette coopération avec toi, coopération difficile, car c'est un négociateur extrêmement rude, qui se réfugiait derrière une pipe, dont la fumée semblait masquer les horizons de son projet, mais qui en réalité savait, au moment nécessaire, prendre les bonnes décisions. Je suis heureux de pouvoir célébrer avec vous cette fête de l'Unité Allemande, et je vais terminer en vous faisant une confidence : le jour de la chute du mur de Berlin, j'étais par hasard à Berlin ; j'étais invité par une fondation allemande à un colloque sur l'avenir de l'OTAN, et sur ce que l'on considérait comme inéluctable, c'est-à-dire cet affrontement entre le Pacte de Varsovie et les forces de l'Alliance Atlantique. Et pendant que le colloque était en train de se tenir, dans le centre de Berlin, on est venu nous dire : "venez, venez, le mur est en train de tomber" ; on a immédiatement quitté la salle de conférence, et on a passé le reste de la soirée au milieu des Berlinois, à assister à cette immense joie. C'est pour moi un grand souvenir, et je suis heureux de pouvoir le partager ce soir avec vous tous.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 octobre 2008