Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à Radio Classique le 6 octobre 2008, sur l'impact de la crise financière sur le secteur des transports et sur l'industrie automobile ainsi que sur la réforme du permis de conduire.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

J.-L. Hees  D. Bussereau.- bonjour. Je me demandais comment un ministre des  Transports vivait la crise. Tout le monde parle de la crise mais dans  votre champ d'activité, vous pouvez voir immédiatement les  conséquences d'un certain nombre de difficultés économiques. Donc,  comment vivez-vous cette crise ? 
 
La crise financière ne retombe pas pour l'instant dans le domaine du  transport, parce qu'on a toujours besoin de bouger pour le travail, pour les  déplacements du quotidien, pour les déplacements scolaires, pour les  déplacements professionnels, pour prendre des vacances. Ce qu'on a vu  pendant l'été, par exemple, mais cela c'était lié plutôt à l'effet pétrole, à  l'effet baril, c'est une moindre circulation des véhicules automobiles, avec  deux conséquences : une sympathique, qui est la baisse du nombre  d'accidents et une autre qui est plus économique, la baisse de la fréquentation  des réseaux autoroutiers. Pour le reste, il y a du monde dans les trains. Sur le  plan aéroportuaire et sur le plan des compagnies aériennes, c'est  traditionnellement la période un peu creuse de l'année, le mois d'octobre et  le mois de novembre. Donc il y a une baisse un peu de trafic, mais c'est  assez habituel peut-être un tout petit peu plus que d'habitude. Franchement,  le secteur des transports au plan mondial pour l'instant est plutôt étal et c'est  plutôt l'effet pétrole qui était important. 
 
Maintenant, je vais m'adresser à l'homme politique D. Bussereau,  c'est-à-dire que vous êtes quelqu'un de plutôt libéral. Est-ce que cela  remet en cause un certain nombre de choses, est-ce que sur le plan de  la philosophie économique, ça remet des pendules à l'heure ou au  contraire cela fait partit des cycles économiques ? 
 
Non, moi j'ai toujours lorsque j'étais étudiant et que j'apprenais l'économie  avec des grands auteurs comme R. Barre ou un certain nombre d'autres  économistes français ou européens - on était déjà dans la période 73, 70-73,  la première grande crise pétrolière - on avait déjà la mise en oeuvre de  mécanisme de relance économique. Je trouve que la gestion de la France, la  gestion de l'Europe après le sommet de samedi est adaptée, c'est-à-dire à la  fois elle n'est pas anxiogène mais on traite les problèmes et on informe les  gens. Je pense qu'on a besoin, dans une économie, de l'Etat. Rappelez-vous  d'ailleurs, quand j'étais ministre du Budget, avec N. Sarkozy nous n'avons  pas hésité à re-nationaliser provisoirement Alstom pour en faire aujourd'hui  une boîte française, une grande entreprise française très profitable, qui se  développe, qui a plus de commandes à la limite qu'elle ne peut produire en  particulier dans le domaine de l'industrie ferroviaire. Donc, je pense qu'il faut  de temps en temps revenir au rôle de l'Etat. C'est ce qui fait la force de se  capitalisme moderne qu'incarne l'Europe. 
 
Il y a des secteurs que vous regardez attentivement, Monsieur  Bussereau, c'est par exemple le Mondial de l'automobile [qui] a ouvert  ses portes à Paris, c'est toujours un évènement considérable pour un tas  de gens, qui aiment toujours les voitures, mais il se trouve que c'est un  secteur qui souffre.
 
Oui, si vous regardez la fréquentation du salon au niveau des visiteurs, elle est  bonne. Si vous regardez les chiffres de vente, l'automobile française, pendant  l'été, elle est bonne également. Le secteur souffre peut-être parce qu'il est à  la croisée des chemins entre l'automobile classique, celle que nous avons  connue, aimée, conduite et l'automobile de l'avenir de plus en plus  électrique, de plus en plus hybride avec des dispositifs de Stop and start, avec  des nouveaux moyens de circulation, de guidage, de sécurité. Donc, on est un  peu au moment où notre voiture classique, celle que nous avons connue dans  notre enfance ou notre adolescence est en train de changer. Et c'est peut-être  pour cela que les constructeurs sont à la croisée des chemins entre les  véhicules assez classiques, même s'ils sont de très grande qualité, et ces  nouveaux véhicules qui arrivent sur le marché pour lesquels la clientèle est en  train de se construire. 
 
Tout de même, N. Sarkozy va se rendre aujourd'hui dans un site de  chez Renault où il y a une grande inquiétude de la part des salariés... 
 
A Sandouville, exactement. 
 
A Sandouville, oui. C. Ghosn, le patron, a dit qu'on allait dégraisser,  cela revient à cela. Donc, là aussi intervention de l'Etat, quand N.  Sarkozy dit attention. Ce centre il va rester ouvert ? 
 
L'industrie automobile en France, c'est 275.000 emplois directs, et avec les  sous-traitants, 700.000. Donc, on voit bien qu'on est dans le gras de notre  filière industrielle. Donc, on ne peut pas remettre en cause des entreprises  aussi importantes, ou des établissements industriels aussi importants que celui  de Sandouville. Donc, le président de la République rappelle que l'Etat ne  peut pas laisser dans cette période difficile se créer un accident industriel  important et que donc l'entreprise doit s'organiser pour maintenir l'emploi ou  pour transférer sur cet établissement industriel de Sandouville des fabrications  faites ailleurs. Je ne remets pas en cause du tout le fait que nos constructeurs  aéronautiques, automobiles construisent dans d'autres pas de l'Europe où la  main-d'oeuvre est moins coûteuse, en Tunisie, au Maroc, etc. Mais il faut  quand même que ce qui est important c'est-à-dire le montage des véhicules  ou la création des avions, tout cela se passe sur le sol national. Donc  l'équilibre est à trouver entre maintenir un maximum d'emplois en France et  en même temps maintenir la compétitivité de nos groupes. Renault, Peugeot,  comme d'ailleurs EADS dans le domaine aéronautique, ont jusqu'à présent  bien réussi. Le président de la République a simplement dit un moment : halte  là, n'allons pas trop loin dans la destruction de l'emploi industriel dans notre  pays. 
 
Alors, ça ne va pas très bien, on peut le dire tout de même, comme cela,  dans l'industrie automobile. Les perspectives sont difficiles mais cela  va beaucoup mieux qu'en Espagne par exemple ou en Italie. C'est un  effet du bonus malus là. Tout le monde est d'accord. 
 
Le bonus malus a bien joué, même à la limite trop bien, puisque sur le plan  budgétaire, nous avons 225 millions de moindres recettes que prévu, car  finalement les ventes de véhicules et de bonus ont augmenté de 50 %, les  malus ont simplement diminué de 40. Donc il y a un décalage. Cela montre  l'intérêt des Français pour des voitures non polluantes et aussi le fait que s'il  y avait simplement le bonus et le malus, je ne pense pas que ça aurait eu un  tel effet sur le marché. C'est le fait que chacun d'entre nous dans cette  période de Grenelle de l'environnement est bien conscient que nous devons  faire des efforts pour le développement durable et que la manière de  conduire- je pense par exemple, j'aurai une réunion cet après-midi avec les  inspecteurs du permis de conduire et les autoécoles, on réforme le permis de  conduire, c'est un souhait du président de la République. On va le faire  également dans le domaine de la sécurité, bien sûr, de plus de sécurité, de  plus de rapidité que cela coûte moins cher. Mais en même temps, on va  essayer d'apprendre aux jeunes au moment du permis de conduire l'éco  conduite et comment consommer moins. Donc je pense qu'il n'y a pas que  l'effet d'aubaine du bonus malus, il y a également un changement de  comportement. C'est-à-dire le même changement de comportement qui nous  aide à diminuer le nombre de morts et de blessés sur nos routes. C'est des  radars, c'est la répression, c'est la sévérité mais c'est aussi quand même un  changement de comportement. 
 
On va revenir sur la réforme du permis de conduire, parce que c'est  bien intéressant pour les gens qui nous écoutent. Mais je reviens à cette  difficulté qui est un peu structurelle tout de même et donc un ministre,  c'est un Monsieur optimiste par nature, enfin j'imagine. Mais quand  par exemple on sait que la tonne d'acier vaut 200 euros aujourd'hui, et  puis que l'année prochaine ça vaudra le double, on voit mal comment  rester tout à fait optimiste quand on regarde cette industrie  automobile. 
 
C'est vrai, je pense que l'industrie automobile sera amenée à évoluer dans ses  technologies. On met beaucoup d'argent dans la recherche. On a à la fois une  recherche classique industrielle et un programme de recherche pour les  transports terrestres qui s'appelle le PREDIT (phon), qui existe depuis de  nombreuses années. Si vous observez par exemple l'évolution des moteurs,  où là le coût de la matière première est le moins important, on a des  évolutions technologiques qui devront à la fois entraîner une baisse des prix et  une amélioration de l'environnement. Je pense à ce que présente Michelin au  Mondial de l'automobile. Le moteur dans la roue. On est en train de  découvrir dans la voiture d'autres moyens à la fois de faire des économies et  de rouler plus sûrement et plus durablement. Donc, on s'aperçoit que la roue,  ce n'est pas simplement l'interface entre le véhicule et le sol. On a eu  pourtant des progrès remarquables dans les pneumatiques, c'est aussi un  endroit où on peut créer de la motorisation et faire les voitures autrement.  Donc, je pense que la réponse à votre question, qui est difficile -  l'augmentation des matières premières - c'est certainement une voiture  technologiquement différente de modèles que nous avons aujourd'hui. 
 
L'histoire de l'automobile ne s'arrête pas aujourd'hui, on s'en doutait.  On parlait de la réforme du permis de conduire. Donc, il est évident  qu'il faut l'améliorer tant qu'on peut la pratique des jeunes au volant. Mais il a été question d'interdire aux jeunes de rouler la nuit. 
 
Cela c'est complètement bidon. Un journal automobile, qui de temps en  temps s'amuse à lancer des idées un peu folles, cela fait vendre certainement,  cela ne fait pas beaucoup avancer le débat démocratique. Non, ce que nous  voulons c'est un permis moins cher. Aujourd'hui, une famille qui a trois  enfants autour de 18 ans, 19, 20 ans, c'est trois permis à passer en même  temps, c'est souvent inatteignable. D'où un certain nombre de jeunes qui  conduisent sans permis. Et donc, c'est naturellement tout à fait inacceptable  et très dangereux pour la société. Qu'on puisse le passer plus rapidement,  pour qu'un garçon - qui a eu son bac, qui est entré en fac - ou une jeune fille  puissent le passer pendant l'été, un apprenti puisse le passer pendant sa  période de congé, plus sûr, parce qu'il y a quand même encore une mortalité  chez les jeunes beaucoup plus importante. Donc, on accentue encore les  règles de prudence que l'on apprend lors du permis. Et je le disais à l'instant,  un permis on apprend à ne plus avoir le pied couché sur le champignon, à ne  pas accélérer brutalement, à jouer des capacités du véhicule et à conduire de  manière plus économique. 
 
Mais un contrôle post examen ? 
 
Oui, c'est une idée qui est dans l'air. C'est de dire ... ou ce test tout au long  de sa vie. Cela veut dire qu'au bout d'un certain temps - on va voir si cette  idée est retenue, elle n'est pas inintéressante -au bout d'un certain temps, au  bout d'un an, le jeune conducteur on refait un petit point avec lui, un petit  bilan. Et puis on pourrait, nous les adultes plus âgés, tout au long de sa vie se  tester, peut-être avec les inspecteurs du permis de conduire, ou avec les  autoécoles ou avec les deux, pour voir si au fil des années, on n'a pas pris de  mauvais réflexes ou si on a bien intégré... 
 
On connaît la réponse d'ailleurs, on a acquis ... 
 
On a un certain acquis, mais je pense qu'il faut le faire sur la base du  volontariat. Donc, la concertation va s'achever. Nous allons faire avec J.-L.  Borloo des propositions au Premier ministre et au président de la République  et je pense qu'avant la fin de l'année, on pourra annoncé ce que sera le  nouveau permis de conduire des Français. 
 
N'économisez pas vos efforts sur la sécurité. On vous remercie D.  Bussereau. 
 
Surtout pas d'autant plus qu'on a un objectif de baisser de 1.500 le nombre  de morts sur nos routes pendant les 5 années. Cela a été le cas des 5 années  précédentes et ça, ça n'a pas de prix. 
 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 octobre 2008