Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à Europe 1 le 12 novembre 2008, sur l'enquête sur les sabotages à la SNCF et la garde à vue de membres d'un commando de l'ultragauche.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- L'enquête sur les sabotages des lignes TGV avance vite, le commando est en garde à vue. Pour être allé si vite, ça veut dire que vous les aviez repérés, que vous surveilliez depuis de sept mois dans une autre affaire, c'est ça ?
 
J'avais alerté l'ensemble de mes services sur le risque d'une résurgence de mouvements d'ultragauche après notamment l'affaiblissement du Parti communiste, en 2002. Donc, cela fait trois ans que j'étais assez inquiète d'un tel phénomène, que finalement on retrouve assez régulièrement dans l'histoire. Dès que je suis arrivée au ministère, et au cours des réunions hebdomadaires que je fais sur le terrorisme, j'ai demandé à ce qu'il y ait systématiquement un volet qui soit ultragauche...
 
Mais ce commando précisément ?
 
Alors, ce commando précisément, effectivement, nous l'avions repéré depuis le début de l'année, et particulièrement depuis le mois de mars.
 
Et vous les laissiez faire ?
 
Il ne s'agit pas de les laisser faire, il s'agissait de les surveiller. Nous avons repéré que c'étaient des personnes qui avaient participé à un certain nombre d'actions violentes, pour certaines en 2002, pour d'autres en 2004. Nous avions également vu qu'ils avaient des contacts avec des mouvements similaires d'autres pays, et en particulier, celui qui apparaît comme le chef du commando et sa compagne, avaient été repérés aux Etats-Unis, à l'occasion de rencontres anarchistes qui avaient eu lieu. Donc, nous les avions surveillés, comme nous le faisons pour un certain nombre d'autres groupes, et grâce à des recoupements, notamment liés à ces surveillances, parce qu'on les avait vus près d'une voie...enfin, sur une voie d'ailleurs TGV, et qu'il y avait eu un incident, cela nous a permis de remonter effectivement très vite.
 
Alors, on sait aujourd'hui que ce ne sont pas des agents de la SNCF qui sont responsables de ces actes. Est-ce que ça exclut tout lien, est-ce qu'il y a des complicités à la SNCF ?
 
C'est l'enquête judiciaire qui nous permettra de le savoir, avec notamment l'exploitation d'un certain nombre de documents et d'objets qui ont été retrouvés au cours de perquisitions.
 
Mais vous n'excluez rien ce matin ?
 
Écoutez, on n'exclut rien. Nous savons qu'il n'y a pas d'agents de la SNCF, nous savons que ce commando avait un certain nombre de documents montrant qu'il visait particulièrement des voies de communication, et en particulier des TGV. Maintenant, pour le reste, encore une fois, c'est l'enquête judiciaire qui permettra de le déterminer avec certitude.
 
Est-ce qu'il y a d'autres arrestations prévisibles Madame la ministre ?
 
Nous avons procédé à 20 interpellations hier, parmi lesquelles 10 personnes ont été retenues et ils sont aujourd'hui dans les locaux de la sous-direction anti-terroriste et également de la PJ. Il est évident que c'est à la suite de ces interrogatoires que nous pourrons voir éventuellement si on doit procéder à d'autres interpellations.
 
Est-ce qu'il y avait d'autres cibles qui étaient prévues, notamment, par exemple, des déchets nucléaires comme on a pu le lire ici et là ?
 
Pour l'instant, ce que nous avons vu, c'est dans les documents actuels, c'étaient essentiellement des cibles communication, ce qui est quelque chose de relativement classique, puisque ce type de mouvance cherche à déstabiliser les institutions de l'Etat, et à travers les institutions de l'Etat, le fonctionnement normal de l'Etat et les voies de communication en font l'objet. Mais nous avons signalé... A un certain nombre d'autres reprises, on les a vus notamment à la fois, dans des mouvements lycéens d'il y a trois ans, on les a vus également, on les a repérés également dans certains mouvements contre les centres de rétention administrative au cours de ces derniers mois.
 
Mais pour qu'on comprenne bien, depuis que vous surveillez ce commando précisément, est-ce qu'ils avaient commis certains actes délictuels ?
 
Non, il n'y avait pas d'actes délictuels, sinon il y aurait eu bien entendu des interpellations. Mais ils se trouvaient dans des actions qui avaient lieu mais qui ne permettaient pas d'individualiser des activités qui auraient été susceptibles d'êtres poursuivies.
 
Aujourd'hui, on a compris que l'ultragauche, on le découvre à l'occasion de cette affaire, c'est la nouvelle menace terroriste en France. Est-ce que vous pouvez vous attendre à ce qu'ils s'en prennent à des vies humaines, ou alors vous écartez tout à fait ça ?
 
D'abord, ce qu'il faut voir c'est que ça n'est pas simplement en France. En réalité, ce groupe a des liens avec six autres pays, et d'ailleurs certains d'entre eux étaient par exemple allés à des manifestations qui avaient lieu en Grèce, qui est l'un des autres centres. Alors, bien entendu, nous surveillons cela de très près. Pour l'instant, il n'y a pas d'objectifs qui soient des vies humaines dans ce que nous avons trouvé. Mais encore une fois, c'est l'enquête judiciaire qui va nous permettre d'approfondir tout ceci. Vous savez, dans un premier temps, quand on interpelle des gens sur une action particulière, on les vise pour cette action, mais bien entendu, au fur et à mesure des interrogatoires, au fur et à mesure de l'examen des documents saisis, on peut trouver également d'autres choses.
 
Pour terminer, Madame la ministre, sur eux, pendant leur arrestation, ils avaient un manuel "Comment se comporter en garde à vue". Comment se passe la garde à vue ?
 
Ecoutez, pour l'instant, je n'ai pas d'information particulière. C'est une garde à vue qui est prolongée puisque nous sommes dans le cadre d'actions terroristes. Nous verrons ensuite ce qui se passera. Pour l'instant, moi je n'ai pas d'indication, et, encore une fois, c'est une enquête qui démarre, mais qui pourra aussi avoir d'autres répercussions. Et, bien entendu, toute la transparence sera de mise dans ce domaine, parce que j'estime qu'il est normal aussi que les Français soient informés sur un certain nombre de risques. Cela permet également pour eux de vérifier combien les services de police, de gendarmerie, sont efficaces en la matière. Merci beaucoup de cette transparence sur Europe 1, Madame la ministre.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 novembre 2008