Interview de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à I-télévision le 15 décembre 2008, sur la coopération européenne en matière de politique de l'immigration, sur l'échec de la politique d'intégration et sur des propositions pour intégrer les jeunes de la deuxième génération.

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Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazin.- Bonjour, B. Hortefeux !
Bonjour !
Ministre de l'Immigration, ami de trente ans du Président. Il en reste des amis de trente ans en politique ?
Un peu plus même d'ailleurs.
Un peu plus. Trente-cinq ?
Il y a juste deux petits points. Je suis ministre de l'Immigration, mais aussi de l'Intégration, de notre Identité, et du Développement solidaire, c'est-à-dire du partenariat avec les pays qui sont les pays terres d'émigration ou de transit. Et, deuxièmement, je suis effectivement un ami de longue date de N. Sarkozy, mais nous avons passé le cap des trente ans puisque ça fait maintenant trente-deux ans.
Est-ce qu'il vous a promis, comme on dit, le ministère des Affaires sociales ?
D'abord, dans ce domaine, je ne pense pas qu'il s'agisse de promesses. Pour l'instant, je suis ministre de ces thèmes que je viens d'évoquer, j'assume cette fonction avec beaucoup de passion et...
Mais si le président le souhaite, vous changerez de ministère, ce n'est pas loin 101/127 rue de Grenelle.
Vous vous êtes déjà renseignés sur les adresses, bravo !
Oui, on a regardé les adresses.
Ecoutez, moi, vous savez, c'est très simple mon mode de fonctionnement ; il est simple, clair, net, transparent. Moi, je suis là pour aider le Président et servir mon pays. Et j'ai l'impression d'ailleurs qu'en aidant le Président, on est utile à son pays, donc... Et les missions qu'il me confie je les assume, quelles qu'elles soient.
C'est l'anti R. Yade d'une certaine manière.
Eh bien, écoutez, chacun son tempérament, chacun sa démarche, chacun son histoire. Moi, je ne porte pas de jugement sur les autres, je me préoccupe de ma mission et de ma mission seulement.
Est-ce que vous diriez "mission accomplie" justement après un peu plus d'un an, un an et demi à la tête de ce ministère de l'Immigration qui a senti le soufre au début ? Vous avez passé le pacte européen de l'immigration à l'unanimité, ça a d'ailleurs été remarqué, et par ailleurs vous remplissez vos objectifs, qui ceux-là sont contestés, notamment par ceux qui sont opposés à cette politique de reconduite aux frontières ; où en est-on ?
Non, mais ce qui est très simple, c'est que le président de la République et le Premier ministre m'avaient fixé des objectifs quand j'ai pris mes fonctions et ces objectifs seront atteints.
Donc au moins 26.000 reconduites aux frontières encore cette année ?
Non, mais ce n'est pas simplement ça. D'abord, vous avez raison de le souligner, nous avons fait adopter un pacte par la totalité des pays européens, ce qui est important quand on dit ça, parce que totalité ça paraît flou, ce qui est important c'est de noter que quelle que soit l'origine géographique des pays, que ce soit l'Europe du Nord, du Sud, de l'Est, de l'Ouest, vous savez quel est le point commun aujourd'hui entre la République chypriote et la République slovène, ce sont deux pays qui sont très éloignés l'un de l'autre, il n'en reste pas moins que nous nous sommes mis d'accord et nous nous sommes mis d'accord quel que soit le lieu géographique, mais surtout aussi quelle que soit la couleur politique du gouvernement. C'est-à-dire que précisément à Chypre, c'est un Gouvernement plutôt communiste, en Espagne ce sont des gouvernements socialistes, au Royaume-Uni travaillistes, c'est-à-dire membres de l'Internationale socialiste, en Allemagne un gouvernement de coalition, en France un gouvernement de centre droit et puis...
De centre droit, je le note !
Oui, il y a des personnalités qui sont diverses,  un gouvernement...
De centre, droite/gauche...
De centre droite gauche, vous pouvez dire ça, vous avez raison la palette est totale...
Bah, oui, vous l'avez ouverte !
C'est un mouvement de rassemblement. Et puis le Gouvernement de Berlusconi. Quelles que soient encore nos sensibilités, la couleur partisane des gouvernements, nous nous sommes mis d'accord, ça signifie d'abord, un, qu'il y a eu un travail de fond qui a été engagé, un vrai travail de concertation, d'écho, de dialogue et en même temps ça signifie que nous sommes capables, l'Europe est capable d'aborder des sujets importants de société. Je ne dis pas des problèmes de société, je dis des défis de société.
Est-ce que oui ou non vous remplirez, l'objectif des 26 000 reconduites à la frontière à la fin de l'année ?
Oh ! Cet objectif de reconduite sera atteint, mais pas simplement celui-là. Parce que mon combat c'est le combat contre toutes les fraudes. Quand on vient sur le territoire français de manière illégale ou en mentant sur le motif, parce que quelquefois on arrive, on demande un visa touristique et puis pouf ! on disparaît dans la nature, donc c'est-à-dire qu'on ment sur l'objectif de la visite, mais mon combat c'est aussi de lutter contre les patrons qui sont fraudeurs, qui ont voulu recruter sciemment des travailleurs clandestins sans respecter la durée...
Combien de patrons condamnés en 2008 ?
Ce sera une augmentation de près de 30 %, entre 28 et 30 %, interpellés, parce qu'après la condamnation c'est la justice, mais interpellés ça sera entre 28 et 30 %, donc ce sont des signaux extrêmement positifs, ce sera le cas pour les travailleurs clandestins, c'est-à-dire ceux qui ont menti en venant sur le territoire français une première fois et qui ont ensuite... parce que quand on dit "sans papiers", c'est généralement pas du tout sans papiers, c'est avec des faux papiers, falsifiés, frauduleux, achetés à des filières. C'est aussi le combat contre ceux qui exploitent les clandestins, ce sont là aussi des systèmes qui sont mis en place par des racketteurs qui font payer des sommes astronomiques, ça va jusqu'à 4.000 euros. On a démantelé fin juillet, je vous l'indique parce que c'est très révélateur, parce qu'il ne faut pas rester sur les généralités ou sur les principes, il faut donner des exemples ; on a démantelé fin juillet une cellule qui avait opéré en Seine-et-Marne qui faisait payer 4 000 euros pour un titre de séjour faux, qu'il faisait payer 250 euros pour vivre à 21 dans 70 m² et qui demandait 400 euros supplémentaires pour les douches. Donc ça signifie que là aussi le combat... quand on dit on agit, (qu'on lutte) contre la clandestinité, c'est parce que nous souhaitons agir aussi contre l'indignité, parce que la clandestinité...
Ce n'est pas le ministère des Rafles ; vous avez entendu cette accusation ?
Oui, heureusement on ne le dit plus. On ne le dit plus parce que j'avais donné...
Comment ça se fait d'ailleurs ?
Simplement parce que j'ai donné des consignes très claires. Moi mon objectif c'est de mener un combat qui permette d'aboutir à préserver l'équilibre de notre société. Et la politique que je mène, que je m'efforce de mener avec beaucoup de détermination, mais toujours en m'interrogeant, je n'ai pas que des certitudes, chaque matin je me suis posé la question ; ce que je fais est juste, est-il cohérent, est-ce que c'est efficace ? Eh bien en agissant ainsi j'ai le sentiment d'agir pour préserver l'équilibre de notre société et ce combat est à l'évidence de mieux en mieux compris. Je vous donne simplement ça comme exemple, lorsque j'ai organisé la conférence sur l'intégration à Vichy, j'ai proposé un certain nombre de mesures pour faciliter l'intégration, c'est-à-dire la connaissance de la langue, les valeurs de notre société, une explication sur notre hymne national, ces mesures que j'ai fait tester sont approuvées entre 57 et 80 % des personnes interrogées. Je ne dis pas des Français, mais en tout cas
J'ai une dernière question qui n'est pas sur les migrants, mais peut-être sur les deuxièmes ou troisièmes générations français, est-ce qu'il vous semble que l'intégration est réussie ? Le Président doit parler sur la diversité mercredi ?? l'école Polytechnique, est-ce qu'il vous semble qu'il faut mettre en place des mesures beaucoup plus fortes que celles qui sont aujourd'hui ? Une seule, vous me direz si vous êtes d'accord ou pas : est-ce qu'il faut réserver des places dans les administrations, dans les grandes écoles pour les enfants, pour les jeunes issus des quartiers ou des minorités visibles, comme on dit ?
D'abord, première réalité : la politique d'intégration a globalement échoué dans notre pays malgré les milliards qui lui ont été engloutis. Il y a des exemples ponctuels de réussite que je pourrais citer, associatives ou avec l'effort de l'Etat...
J'entends, mais qu'est-ce que vous faites ?
Mais ça a globalement échoué. Deuxième élément, il ne faut pas croire qu'on est seuls, la conférence que j'ai organisée sur l'intégration a montré que tous les pays avaient échoué et qu'il n'y avait aucune solution miracle. Mais en revanche, il y a une panoplie de solutions. Par exemple, la connaissance de la langue. J'organise depuis le 1er novembre, avec X. Darcos, ce qu'on appelle « l'école de parents », c'est-à-dire que les parents qui ne parlent pas bien français, vous savez qu'un tiers des primo arrivants ne parlent pas français, peuvent suivre des cours dans l'établissement de leurs enfants pour mieux connaître le français et donc mieux comprendre notre système scolaire et mieux accompagner leurs enfants et donc mieux aider davantage à une meilleure intégration de leurs enfants. Première réponse. Deuxième réponse, est-ce qu'en clair je suis favorable à la discrimination positive ?
Oui, mais portée au-delà de ce qu'elle est aujourd'hui.
Moi je ne suis pas favorable au mot "discrimination" parce que je pense que ce n'est pas un mot positif précisément. Mais en revanche, si vous voulez, avec la même idée, je pense qu'on peut parler de volontarisme républicain. C'est l'honneur et le devoir de la République que d'accompagner à l'intégration. Donc troisième élément, je suis favorable à des initiatives telles précisément que celles qui ont été menées par les dirigeants de Sciences Po et à Sciences Po pour aider un certain nombre de jeunes des banlieues à pouvoir ainsi être davantage intégrés dans notre système universitaire. Vous savez, le meilleur moyen, la meilleure voie de l'ascenseur social c'est l'éducation, donc il faut s'appuyer d'abord sur l'éducation pour...
Donc réserver des places si c'est nécessaire.
Si c'est nécessaire, il faut le faire.
Merci d'avoir été notre invité ce matin, bonne journée !
Merci.
Je crois que vous avez un rendez-vous important, si je ne m'abuse, avec le président de la République, donc on vous laisse filer.
Merci. Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2008