Texte intégral
N. Demorand.- L'offensive terrestre israélienne se poursuit donc ce matin, dans la Bande de Gaza, avec un bilan qui n'a cessé de s'alourdir ces derniers jours. Est-ce que vous redoutez les conséquences de ce qu'on doit appeler en toute rigueur une guerre ?
C'est une guerre, bien sûr. Et il me semble que le monde entier devrait avoir les yeux qui se tournent vers Gaza et vers Israël, pour une action qui serait enfin efficace, c'est-à-dire coordonnée. Il ne peut y avoir d'action qui se fasse entendre et respecter dans cette région, que si parlent d'une seule voix, autant que possible, les grands pays et les grandes puissances du monde. Pour l'instant, comme vous le savez, ce n'est pas le cas, c'est très loin d'être le cas. Et donc il y a là, une nouvelle fois, un abcès qui est en train de se créer, et la contagion de cet abcès est naturellement redoutable. Peut-être un mot, simplement pour dire que c'est une guerre, comme depuis longtemps au Proche-Orient, qui a une caractéristique, me semble-t-il, c'est que cette guerre est ingagnable. Il n'y a pas, au bout du chemin de la guerre, il n'y a pas de victoire possible. D'ailleurs pour qui que ce soit. Et c'est la première certitude que l'on doit avoir. Il y en a une deuxième, même si elle paraît loin, c'est que de toute façon, un jour ou l'autre, à vue humaine, ces peuples devront vivre ensemble, sauf à imaginer la disparition de l'un d'entre eux. Et donc tout ce qui, même si l'on peut comprendre humainement l'espèce de rage qui anime colères, revanches, qui anime les uns contre les autres tout ce qui tend à renforcer la haine entre les deux, retardent d'autant le moment où ils seront appelés à vivre ensemble. Cela fait beaucoup, beaucoup d'incertitudes et d'inconnus.
Le Président français, N. Sarkozy, est dans la région aujourd'hui et demain. Vous attendez quelque chose de son déplacement ?
J'imagine que si N. Sarkozy a choisi d'y aller, c'est parce qu'il a des éléments qui lui permettent de penser que cette visite va être utile. C'est-à-dire qu'elle va pouvoir débloquer quelque chose de l'ordre de cessez-le-feu ou corridor humanitaire, enfin quelque chose qui change réellement la situation...
Vous pensez qu'il a quelque chose dans la manche ?
Je pense qu'autrement, il n'y serait pas allé. Parce que vous voyez en même temps - je dis cela de manière prudente - parce que s'il pense qu'il a une chance de débloquer quelque chose, il a raison d'y aller. Mais vous voyez bien que le risque c'est la dispersion. Jusqu'au 31 décembre au soir, N. Sarkozy était président de l'Union européenne. L'Union européenne s'exprimait d'une seule voix, parce que tout le monde a accepté l'idée qu'il parle en son nom. Le 1er janvier la situation ne devrait pas avoir changé simplement parce que la France ne préside plus l'Union européenne. Et donc le fait, qu'il y ait concurremment, concomitamment et concurremment, en concurrence et en même temps, la délégation de l'Union européenne officielle et d'un autre côté le président de la République française, cela peut faire courir un risque de dispersion.
Et ça, ça fait parler de plusieurs voix, comme vous le disiez ?
Donc ça affaiblit. Si vous avez chacun des pays de l'Union européenne, qui s'exprime en son propre nom, cela veut dire évidemment que l'Union européenne n'a pas de voix. Si l'Union européenne n'a pas de voix, eh bien, nous ne pouvons pas nous faire entendre. C'est aussi simple, hélas, que cela.
Parlons clair : il aurait mieux valu qu'il n'y aille pas, N. Sarkozy dans la région ?
Non, je ne dis pas ça, parce qu'il sait des choses que je ne sais pas. Donc j'imagine encore une fois, qu'il a une idée précise de la stratégie et de la tactique qu'il va mettre en oeuvre pour obtenir quelque chose, même si c'est de manière, comment dirais-je, apparente.
Une dernière question sur ce sujet : vous êtes responsable politique, F. Bayrou : faut-il parler avec le Hamas ?
D'abord, est-ce qu'il y a un seul Hamas ou plusieurs Hamas, je ne sais pas. Je n'ai pas les éléments nécessaires. Le Hamas, c'est vrai, tout le monde l'a dit, porte une responsabilité extrêmement lourde dans la situation actuelle parce qu'il a refusé de reconduire la trêve de six mois qui n'avait pas si mal fonctionné, et aussi parce qu'il entretient cette guérilla de roquettes, qui terrifie la population du sud d'Israël. Et donc le Hamas porte une lourde responsabilité. En même temps, comme vous le voyez, cette guerre, elle contribue d'une certaine manière, paradoxale et tragique, à remettre en selle le Hamas. A lui donner un rôle symbolique, qui est terriblement important, ce qui veut dire aussi, qu'elle contribue à déstabiliser le Fatah, c'est-à-dire l'Autorité palestinienne officielle, si j'ose dire de monsieur M. Abbas...
Et considérant tout cela, il faudrait revoir la doctrine, qui fait qu'on ne parle pas avec le Hamas ?
...Alors, simplement, moi, je crois qu'on parle avec le Hamas, on ne parle pas directement avec le Hamas mais on parle avec le Hamas, en passant par l'Egypte, en passant par la Syrie, en passant par un certain nombre de voies qui ont le contact avec eux. Ce sont de grands bouleversements qui sont en cours, simplement je veux rappeler cette certitude : c'est que, selon moi, il n'y a pas de guerre gagnable, dans la situation où on se trouve.
Bon, qu'est-ce qu'on vous souhaite pour 2009, F. Bayrou, à vous et au MoDem ?
Ecoutez, ce n'est pas à moi et au MoDem qu'il convient de...
Alors vous avez un voeu à formuler ?
Ce n'est pas pour moi et le MoDem qu'il convient de faire des voeux. C'est pour la situation qui est la nôtre, celle du pays, et de ce point de vue là...
Qui vous inquiète ?
...Et de ce point de vue là, il y a de lourdes inquiétudes à l'horizon, comme vous le savez. Vous avez rappelé l'ampleur de la crise. Et en face de cette crise, d'ampleur formidable au sens étymologique du terme, qui fait peur, est-ce que la réponse des pouvoirs publics et à la hauteur ?...
Réponse ?
...C'est une interrogation. Pour moi, non, pour l'instant, il n'y a pas eu de réponse à la hauteur, pour une raison que nous savons...
Plan de relance, déficits qui filent, etc., ce n'est pas à la hauteur de la situation ?
Pour une raison que j'ai souvent développée à ce micro, c'est qu'on n'a plus de marge de manoeuvre. On n'a plus de marge de manoeuvre parce qu'on a laissé filer les déficits dans le temps, dans le temps où ça allait bien.
Mais ils filent encore les déficits, donc c'est se créer des marges de manoeuvre, peut-être à crédit...
Oui, bon, enfin... Je ne crois pas que ce soit à la hauteur. Regardez : on annonce pour la France, un plan de 26 milliards et en réalité ce plan de 26 milliards se ramène à quelque chose comme 5 milliards. Le plan américain - c'est vrai que c'est un pays - cinq fois plus grand que la France -, c'est de 1.000 milliards. Et vous voyez ainsi les plateaux de la balance gravement déséquilibrés. Donc...
Il va donc falloir un deuxième plan de relance d'après vous ?
Je suis persuadé que si la crise est ce qu'on dit, il y aura un deuxième plan de relance, avec cette fois un volet qui s'adressera aux ménages et pas seulement aux entreprises et à l'investissement, de manière que les plus faibles aient un ballon d'oxygène pour traverser cette crise.
Donc d'après vous, le premier plan de relance n'a pas été à la hauteur. Comment vous qualifiez ça ? C'est quoi ? On a essayé de faire feu de tout bois dans l'urgence et il va falloir réinventer des choses à nouveau ?
Je pense qu'il aurait fallu, devant une crise d'ampleur mondiale, une réponse au moins européenne. Et je pense que cette réponse européenne, aurait dû comporter, décider en tout cas, un emprunt européen de l'ordre de 3 % du PIB, de la production annuelle des pays, de manière à avoir un vrai effet de relance. Ce plan n'a pas été décidé, on ne l'a même pas mis sur la table pour en discuter, et je pense que c'est ce qui manque le plus. Je suis persuadé que si la crise est de l'ampleur de celle qu'on nous promet, alors il faudra discuter un plan de cet ordre.
Alors vous attaquez la campagne européenne avec quelle ambition F. Bayrou, pour vous et le MoDem ?
L'ambition que l'image de l'Europe soit changée, soit reprise, réinventée. Parce qu'on le voit bien dans toutes ces crises qui se succèdent, crise au Proche-Orient, comme crise économique, on voit bien une chose, c'est que s'il n'y a pas d'Europe, nous sommes désarmés. Et l'absence d'Europe est absolument cruelle pour les pays que nous sommes, pour les nations que nous sommes. Et l'ambition qui est la mienne, qui est la nôtre, c'est qu'enfin l'Europe soit ressentie non pas comme un moins pour nos pays, mais comme un plus.
Est-ce que le MoDem qui a tout de même du mal à exister dans la vie politique française, peut exister à l'échelle européenne ?
Ecoutez, du mal à exister, vous ne m'inviteriez pas à votre micro, si c'était le cas.
Vous êtes peut-être l'exception qui confirme la règle, F. Bayrou...
C'est donc exactement le contraire. Non, je pense au contraire que c'est une famille politique, en essence et en croissance, qui a une existence au niveau européen, puisque nous avons avec 7 ou 8 partis européens, d'autres pays européens, construit un mouvement politique européen qui s'appelle le Parti Démocrate Européen, et qui a un accord, par exemple, avec les "Lib Dem" britanniques, par exemple avec le "Partito democratico" en Italie, et qui va avoir des ramifications et une expression dans tous les pays européens. Pour une raison simple, et qui s'articule en une seule question : est-ce qu'il y a deux offres politiques en Europe ou trois ? Et moi, je pense qu'il y en a trois. Et s'il y en a trois, d'ailleurs, il y en aura plus, parce que d'autres offres politiques auront le courage, à ce moment-là d'exister.
Juste un dernier mot avant la revue de presse, sur la disparition de la publicité sur les antennes de la télé publique. Ce soir, 20 heures 30, c'est le jour J ; commentaire ?
D'abord je ne suis pas sûr, que ce soit une révolution pour les foyers français, comme c'est présenté à longueur d'antenne depuis des heures et des heures. Cela peut tout à fait s'imaginer, la disparition de la publicité, à condition que les chaînes publiques aient la garantie de leur financement. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui. Ce qui veut dire avec précision, que les chaînes publiques vont tous les ans, aller devoir faire la quête, aller devoir montrer patte blanche auprès du pouvoir en place, pour obtenir leur budget de financement. Cela créait une dépendance de plus et c'est d'ailleurs ce qui est souhaitée, je le crois. Et donc, on va avoir un audiovisuel public, qui va être soumis à une double dépendance. Dépendance politique parce qu'il sera nommé directement par le pouvoir, par le président de la République et dépendance financière, budgétaire, parce qu'il va tous les ans aller quémander son budget.
Vous avez regardé la pièce de B. Tapie "Oscar", diffusée sur France 2...
Alors là, franchement...
Où un certain Charles-Amédée et un certain F. Bayrou étaient brocardés ?
Franchement, l'idée que le soir de Noël, on présente B. Tapie comme, comment dirais-je, comme parangon de morale sur les chaînes publiques est quelque chose qui ne m'a pas enthousiasmé et qui m'a donné, un... - comment dirais-je ? -, le sentiment qu'on avait déjà commencé à entrer dans une nouvelle ère dans le rapport entre la télévision publique et les pouvoirs.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 janvier 2009
C'est une guerre, bien sûr. Et il me semble que le monde entier devrait avoir les yeux qui se tournent vers Gaza et vers Israël, pour une action qui serait enfin efficace, c'est-à-dire coordonnée. Il ne peut y avoir d'action qui se fasse entendre et respecter dans cette région, que si parlent d'une seule voix, autant que possible, les grands pays et les grandes puissances du monde. Pour l'instant, comme vous le savez, ce n'est pas le cas, c'est très loin d'être le cas. Et donc il y a là, une nouvelle fois, un abcès qui est en train de se créer, et la contagion de cet abcès est naturellement redoutable. Peut-être un mot, simplement pour dire que c'est une guerre, comme depuis longtemps au Proche-Orient, qui a une caractéristique, me semble-t-il, c'est que cette guerre est ingagnable. Il n'y a pas, au bout du chemin de la guerre, il n'y a pas de victoire possible. D'ailleurs pour qui que ce soit. Et c'est la première certitude que l'on doit avoir. Il y en a une deuxième, même si elle paraît loin, c'est que de toute façon, un jour ou l'autre, à vue humaine, ces peuples devront vivre ensemble, sauf à imaginer la disparition de l'un d'entre eux. Et donc tout ce qui, même si l'on peut comprendre humainement l'espèce de rage qui anime colères, revanches, qui anime les uns contre les autres tout ce qui tend à renforcer la haine entre les deux, retardent d'autant le moment où ils seront appelés à vivre ensemble. Cela fait beaucoup, beaucoup d'incertitudes et d'inconnus.
Le Président français, N. Sarkozy, est dans la région aujourd'hui et demain. Vous attendez quelque chose de son déplacement ?
J'imagine que si N. Sarkozy a choisi d'y aller, c'est parce qu'il a des éléments qui lui permettent de penser que cette visite va être utile. C'est-à-dire qu'elle va pouvoir débloquer quelque chose de l'ordre de cessez-le-feu ou corridor humanitaire, enfin quelque chose qui change réellement la situation...
Vous pensez qu'il a quelque chose dans la manche ?
Je pense qu'autrement, il n'y serait pas allé. Parce que vous voyez en même temps - je dis cela de manière prudente - parce que s'il pense qu'il a une chance de débloquer quelque chose, il a raison d'y aller. Mais vous voyez bien que le risque c'est la dispersion. Jusqu'au 31 décembre au soir, N. Sarkozy était président de l'Union européenne. L'Union européenne s'exprimait d'une seule voix, parce que tout le monde a accepté l'idée qu'il parle en son nom. Le 1er janvier la situation ne devrait pas avoir changé simplement parce que la France ne préside plus l'Union européenne. Et donc le fait, qu'il y ait concurremment, concomitamment et concurremment, en concurrence et en même temps, la délégation de l'Union européenne officielle et d'un autre côté le président de la République française, cela peut faire courir un risque de dispersion.
Et ça, ça fait parler de plusieurs voix, comme vous le disiez ?
Donc ça affaiblit. Si vous avez chacun des pays de l'Union européenne, qui s'exprime en son propre nom, cela veut dire évidemment que l'Union européenne n'a pas de voix. Si l'Union européenne n'a pas de voix, eh bien, nous ne pouvons pas nous faire entendre. C'est aussi simple, hélas, que cela.
Parlons clair : il aurait mieux valu qu'il n'y aille pas, N. Sarkozy dans la région ?
Non, je ne dis pas ça, parce qu'il sait des choses que je ne sais pas. Donc j'imagine encore une fois, qu'il a une idée précise de la stratégie et de la tactique qu'il va mettre en oeuvre pour obtenir quelque chose, même si c'est de manière, comment dirais-je, apparente.
Une dernière question sur ce sujet : vous êtes responsable politique, F. Bayrou : faut-il parler avec le Hamas ?
D'abord, est-ce qu'il y a un seul Hamas ou plusieurs Hamas, je ne sais pas. Je n'ai pas les éléments nécessaires. Le Hamas, c'est vrai, tout le monde l'a dit, porte une responsabilité extrêmement lourde dans la situation actuelle parce qu'il a refusé de reconduire la trêve de six mois qui n'avait pas si mal fonctionné, et aussi parce qu'il entretient cette guérilla de roquettes, qui terrifie la population du sud d'Israël. Et donc le Hamas porte une lourde responsabilité. En même temps, comme vous le voyez, cette guerre, elle contribue d'une certaine manière, paradoxale et tragique, à remettre en selle le Hamas. A lui donner un rôle symbolique, qui est terriblement important, ce qui veut dire aussi, qu'elle contribue à déstabiliser le Fatah, c'est-à-dire l'Autorité palestinienne officielle, si j'ose dire de monsieur M. Abbas...
Et considérant tout cela, il faudrait revoir la doctrine, qui fait qu'on ne parle pas avec le Hamas ?
...Alors, simplement, moi, je crois qu'on parle avec le Hamas, on ne parle pas directement avec le Hamas mais on parle avec le Hamas, en passant par l'Egypte, en passant par la Syrie, en passant par un certain nombre de voies qui ont le contact avec eux. Ce sont de grands bouleversements qui sont en cours, simplement je veux rappeler cette certitude : c'est que, selon moi, il n'y a pas de guerre gagnable, dans la situation où on se trouve.
Bon, qu'est-ce qu'on vous souhaite pour 2009, F. Bayrou, à vous et au MoDem ?
Ecoutez, ce n'est pas à moi et au MoDem qu'il convient de...
Alors vous avez un voeu à formuler ?
Ce n'est pas pour moi et le MoDem qu'il convient de faire des voeux. C'est pour la situation qui est la nôtre, celle du pays, et de ce point de vue là...
Qui vous inquiète ?
...Et de ce point de vue là, il y a de lourdes inquiétudes à l'horizon, comme vous le savez. Vous avez rappelé l'ampleur de la crise. Et en face de cette crise, d'ampleur formidable au sens étymologique du terme, qui fait peur, est-ce que la réponse des pouvoirs publics et à la hauteur ?...
Réponse ?
...C'est une interrogation. Pour moi, non, pour l'instant, il n'y a pas eu de réponse à la hauteur, pour une raison que nous savons...
Plan de relance, déficits qui filent, etc., ce n'est pas à la hauteur de la situation ?
Pour une raison que j'ai souvent développée à ce micro, c'est qu'on n'a plus de marge de manoeuvre. On n'a plus de marge de manoeuvre parce qu'on a laissé filer les déficits dans le temps, dans le temps où ça allait bien.
Mais ils filent encore les déficits, donc c'est se créer des marges de manoeuvre, peut-être à crédit...
Oui, bon, enfin... Je ne crois pas que ce soit à la hauteur. Regardez : on annonce pour la France, un plan de 26 milliards et en réalité ce plan de 26 milliards se ramène à quelque chose comme 5 milliards. Le plan américain - c'est vrai que c'est un pays - cinq fois plus grand que la France -, c'est de 1.000 milliards. Et vous voyez ainsi les plateaux de la balance gravement déséquilibrés. Donc...
Il va donc falloir un deuxième plan de relance d'après vous ?
Je suis persuadé que si la crise est ce qu'on dit, il y aura un deuxième plan de relance, avec cette fois un volet qui s'adressera aux ménages et pas seulement aux entreprises et à l'investissement, de manière que les plus faibles aient un ballon d'oxygène pour traverser cette crise.
Donc d'après vous, le premier plan de relance n'a pas été à la hauteur. Comment vous qualifiez ça ? C'est quoi ? On a essayé de faire feu de tout bois dans l'urgence et il va falloir réinventer des choses à nouveau ?
Je pense qu'il aurait fallu, devant une crise d'ampleur mondiale, une réponse au moins européenne. Et je pense que cette réponse européenne, aurait dû comporter, décider en tout cas, un emprunt européen de l'ordre de 3 % du PIB, de la production annuelle des pays, de manière à avoir un vrai effet de relance. Ce plan n'a pas été décidé, on ne l'a même pas mis sur la table pour en discuter, et je pense que c'est ce qui manque le plus. Je suis persuadé que si la crise est de l'ampleur de celle qu'on nous promet, alors il faudra discuter un plan de cet ordre.
Alors vous attaquez la campagne européenne avec quelle ambition F. Bayrou, pour vous et le MoDem ?
L'ambition que l'image de l'Europe soit changée, soit reprise, réinventée. Parce qu'on le voit bien dans toutes ces crises qui se succèdent, crise au Proche-Orient, comme crise économique, on voit bien une chose, c'est que s'il n'y a pas d'Europe, nous sommes désarmés. Et l'absence d'Europe est absolument cruelle pour les pays que nous sommes, pour les nations que nous sommes. Et l'ambition qui est la mienne, qui est la nôtre, c'est qu'enfin l'Europe soit ressentie non pas comme un moins pour nos pays, mais comme un plus.
Est-ce que le MoDem qui a tout de même du mal à exister dans la vie politique française, peut exister à l'échelle européenne ?
Ecoutez, du mal à exister, vous ne m'inviteriez pas à votre micro, si c'était le cas.
Vous êtes peut-être l'exception qui confirme la règle, F. Bayrou...
C'est donc exactement le contraire. Non, je pense au contraire que c'est une famille politique, en essence et en croissance, qui a une existence au niveau européen, puisque nous avons avec 7 ou 8 partis européens, d'autres pays européens, construit un mouvement politique européen qui s'appelle le Parti Démocrate Européen, et qui a un accord, par exemple, avec les "Lib Dem" britanniques, par exemple avec le "Partito democratico" en Italie, et qui va avoir des ramifications et une expression dans tous les pays européens. Pour une raison simple, et qui s'articule en une seule question : est-ce qu'il y a deux offres politiques en Europe ou trois ? Et moi, je pense qu'il y en a trois. Et s'il y en a trois, d'ailleurs, il y en aura plus, parce que d'autres offres politiques auront le courage, à ce moment-là d'exister.
Juste un dernier mot avant la revue de presse, sur la disparition de la publicité sur les antennes de la télé publique. Ce soir, 20 heures 30, c'est le jour J ; commentaire ?
D'abord je ne suis pas sûr, que ce soit une révolution pour les foyers français, comme c'est présenté à longueur d'antenne depuis des heures et des heures. Cela peut tout à fait s'imaginer, la disparition de la publicité, à condition que les chaînes publiques aient la garantie de leur financement. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui. Ce qui veut dire avec précision, que les chaînes publiques vont tous les ans, aller devoir faire la quête, aller devoir montrer patte blanche auprès du pouvoir en place, pour obtenir leur budget de financement. Cela créait une dépendance de plus et c'est d'ailleurs ce qui est souhaitée, je le crois. Et donc, on va avoir un audiovisuel public, qui va être soumis à une double dépendance. Dépendance politique parce qu'il sera nommé directement par le pouvoir, par le président de la République et dépendance financière, budgétaire, parce qu'il va tous les ans aller quémander son budget.
Vous avez regardé la pièce de B. Tapie "Oscar", diffusée sur France 2...
Alors là, franchement...
Où un certain Charles-Amédée et un certain F. Bayrou étaient brocardés ?
Franchement, l'idée que le soir de Noël, on présente B. Tapie comme, comment dirais-je, comme parangon de morale sur les chaînes publiques est quelque chose qui ne m'a pas enthousiasmé et qui m'a donné, un... - comment dirais-je ? -, le sentiment qu'on avait déjà commencé à entrer dans une nouvelle ère dans le rapport entre la télévision publique et les pouvoirs.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 janvier 2009