Interview de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, à Radio Classique le 4 février 2009, sur sa candidature pour les prochaines élections régionales en Ile-de-France et sur l'éventualité d'une "primaire" face à Valérie Pécresse.

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Texte intégral

J.-L. Hees.- R. Karoutchi, bonjour, soyez le bienvenu sur Radio Classique. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement et que vous êtes aussi engagé dans une rude bataille, puisque vous êtes candidat à l'investiture de l'UMP pour les régionales en Ile-de-France. Ce sont des élections qui auront lieu l'an prochain. Alors c'est même une très rude bataille, finalement qui vous oppose à V. Pécresse, parce que l'ambiance était chaude. Vous avez eu un premier meeting - enfin ce n'est pas tout à fait un débat d'ailleurs - hier au Raincy, chez votre ami E. Raoult. Mais enfin d'après ce que j'ai lu dans Le Parisien, c'était chaud, bouillant même.
 
Oh non, je ne crois pas que cela soit chaud, bouillant. On a exprimé nos idées, nos convictions. Alors après, que les supporters présents dans la salle applaudissent, aient des banderoles, des casquettes et tout, eh bien c'est un parti politique - ce n'est pas un séminaire.
 
Mais vous aviez plus de supporters que V. Pécresse, ai-je lu dans la presse.
 
Vous avez bien fait de lire ça, puisque c'est vrai... Non mais écoutez, chacun sait, je l'ai toujours dit que moi je serais, que j'étais le candidat des militants et que je les connais bien, parce que cela fait dix ans qu'avec eux, je me bats pour reprendre cette région. En conséquence de quoi, les militants ils sont effectivement plus sensibles à quelqu'un qui les connaît, qui est allé chez eux souvent, qui se bat avec eux, voilà. Mais il n'y a pas d'agressivité, il n'y a pas d'agression d'un candidat envers l'autre et c'est l'objet d'une primaire. Une primaire c'est quand même une compétition, vous ne pouvez pas dire : il ne faut pas qu'il y a plus d'applaudissements pour l'un que pour l'autre ; il ne faut pas qu'il y ait une question vaguement desserrée... sinon, on supprime la compétition. Mais bon, c'est une compétition en interne, avec un certain respect puis voilà.
 
Monsieur Karoutchi, est-ce que cela inquiète tout de même un petit peu les instances de l'UMP ou du pouvoir même, de se dire : tiens, il y a deux ministres qui sont en train, là de se battre, c'est le jeu électoral, mais...
 
L'idée des primaires est une idée qu'évidemment est défendue avec force par le président de la République, en disant : c'est un moyen de développer la démocratie en interne, c'est un moyen de faire en sorte que ce soit les adhérents qui se sentent directement concernés, puisque c'est eux qui font la campagne et donc qui choisissent leur champion. Donc l'idée qu'il y ait des candidats, en soi n'est pas un sujet. Alors c'est vrai qu'en Ile-de-France, nous avons la particularité unique en France d'avoir deux ministres, et seulement deux en tout, candidats. Cela veut dire qu'il y a une confrontation qui doit rester dans certaines limites, qui ne doit évidemment pas sortir du sort et du rôle de la solidarité gouvernementale. Mais après, que chacun expose son programme, que chacun ait ses partisans, en soi, ce n'est pas...
 
Mais comment vous expliquez R. Karoutchi, qu'il y ait autant d'intoxication, de manipulations, de rumeurs autour de... c'est des primaires simplement, donc cela aura lieu le 21-22 mars je crois.
 
Du 16 au 21 mars.
 
Et puis l'élection c'est l'année prochaine...
 
Et l'élection est en mars 2010.
 
Alors c'est plutôt une bonne nouvelle que cela passionne autant tout de même les instances de l'UMP.
 
C'est ce que j'allais dire. J'allais dire que, quelque part, on peut se féliciter de voir qu'il y a autant de monde qui vienne dans les réunions publiques. Moi je vois, j'anime des réunions publiques très régulièrement, évidemment ces semaines-ci. Et il y a beaucoup, beaucoup d'adhérents qui viennent, qui débattent, qui posent des questions, sur la gestion de région etc. Donc je crois que c'est un avantage. La primaire donne un peu de visibilité, de lisibilité à la collectivité régionale qui est très peu connue. Les gens connaissent bien la commune, connaissent à la limite le département ; la région c'est très loin. Ils ne savent pas trop ce qu'elle fait, ils ne savent pas si elle est bien gérée, pas bien gérée, quelles sont ses compétences. Donc le débat des primaires a au moins cet avantage : cela mobilise, cela fait connaître et cela nous prépare, probablement à une meilleure mobilisation pour gagner la région en 2010. Donc de ce côté-là, c'est plutôt bien. Mais je le répète, nous devons naturellement rester solidaires, il n'est pas question de division, il est question de compétition. Et il n'est pas question bien entendu de laisser en second les problèmes nationaux qui sont ceux de nos différents ministères.
 
Il en pense quoi le président de la République de cette primaire ? Parce qu'il y a longtemps que vous êtes amis.
 
Il a toujours dit, tant que cela reste dans un cadre normal et qu'il n'y a pas d'agression, qu'il n'y a pas de division, la primaire est normale, je l'ai proposée, elle a lieu. Alors dans d'autres régions, c'est vrai, il n'y a qu'un seul candidat, voire dans certaines régions, pas de candidat d'ailleurs, donc, on verra comment on fait. Mais en Ile-de-France, on a deux candidats.
 
Vous avez l'air d'être un homme très aimable, R. Karoutchi, mais on a senti que vous étiez fâché à un certain moment, je pense notamment à un sondage qui vous donnait derrière V. Pécresse. Et puis surtout, qui donnait V. Pécresse, vainqueur face à Monsieur Huchon, le président socialiste de la région.
 
Ecoutez, ce type de sondage par Internet dans des conditions assez particulières et qui portent non pas sur les adhérents, qui sont ceux qui votent pour les primaires, mais sur... on ne sait pas bien quoi d'ailleurs, les sympathisants, l'électorat, la droite, on ne sait plus bien de quel corps électoral on parle, cela ne m'impressionne peu. Ce sont les adhérents qui votent en mars 2009 et ensuite, on a un an de campagne pour gagner les régionales en mars 2010. Donc le vrai sondage c'est d'abord les adhérents et ensuite mars 2010.
 
Alors on n'est pas là pour faire votre campagne, vous vous en doutez, mais qu'est-ce que vous avez de mieux que V. Pécresse ?
 
L'expérience, la connaissance des dossiers, la capacité de mobiliser les adhérents, les militants. Parce que je crois que la campagne des régionales est une campagne difficile, en réalité c'est une campagne peu médiatisée, contrairement aux présidentielles ou aux élections municipales. C'est une campagne où le rôle des militants est considérable. Parce que, si eux se mobilisent à fond, on a une chance de la gagner. Je rappelle qu'en Ile-de-France, nous sommes challengers, la gauche tient 6 départements sur 8. Elle a 150 000 voix d'avance, donc, on n'est pas dans une situation facile en Ile-de-France, il faut y aller, rassembler, élargir, avoir des ouvertures sur la diversité, sur le monde associatif, voire sur des gens de gauche dénonçant avec nous l'immobilisme actuel. Donc c'est très compliqué, mais il faut au moins que le noyau militant soit ultra mobilisé.
 
Précisément, V. Pécresse dit que l'UMP s'est un peu endormi dans la région Ile-de-France.
 
Ecoutez, quand Copé conduit la campagne en 2004, je n'ai pas eu le sentiment qu'on s'était endormi. On a perdu, oui, parce que le courant ne nous était pas favorable. Quand on s'est battu, enfin on s'est battu... quand les leaders du Val d'Oise se sont battus, on a perdu d'un siège le Val d'Oise, très bien. On est déjà en situation de reconquête. Franchement, bon, c'est facile de dire ça, ici ou là quand on est dans des zones plus faciles ; l'électorat bouge, les choses bougent, il faut se battre. Mais c'est vrai que c'est comme ça, on a perdu en 2004 beaucoup de régions, il y a 20 régions sur 22 aujourd'hui à gauche, ce n'est pas spécifique à l'Ile-de-France, mais on se bat pour regagner en tout cas.
 
J'habite l'Ile-de-France, donc c'est un débat qui m'intéresse et j'ai regardé un petit peu les propositions des deux candidats aux primaires, donc la même famille politique. Au fond c'est quoi, c'est les transports et l'emploi, vous avez le même...
 
Les transports, moi je propose immédiatement une gestion unifiée des Page RER et à terme la création d'une seule entreprise de transport entre la SNCF et la RATP.
 
V. Pécresse dit que c'est dangereux pour l'usager.
 
Elle a tort, elle a tort, cela fait faire 300 millions d'euros d'épargne chaque année. C'est-à-dire un seul schéma de transport public pour tous, un seul maillage, une vraie desserte de la grande couronne, pas un schéma plus adapté de la SNCF. Et, au fond, on fera plus d'investissements et on changera les petits gris, les bétaillères et enfin des trains à l'heure.
 
Bon enfin, il ne peut pas y avoir des positions diamétralement opposées dans ne même famille politique quand même ?
 
Ce n'est pas le sujet d'avoir des positions diamétralement opposées, c'est de pouvoir les conduire, de savoir comment on va épargner tout de suite. Qu'est-ce qu'on va remettre à plat tout de suite dans les politiques qui ne vont pas et qu'est-ce qu'on va faire tout de suite pour que les choses aillent mieux ?
 
Est-ce que vous comptez vos amis en ce moment R. Karoutchi, c'est-à-dire, qu'une campagne comme ça, cela démontre...je vois qu'Y. Jégo est du côté de V. Pécresse ; votre ami Estrosi, il est toujours...
 
Ah non, C. Estrosi est député-maire de Nice, il n'a pas à intervenir dans les primaires.
 
Il est conseiller politique de l'UMP, non ?
 
Oui, oui, mais il est neutre dans cette affaire, il n'est pas francilien.
 
Donc vive la neutralité, c'est tout le mal que l'on vous souhaite, je vous remercie R. Karoutchi !
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 février 2009