Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à France Inter le 3 février 2009, sur la mise en place du plan de relance et sur les bénéfices attendus.

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Média : France Inter

Texte intégral

N. Demorand.- Hier, F. Fillon annonce 1.000 chantiers pour la relance, et C. Lagarde, ministre de l'Economie, dans le train qui vous emmenait tous à Lyon, vous, les ministres, indique que la croissance sera négative et que le chômage continuera à augmenter. D'où la question : il relance quelque chose, ce plan de relance ?
 
Bien sûr, il relance l'activité, il crée du travail. La crise crée du chômage, le plan de relance crée de l'emploi.
 
Combien d'emplois ?
 
Je ne vais pas faire de pronostic, mais au moins 100.000 emplois, et sans doute bien davantage. Cela dépendra aussi des effets multiplicateurs que nous aurons ; des travaux en entraînent d'autres.
 
Combien de points ou de dixièmes de point de croissance, d'après vous ?
 
C'est une estimation, mais elle est à 1,3.
 
Le plan de relance pourrait générer...
 
... créer 1,3 point de croissance.
 
Le "pourrait" indique l'emploi du conditionnel. D'où ma question...
 
On ne va pas faire de la sémantique ! Mais on est dans une crise mondiale considérable !
 
Oui mais, enfin, c'est une question importante. Il relancera, il relancerait, ce plan de relance ? Il aura de l'efficacité ? Il pourrait en avoir ? Vous en êtes sûrs, au fond, ou pas ?
 
Oui, j'y crois, et je vais vous dire pourquoi. Parce qu'il est concret : 1.000 chantiers ; ils sont individualisés, ils sont connus, chaque chantier va créer des emplois, on peut les additionner, et on pourra le faire parce que nous allons les suivre et que d'ailleurs, sur notre site Internet que je vous recommande "relance.gouv.fr", vous pourrez suivre le déroulé du plan de relance, les résultats qu'il procure, les emplois qu'il crée.
 
Là, vous venez de formuler votre credo, ce que vous croyez. Il y a tout de même une contradiction très forte entre les propos de C. Lagarde et la confiance dont vous témoignez ce matin. C'est de la méthode Coué ou pas ?
 
Non. C. Lagarde constate que la crise internationale est là et qu'elle est sévère. Moi, je ne fais pas de pronostic sur le taux de croissance ; je dis simplement que je me bats contre l'adversité et pour ça, je participe, avec l'ensemble du Gouvernement, à la création d'activités nouvelles. Je crois que c'est le seul moyen de répondre, créer des emplois par du travail. Et ça, ça existe, et tout le monde doit pouvoir le recevoir, le percevoir.
 
Mais en même temps, la croissance restera mauvaise et le chômage continuera à augmenter ?
 
Je ne fais pas de pronostic, je suis dans le combat.
 
Mais ça, c'est le ministre de l'Economie qui le dit ! Oui, mais on voit bien quand même que la conjoncture est très mauvaise. Oui, c'est une crise... Ce n'est pas une découverte quand même, je pense pour vous, parce que la crise est là, avec cette intensité, depuis le mois d'août.
 
Non, mais la question est de savoir si les plans de relance ont une efficacité réelle, s'ils relancent l'économie ?
 
Vous pensez qu'il ne faut rien faire et qu'il faut rester, comme ça, en attendant que ça se passe... !
 
Non, je vous pose la question !
 
J'ai lu un économiste qui dit que "c'est le marché qui va tout résoudre".
 
Oui, vous lisez Le Parisien le matin. C'est un économiste qui était d'ailleurs assez proche de N. Sarkozy, qui dit ça, qui s'appelle J. Marseille, et qui dit que "ça ne servira à rien", en gros !
 
Oui, j'ai lu ça, avec un peu de surprise. Je crois au contraire à la volonté, je crois que le rôle d'un gouvernement, c'est d'essayer de réagir, de montrer l'exemple du courage, et c'est ce que le Gouvernement essaye de faire.
 
Mais sans certitude de succès ?
 
Avec un succès certain, mais dont l'ampleur dépendra de beaucoup d'autres choses.
 
Par exemple ?
 
Mais avec un succès certain. Est-ce que la crise américaine va s'intensifier ? Est-ce que, par exemple, le plan de M. Obama va avoir un effet d'abord sur les Etats-Unis ? Vous le savez, ça ? Moi, pas. Mais ça ne m'empêche pas d'agir.
 
Bien sûr, mais c'est rare d'entendre un responsable, un homme politique, dire qu'il ne sait pas !
 
Mais devant cette crise, il faut aussi un peu d'humilité. J'entends beaucoup de gens qui savent tout. Nous, nous nous armons de notre courage, nous créons de l'activité, et puis nous faisons bien notre travail avec conviction, et je crois que ce sera utile. Parce que nous allons préserver des emplois. Je peux vous donner des exemples, où j'ai la certitude par exemple, qu'à Saint-Nazaire, l'usine Man, n'avait plus de plan de travail ; grâce à EDF, et parce que le Gouvernement a demandé à EDF de s'investir, il y a 500 emplois qui sont sauvegardés. Et en même temps, c'est utile parce qu'on va récupérer une production.
 
Dès lors qu'on est dans un tel état d'incertitude quant à l'ampleur exacte et à la durée exacte de cette crise, est-ce que vous pouvez fermer, comme ça, définitivement, l'idée d'un deuxième plan de relance ? Est-ce qu'il n'est pas nécessaire, d'ores et déjà ?
 
Nous ne fermons aucune porte. Nous ferons tout ce qu'il faut faire et qui sera à notre portée. Simplement, ce plan de relance, le président de la République l'a annoncé le 4 décembre ; deux mois après, il est voté ; à la fin de la semaine l'argent va être injecté dans le circuit administratif, et la semaine d'après, des chantiers vont commencer à s'ouvrir. On ne peut pas aller plus vite. Quand ce plan de relance aura été totalement investi dans l'économie, on portera une appréciation, on verra ce que sera la conjoncture et à ce moment-là, on prendra aussi d'autres décisions.
 
Ce qui nous fait un rendez-vous dans dix jours, à vous entendre ?
 
Mais le président de la République a annoncé d'abord, et le Premier ministre aussi, un grand plan sur l'automobile ; le Gouvernement ne se contente pas du plan de relance. On va investir 5 à 6 milliards dans la filière automobile qui touche 10 % du salariat en France ; ça aussi ça compte.
 
Donc, un deuxième plan de relance, éventuellement, c'est ce que vous dites ? Pas de dogmatisme ?
 
Non, ce n'est pas ce que je vous dis. Ce que je vous dis, c'est que, d'abord, nous allons mettre ce plan de relance en oeuvre, et puis quand il sera en oeuvre, vous porterez vos appréciations. Parce que, là, à vous entendre...
 
Non, je pose la question, c'est tout !
 
Mais d'accord, mais vos questions induisent un présupposé ; ce présupposé, c'est que le plan de relance ne sert à rien. Je pense qu'il sert à quelque chose et qu'il aura des effets.
 
Non, non, je vous écoute très attentivement, et vous ne démentez pas les propos de C. Lagarde qui dit que "la crise continue, qu'elle sera très profonde, et que le chômage continuera à augmenter". Voilà, c'est juste le contexte de ce plan de relance.
 
Oui, mais ça c'est un contexte mondial. LA France n'es pas responsable de cette crise, c'est une crise qui est importée, c'est une crise qui est injuste d'ailleurs pour l'Europe et pour notre pays en particulier, et nous réagissons contre cette crise. Mais en même temps, nous ne la maîtrisons pas.
 
"Saupoudrage", a dit D. de Villepin, "poudre aux yeux", dit F. Hollande. Que leur répondez-vous ?
 
Ce n'est pas très sérieux comme adresse. Parce que, ce que je veux dire, c'est d'abord que la crise frappe partout ; le chômage frappe dans tous les départements et donc, nous répondons partout. Il y a 1.000 projets parce qu'il y a 100 départements, et que dans chaque département, nous sortons 10 projets. Et ça donnera du travail dans chacun des départements. Il y en a pour l'artisan qui est frappé, la très petite entreprise comme pour la grande entreprise, il en faut pour tout le monde. Parce que ça, c'est une manière de répondre à la crise.
 
Le Premier ministre a souvent appelé sur le sujet de la crise à "l'unité nationale", en disant, notamment aux socialistes et à l'opposition que "dans des moments pareils il faut pouvoir travailler ensemble et être unis pour essayer de s'en sortir". M. Aubry vous demande d'organiser une large concertation avec syndicats, opposition, et ce qu'on appelle "les forces vives". Vous lui répondez "chiche !" ?
 
Non, mais je lui réponds surtout que la concertation, nous la faisons tous les jours sur le terrain. J'entends le discours du Parti socialiste à Paris, et puis, je le regarde avec chacun des élus que je rencontre dans les départements. Ce n'est pas du tout le même.
 
Que vous disent les élus ?
 
Ils me disent : "combien je peux avoir, là, dans mon département ? On a tel projet qui est un projet très utile, est-ce que le Gouvernement pourrait intervenir, nous mettre un peu d'argent, nous en mettrions nous aussi". Et partout, dans tous les départements, avec les élus de l'opposition, nous nouons des partenariats pour lancer des projets concrets. Je crois que c'est cela qui est important.
 
Donc, vous dites qu'il y a un double discours au PS ?
 
Non, je dis que certains sont dans l'incantation, rue de Solférino, et puis d'autres, au PS, dans leur territoire, sont dans l'action concrète, et forcément solidaires avec l'ensemble de la nation parce que c'est le seul moyen de créer de l'activité.
 
Mais sur cette proposition de M. Aubry, qui, au fond, j'imagine, dit "chiche à l'unité nationale, mettons-nous tous autour d'une table et réfléchissons, puisque la crise est longue et profonde" ?
 
Non, mais ça, c'est de l'incantation. Je remarque d'abord que le plan du Parti socialiste est venu trois mois après les mesures que le Gouvernement a prises. Ce n'est pas d'ailleurs un contre-plan de relance que fait M. Aubry, c'est un plan de communication, ça n'a rien à voir.
 
Il n'y aura pas de plan de relance de la consommation en France ?
 
Mais il y a un volet relance très important. D'abord, d'une manière générale, les transferts sociaux augmentent, en 2009, de 17 milliards supplémentaires. Dans le plan de relance, il y a par exemple des dispositions pour le RSA, c'est de la consommation pure ; 760 millions seront mis au service de 3,8 millions personnes au début du mois d'avril, cela représente de la consommation pure. Et puis, quand vous créez du travail, quand vous créez de l'activité, vous distribuez des salaires, et ces salaires c'est aussi de la consommation.
 
Une dernière question : pas trop malheureux d'avoir quitté la tête de l'UMP ?
 
J'ai le sentiment d'être utile, et ce que je fais est tout à fait passionnant.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 février 2009