Interview de M. Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, à Europe 1 le 30 janvier 2009, sur la grève et les manifestations du 29 janvier et sur les effets escomptés du plan de relance de l'économie.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Vous êtes secrétaire général de l'UMP, le nouveau, ex-ministre du Travail et des Affaires sociales. Plus de 1 million de personnes selon la police, 2,5 millions selon la CGT ont défilé hier dans les manifestations. Objectivement, on peut dire que c'est une mobilisation réussie pour...
 
Mobilisation importante, c'est vrai. Nous l'avions dit.
 
Réussie ?
 
Ce qui a surtout été réussi hier, c'est l'application de la loi sur le service minimum. On avait entendu beaucoup de choses pendant la semaine et on a vu que ce service minimum a été garanti. Et je voudrais d'ailleurs saluer le travail des agents des services publics qui ont permis que de nombreux Français, qui sont venus travailler, aient pu le faire.
 
Mais sur la mobilisation, le Gouvernement dit qu'il a entendu. Très bien. Mais comment vous allez maintenant amener des réponses puisque c'est la grève. Et maintenant, les réponses ?
 
Concrètement ?
 
Oui, s'il vous plaît...
 
L'application, la mise en oeuvre du plan de relance tout de suite, le plan de relance...
 
Pourquoi, il avait été prévu pour l'année prochaine ?
 
Il avait été annoncé par le président de la République à Douai, il a été voté enfin par le Parlement hier. Et c'est son application immédiate...
 
Sauf que, le plan de relance par l'investissement et pas par la consommation, c'est ce que ne veulent précisément pas les gens qui étaient dans la rue hier. Donc vous donnez une réponse à des questions qu'ils ne vous posent pas.
 
Les réponses, elles sont là. Ce plan de relance, qu'est-ce qu'il vise à garantir ? De l'investissement, de l'activité et donc de l'emploi...
 
Mais on le sait ça, X. Bertrand, vous l'avez dit depuis quinze jours mais ça ne passe pas ...
 
Non, non, l'emploi c'est important...
 
Vous l'avez raconté. Pour le moment, ça ne passe pas. Cela veut dire que ceux qui sont dans la rue hier, vous leur redites la même chose aujourd'hui ?
 
Nous sommes aujourd'hui attentifs comme jamais à ce qui se passe et à l'expression, notamment, des salariés qui ont fait grève. Mais j'entends aussi, et c'est la vocation du Mouvement populaire que je dirige aujourd'hui, c'est aussi d'être la voix de cette majorité silencieuse qui, hier, est allée travailler. Les deux doivent être entendus parce que c'est la même France.
 
Donc en fait, vous répondez à ceux qui, hier, ont été travaillés mais à ceux qui étaient dans la rue, vous n'amenez pas de nouvelle réponse X. Bertrand.
 
Je vais même vous amener ma réponse. C'est tout simplement que dans ce plan de relance, il faut dire les choses telles qu'elles sont, il faut dire la vérité. Ce plan de relance, c'est 26 milliards d'euros dans l'économie tout de suite. C'est pour garantir l'emploi, c'est tout simplement le fait...
 
Donc ce que vous faites, votre réponse c'est de la pédagogie...
 
Non, non, ce n'est pas de la pédagogie...
 
Vous refaites de la pédagogie le lendemain mais vous n'amenez pas de nouvelles mesures ?
 
C'est du concret, c'est du concret. A savoir qu'il va y avoir à la fin du premier trimestre 200 euros qui vont être versés à 4 millions de Français pour accélérer la mise en oeuvre du Revenu de solidarité active. C'est aussi le fait que dès maintenant, chaque entreprise de moins de dix salariés qui va recruter, n'aura pas de charges à payer pour favoriser l'emploi...
 
Je vous repose la question X. Bertrand : tout ça c'était prévu dans le plan de relance, les syndicats le savaient, ils sont dans la rue quand même, hier 2,5 millions selon eux. Mais les nouvelles réponses du Gouvernement, c'est les mêmes que celles d'hier mais vous les expliquez mieux ce matin ?
 
Non, ce qui importe pour les Français, qu'on annonce les choses c'est bien, mais qu'on les mette en oeuvre c'est mieux. C'est maintenant la vocation du Gouvernement, c'est ce que P. Devedjian va mettre en oeuvre tous les jours, c'est ce que F. Fillon va annoncer...
 
Et ce n'était pas prévu ça ?
 
J'ai entendu B. Thibault ce matin sur votre antenne...
 
Répondez à cette question : est-ce que ce n'était pas prévu ce que vous allez faire, ce n'était pas prévu la semaine dernière ?
 
Qu'est-ce qui compte en politique ? C'est le concret. Et maintenant, vous le savez bien, on a été très vite, entre le moment où le plan a été annoncé et le moment où il va être appliqué, et c'est maintenant notre rôle que de l'appliquer partout en France, dans tous les départements...
 
Mais alors, qu'est-ce qu'il va leur dire N. Sarkozy aux syndicats quand il va les recevoir au mois de février, que finalement ils n'ont pas compris qu'il va faire exactement la même chose ?
 
Non, ce n'est pas ça et vous le savez bien. Je crois que c'est un débat qui est important et c'est un sujet sur lequel il ne faut pas qu'on fasse des raccourcis ou qu'on caricature. Le plan de relance, il a été salué parce que ce plan de relance vise à favoriser l'investissement et donc, l'emploi. Parce que quand on parle de pouvoir d'achat, la première des garanties du pouvoir d'achat, c'est l'emploi, qu'on garde son emploi et qu'on puisse recréer des emplois...
 
X. Bertrand, vous me dites ça à moi aujourd'hui, mais c'est aux gens qui étaient dans la rue hier qu'il faut leur dire et vous leur avez déjà dit mais ça n'a pas suffit. Je vous repose la question, vous espérez quoi ?
 
Franchement, qu'ont dit hier ceux qui ont défilé ? Que par rapport à cette crise économique, cette crise financière sans précédent, il n'était pas question qu'ils soient les variables d'ajustement. C'est le même message que nous passons et nous sommes bien évidemment aussi à leur côté pour dénoncer les responsables, vérifier aussi que plus jamais ceci ne se reproduira. Parce que quand vous avez un scandale...
 
Vous allez être très vigilants ?
 
...un scandale comme Madoff, ça a beau être aux Etats-Unis, mais ce monsieur qui vole 50 milliards d'euros, qui est l'un des responsables aussi de cette crise sociale, et que ce monsieur n'est toujours pas en prison, même si c'est aux Etats-Unis, c'est un pur scandale. Quand vous avez aussi certains qui se demandaient quand même s'ils ne devaient pas toucher leur bonus, alors même que les salariés sont inquiets ou qu'on attend justement des crédits bancaires, là vous comprenez aussi que des gens puissent être dans la rue pour protester contre ce type de situation.
 
Mais est-ce que ça, ce n'est pas finalement des gadgets ; parce que c'est à la marge, on en parle beaucoup parce que c'est voyant mais ce n'est pas ce qui va changer la situation économique du pays ?
 
Cette crise n'est pas un gadget. On a été à deux doigts de la catastrophe financière la plus terrible qui soit, à deux jours près, tout s'arrêtait. C'est l'action du Président qui a permis d'éviter cette catastrophe et aujourd'hui, ce que nous faisons, c'est d'éviter que les conséquences économiques ne frappent durement les salariés. Et une chose, encore une fois, est certaine, on ne reste pas les bras ballants et on n'est pas sourds.
 
Alors la semaine prochaine, le président de la République sera bien à la télévision, vous le confirmez ?
 
Je n'ai pas cette information...
 
Vous, vous ne le savez pas ça ?
 
Je n'ai pas cette information.
 
Vous en tout cas, vous serez à l'UMP, vous n'êtes plus au Gouvernement. L'UMP que vous appelez partout maintenant le "Mouvement populaire", vous débaptisez et vous nous dites ça, comme ça, entre les lignes ? C'est clair, ça s'appelle maintenant le "Mouvement populaire" ?
 
UMP, qu'est-ce que cela veut dire ? Union pour un Mouvement Populaire. Et nous avons bien l'intention de renforcer cet ancrage de l'UMP dans la société française...
 
En le changeant, en le débaptisant et en l'appelant "Mouvement populaire" ?
 
L'UMP, le Mouvement populaire, mais je crois...
 
Ah d'accord ! Vous gardez UMP mais vous rajoutez "Mouvement populaire" à côté ?
 
Ce n'est pas un scoop que je suis en train de vous livrer là ce matin, c'est tout simplement parce qu'aujourd'hui, nous avons vocation à être au côté de tous les Français et à l'écoute de tous les Français. Mais je n'oublie pas ces classes moyennes qui ont le sentiment depuis des années d'être les éternels oubliés. Il faut à la fois valoriser celui qui réussit, je préfère qu'il réussisse en France plutôt que de partir à l'étranger comme ça a été le cas. Mais l'attention aux plus fragiles et le soutien des classes moyennes, oui, je l'assume, c'est une priorité.
 
Donc vous ne reculez devant rien, vous nous dites ce matin, pas comme avec la réforme Darcos, par exemple, et les lycéens dans la rue ?
 
Je ne suis pas un grand marin mais je sais une chose, c'est que quand vous êtes en mer et que vous allez affronter une tempête, vous devez protéger l'équipage, les Français, vous devez penser au bateau, la France mais vous ne devez pas jeter l'ancre. On doit tenir le cap des réformes et s'assurer - et c'est la vocation d'un mouvement populaire comme le nôtre - d'être utile et d'être juste. C'est notre ligne de conduite.
 
Vous ne craignez pas une nouvelle mobilisation, une nouvelle grève ?
 
J'ai entendu encore une fois des responsables syndicaux, j'ai entendu B. Thibault sur Europe ce matin. Ce qu'il dit aussi, c'est qu'ils veulent trouver des solutions ensemble. Et quand il y aura cette rencontre avec le président de la République, ce n'est pas seulement le président et les syndicats de salariés, ce sont aussi les employeurs, pour que chacun soit en face de ses responsabilités.
 
Un mot, une date : vous n'êtes plus au Gouvernement mais on ne vous a toujours pas vu sur les bancs de l'Assemblée nationale. Vous y retournez quand ?
 
Je pense que cela se fait - c'est la Constitution qui le précisera - le 15 ou le 16 février.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 février 2009