Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à Europe 1 le 29 janvier 2009, sur la grève dans les transports, le service minimum, le droit de grève et le plan de relance basé sur l'investissement.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des Transports. Aujourd'hui, la mobilisation rime avec perturbations dans les transports ; le mouvement s'annonce très suivi. Tout d'abord, quels sont les premiers retours que vous avez ce matin ?
 
Les infos que vous donnez sur l'antenne depuis le début de la matinée sont bonnes, c'est-à-dire que sur la SNCF - les grandes lignes- on est exactement dans ce qui était prévu. Par exemple deux sur trois sur le TGV Nord, un sur deux sur le TGV Atlantique etc. Sur l'Ile-de-France, c'est mieux que prévu sur la gare de Paris Nord et sur Paris Rive gauche, c'est-à-dire la ligne C.
 
Trafic nul sur le RER B.
 
Oui, trafic nul sur le RER B et 31 % sur le RER A. La bonne nouvelle vient du métro où on est à 80 % du trafic et je voudrais dire à ceux qui nous écoutent...
 
A Paris. Parce qu'à Marseille, aucun métro ne circule.
 
Je voulais parler du métro parisien, parce que c'est mieux que prévu. Le trafic est normal sur la ligne 14 - c'est Météor, c'est normal - mais plus ensuite sur la ligne 1, 4 et 11 : trafic tout à fait normal. Donc 80 % du métro et 80 % également des bus et des tramways, pour la région parisienne. Quant aux grandes villes de France, on est dans les prévisions également.
 
Un mot pour l'avion.
 
L'avion, on a été obligés de demander aux compagnies aériennes d'annuler certains vols du fait d'une grève d'une partie des contrôleurs aériens. Donc 30 % de vols en moins à Orly, 10 % de moins à Roissy. Mais tous les vols prévus décollent depuis ce matin. Il y a parfois quelques retards de l'ordre de 30 minutes.
 
On sait que maintenant 7 Français sur 10 sont favorables à une limitation du droit de grève pour instaurer un service minimum dans les transports publics, c'est un sondage IFOP réalisé pour l'organisation libérale "Contribuables associés", ça a été publié hier. Ce service minimum, vous entendiez certainement notre reporter M. Taravan nous expliquer, puisque cela devait être aussi ça le service minimum, que l'affichage dans les grèves, c'est une catastrophe.
 
J'ai entendu cela tout à l'heure sur le quai de la gare d'Asnières.
 
Vous l'entendez dans d'autres gares aussi : mieux informer les usagers.
 
Cela on va le vérifier, mais le service minimum, je rappelle que c'est cinq choses : l'alarme social, les déclarations d'intention, la réaffectation des personnels non grévistes, un niveau de service garanti, ça, ça fonctionne. S'il y a des problèmes d'affichage, etc., ce n'est pas normal et donc on va le vérifier immédiatement.
 
La loi ne permet pas de faire circuler un minimum de trains mais d'affecter au mieux les agents non grévistes. Est-ce que c'est vraiment satisfaisant ? Il y a eu ce débat sur le service minimum, notamment avec ce qui c'est passé à Saint-Lazare, puis en ce moment - et ça date maintenant d'un mois ce qui se passe entre Nice et Monaco avec ces TER. Est-ce que vous voulez renforcer le service minimum aujourd'hui ?
 
La réponse c'est oui. Trois choses : un, on le voit dans le conflit d'aujourd'hui, le service minimum garanti fonctionne ; deux, ce qui s'est passé à Saint-Lazare avec l'utilisation des grèves de 59 minutes plus quelques autres ingrédients, ce n'est pas du tout normal et le Gouvernement l'a condamné. Trois, ce qui se passe à Nice, c'est proprement scandaleux. Un mois et demi que le travail est arrêté.
 
Mais quand vous voulez renforcer, vous voulez renforcer comment ? En réquisitionnant par exemple des grévistes ?
 
Non, non, non. Le droit de grève est un droit constitutionnel. La réquisition n'est pas dans les intentions du Gouvernement. Simplement, il y a une loi, il ne faut pas essayer de la contourner. Donc, si certains la contournent, avec B. Hortefeux nous réfléchissons actuellement à des moyens d'éviter le contournement de la loi.
 
C'est-à-dire des sanctions lourdes.
 
Non, non, non. Modifier la loi tout simplement.
 
D'accord. Ce matin, on parle de premier grand test pour N. Sarkozy et pour le Gouvernement. Est-ce que le Gouvernement est prêt à répondre aux attentes des syndicats si l'ampleur du mouvement est plus importante ou simplement importante d'ailleurs ?
 
Le président de la République l'a redit hier à l'occasion du Conseil des ministres : il est à l'écoute des Français. Et ce mouvement...
 
Ça, c'est de l'intention mais après, dans les faits ?
 
Non, ce n'est pas de l'intention. Ce mouvement social correspond à une crainte, la crainte de l'emploi, la crainte de la crise. Il y a des réponses des pouvoirs publics à la crise.
 
C'est peut-être aussi destiné directement à la politique de N. Sarkozy. Ce n'est pas simplement peut-être la peur...
 
C'est un message qui est adressé bien sûr au Gouvernement, qui est adressé aux forces politiques de la majorité comme de l'opposition et à tous les Français. Il y a une inquiétude légitime. Le plan de relance y répond, mais nous entendons bien sûr le message des Français.
 
C'est bien de l'entendre, mais après, les réponses ? Formidable ! Déjà, on sait que vous l'entendez, mais vous répondez comment ?
 
On a fait un plan de relance qui est parmi les plus importants d'Europe. Le président de la République a dit qu'il était prêt à faire d'autres choses. Il a annoncé pour l'automobile, etc. Donc le Gouvernement est à l'écoute. Cette crise elle est terrible. La réponse c'est dans la solidarité entre les Français, et qui est-ce qui organise la solidarité entre les Français ? Eh bien c'est le chef de l'Etat et le Gouvernement. Donc, bien évidemment, nous sommes en alerte.
 
Excusez-moi, c'est bien de l'entendre mais concrètement, vous allez faire quoi ? Les grévistes et les manifestants, est-ce qu'ils sont naïfs de penser par exemple qu'en pleine crise on peut augmenter leur pouvoir d'achat ?
 
La réponse de la relance par la consommation, nous avons expliqué que ce n'était pas la bonne parce qu'elle est plutôt destructrice d'emplois que créatrice d'emplois.
 
Donc, là, il n'y aura rien.
 
Aujourd'hui, l'objectif c'est de ne pas voir arriver trop de nouveaux chômeurs et d'éviter le chômage. Donc la réponse elle est par la reprise, la relance, l'investissement. Par exemple, dans mon domaine, avec le Premier ministre, dès lundi, on va décider d'un tas de nouveaux travaux de nouvelles infrastructures. Cela c'est une réponse concrète.
 
D'accord. Donc, un deuxième plan de relance, vous nous dites entre les lignes ?
 
Non, je dis simplement, par exemple dans les infrastructures, on va mettre les bouchées doubles, parce que tous les travaux qu'on fera les Français en profiteront et ce sera profitable à la reprise.
 
Justement, les bouchées doubles. Hier, la ligne A du RER, l'une des plus fréquentées au monde, est restée bloquée hier matin, en pleine heure de pointe, pendant plus de trois heures. Elle a bloqué 4.000 passagers. A l'origine de ce blocage, un rail cassé à la station Auber, le énième épisode d'une longue suite d'incidents qui affectent régulièrement cette ligne. Est-ce que c'est l'illustration justement d'un manque d'investissements dans votre secteur ?
 
Ecoutez ! Il est très certain... Alors, d'abord, sur cet incident-là et sur ses conséquences, je vois dans une demi heure le président de la RATP pour faire le point et voir ce qui s'est passé et éviter que cela se reproduise. Deuxio, c'est vrai que globalement, les pouvoirs publics, les collectivités, la région Ile-de-France, tout le monde n'a pas prévu suffisamment à temps il y a quelques années le fantastique essor des transports en commun en Ile-de-France et qu'aujourd'hui, le président de la République l'a dit à plusieurs reprises, c'est ce que nous allons faire avec le plan de C. Blanc en particulier, nous devons investir massivement en Ile-de-France. Les infrastructures et l'organisation ne répondent plus aux besoins. Nous transportons les Franciliens dans des conditions inacceptables, nous en sommes conscients...
 
En un mot, combien allez-vous mettre sur la table ?
 
Beaucoup d'argent et surtout une organisation nouvelle du fonctionnement des transports...
 
Beaucoup d'argent, ça ne veut rien dire. C'est combien beaucoup d'argent ?
 
Cela, je vous le dirai à l'issue de la réunion de Lyon, lundi, puisqu'elle est décidée à mettre tout cela en musique.
 
Merci, D. Bussereau.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 janvier 2009