Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les responsabilités de l'UMP par rapport à la crise économique et sur les objectifs d'unité, de créativité intellectuelle et de préparation aux échéances électorales auxquels doit tendre le mouvement, Paris le 24 janvier 2009.

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Circonstance : Conseil national de l'UMP à Paris le 24 janvier 2009

Texte intégral

Mes chers amis et mes chers compagnons,
Permettez-moi de vous souhaiter et de souhaiter à notre parti une très bonne année 2009.
Je souhaite à chacun d'entre vous beaucoup de bonheur et de réussite, mais surtout du courage, de la détermination et de la force de caractère pour assumer vos responsabilités politiques dans la tempête que nous traversons.
Et puisque je parle de tempête, je me permets aussi de tourner mon regard et ma pensée, et d'encourager avec vous tous nos compatriotes qui subissent en ce moment même, dans le sud de notre pays, une tempête d'une extrême gravité.
Je veux vous dire que votre soutien est une force essentielle pour gouverner.
Nous sommes plongés dans une crise économique mondiale, qui ne fait que commencer. Elle sera la plus brutale depuis près d'un siècle.
Les grandes crises ont toujours joué un rôle d'accélérateur de l'Histoire, de révélateur de l'âme des nations, comme de la stature de leurs dirigeants.
Je veux vous dire que l'homme que vous avez porté à l'Élysée est l'homme de la situation. Et je suis fier, Mesdames et Messieurs, de servir notre pays au côté de Nicolas Sarkozy !
Cette crise, comme toutes les grandes crises, va rebattre les cartes. Et quand la croissance reviendra, ne vous y trompez pas, rien ne sera plus comme avant.
Il y aura des nations perdantes et des nations gagnantes. Les perdantes seront celles qui n'auront pas pris la mesure de l'événement, qui auront choisi le court terme et la démagogie, qui se seront repliées sur elles-mêmes.
Les gagnantes seront celles qui auront fait preuve de courage et de sang-froid, qui auront agi fort et vite, celles qui auront eu l'audace de se transformer dans la crise, celles qui auront mobilisé leurs talents et leurs énergies.
Bref, les nations gagnantes seront celles qui auront pris « l'événement par la main avant qu'il ne vous saisisse par la gorge », pour reprendre l'expression de Winston Churchill.
Cette crise mondiale, il faut le reconnaître, nous ne l'avions pas prévue lorsqu'en 2006 nous avons, avec Nicolas Sarkozy, préparé notre projet politique.
Est-ce qu'elle vient pour autant contrarier notre diagnostic et rendre caduc notre projet ? Ma réponse est catégorique : c'est non !
Certes, les objectifs que nous nous sommes fixé sont bousculés, et en particulier celui, si important, du plein emploi et du retour à l'équilibre des comptes publics en 2012.
Mais je veux vous dire que le cap de la réforme est plus que jamais le bon.
Et les raisons qui justifiaient le programme de rupture, sur lequel a été élu le président de la République, n'ont pas disparu du fait de la crise. Je crois même qu'elles se sont renforcées.
Accroître l'endettement de notre pays, comme la crise économique nous y oblige, sans réformer l'État, sans repenser l'organisation de notre territoire, sans améliorer la compétitivité de notre économie, comme nous y invite l'opposition, ce serait condamner la France à porter un terrible boulet qui entraînerait inéluctablement son déclin.
Ce serait priver les générations futures des moyens de rembourser la dette que nous accumulons depuis plus de trente ans.
C'est la raison, mes chers amis, mes chers compagnons, pour laquelle nous avons choisi de relancer l'économie par l'investissement et en même temps de poursuivre notre effort de réforme.
Dès que le Parlement aura fini de régler ses questions d'organisation interne - et je me permets d'ailleurs, au passage, puisqu'il y a ici dans la salle beaucoup de responsables politiques qui siègent dans des grandes collectivités dirigées par la gauche, de leur poser, lors de la prochaine réunion du conseil général ou régional, la question de savoir quelle serait leur réaction si vous-même, dans l'opposition, vous bloquiez indéfiniment l'organisation de leurs débats, le vote de leurs budgets ou l'adoption de leurs décisions - nous allons reprendre notre effort de réforme.
Avec une réforme très importante du logement, pour construire plus de logements, et plus de logements sociaux, dans notre pays.
Avec une réforme de la gouvernance de l'hôpital et de l'articulation de l'offre de soins.
Avec la suite du Grenelle de l'environnement.
Avec une réforme, combien essentielle dans la crise que nous traversons, de la formation professionnelle.
Ou encore avec les améliorations et la modernisation tellement attendues de la justice ou de nos politiques de sécurité.
Mes chers amis,
La crise élève aussi le seuil de notre responsabilité.
Nous devons, dans cette crise, être exemplaires, parce que, quand la vie des Français est dure, leur regard sur les dirigeants politiques est encore plus exigeant.
Nous devons être courageux face à la résurgence des crispations corporatistes.
Nous devons être intègres face aux discours démagogiques, face aux fausses solutions.
Nous devons être à l'écoute et pédagogues devant les doutes et les inquiétudes de nos concitoyens.
Enfin, nous devons faire preuve d'humilité, parce que, je vous le dis, les Français attendent de nous que nous partagions leurs difficultés, que nous agissions pour les aider à les surmonter. Ils n'attendent pas de nous que nous nous mettions en scène pour valoriser des carrières dont ils n'ont rien à faire.
Nous devons, mes chers amis, être imaginatifs face aux fractures qui lézardent notre vieux monde et qui nous invitent à penser, dès à présent, la France de demain.
Nous ne devons pas être prisonniers de la pression du court terme. L'urgence de l'action ne doit pas être dissociée de la nécessité de se projeter dans l'avenir.
Ce n'est pas avec les sondages que l'on gouverne la France et c'est encore moins avec eux que l'on construit son futur !
Enfin, nous devrons rassembler la France.
Nous avons besoin, dans cette crise, du civisme et du courage de tous.
On peut être de gauche ou de droite, être salariés ou fonctionnaires, entrepreneurs ou ouvriers, et se dire que la crise mérite bien que l'on soit d'abord Français !
Français dans le même bateau, face à la même tempête, ensemble avec un gouvernement dont chacun sait qu'il donne le meilleur de ce qu'il peut, avec des moyens qui ne sont pas infinis.
J'ai vu que le Parti socialiste déposait une motion de censure contre la politique du gouvernement. C'est naturellement son droit. Mais je crois qu'il y a plus urgent à faire que d'allumer la querelle !
Les Français n'attendent pas de l'opposition qu'elle condamne l'effort du gouvernement pour relancer l'économie, mais qu'elle le soutienne en sachant faire la part des choses entre le combat électoral, le combat pour le pouvoir et la défense de l'intérêt général dans une situation d'extrême urgence, qui réclame d'abord de l'unité nationale.
Nous vivons des heures graves, et je suis convaincu que l'Histoire jugera les oppositions systématiques avec une sévérité qui sera redoublée par le poids de l'enjeu.
Naturellement, la vie de notre parti est liée à celle de notre pays.
Il y a eu la phase enthousiaste de la conquête électorale avec Nicolas Sarkozy.
Il y a eu la phase de gestion de notre victoire avec Patrick Devedjian, dont je veux saluer le travail réalisé à la tête de notre mouvement.
Et voilà que s'ouvre aujourd'hui une autre phase avec une nouvelle équipe, à laquelle j'adresse mes félicitations et mes encouragements.
Mon cher Xavier, je veux te dire combien j'ai été heureux de pouvoir te compter parmi les membres du gouvernement.
Je connais bien le ministère des Affaires sociales, et je suis fier des réformes que nous avons mises en oeuvre ensemble.
Avec Brice Hortefeux, et tous ceux qui vont tenir les rênes du mouvement, je suis convaincu que vous ferez du bon travail.
Nous avons d'autant plus besoin de vous que notre mouvement doit relever trois défis.
D'abord, faire de l'UMP le parti du rassemblement national face à la crise, et à cet égard, je veux saluer l'arrivée dans nos instances d'Éric Besson.
Par son parcours et sa sensibilité politique, Éric est naturellement différent de nous. Encore qu'il y a moins de différences entre Éric et moi qu'entre les différents courants du Parti socialiste !
Sa présence parmi nous, c'est une chance et c'est une richesse.
C'est une chance parce que notre mouvement a vocation à unir les sensibilités françaises. Et c'est une richesse, parce que, pour penser l'avenir, il faut balayer les clichés manichéens et les clivages binaires.
« Prétendre faire la France avec une fraction, c'est une erreur grave, et prétendre la représenter au nom d'une fraction, c'est une erreur nationale impardonnable », disait le général de Gaulle.
D'un côté, nous assistons au spectacle d'un Parti socialiste qui se divise, qui se recroqueville sur ses nostalgies, et, de l'autre, nous voyons l'UMP accueillir tous ceux qui veulent servir et réformer la France. C'est, croyez-moi, une force qui nous renforce.
Éric confiait hier à un journal « avoir été surpris par l'ouverture et la bienveillance de la plupart des élus UMP ». Eh bien, cet éloge est à votre honneur ou, en tout cas, à l'honneur de la plupart d'entre vous, mais il en dit aussi long sur les idées reçues et sur les stéréotypes qui obscurcissent la vision du Parti socialiste.
Le second défi que vous devez relever, c'est de refaire de l'UMP un parti d'où jaillissent les idées et les propositions.
Il n'y a pas de victoire politique sans domination intellectuelle.
En 2007, nous avons, avec Nicolas Sarkozy, battu la gauche sur son terrain de prédilection : c'est-à-dire celui des idées et celui des valeurs.
Il y a au sein de notre mouvement beaucoup de militants qui sont des experts dans leur métier, qui ont des propositions sérieuses à faire valoir, et je pense notamment aux sections professionnelles qui représentent une richesse si souvent négligée.
Nous devons continuer à être un carrefour intellectuel.
Ce travail de fond, que le mouvement doit accomplir, il doit être articulé avec celui de nos groupes parlementaires, et je sais que Jean-François Copé, comme Henri de Raincourt, ont la volonté - dans la foulée de la réforme institutionnelle, qui va accroître les pouvoirs du Parlement - de stimuler le débat et d'ouvrir des perspectives.
Notre ambition intellectuelle, mes chers amis, mes chers compagnons, doit être de tracer les contours d'un nouvel humanisme, que je ne dissocie pas d'une citoyenneté engagée, mieux encore, d'une vie engagée.
Une vie où le choix de la liberté, où le choix de la responsabilité fonde la dignité de l'homme.
Face aux risques de nivellement et de standardisation que génère la société contemporaine, face aux risques que fait courir à la société un capitalisme financier dévoyé, qui semble parfois avoir perdu tout sens moral, face au risque d'une mondialisation désincarnée, notre rôle, à nous, rassemblement populaire, c'est d'en appeler à l'honneur de vivre debout et de vivre ensemble.
André Malraux disait « On peut fabriquer des trains, des voitures, des fusées, mais la question centrale demeure la suivante : quel type d'homme on y met dedans ? ». Eh bien, ce questionnement est plus actuel que jamais.
La question de la condition humaine est naturellement politique, parce que qu'est-ce que la politique, si ce n'est la volonté d'orienter les forces de l'Histoire pour ne pas les voir déposséder l'homme et les peuples de leur libre-arbitre et de leur destin ?
Et enfin, c'est le troisième défi, vous devez faire de l'UMP le fer de lance des prochains rendez-vous électoraux.
D'abord, un mot sur les régionales. Nous avons fait le choix de la démocratie avec la désignation par les militants de nos têtes de liste. Ce choix, mes amis, nous devons l'assumer sans réserve. Nous avons suffisamment souffert, dans le passé, de l'absence de démocratie pour ne pas prendre toute la mesure de ce progrès.
Plusieurs membres du gouvernement sont engagés dans cette compétition électorale. Je veux dire qu'il n'y a rien de plus normal. Les membres du gouvernement ne sont pas des technocrates, ce sont des hommes et des femmes politiques qui savent que rien ne peut remplacer la légitimité de l'élection.
C'est donc aux militants et à personne d'autre d'arbitrer.
Mais que les choses soient claires : ce débat ne doit pas basculer dans la confrontation, il ne doit pas troubler la concentration, ni la cohérence du gouvernement, et je veux vous dire qu'avec le président de la République nous y veillerons.
Et puis, il y a les élections européennes.
Je veux adresser à toutes celles et à tous ceux qui vont mener cette campagne tous mes encouragements. Ils peuvent compter sur moi. Je m'engagerai, Michel, totalement à leurs côtés.
L'élection européenne doit être l'occasion d'élargir les horizons de notre avenir, parce qu'il faut chasser cette dangereuse tentation de repli et de frilosité qui peut saisir tout pays en crise.
On s'en souvient, il n'y a pas si longtemps, en 2005, l'Europe a profondément divisé notre pays. Mais aujourd'hui le climat a changé. Les six mois de la présidence française de l'Union ont permis de redonner ses lettres de noblesse à l'Europe politique.
Nous avons, sous l'impulsion de Brice Hortefeux, posé les bases d'une politique d'immigration maîtrisée à l'échelle de l'Europe toute entière. Finie l'Europe où chacun jouait sa partition sans se soucier de ses partenaires, finie l'Europe passoire, qui ruinait nos efforts d'intégration.
Nous avons réussi, sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo et de Nathalie Kosciusko-Morizet, à adopter une stratégie commune pour lutter contre le réchauffement climatique. Il ne faut pas s'y tromper, c'est un accord historique auquel nous sommes parvenus à Bruxelles, à la fin de l'année 2008, et c'est un accord qui va peser très lourd sur les négociations mondiales qui vont se tenir à Copenhague, à la fin de 2009.
Nous avons mis un terme au conflit entre la Russie et la Géorgie, en démontrant, par là même, que l'Europe n'était pas condamnée à l'impuissance.
Nous avons réagi plus fort et plus vite que l'Amérique ou que l'Asie pour enrayer la crise financière.
Nous avons été les premiers et, pourquoi ne pas le dire, longtemps les seuls à réclamer une réforme profonde de nos institutions financières internationales et de la gouvernance mondiale.
Cette réforme, grâce à l'engagement du président de la République, elle a débuté avec le sommet de Washington.
Elle doit maintenant déboucher sur des mesures concrètes, puisque, comme le dit un proverbe anglais - puisque c'est à Londres que se tiendra la prochaine réunion destinée à mettre en oeuvre les décisions concrètes qui vont être prises -, « les belles paroles ne beurrent pas les épinards ! »
Nous exigeons donc la régulation des hedge funds, l'harmonisation des fonds propres des banques, l'encadrement de la titrisation, la régulation des agences de notation et des pratiques de rémunération des dirigeants et, enfin, l'interdiction absolue des paradis fiscaux.
Mes chers amis, mes chers compagnons,
Durant six mois, Nicolas Sarkozy a démontré que les grands enjeux du monde exigeaient une Europe décidée et une Europe efficace. Il a démontré que l'intérêt national pouvait et devait même se confondre avec l'intérêt européen.
L'Europe ne contredit pas notre ambition nationale, mais, au contraire, elle la prolonge et elle la grandit.
Et la question n'est plus aujourd'hui de savoir si l'on est pour l'Europe des États ou si l'on est pour l'Europe intégrée. Le débat n'est plus entre les souverainistes et les fédéralistes.
Dans une Europe élargie à 27, qui peut encore brandir la menace du fédéralisme ?
L'Europe, en réalité, a besoin d'être entraînée par des nations fortes, et ces mêmes nations ont besoin d'être relayées par une Europe puissante !
Voilà la réalité. Et vous savez qu'en politique on fait avec les réalités, et non pas avec les théories.
L'UMP doit donc se donner pour objectif d'être le parti qui rassemble le camp du « oui » et le camp du « non » à l'occasion de ce rendez-vous si important que sont les élections européennes de 2009.
Il doit aborder cette campagne électorale sans craindre de défendre à haute voix la cause de l'Europe pour la France et en même temps celle de la France pour l'Europe.
Mes chers amis,
La crise nous défie. Et, plus que jamais, le président de la République et moi-même avons besoin de vous.
Je vous demande de faire bloc. Je vous demande d'éclairer, je vous demande d'accompagner, je vous demande de motiver nos concitoyens. Je vous demande de les rassembler.
Il n'y a pas un peuple de droite contre un peuple de gauche. Je ne connais qu'un seul peuple : le peuple français, capable de se rassembler lorsque les défis sont pressants et lorsque les buts sont justes.
Depuis dix-huit mois, nous avons réformé la France sans relâche. Et nous voici maintenant brutalement plongés dans une crise violente.
Dans l'épreuve, notre redressement dépendra de ce qu'il y a de plus essentiel et de ce qu'il y a de plus sacré dans cette difficile et belle entreprise : je veux parler de la fierté que nous avons ensemble de servir la France.Source http://www.u-m-p.org, le 26 janvier 2009