Interview de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, à I-télévision le 19 février 2009, sur la poursuite des négociations entre les partenaires sociaux en Guadeloupe et sur son rôle dans la gestion de la crise.

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Média : I-télévision

Texte intégral

M. Dumoret Y. Jégo, quand allez-vous retourner en Guadeloupe ?
 
Eh bien, quand ce sera nécessaire.
 
Vous estimez ce temps... nécessaire dans combien de temps ?
 
Moi, j'espère que très rapidement. Maintenant qu'il y a beaucoup de choses qui ont avancé, et après que le président de la République se sera exprimé ce soir, les deux partenaires du dernier noeud à dénouer en Guadeloupe, celui des salaires, vont pouvoir se remettre dans une salle. Dans la nuit, apparemment, il y a eu une avancée, le patronat a travaillé avec les médiateurs. Il y aurait une proposition, si j'ai entendu ce qu'a dit ce matin le Premier ministre, qui est formatée...
 
Qu'on écoutera d'ailleurs tout à l'heure, oui...
 
Je pense qu'on va trouver tout ça sur nos mails en rentrant au bureau tout à l'heure. Et j'espère qu'à partir de cette proposition... Moi, ça fait un moment que je dis : il faut qu'il y ait une proposition du patronat pour qu'elle vienne en face de la proposition des syndicats, qu'on connaît depuis longtemps, et puis, qu'il y ait un travail qui se fasse. J'espère que tout ça va avancer maintenant à un bon rythme.
 
D'ici le milieu de la semaine prochaine, on peut vous imaginer de retour en Guadeloupe ?
 
Vous savez, depuis le début, j'ai dit : je ne donne pas de calendrier, parce que si vous dites, c'est lundi soir, et que ça se passe mercredi matin, on va dire : "il s'est trompé" ou ah, "il y a du retard". Donc moi, je me suis donné beaucoup de souplesse, pas de calendrier, mais enfin, les Guadeloupéens n'en peuvent plus. On voit bien qu'il y a une violence qui est en train de prospérer sur ce sujet, qui n'est pas du tout celle du collectif, qui est une violence de rue, de jeunes qui s'emparent de ce sujet pour commettre des exactions parfaitement intolérables avec une mort d'homme, ce qui est totalement insupportable. Il faut donc maintenant que l'esprit de responsabilité triomphe et que chacun fasse vraiment un pas l'un vers l'autre.
 
Expliquez-moi quelque chose : il y a quelque temps, on a expliqué votre retour en Métropole - puisque vous étiez en train de négocier une augmentation salariale de près de 200 euros - vous êtes revenu, et on vous a dit : ce n'est pas votre rôle, ce n'est pas votre boulot, ce n'est pas aux pouvoirs publics de négocier comme ça. Or, ce matin, F. Fillon, finalement, annonce quasiment la même chose que vous aviez, vous, annoncée depuis la Guadeloupe. Ce qui est possible avec F. Fillon ne l'est pas pour vous ?
 
Je ne sais pas s'il faut présenter les choses comme ça. Moi, j'ai fait...
 
C'est ce qu'on voudrait tous comprendre...
 
Pendant mon séjour, j'ai permis de dénouer 131 problèmes sur 132. Et il restait le problème salarial. J'ai réussi, au prix d'efforts considérables, à faire que les syndicats et le patronat se mettent dans une salle, ça a duré vingt-trois heures, ils ont discuté toute la nuit, ils ont échangé entre eux des papiers, des pré-protocoles, des préaccords toute la nuit...
 
Et là, on vous a dit stop ?
 
Attendez une seconde. D'où ce fameux préaccord dont on parle, que je n'ai pas ni signé ni vu ni lu, puisqu'il était échangé entre les parties, où il y avait un préaccord avec 200 euros de salaire. Et là, le patronat s'est retourné vers moi, en disant : "ça marche si vous payez tout", ce qui posait quand même un certain nombre de problèmes. Moi, je me suis engagé, d'abord à voir le Premier ministre, d'abord à faire les efforts voulus sur les outils qui sont ceux de l'Etat, c'est-à-dire pas payer les salaires à la place du patronat, mais conforter l'économie. C'est d'ailleurs pourquoi je travaille depuis que F. Fillon m'en a donné l'autorisation à réviser les paramètres de la loi de développement économique d'Outre-mer, c'est-à-dire on soutient l'économie, et on est sur une solution où effectivement, c'est au patronat et aux syndicats de décider d'un montant. Mais ce montant, il doit être celui qui ne mettra pas les entreprises en péril. Aujourd'hui, je pense qu'on s'approche d'une solution où quand on commence à parler des 200 euros, c'est quelque chose qui rejoint ce que souhaite la population...
 
Vous n'êtes pas un peu amer ce matin finalement ? Puisque, ce que devrait annoncer N. Sarkozy, vous auriez pu le faire il y a presque une dizaine de jours. On dit là-bas aussi, sur place, que le patronat a voulu votre peau ; est-ce que c'est vrai ?
 
Vous savez, quand on est dans une situation aussi compliquée, qu'on est ministre, qu'on prend ses responsabilités et qu'on descend sur le terrain - j'y ai passé dix jours -, et qu'on est amené à constater des choses, moi, je suis plutôt un homme franc du collier, et donc à dire ce qu'on constate, un certain nombre d'exagérations, bon, on prend des coups, on prend des coups de tous côtés...
 
Exagérations de la part de qui, pour qu'on comprenne bien ?
 
 Il y a une situation de l'économie des Antilles qui est une situation qui est fondée sur l'histoire et fondée sur la géographie - ce sont des petits territoires. Il y a donc une situation de monopole, il y a beaucoup de monopoles. Et ces monopoles sont détenus par un certain nombre de pouvoirs, qui sont très visés d'ailleurs par les collectifs et les revendications. Et la situation de monopole, elle entraîne deux choses : une absence de transparence, et puis une absence de concurrence, qui fait que souvent, eh bien il y a des augmentations de prix. Alors quand vous avez les augmentations de prix dues aux matières premières, les augmentations de prix dues à l'augmentation du pétrole, plus la situation des monopoles, eh bien ça explose, c'est exactement ce qu'on est en train de faire. Qu'est-ce qu'il faut faire pour combattre ça ? Il faut avoir une politique de transparence, et puis, il faut essayer de remettre à plat la structuration de l'économie, donc s'attaquer à quelques intérêts, et effectivement, ça peut créer un certain nombre de secousses. Mais le rôle du Gouvernement, ce n'est pas de faire plaisir à une catégorie, ce n'est pas d'être partisan, c'est d'essayer de dire ce qui est l'intérêt général, c'est ce que je me suis efforcé de faire. Je rassure ceux qui nous écoutent, j'ai les épaules larges. L'important pour moi, c'est qu'on trouve la porte de sortie et qu'on la trouve vite, et je pense que les choses commencent à être sur la table pour qu'on la trouve vite.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 février 2009