Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la Commission de la Défense,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis partagé entre la déception de voir une partie de cet hémicycle pratiquement vide - merci à vous, Monsieur Janquin, d'assurer à vous seul la représentation des députés du groupe SRC - et la joie de voir, dans les yeux de la plupart d'entre vous, une certaine impatience à entendre mon intervention - quoique je me demande si cette impatience n'est pas tout simplement celle de voir la séance se terminer.
Je veux dire à M. Giscard d'Estaing qu'il se trompe lorsqu'il estime qu'au Tchad, un certain nombre de civils peuvent remplacer des militaires. Je comprends le souci d'économie qui inspire cette réflexion, mais j'insiste sur le fait que, s'il n'y avait pas eu de présence militaire au Tchad, nous y aurions déploré des attaques en permanence. Sans doute faut-il avoir rencontré ces militaires de l'EUFOR, d'une très grande compétence et fiers de l'importante mission qui leur est confiée, pour comprendre à quel point leur présence est nécessaire, comme l'a souligné Mme Hostalier ; leur efficacité est telle qu'il n'y a pas eu une seule attaque des Janjawids depuis leur arrivée sur place il y a un an. Le 15 mars, ils cèderont leur place à la mission des Nations unies, mais en tout état de cause, il est impensable de remplacer des militaires par des civils de façon permanente. Je suis, en revanche, tout à fait d'accord avec M. Giscard d'Estaing pour ce qui est de la nécessaire sincérité dans les comptes.
Si je connais le talent et la sincérité de Bernard Cazeneuve, je regrette que son intervention n'ait pas toujours reflété ces deux qualités à la fois. Hervé Morin et moi-même nous sommes exprimés devant la Commission de la Défense et la Commission des Affaires étrangères - même si je n'approuve pas forcément cette appellation. Quoi qu'il en soit, ces deux commissions ont eu l'occasion de nous entendre évoquer à maintes reprises - sans doute des dizaines de fois - les sujets dont nous débattons aujourd'hui, et je ne m'explique pas que M. Cazeneuve puisse aujourd'hui prétendre ne pas s'en souvenir.
Je ne m'explique pas davantage le procès d'intention qui nous est fait aujourd'hui à propos d'une augmentation de nos troupes en Afghanistan.
Oui, mais vous vous trompez : nous n'avons nullement l'intention d'envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan. Quelle que soit la continuité de la politique entre la présidence de M. Bush et celle de M. Obama, notre propre souci de continuité nous a conduits à renforcer nos troupes afin de continuer à garantir notre efficacité sur le terrain, mais je peux vous garantir qu'il n'est absolument pas question d'aller plus loin pour le moment. Je vous le dis en toute sincérité : vous vous trompez si vous pensez le contraire.
M. Cazeneuve a également évoqué les accords de défense. Certes, ces accords existent et, en effet, il arrive que nous soyons amenés à les mettre en application, comme cela a été le cas au Tchad. Cela étant, je précise que les accords de défense vont tous être remis en question, ainsi que le maintien de nos bases en Afrique. Pour cela, des discussions seront engagées avec les gouvernements concernés et, comme l'a dit le président de la République, le statut de chacun de ces accords et de ces bases peut se trouver soumis à des modifications.
En ce qui concerne la RCA, je veux dire à M. Lecoq que le déploiement de l'EUFOR a pour but de protéger les populations, ce en quoi il a réussi. En l'absence de cette force réunissant dix-sept nations européennes, la protection des personnes déplacées n'aurait pu être assurée. Quand, au mois de mars, l'EUFOR quittera la région pour céder la place à la MINURCAT II, pratiquement la moitié des personnes déplacées seront de retour chez elles. Cette opération européenne ayant mobilisé 10.000 soldats constitue un très bel exemple de progrès vers l'Europe de la défense, et un beau succès.
Pour ce qui est de la Françafrique, tous les acteurs changent, en Afrique comme en Europe. Dommage que M. Lecoq, lui, ne change pas d'opinion et s'obstine à regarder les choses à travers le filtre du passé ! M. Myard a raison de souligner que ce serait faire preuve de naïveté que de ne pas prendre conscience des changements qui sont intervenus dans notre relation avec l'Afrique. Toutefois, ceux qui seraient tentés d'établir un lien de cause à effet entre ces changements et ceux récemment intervenus au sein du gouvernement français feraient fausse route.
Je suis d'accord avec M. Folliot pour considérer que le critère budgétaire et financier ne saurait être le seul à prendre en considération pour prendre position sur nos opérations extérieures. Ce critère ne doit cependant pas être écarté, bien au contraire. En dépit des efforts et des progrès accomplis dans ce domaine, il reste difficile de prévoir avec exactitude la quantité d'hommes et de matériels nous allons devoir mettre à disposition, par exemple, des Nations unies dans le cadre d'un mandat - ce que nous sommes toujours fiers de faire -, ainsi que le degré d'implication politique qui sera attendu de la part de notre pays. Il y a deux types d'opérations, celles accomplies par une force de l'ONU et celles accomplies dans le cadre d'un mandat de l'ONU. Toutes les opérations dont nous avons parlé sont sous mandat de l'ONU, à l'exception de l'opération Epervier.
Pour répondre à M. le président Poniatowski et à M. Candelier, il n'existe actuellement aucun accord pour la mise à disposition d'une force internationale auprès des habitants de Gaza, de l'Egypte et d'Israël. Personne ne le souhaite : les Egyptiens ne veulent pas d'une force étrangère sur leur territoire, les Israéliens non plus. Nous avons proposé à maintes reprises - depuis juillet 2007, à Portoroz, en Slovénie - de réfléchir à la question. Nous avons fait savoir que nous étions disposés à répondre à un éventuel appel de l'ONU, mais en l'absence d'une demande que nous ne pouvons, hélas, pas forcer, il est pour le moment impossible de faire intervenir une force efficace entre les Israéliens, les Egyptiens et les Palestiniens de Gaza.
Monsieur Poniatowski, vous avez évoqué tout à fait légitimement un contexte juridique précis, et je dois dire que l'idée d'un triangle institutionnel associant l'Organisation des Nations unies, l'OTAN et l'Union européenne, me plaît beaucoup. Les opérations du Kosovo et de l'Afghanistan répondent d'ailleurs exactement à cette définition, ce dont nous pouvons être fiers. Afin de n'offenser personne, je m'abstiendrai de désigner un point précis du globe et une force étrangère à l'oeuvre dans la région concernée, mais force est de constater que lorsque l'Union européenne n'intervient pas, son absence se fait cruellement sentir !
Vous vous doutez bien, Monsieur Poniatowski, que je ne contredirai pas l'idée selon laquelle la France a une responsabilité humanitaire à assumer. Il est tout à fait légitime que cette responsabilité, que bien peu d'autres pays peuvent assumer, soit régulièrement invoquée. Comme l'a dit Mme Hostalier, notre intervention au Tchad a permis d'épargner les populations - et il en sera ainsi jusqu'à ce que nous cédions la place à la MINURCAT II, le 15 mars prochain.
Vous avez abordé le problème de l'OTAN. Comme l'a clairement affirmé le président de la République, toute décision se prendra de manière à préserver pleinement notre souveraineté, notre liberté d'appréciation et de décision. Comme vous le savez, l'unanimité est requise pour les décisions prises au sein de l'OTAN, et chaque pays peut décider de participer ou non à une mission. Ce n'est pas en renforçant notre politique de défense européenne que nous serons en mauvaise position par rapport à l'OTAN, au contraire : l'idée est d'européaniser l'OTAN, qui compte déjà en son sein 21 Etats membres de l'Union européenne, et non pas d'affaiblir notre influence. Nous n'avons peut-être pas encore obtenu tout ce que nous voulions s'agissant de la capacité de planification et de conduite de l'Union européenne, mais nous allons continuer. Il faudrait, en plus du SHAPE de Bruxelles, un centre de planification et de direction de la force européenne, et j'espère que nous l'obtiendrons au plus vite.
Monsieur Teissier, vous estimez qu'une réduction d'effectifs de la FINUL serait nécessaire. En réalité, il convient de tenir compte du contexte.
Certes, mais les événements de Gaza nous ont fait prendre conscience de manière accrue de la formidable utilité de la FINUL. Les tirs de roquettes et les derniers incidents du Sud-Liban n'ont pu que nous confirmer dans la conviction qu'il fallait continuer cette présence, étant entendu que toute évaluation se fera au nom des autorités libanaises.
Monsieur Janquin, il y a longtemps que nos troupes ont été retirées de la frontière entre Djibouti et l'Erythrée. Après un petit mouvement, elles sont de nouveau stationnées à Djibouti, il n'y a donc pas lieu d'en parler ici, car le Parlement n'a pas à se prononcer sur de simples déplacements à l'intérieur d'un pays.
S'agissant de l'Afghanistan, vous avez voté en septembre. Toute évolution de notre dispositif relève d'une décision du président de la République.
Au Kosovo, nous avons déjà ramené notre présence de 2.500 à 1.800 hommes, et il n'est pas impossible que nous procédions à de nouvelles réductions d'effectifs.
Au Tchad, vous prétendez que notre politique effraie nos partenaires européens. Je ne le pense pas. Ils sont tous enthousiastes, au contraire, de la participation européenne. Certains pays, qui regrettent de n'avoir pas été là, sont même prêts à une avancée - il me semble pouvoir le dire pour deux d'entre eux au moins. Dix-sept nations sont déjà présentes sur place, ce qui n'est pas si mal. Par ailleurs, il serait certes préférable d'avoir un centre de décision à Bruxelles, mais - je le dis aussi pour M. Poniatowski - nous avons prêté notre centre du Mont-Valérien et tout s'est déroulé pour le mieux. En tout cas pour les populations, ce qui était l'objectif. Vous le savez, il y a une grande différence entre les réfugiés et les personnes déplacées, qui devraient être assistées par le pays concerné, ce que ne faisait pas le Tchad.
Vous parlez enfin de soutien aux dictatures. Non ! Tous les pays que nous soutenons ne sont pas dans ce cas et, d'autre part, il se trouve que dans les pays où les élections se sont déroulées dans des conditions discutables, la situation n'est pas toujours sûre et qu'il n'est précisément pas inutile, dès lors, d'y intervenir. Vous auriez dû aussi, parlant de la Côte d'Ivoire, apporter plus de nuances à votre propos. Il y a eu là-bas des élections, et pas forcément dans des conditions regrettables. Je déplore donc votre position sur le Tchad et la Côte d'Ivoire.
Monsieur de Rugy, nous ne sommes pas à la remorque des Etats-Unis ! Comment pouvez-vous affirmer de telles choses ?
Nous sommes en train de prouver le contraire à Bucarest ! Combien de démonstrations nous faudra-t-il encore faire pour vous convaincre ?
Par ailleurs, je répète que 90 % des opérations s'effectuent sous mandat de l'ONU.
Si M. Myard était encore là, je lui dirais que son analyse m'a plu, une fois n'est pas coutume. Je partage ses regrets concernant la diminution d'un tiers des crédits de la coopération militaire. Cette décision a été imposée par la réduction de la dépense publique, mais j'espère que nous pourrons rapidement corriger cela !
Madame Hostalier, je vous ai déjà remerciée plusieurs fois pour avoir parlé du Darfour et de la résolution 1778 en des termes éloquents. Vous avez exprimé ce que nous voulions faire. Rappelez-vous, Mesdames et Messieurs les Députés, la façon dont a été accueillie l'idée d'une force d'interposition ! Tantôt l'on nous a accusés de soutenir le président Déby, tantôt l'on a argué qu'il fallait l'intervention des forces onusiennes, mais elles ne sont pas venues !
Cela ne nous a pas empêchés de mener à bien cette opération, alors que nous n'étions que d'un seul côté de la frontière, sans aucune force au Soudan, à propos duquel je partage votre inquiétude. Bien sûr, c'est en sécurisant la frontière de part et d'autre qu'il est possible de garantir la sécurité des habitants du Darfour, où aucun réfugié n'est encore rentré à l'heure actuelle.
Je dirai à Christian Ménard que sa démonstration sur le Kosovo était parfaite. Si tout n'est pas réglé, la situation s'est quand même améliorée ! Et nous devons continuer dans les mois et les semaines à venir, notamment avec l'EULEX.
Monsieur Beaudouin, nous avons milité pour le retrait des forces israéliennes hors du Liban, en particulier des fermes de Chebaa. C'était le sens de la résolution des Nations unies, mais pour cela, il faut des partenaires, car nous ne pouvons décider seuls. Quant à la FINUL, je rappelle que c'est aussi une idée française.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 janvier 2009