Texte intégral
Cher Amis, Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je préside ce déjeuner en votre honneur à l'occasion de la présentation de vos travaux, comme me l'a proposé mon ami Bernard Kouchner. Son agenda ne lui a malheureusement pas permis d'être là. Il le regrette vivement. D'autant qu'il vous avait reçu ici comme à Bethlehem avec plaisir et suit avec grand intérêt vos réflexions.
Je suis très heureuse d'être présente. Au titre de mes compétences en matière de prospective et de développement de l'économie numérique bien sûr. Mais aussi de mon action en faveur du projet Red-Dead et de l'aménagement de la vallée du Jourdain sur laquelle vous avez travaillé, comme de mon rôle en faveur de l'Union pour la Méditerranée, autre projet sur lequel vous vous êtes penchés. Et enfin, de ma passion pour cette région.
Je voudrais saluer le professeur Gilbert Benayoun, Il sait mobiliser, malgré les obstacles, les énergies de chacun et continue coûte que coûte ses efforts. Il est un artisan de la paix.
La guerre à Gaza, cette ''guerre inutile'', comme l'a dit le président de la République, ses victimes et ses familles marquées à jamais, comme ces tirs de roquettes contre les civils israéliens ou la poursuite du blocus de Gaza nous rappellent l'obligation que nous avons de trouver une solution durable pour la coexistence des peuples. Les peuples palestinien et israélien ne peuvent revivre dans six mois une nouvelle déflagration à Gaza et dans le sud d'Israël. De même, le maintien des restrictions à la circulation et la poursuite de la colonisation en Cisjordanie doivent nous inciter à agir immédiatement.
Il y a urgence à trouver une solution durable. Comme le président de la République l'a signalé à Charm el-Cheikh, 2009 doit être l'année de la paix. Le statu quo n'est pas tenable. Il est donc nécessaire de bousculer les habitudes et les frilosités pour régler un conflit dont les paramètres du règlement sont connus.
Pourquoi ne voulons-nous pas attendre que toutes les conditions soient réunies ? Parce qu'elles ne le seront jamais. Nous sommes lassés des processus interminables, nous voulons que soient traitées les questions de fond et que chacun puisse enfin respirer la paix.
La France a décidé depuis plusieurs années de soutenir le Groupe d'Aix et d'investir dans ce think tank au service de la paix. Jean-Pierre Jouyet, alors secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, avait participé fin 2007 à la clôture de la phase III de vos travaux.
Depuis, nous suivons et encourageons avec attention vos activités car nous sommes convaincus que le fait de trouver, comme le fait le Groupe d'Aix, des solutions concrètes aux problèmes les plus complexes, permet de libérer la décision politique. Les dirigeants israéliens et palestiniens s'apercevront que ce qui paraissait insurmontable n'est pas si difficile. On emprunte plus facilement un chemin déjà balisé.
C'est de la rencontre de votre approche - celle du temps long de l'analyse, de la réflexion et des propositions - avec notre approche - celle du temps court de l'action politique - que peuvent émerger des pistes de solution.
Mon principal message aux membres du Groupe d'Aix est donc simple : je veux vous dire l'importance à mes yeux, aux yeux de la France, de vos travaux. Vous pouvez, de temps à autre et en particulier dans la période que nous venons de traverser, être découragés. Qui ne le serait pas ? Pourtant je vous le dis avec toute ma conviction : votre travail est essentiel, il est ce sur quoi s'appuiera tout accord de paix.
Un mot sur chacun des grands axes que vous avez choisi de traiter:
- sur le développement économique de la vallée du Jourdain : la vallée du Jourdain a un immense potentiel, je partage votre constat. Elle peut et doit être mise en valeur. La levée des ''check points'' est pour cela une priorité. Les investissements devront être massifs. La communauté internationale doit se tenir prête. Les infrastructures doivent favoriser les déplacements et les échanges, des hommes et des idées, et j'insiste donc, vous le comprendrez aisément, sur l'importance dans ce domaine des infrastructures de communication et le développement du numérique.
- sur les réfugiés : aborder la dimension économique du règlement de la question ne consiste évidemment pas à oublier la dimension politique ni la mémoire, qui est centrale. Toute solution devra être juste et agrée.
- sur le lien territorial Gaza-Cisjordanie : cette question est centrale, parce qu'elle conditionne la viabilité du futur Etat palestinien. Je le dis, je le répète, un Etat palestinien ne peut se concevoir sans Gaza. Il faut penser dès aujourd'hui ce lien Cisjordanie-Gaza pour prévoir et faciliter les flux d'hommes, de services et de biens.
- sur l'Union Pour la Méditerranée : la volonté de coopération régionale profitera à tous. Israël et la Palestine ont une place de choix au sein du secrétariat général de l'UPM. Au-delà du symbole, cette enceinte nous projette dans le futur - que j'espère imminent - d'une coopération apaisée entre Etats voisins du Proche-Orient.
- enfin, sur l'enjeu global ("big picture"), vous nous incitez à réfléchir sur la solution qui se dessine : solution des deux Etats ou Etat binational ? Evidemment, de mon point de vue, cette question ne devrait pas être à l'ordre du jour. C'est la négation même des principes sur lesquels repose la création d'Israël. C'est la poursuite effrénée de la colonisation qui lui redonne une actualité dangereuse. La France continue de penser que la création d'un Etat palestinien viable est la voie pour le droit à l'autodétermination des Palestiniens et la meilleure garantie pour la sécurité d'Israël. C'est pourquoi, parallèlement au processus politique, nous avons contribué depuis la conférence de Paris pour l'Etat palestinien à poser les bases de ce futur Etat. Naturellement, cet Etat devra faire plus que coexister avec Israël. L'un et l'autre devront coopérer car ils seront intrinsèquement liés.
Je sais que le Groupe d'Aix va continuer à travailler sur l'initiative arabe de paix. Cela me paraît indispensable. Nous pensons que cette main tendue historique du monde arabe - une offre de paix globale avec Israël en échange de l'évacuation des territoires occupés et de l'émergence d'un Etat palestinien - est une opportunité à ne pas manquer. Il sera utile pour tous les acteurs de la région que vous puissiez rendre visibles les gains à attendre, en termes de prospérité partagée et d'échanges, de la mise en oeuvre de cette initiative.
La France vous remercie de votre travail et vous encourage à poursuivre vos efforts pour fournir des outils grâce auxquels les gens raisonnables parviendront finalement à s'entendre, grâce auxquels la paix sera un espoir concret pour les peuples, pas seulement un slogan brandi dans les discours. Vous pouvez compter sur le plein soutien de la France et de mon appui personnel, dans cette démarche.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2009
C'est avec grand plaisir que je préside ce déjeuner en votre honneur à l'occasion de la présentation de vos travaux, comme me l'a proposé mon ami Bernard Kouchner. Son agenda ne lui a malheureusement pas permis d'être là. Il le regrette vivement. D'autant qu'il vous avait reçu ici comme à Bethlehem avec plaisir et suit avec grand intérêt vos réflexions.
Je suis très heureuse d'être présente. Au titre de mes compétences en matière de prospective et de développement de l'économie numérique bien sûr. Mais aussi de mon action en faveur du projet Red-Dead et de l'aménagement de la vallée du Jourdain sur laquelle vous avez travaillé, comme de mon rôle en faveur de l'Union pour la Méditerranée, autre projet sur lequel vous vous êtes penchés. Et enfin, de ma passion pour cette région.
Je voudrais saluer le professeur Gilbert Benayoun, Il sait mobiliser, malgré les obstacles, les énergies de chacun et continue coûte que coûte ses efforts. Il est un artisan de la paix.
La guerre à Gaza, cette ''guerre inutile'', comme l'a dit le président de la République, ses victimes et ses familles marquées à jamais, comme ces tirs de roquettes contre les civils israéliens ou la poursuite du blocus de Gaza nous rappellent l'obligation que nous avons de trouver une solution durable pour la coexistence des peuples. Les peuples palestinien et israélien ne peuvent revivre dans six mois une nouvelle déflagration à Gaza et dans le sud d'Israël. De même, le maintien des restrictions à la circulation et la poursuite de la colonisation en Cisjordanie doivent nous inciter à agir immédiatement.
Il y a urgence à trouver une solution durable. Comme le président de la République l'a signalé à Charm el-Cheikh, 2009 doit être l'année de la paix. Le statu quo n'est pas tenable. Il est donc nécessaire de bousculer les habitudes et les frilosités pour régler un conflit dont les paramètres du règlement sont connus.
Pourquoi ne voulons-nous pas attendre que toutes les conditions soient réunies ? Parce qu'elles ne le seront jamais. Nous sommes lassés des processus interminables, nous voulons que soient traitées les questions de fond et que chacun puisse enfin respirer la paix.
La France a décidé depuis plusieurs années de soutenir le Groupe d'Aix et d'investir dans ce think tank au service de la paix. Jean-Pierre Jouyet, alors secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, avait participé fin 2007 à la clôture de la phase III de vos travaux.
Depuis, nous suivons et encourageons avec attention vos activités car nous sommes convaincus que le fait de trouver, comme le fait le Groupe d'Aix, des solutions concrètes aux problèmes les plus complexes, permet de libérer la décision politique. Les dirigeants israéliens et palestiniens s'apercevront que ce qui paraissait insurmontable n'est pas si difficile. On emprunte plus facilement un chemin déjà balisé.
C'est de la rencontre de votre approche - celle du temps long de l'analyse, de la réflexion et des propositions - avec notre approche - celle du temps court de l'action politique - que peuvent émerger des pistes de solution.
Mon principal message aux membres du Groupe d'Aix est donc simple : je veux vous dire l'importance à mes yeux, aux yeux de la France, de vos travaux. Vous pouvez, de temps à autre et en particulier dans la période que nous venons de traverser, être découragés. Qui ne le serait pas ? Pourtant je vous le dis avec toute ma conviction : votre travail est essentiel, il est ce sur quoi s'appuiera tout accord de paix.
Un mot sur chacun des grands axes que vous avez choisi de traiter:
- sur le développement économique de la vallée du Jourdain : la vallée du Jourdain a un immense potentiel, je partage votre constat. Elle peut et doit être mise en valeur. La levée des ''check points'' est pour cela une priorité. Les investissements devront être massifs. La communauté internationale doit se tenir prête. Les infrastructures doivent favoriser les déplacements et les échanges, des hommes et des idées, et j'insiste donc, vous le comprendrez aisément, sur l'importance dans ce domaine des infrastructures de communication et le développement du numérique.
- sur les réfugiés : aborder la dimension économique du règlement de la question ne consiste évidemment pas à oublier la dimension politique ni la mémoire, qui est centrale. Toute solution devra être juste et agrée.
- sur le lien territorial Gaza-Cisjordanie : cette question est centrale, parce qu'elle conditionne la viabilité du futur Etat palestinien. Je le dis, je le répète, un Etat palestinien ne peut se concevoir sans Gaza. Il faut penser dès aujourd'hui ce lien Cisjordanie-Gaza pour prévoir et faciliter les flux d'hommes, de services et de biens.
- sur l'Union Pour la Méditerranée : la volonté de coopération régionale profitera à tous. Israël et la Palestine ont une place de choix au sein du secrétariat général de l'UPM. Au-delà du symbole, cette enceinte nous projette dans le futur - que j'espère imminent - d'une coopération apaisée entre Etats voisins du Proche-Orient.
- enfin, sur l'enjeu global ("big picture"), vous nous incitez à réfléchir sur la solution qui se dessine : solution des deux Etats ou Etat binational ? Evidemment, de mon point de vue, cette question ne devrait pas être à l'ordre du jour. C'est la négation même des principes sur lesquels repose la création d'Israël. C'est la poursuite effrénée de la colonisation qui lui redonne une actualité dangereuse. La France continue de penser que la création d'un Etat palestinien viable est la voie pour le droit à l'autodétermination des Palestiniens et la meilleure garantie pour la sécurité d'Israël. C'est pourquoi, parallèlement au processus politique, nous avons contribué depuis la conférence de Paris pour l'Etat palestinien à poser les bases de ce futur Etat. Naturellement, cet Etat devra faire plus que coexister avec Israël. L'un et l'autre devront coopérer car ils seront intrinsèquement liés.
Je sais que le Groupe d'Aix va continuer à travailler sur l'initiative arabe de paix. Cela me paraît indispensable. Nous pensons que cette main tendue historique du monde arabe - une offre de paix globale avec Israël en échange de l'évacuation des territoires occupés et de l'émergence d'un Etat palestinien - est une opportunité à ne pas manquer. Il sera utile pour tous les acteurs de la région que vous puissiez rendre visibles les gains à attendre, en termes de prospérité partagée et d'échanges, de la mise en oeuvre de cette initiative.
La France vous remercie de votre travail et vous encourage à poursuivre vos efforts pour fournir des outils grâce auxquels les gens raisonnables parviendront finalement à s'entendre, grâce auxquels la paix sera un espoir concret pour les peuples, pas seulement un slogan brandi dans les discours. Vous pouvez compter sur le plein soutien de la France et de mon appui personnel, dans cette démarche.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2009