Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à I-télévision le 3 avril 2009, sur le résultat de la réunion du G20 pour la relance de l'économie internationale.

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Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazin.- Notre invité politique ce matin, c'est P. Devedjian. Bonjour. Ministre en charge de la Relance, vous avez suivi le G20 de très près, vous y avez collaboré, en tout cas, à sa préparation. Tout le monde s'est séparé sur une divine surprise, c'est "tout le monde il est beau, tout le monde il est content", ce matin.
 
Non, enfin, tout le monde a pris la mesure de la gravité et de la crise économique mondiale et tous les grands pays, les pays du G20, 80 % du PIB mondial, ont pris les mesures qui étaient nécessaires et qui sont de nature à créer de l'optimisme, et c'est de l'optimisme qu'il faut d'abord pour reprendre la crise.
 
Donc, vous partagez cette euphorie générale manifestée, hier, par le Président Sarkozy aussi, d'ailleurs, d'une certaine manière.
 
Ce n'est pas une euphorie, c'est un optimisme très raisonnable. On a pris les mesures qu'il fallait. Si ça c'était passé comme ça pendant la crise de 29, il ne se serait pas produit la catastrophe qu'on a connue à l'époque. Donc, on a pris les bonnes mesures, le monde entier s'est mis d'accord sur des mesures de régulation, sur des mesures de relance, et finalement regardez ce qui se passe avec les Bourses, les Bourses du monde entier, évidemment, sont... elles sont euphoriques. Et ça veut dire quoi, au-delà des spéculateurs qui évidemment jouent leur rôle ? Mais ça veut dire que les acteurs économiques croient à la relance, croient à la croissance, dans le monde entier.
 
Ça veut dire aussi, le fait que vous citiez les Bourses, que rien n'a changé et que l'économie mondiale est toujours indexée sur la confiance ou la méfiance de la Bourse, non ?
 
Ah mais, vous avez découvert la lune, là, alors là !
 
Oui, de temps en temps, ça m'arrive parce que je me lève tôt !
 
Ben oui, ben écoute, bien sûr ! L'économie...
 
... oui, la Bourse reste LE critère ?
 
Non, un indicateur. Un indicateur de la mentalité des acteurs économiques. Qu'est-ce qu'ils veulent, est-ce qu'ils vont investir, est-ce qu'ils vont mettre de l'argent dans l'économie ou est-ce qu'ils vont être récessifs, moroses et cesser d'investir et créer du chômage ? Là, ils vont créer de l'emploi les acteurs de l'économie, ils vont investir.
 
On remet mille milliards.
 
Oui, et puis d'autres derrière.
 
Et d'autres derrière. Au niveau mondial, finalement, on est plus dépensier qu'on ne l'est au niveau français.
 
Nous sommes nous aussi très dépensiers. Ecoutez, généralement, on se fait attraper pour notre endettement et notre déficit.
 
C'est vrai ?
 
Aujourd'hui, vous allez nous trouver modestes.
 
C'est vrai que la planche à billets américaine, par exemple, fonctionne plus vite que la nôtre.
 
Mais heureusement.
 
C'est peut-être bien, mais on voit bien qu'au niveau du G20, ça ne s'est pas passé comme ça.
 
Je pense d'ailleurs que le laxisme monétaire américain a été une des causes de la crise. Cela dit, quand on est dans la crise, il faut en sortir. Moi, je dis que quand il y a le feu à la maison, on ne chipote pas sur la facture d'eau. Donc, là, ce n'est pas le moment, effectivement ce qu'il faut c'est créer de l'emploi.
 
Une question MSN qu'on pose tous les jours, c'est la question qu'on posait évidemment ce matin à nos téléspectateurs : « Est-ce que vous êtes convaincu ou pas par ce que vous venez de voir au G20 ? », c'est plutôt « pas ». C'est-à-dire que visiblement le sentiment c'est que ça ne changera pas la réalité, notamment sociale de notre pays. Il y aura encore du chômage le mois prochain, le mois d'après et le mois d'après, toujours plus, en tout cas cette année.
 
Sauf qu'on a engagé une action pour la croissance, voilà, et donc il y aura moins de chômage...
 
... mais ça ne paiera pas tout de suite. Ça paiera quand ?
 
Il y aura moins de chômage qu'il... imaginez une seconde que le sentiment général ait été que les mesures étaient factices, qu'il ne se soit rien passé au G20, ou même qu'on se soit quitté sur un désaccord, vous auriez vu le pessimisme mondial se déclencher. On aurait stigmatisé l'irresponsabilité des dirigeants mondiaux de la politique. Donc, c'est exactement le contraire qui s'est passé, c'est-à-dire qu'on est dans un processus qui va créer de l'emploi. Vous avez raison, le chômage on n'est pas sorti de l'auberge, mais on a pris les bonnes mesures pour réduire le chômage et pour créer de l'emploi. Ca, c'est bien !
 
Sur le fond, c'est une victoire française ?
 
En tous les cas, c'est une victoire...
 
... de N. Sarkozy même, pour être plus précis ?
 
Oui, c'est une victoire dans laquelle N. Sarkozy a pris un rôle prépondérant. Ce n'est pas de la propagande de dire ça. Premièrement, le G20 est né à l'initiative de la France, on se souvient que c'est d'abord pendant la vacance politique américaine que N. Sarkozy a entamé le processus à 4, à 5, progressivement, un peu par un effet d'accumulation des dirigeants mondiaux, qui a conduit au Sommet de Londres en accord avec G. Brown. La France a su trouver... parce que G. Brown aussi a été très bon. Il y en a deux qui ont été très bons dans cette affaire, de mon point de vue : c'est d'abord le président de la République française parce qu'il a pris l'initiative, il était à la tête de l'Europe à ce moment-là, il avait donc le poids politique international pour le faire, et avec G. Brown ils ont immédiatement compris tous les deux ce qui était l'essentiel. Ensuite, la France s'est bien entendue avec l'Allemagne, après des démarrages un peu difficiles. Donc, premièrement, c'est la France, et parce qu'elle présidait l'Europe, qui est à l'initiative du G20. Deuxièmement, en ce qui concerne les mesures, la France s'est constamment battue, le président de la République s'est constamment battu et ça été jusqu'au dernier moment une vraie discussion.
 
Quitte à faire du théâtre, un peu de théâtre, à faire monter la tension avant ? C'est un reproche qui lui a été fait : « De gaulle aux petits pieds » a dit P. Moscovici, ici.
 
Oui, mais, vous savez, le Parti socialiste, là, pour « les petits pieds », là, c'est les petits petons, je veux dire. On n'en est plus là. D'ailleurs, c'est idiot de le regarder en terme idéologique parce que dans les dirigeants mondiaux, il y a la gauche, la droite, il y a des socialistes, il y a des libéraux, il y a tout le monde. Et tout le monde s'est mis d'accord au-delà de ses petites divergences. Donc, régler les petits comptes nationaux à cette occasion, c'est minable.
 
Donc, cette tactique qui a consisté à un moment à créer une pression, à créer une tension publique, a payée ?
 
Sarkozy a su faire de la politique, oui, et il a dit, et je crois qu'il avait raison, que la France et l'Europe - et il n'y avait pas que la France d'ailleurs parce qu'on avait un accord avec les Allemands - que si on n'avait pas les mesures de régulation, les Américains par leur culture aussi étaient très tièdes sur des mesures de régulation, et par exemple le collège mondial des superviseurs pour les banques internationales, les mesures de régulation, n'ont pas été aussi évidentes que ça à obtenir. Or, elles sont capitales pour rétablir la confiance et pour faire fonctionner convenablement.
 
Ca été, N. Sarkozy, l' "énergiseur", le catalyseur d'énergie ? Comment vous diriez ce matin ?
 
Je pense qu'il a été aussi un grand diplomate dans cette affaire, c'est-à-dire qu'il a su... ah oui, c'était déjà très habile de fédérer en même temps la Grande-Bretagne et l'Allemagne, c'était très habile de mettre Lula dans son jeu, très habile parce que ça nous a ouvert aussi sur les pays en difficulté, les pays les plus en difficulté, et puis d'arriver à une position commune, de mettre la Chine qui était aussi sur le secret bancaire très réservée, de mettre la Chine et finalement en même temps on a retrouvé une bonne entente avec la Chine, et c'était l'occasion de le faire. B. Obama a joué un rôle très important naturellement. Mais si l'Europe n'avait pas présenté un front uni, alors les Etats-Unis auraient sans doute imposé leur volonté. Et quand on a interrogé B. Obama sur les mesures qui ont été prises, il a dit « c'est des compromis ». Cela veut dire que - et c'est pour tout le monde d'ailleurs des compromis - ça veut dire que les Etats-Unis ont dû accepter pour la première fois que l'organisation mondiale du capitalisme soit vue aussi, pas seulement, mais aussi du côté européen.
 
Donc, Obama a joué son rôle, mais Sarkozy qui a cassé la baraque. On reste là, on marque une petite pause pour le rappel des titres et puis c'est le zapping qui suit.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 avril 2009