Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, J.-F. Copé . Avant d'entrer dans le vif du sujet, ce sondage Ifop-Paris Match, publié aujourd'hui. J. Chirac est devenu la personnalité politique qui recueille le plus d'opinions positives en France : 74%. Vous avez été son ministre pendant cinq ans, de2002-2007. Existe-t-il, aujourd'hui, une nostalgie Chirac ?
Ah peut-être ! En tout cas, ce sondage montre qu'il est resté très populaire, qu'il a même gagné un peu en popularité. C'est aussi le cours de la vie politique : lorsqu'on n'est pas directement dans l'action, qu'on l'a marquée comme cela a été le cas du Président Chirac pendant toutes ces années, bien sûr qu'il y a sans doute un peu de nostalgie par rapport à ça des Français vis-à-vis...
Cela veut dire que les Français sont un peu las de la rupture ?
Non, je crois qu'il ne faut pas tirer de conclusions particulières par rapport à ce qu'on vit aujourd'hui. D'ailleurs, vous le savez très bien ; mais qu'il y ait un coefficient de sympathie très fort des Français à l'égard du Président Chirac, ça je crois qu'on le voit tous les jours en en parlant avec eux.
Quinze députés UMP sur 317 étaient dans l'hémicycle, jeudi, au moment du vote de la loi sanctionnant le téléchargement illégal sur Internet. La loi a donc été rejetée. "Des amateurs !", a tranché le président de la République. Avez-vous pris pour vous cette sentence présidentielle ?
D'abord, je ne l'ai pas entendue. Elle a été rapportée. Moi, je n'ai pas eu l'occasion de parler avec lui précisément de ça... Donc, je ne peux pas...
Vous n'avez pas parlé de cela avec le Président de la République ?
Non, j'ai parlé avec son secrétaire général longuement. Moi, je lui ai surtout dit ce que je proposais de faire pour très vite remettre ce texte à l'ordre du jour et puis qu'effectivement, il soit adopté rapidement...
Vous n'avez plus de dialogue avec le président de la République ?
Si, je vous rassure. Je dialogue très souvent avec lui ; mais là je n'ai pas parlé avec lui.
Depuis cinq jours ?
Ecoutez, si je l'avais fait, je vous l'aurais dit, mais je ne vais pas non plus vous apporter une discussion qui n'a pas eu lieu.
Il n'a pas reconnu votre portable peut-être ?
... Cela dit, allons si vous le voulez bien sur l'essentiel. Je vais vous dire ce que j'ai pensé de tout ça. J'étais furax, voilà. J'étais furax, d'abord, contre moi-même par défaut de vigilance.
Pourquoi ?
Moi, je vais vous dire, j'ai pour habitude d'assumer comme un grand les problèmes quand j'ai une responsabilité. Qu'est-ce qui s'est passé ce jour-là ? La presse l'a largement relaté. Un mauvais petit coup de l'opposition qui a consisté...
Mais non, il n'y avait pas assez de députés UMP, c'est ça, le problème. L'opposition, il y en avait plus. Ils ont bien joué. Ils ont bien joué !
Oui, hé oh ! Nous étions majoritaires toute la matinée... Dans les trois minutes donc qui ont été au vote...
Vous étiez quinze...
... Oui, mais ils étaient huit, vous savez ça ?
Oui.
On raconte l'histoire jusqu'au bout....
Oui, mais vous n'étiez que 15 sur 317.
Oui, c'est exact. Mais vous savez, il y a aussi une habitude de travail parlementaire. Malheureusement pour des raisons qui tiennent à un fonctionnement qu'il faut revoir de fond en comble, les procédures sont tellement longues et tellement lourdes que lorsque l'on est dans la dernière ligne droite d'un texte où il n'y a plus d'aspérités, où il s'agit juste après une deuxième lecture où tout le monde s'est mis d'accord de voter, on a quelques députés d'un côté et de l'autre qui finalisent ce texte pendant la demi-heure qui précède la fin de la matinée. C'est exactement ce qui s'est passé...
Et vous-même vous n'étiez pas dans l'hémicycle ?
Mais bien sûr que non ! J.-M. Ayrault, non plus.
Et pourquoi ?
Ecoutez, moi je vais vous dire : j'étais dans mon bureau. Je n'étais pas très loin. Moi, mais je vais vous dire : j'étais dans mon bureau, je n'étais pas très loin.
Et pas dans l'hémicycle, vous vous rendez compte ? Vous étiez dans votre bureau, et pas dans l'hémicycle !
Mais... Jean-Michel Aphatie, comme vous êtes journaliste politique, vous savez comment tout ça fonctionne, c'est bien de le raconter aux gens.
Mais ça fonctionne mal ! On ne le dit pas assez souvent : mal !
Attendez... Je finis. Juste une chose. Attendez, que ça... Je viens de vous dire, à l'instant, que je trouvais que ce fonctionnement était à revoir complètement. Donc, je suis à l'aise pour vous le dire. Simplement, ne faisons pas semblant, vous et moi, de ne pas dire aux auditeurs de RTL et aux gens que ça intéresse comment ça fonctionne. On sait tous très bien qu'il faut revoir le travail des parlementaires mais qu'en même temps, le député, aujourd'hui, il est -pour partie de la semaine- dans sa circonscription, qu'il soit d'ailleurs au cumul de mandat ou pas ; et l'autre moitié de la semaine : à l'Assemblée. Quel est mon problème aujourd'hui ? Et c'est pour ça que je vais réunir mes amis députés très, très vite pour parler avec eux... C'est que compte tenu qu'il faut complètement revoir notre fonctionnement, il faut que les députés que nous sommes, soient dans leur circonscription le vendredi, samedi, dimanche, lundi ; et à Paris : le mardi, mercredi, jeudi. Et nous allons, compte tenu de nos nouvelles responsabilités qui vont être effectives dans quelques semaines, réorganiser le travail en conséquence.
R. Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, confessait, lundi dans Le Monde : "J'ai songé à démissionner". Avez-vous songé à démissionner ?
Non parce qu'on ne fait pas tout à fait le même métier, lui et moi. D'ailleurs, moi je l'ai eu longuement au téléphone ; lui pour le coup et je lui ai vivement recommandé de continuer de faire son travail du moins, en tout cas, tant que le Président de la République le souhaitait puisque lui est nommé par le Président de la République. Moi, je suis élu par mes amis députés ; mais qu'en tout état de cause, il n'y avait qu'un seul responsable, c'était moi. Donc, il ne fallait pas...
Et quelles conséquences vous en tirez ?
Eh bien, c'est que je vais en parler avec mes amis députés. Et je vais leur dire quoi ? Je vais leur dire : maintenant, il faut qu'on change complètement nos méthodes de travail. Il faut, premièrement, qu'on soit présent du mardi matin au jeudi soir dans l'Assemblée, pas forcément dans l'hémicycle parce que comme vous ne le dites pas (je le dis) : on est beaucoup dans les commissions, on est beaucoup à rencontrer un certain nombre de personnalités durant nos trois jours à Paris. Mais ça doit être aussi l'occasion de se dire : désormais, avec la nouvelle Constitution, et c'est bien ce que je raconte dans le livre que je sors dans quelques jours où je dénonce tout ça en long et en large. Ca, vous en aurez alors, pour le coup, autant que vous voudrez... Et vous verrez à cette occasion que je raconte dans le détail tous ces dysfonctionnements du quotidien qui permettent à ceux qui n'aiment pas les parlementaires et à ceux qui n'aiment pas la République d'en dire beaucoup de mal.
Quand un fonctionnaire de police fait une faute, il est démissionné. On dit : "c'est ça, la responsabilité". Quand il se passe un bug au Parlement, voilà il n'y a pas de responsables ?
Ne dites pas ça puisque depuis tout à l'heure, je vous dis que j'en assume la responsabilité.
Mais quelles conséquences a le fait que vous en assumez la responsabilité ?
Mais je vais vous dire : assumer la responsabilité, cela ne veut pas dire quitter son poste. Je ne veux pas croire que vous, journaliste, vous ayez toujours dit à 100% des choses dont vous étiez à 100% sûr. Je n'ai pas souvenir que vous ayez démissionné. Et c'est heureux pour les auditeurs de RTL et pour moi qui ai le plaisir de vous parler, le matin ! (...) En revanche, ce qui est vrai c'est que moi j'ai rectifié et je rectifie le tir parce que c'est ma responsabilité. Ce n'est pas régler le problème que de partir. C'est régler le problème de trouver des solutions. Et la solution très concrète c'est que nous allons à partir de la dernière semaine d'avril, à notre retour de session, nous mettre au travail pour qu'il y ait une présence organisée face, effectivement, à une opposition qui est un peu meilleure à faire ce genre de petits coups qu'à proposer autre chose. Mon regret, c'est que les socialistes aient choisi ce texte à taper ; parce que ce texte, c'est une manière de préserver nos artistes et que c'était vraiment, il y avait bien d'autres sur lesquels on pouvait nous piéger que celui-là.
Le 15 mai 2008, il y a un an dans le journal Le Parisien, après le rejet - déjà - d'un texte sur les OGM, - P. Méhaignerie, député UMP : "Je regrette que de nombreux députés UMP ne mettent jamais les pieds à l'Assemblée nationale". B. Apparu, député UMP de la Marne : "Il faut prendre des sanctions financières contre les députés absents". Il y a un an. Rien n'a changé ! Rien !
Vous avez raison. Oui vous avez raison, mais pas depuis un an ! Cela fait très longtemps que ça n'a pas changé. Donc, oui. Mais je vais vous dire : c'est en ça que j'ai dit, et que moi-même j'ai dit : "il faut qu'on voit sans tabou toutes les pistes, y compris les sanctions financières".
Et là, il y aura des choses qui vont changer ? Vous vous y engagez, J.-F. Copé ?
Ecoutez je m'y engage d'autant plus que je n'ai pas le choix ; et personne n'a le choix.
Pourquoi vous n'avez pas le choix ?
Tout simplement parce que, quand on a un engagement vis-à-vis de nos électeurs, quand on a un engagement majoritaire, il faut l'assumer jusqu'au bout. Et j'ajoute d'ailleurs que le prétexte qui consisterait à dire que c'est parce qu'on n'est pas d'accord avec ce texte n'est pas le bon. Sur les OGM, il y avait désaccord. Il y avait désaccord au sein du Gouvernement, il y avait désaccord au sein de la majorité. Pas sur celui-là. Qu'il y ait des voix discordantes, c'est la vérité ; mais il y en a toujours. Et moi, je veille à ce que les voix discordantes de mon groupe puissent s'exprimer. Elles étaient très minoritaires et n'expliquent en rien que nous ayons été battus. Donc, il n'y aura pas de deuxième fois ou en tous les cas, on va prendre les mesures pour qu'il n'y en ait pas. Vous savez, un coup de pied au derrière fait toujours avancer !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 avril 2009