Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense et président du Nouveau Centre, dans "France Soir" du 14 mai 2009, sur la campagne du Nouveau Centre, au sein de la majorité, pour les élections européennes et sur son opinion sur la carrière politique de F. Bayrou.

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Média : France soir

Texte intégral

- Vous lancez samedi la campagne du Nouveau Centre lors d'un meeting à Annecy. Quel message entendez-vous porter lors de ce scrutin ?
Un message simple: on a aujourd'hui besoin d'Europe. Face à la crise, dans un monde où émergent de grandes puissances telles que la Chine ou l'Inde, il nous faut une Union Européenne qui ne soit plus seulement un marché commun, mais une vraie puissance politique. Nous devons prendre conscience que nous avons, sur le Vieux Continent, le plus beau modèle de la planète, celui qui concilie le mieux économie de marché et solidarités. Soyons donc ambitieux et conquérants, proposons notre modèle au monde !
- La campagne semble davantage animée par des débats de politiques intérieurs que sur l'Europe...
François Bayrou et le Parti socialiste préfèrent attaquer le bilan de Nicolas Sarkozy que de parler d'Europe. Malheureusement, comme à chaque fois lors des campagnes européennes, c'est la politique nationale qui prend le dessus. C'est pourquoi, le Nouveau centre propose, pour échapper à cette malédiction, que l'ensemble des Européens votent à l'avenir sur des listes européennes communes à tous les pays qui représenteraient chacune les grandes familles politiques de notre continent. Il y aurait par exemple la liste des socio-démocrates, des libéraux, des verts... et les Européens détermineront ainsi à travers l'élection une politique pour l'Europe comme on le fait pour les élections nationales.
- Le Nouveau Centre a obtenu trois places éligibles sur les listes de la majorité. Pourquoi n'avez-vous pas constitué de listes autonomes ?
La tentation était grande de défendre nos convictions européennes sur des listes autonomes. Mais compte tenu de la crise économique et sociale, il fallait avant tout présenter une majorité unie et rassemblée alors que l'opposition mène une campagne d'antisarkozysme virulente.
- Cela ne révèle pas aussi les difficultés de votre parti à exister dans l'opinion où son image n'est pas clairement identifiée ?
Il est évident qu'il faut être plus visible politiquement. Mais je refuse pour cela d'entrer dans le jeu des petites phrases et des petits coups médiatiques. Je souhaite au contraire inscrire le Nouveau Centre dans la durée, en défendant une nouvelle façon de faire de la politique: privilégier le programme, les idées et lancer une nouvelle génération de jeunes élus, comme avait su le faire Giscard en 1978. D'ailleurs, le futur plus jeune député européen, Damien Abad, en deuxième position sur la liste du Sud-Est est Nouveau Centre. En 18 mois, nous avons déjà réuni 10.000 militants. Le mouvement des jeunes du Nouveau centre compte 1 300 adhérents. Notre parti peut également se féliciter d'avoir 23 députés, 10 sénateurs, 3 000 élus locaux... Notre objectif est de reconstruire un réseau d'élus, comparable à celui de l'UDF autrefois, et se de mettre en ordre de bataille pour les combats électoraux de 2012.
- Le Nouveau Centre peut apparaître parfois comme le supplétif de l'UMP. Quels sont les thèmes sur lesquels vous vous démarquez ?
Nous entendons incarner la sensibilité de centre-droit qui était autrefois celle de l'UDF, et que le Modem a abandonné en passant à gauche. Concernant nos projets, nous allons bientôt présenter par exemple un Habeus Corpus numérique, pour définir les libertés fondamentales sur le net, qui est à la fois un espace de très grande liberté et un endroit qui peut porter atteinte aux libertés, avec le piratage, la robotisation, la commercialisation de votre profil à votre insu... Demain (aujourd'hui, ndr), nous organisons aussi un carrefour des centres sur le surendettement. Nous voulons que les ménages soient mieux protégés contre un drame qui peut les conduire dans la spirale de la pauvreté. Nous avons déposé une proposition de loi pour obliger les organismes de crédit à consulter un répertoire national du crédit, avant d'accorder tout prêt. Ce répertoire permettrait de rendre ces organismes responsables des prêts accordés en leur faisant assumer le risque financier en cas d'insolvabilité des emprunteurs, s'ils n'ont pas consulté le fichier et procédé à un véritable examen de l'endettement de chaque ménage.
- Vous évoquez le Modem de François Bayrou. Comment analysez-vous le parcours de votre ancien leader depuis l'élection présidentielle de 2007 ?
Son parcours est exactement celui que je lui avais prédit au moment de notre rupture. Lors de l'entre deux tours, je lui avais conseillé d'aller jusqu'au bout de sa démarche en signant un accord avec le PS. Il n'était sans doute pas encore mûr. Aujourd'hui, sa mutation est faite. Il a rejoint la gauche, avec sa démarche d'opposition systématique à Nicolas Sarkozy. Il fait le constat qu'il n'a pas les moyens de remporter la primaire à droite, ce qui était la stratégie de Giscard, et s'est donc lancé dans une primaire à gauche avec le PS.
- Mais comment expliquez-vous qu'il ait réussi à s'imposer comme un opposant sérieux à Nicolas Sarkozy pour 2012, alors qu'il a perdu un grand nombre d'élus ?
A mes yeux, les sondages d'aujourd'hui sur l'élection présidentielle de 2012 sont aussi significatifs que les prédictions météo pour cette date. Les Français sont peut-être séduits par l'idée de sa candidature. Mais dans trois ans, il se retrouvera confronté à la difficulté qu'il a déjà connu en 2007. Lorsque les sondages l'ont donné au coude à coude avec Ségolène Royal au premier tour, les Français se sont posés une seule question : avec quelle majorité et quelle équipe gouvernera-t-il ? Personne n'était capable de répondre... pas même François Bayrou. En 2012 ce sera pire, puisqu'il n'a aujourd'hui plus personne avec lui.
- Dans la perspective d'un second tour, il semble malgré tout beaucoup plus dangereux pour Nicolas Sarkozy qu'un candidat socialiste. Or le PS souffre pour le moment de l'absence de vrai candidat pour 2012...
Trois ans, c'est long, et nul ne sait ce qui se passera d'ici là. Qui aurait cru en 2004, que Ségolène Royal serait la candidate socialiste en 2007 ? Pour le moment François Bayrou profite de la faiblesse de Ségolène Royal. Mais on voit que Martine Aubry s'installe progressivement dans le paysage. Dans 18 mois, on reparlera de tout cela différemment...

source http://www.le-nouveaucentre.org, le 14 mai 2009