Texte intégral
Il y a deux sujets dont je souhaiterais vous parler ce matin. Et l'un d'une manière beaucoup plus développée encore que l'autre, c'est celui sur les conclusions, les enseignements que nous pouvons tirer du rapport de Jean-Philippe Cotis. Et sachez d'emblée que 80 % du débat du Conseil exécutif hier a été consacré aux conclusions du rapport Cotis. Donc je vais également consacrer beaucoup de temps dans la conférence de presse sur ce point.
* Comité des Sages
Auparavant, je voudrais vous dire quelques mots du Comité des Sages puisque nous n'avons pas eu l'occasion de nous voir depuis la création du Comité des Sages. Alors, vous savez que nous avons annoncé il y a quelques jours déjà la création de ce comité qui a pour mission de contribuer à la bonne application des principes essentiels du Code Afep-MEDEF en matière de rémunération des dirigeants mandataires sociaux, et en particulier pour les dirigeants qui dirigent des entreprises qui, soit sont victimes de plans sociaux, soit on été amenés à mettre en oeuvre du chômage partiel.
Le point important sur lequel je souhaiterais faire un commentaire ce matin, c'est évidemment la nomination de Claude Bébéar comme président du Comité du Sages. J'ai envie de vous dire en quelques mots pourquoi je suis tout simplement très contente que Claude Bébéar ait accepté, d'emblée je dois le préciser, de présider le Comité des Sages. A mes yeux, Claude Bébéar a été, dans le domaine de l'éthique, un précurseur. Et vous savez que, pour moi, l'éthique est essentielle. Je pense d'ailleurs que l'éthique est la grande affaire de mon mandat. Ce qui est apparu d'une manière très claire, notamment au cours des récentes années, c'est la volonté de Claude Bébéar d'être un modérateur. Un modérateur, pas simplement sur la question des rémunérations, un modérateur des cupidités possibles. Il a utilisé le mot plus d'une fois, je l'utilise aussi, et en cela nous nous rejoignons, lui et moi totalement. Il a fait plusieurs mises en garde publiques, je peux vous dire aussi privées. C'est donc quelqu'un que j'ai toujours considéré comme un allié et qui a toujours rejoint mes propres positions très novatrices et d'ailleurs parfois critiquées dans certains lieux patronaux, que j'ai pu avoir dans ce domaine. Ce qu'apporte en plus Claude Bébéar, c'est la passion. Comme tout ce qu'il fait, il le fait avec passion et je pense qu'il apportera cela aussi dans la conduite de ce Comité des Sages. Et finalement, ce que j'attends de ce Comité des Sages présidé par Claude Bébéar, c'est d'être un modérateur avec passion. Comme je vous l'ai dit, Claude Bébéar a accueilli notre proposition, puisqu'elle était commune à Jean-Martin Folz et à moi-même, sans hésitation. C'est dire à quel point il est prêt à s'engager. Et pour lui, c'est un engagement qui, comme tous ses engagements, comme un grand projet. Donc, il s'agit, à partir de ce comité, de faire des choses qui seront utiles à l'ensemble du capitalisme français.
Nous avons très récemment encore travaillé ensemble sur la finalisation de la composition de ce comité, sur son mode de fonctionnement. Je ne vous en dirais pas plus aujourd'hui, simplement je peux vous confirmer que Claude Bébéar prendra la parole au plus tard dans la semaine du 25 mai. S'il n'y avait pas le Pont de l'Ascension, ce serait peut-être dès la semaine prochaine, mais compte tenu des contraintes liées à l'Ascension, ce n'est pas tout-à-fait certain. Mais en tout cas, la communication publique de Claude Bébéar sur le mode de fonctionnement du comité et sa composition définitive va se faire vraiment très rapidement.
* Rapport Cotis
Abordons si vous le voulez bien, le vaste sujet - et très intéressant sujet - du partage de la valeur, des rémunérations et des écarts de rémunération et de la distribution du profit tel que cela a été abordé dans le rapport Cotis.
Premièrement, je tiens à vous rappeler que cette idée d'un examen de la situation qui devrait aboutir à un diagnostic partagé est une idée que nous avons proposée au gouvernement. C'est vraiment à notre initiative que cette démarche a été entamée. Dans la lettre que le Président de la République a adressée à Jean-Philippe Cotis, celui-ci rappelle à quel point c'est un diagnostic partagé de la situation sur le partage de la valeur, la distribution des profits et des écarts de rémunération que le comité Cotis doit aboutir. Nous, nous avons participé activement à ce comité et nous avons le sentiment que nous sommes effectivement arrivés, avec le directeur général de l'Insee et les représentants des organisations syndicales présentes, à un diagnostic partagé. Ce qui est désormais nécessaire, c'est que ce diagnostic soit le plus connu possible et soit le plus approprié possible par tous les acteurs et si possible par le grand public. Je crois que plus nous seront nombreux à intégrer, à assimiler, les conclusions du rapport Cotis, le mieux ça sera pour tous les débats qui vont intervenir dans les semaines, les mois et les années qui vont venir sur les questions sociales et économiques.
Je souhaiterais vous présenter les choses en deux temps. Vous dire quels sont, selon les faits, les chiffres, les comparaisons qui nous semblent les plus intéressantes à mettre en valeur et qui sont dans le rapport Cotis. Et puis, ensuite, je vous dirais, dans un deuxième temps, les enseignements, les conclusions, voire les recommandations que nous en tirons.
Alors, premièrement, les points les plus remarquables. Pour faciliter la compréhension, je vais vous montrer quelques tableaux.
Graphique 1 (Le partage de la valeur ajoutée en France)
On va tout d'abord parler du partage de la valeur ajoutée en temps que telle. Vous connaissez désormais assez bien ce graphique qui montre, c'est ça le point le plus remarquable que, depuis la fin des années 80, dans la valeur ajoutée, la répartition entre la masse salariale et le reste est particulièrement stable. C'est le plateau que l'on voit ici.
Graphique 2 (Partage de la valeur ajoutée : comparaisons internationales)
Mais, ce qui est surtout intéressant, c'est de faire la comparaison avec les principaux pays du monde occidental. Et là, on voit deux choses tout-à-fait intéressantes. Premièrement, que nous sommes le seul pays sur les 20 à 25 dernières années à avoir une telle stabilité dans le partage de la valeur ajoutée. Cela veut dire que la part consacrée aux salaires est restée toujours au même niveau dans cette valeur ajoutée. Alors que dans la plupart des autres pays membres de l'OCDE, il y a eu des fluctuations tout-à-fait importantes. Partout ailleurs, ça bouge. Chez nous, ça ne bouge pas. Vous voyez par exemple la courbe rouge, c'est la Suède. Vous voyez qu'il y a beaucoup de fluctuations, pendant que nous - c'est la courbe bleue -, nous sommes parfaitement stables. Mais l'autre chose tout-à-fait importante à dire, je ne le commente pour le moment, mais simplement, il faut l'avoir en tête, c'est la comparaison entre la France et l'Allemagne. Et vous voyez que, en Allemagne, il y a eu une déformation dans la valeur ajoutée tout-à-fait importante, au détriment des salaires, au détriment de la masse salariale, au détriment des salariés. Voici la courbe allemande avec, au cours de ces dernières années en particulier, une chute tout-à-fait significative. Encore une fois, pendant cette même période, la France est stable. Et cet écart représente près de 8 points. Près de 8 points, encore une fois au détriment des salariés ou de la masse salariale en Allemagne.
Donc il y a, pour résumer sur ce point, une spécificité française qui est la stabilité de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Il n'y a eu aucune déformation au détriment des salaires.
Voilà ce que l'on peut dire d'important, selon nous, sur la valeur ajoutée.
Graphique 3 (Progression importante des prélèvements sociaux sur les salaires)
Abordons la question des salaires, des rémunérations en soi. Avant même de commenter ce tableau, ce qui est tout-à-fait intéressant dans le rapport Cotis, et pas très heureux, il n'y a pas de quoi s'en vanter, c'est que l'on voit qu'en gros, depuis le début des années 80, la progression moyenne annuelle des salaires nets est de 1 %. Depuis 1983, en gros, le salaire net progresse en moyenne de 1%. C'est peu. Il n'y a pas de quoi être pleinement satisfait de cette progression qui est objectivement molle. D'autant plus que si on regarde sur d'autres périodes, la progression annuelle moyenne du salaire net a été supérieure à 3,5 % à 4 %, notamment sur toute la période des années 60 jusqu'au début des années 70. Quelle est la différence entre ces deux périodes ? Il y a deux différences importantes. La première, c'est que sur la deuxième période, celle à partir des années 80, nous avons une croissance générale de l'économie, soit atone, soit irrégulière, en tout cas qui manque de force, qui manque d'intensité, qui manque de régularité. Alors que dans la période des années 60 jusqu'au début des années 70, on a une croissance forte. Je vous rappelle même que les taux de croissance, à certains moments, au taux de croissance des Etats-Unis. Qu'est-ce que cela veut dire ? Ce que dit d'une manière très claire le rapport Cotis, c'est qu'il y a une corrélation forte entre le dynamisme des salaires, donc la progression des salaires, notamment des salaires nets, et la croissance. C'est un point qu'il ne faut jamais oublier. Mais le deuxième facteur qui explique la faible progression des salaires nets, c'est ce tableau qui montre à quel point, pendant toutes ces périodes, les prélèvements sociaux ont, alors est-ce que je dois dire pesé sur les salaires, peut-être que c'est un mauvais parti pris d'utiliser ce mot, mais en tout cas, ont certainement amputé une part du salaire net. Et on voit qu'il y a eu deux temps. Il y a eu un premier temps où ce sont les cotisations sociales employeurs, c'est toute la première partie de la courbe supérieure - là vous avez les cotisations sociales employeurs, ici les cotisations sociales salariés - jusqu'à peu près la fin des années 80, vous avez ici une progression assez significative des cotisations employeurs qui pèsent sur l'ensemble, et puis, à partir de là, une accélération incroyable du poids des cotisations sur la part employés. Donc, la faible évolution, le faible dynamisme du salaire net s'explique notamment par ce facteur qui est celui des cotisations sociales, soit employeurs soit employés. Quand je dis cela, il n'y a aucun jugement de valeur dans mon propos, c'est un constat. Parce que l'on peu très bien dire que cela veut dire que pendant cette période, nous avons construit collectivement, nous nous sommes dotés d'un système de protection sociale particulièrement solide, particulièrement important. Mais il faut savoir que cela a été finalement le grand chantier de ces 20 ou 30 dernières années. La question que l'on doit simplement se poser c'est : de ce chantier-là, est-ce qu'il y a encore des choses à améliorer, à changer et surtout, est-ce qu'il n'y a pas d'autres chantiers désormais à construire puisque nous avons bâti, c'est fait, ce système-là.
Graphique 4 (Ecarts de rémunération- Diminution des écarts de rémunération entre le premier et le dernier décile, tassement plus net dans le bas de la distribution des salaires)
Je finis sur les rémunérations pour la question des écarts de rémunération. Question qui a déjà été pas mal commentée ces derniers temps. Alors, quand on travaille avec les statisticiens sur les écarts de rémunération, il y a quelques termes particuliers à mémoriser, ou quelques indicateurs à apprendre, à maitriser, et notamment, il y a un indicateur qu'on appelle D9/D1 qui est tout-à-fait important. Alors, de quoi s'agit-il ? On va le dire d'une manière très simple : c'est qu'est-ce qu'il se passe quand on regarde l'évolution des 10 % des salaires les plus élevés par rapport à l'évolution des 10 % des salaires les moins élevés. Ce que l'on appelle D9/D1, c'est cela : D9, c'est le 9ème décile sur D1, le 1er décile. Donc, cette évolution, elle est tout-à-fait intéressante à regarder - nous sommes ici sur la situation purement française, après on regardera la comparaison - et nous voyons la chose suivante : en réalité, le ratio qui permet de montrer l'écart entre les 10 % les plus élevés et les 10 % les plus faibles, ce ratio est aujourd'hui en France de 3 et même, on a plutôt tendance à être en dessous de 3 depuis quelques années. Donc, les 10 % des salaires les plus élevés sont 3 fois supérieurs aux 10 % des salaires les plus faibles. Mais surtout, vous voyez l'évolution de la courbe : cet écart a plutôt tendance à diminuer. C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu un agrandissement des inégalités, il y a plutôt eu un resserrement. Et ça, c'est tout-à-fait impressionnant si, en plus on compare à d'autres pays.
Graphique 5 (Ecarts de rémunération - Le resserrement des rémunérations en France est totalement atypique au sein de l'OCDE)
Le gros trait noir, au milieu, c'est la moyenne des pays de l'OCDE. Et là, cette courbe montre l'accroissement dans ce fameux rapport entre le D9 et le D1. Cette grosse courbe noire ne cesse d'augmenter, cela veut dire que dans la moyenne de l'OCDE, l'écart entre les 10 % des salaires les plus élevés et les 10 % des salaires les plus faibles, n'a cessé de grandir. Alors que, en France, et c'est la course bleue en pointillé, l'écart a adopté une baisse tendancielle.
Graphique 6 (Ecarts de rémunération - Le rapport D9/D1 se situe en France à un faible niveau au sein des pays de l'OCDE)
Si je regarde les choses, non pas en tendance, mais en niveau, vous voyez ici, je ne commente pas dans le détail, mais aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne, et au bas du graphique, vous êtes sur la France, dans cet écart des salaires entre les plus élevés et les moins élevés.
Graphique 7 (Ecarts de rémunération - Une faible disparité des taux de croissance des salaires entre les différents déciles de rémunération)
Beaucoup - et c'est là le nouveau terme de vocabulaire que tout le monde a appris ces derniers temps - ont dit : mais il y a quelque chose de particulier si au sein des 10 % des plus élevés, on regarde notamment le 0,1 %. Ce que les statisticiens appellent le milile. Sur ces deux histogrammes, vous avez l'évolution des salaires des 0,1 % les plus élevés. Alors, en clair, 0,1 %, cela concerne 13 000 personnes. Cela veut dire que là, on rentre dans un focus, je n'ai pas la liste des 13 000 personnes, mais enfin, on n'a même plus besoin d'une loupe. Qu'est-ce qui est important à regarder ? C'est vrai, sur ce groupe là de 0,1 %, l'évolution de 1996 à 2001 des salaires a été beaucoup plus forte que sur toutes les autres groupes de la population. Beaucoup plus forte, mais là, on est à 3 %. Alors, que, effectivement, ici, on est plutôt dans du 1 %. Mais la chose importante à savoir, c'est que de 2001 à 2006, on est revenu à quelque chose déjà d'un peu plus raisonnable, à 2 %. Et puis, surtout, si vous regardez le groupe précédent, qui est le 1 %, ça c'est le centile, le dernier centile, là, on est absolument dans la moyenne du reste des catégories. Donc, nous, nous disons la chose suivante : très bien, ce groupe-là a eu une croissance de son salaire net plus élevé que les autres. Mais, nous ne sommes pas du tout certains que ce groupe nous concerne en particulier. C'est le rapport Cotis, lui-même, qui évoque le poids, dans ces groupes, par exemple des sportifs. Pas une catégorie même de sportifs en particulier, mais le poids des sportifs. Et ce qui a été identifié, c'est que dans ce groupe, le milile et les 13 000 personnes concernés, 15 % sont des dirigeants d'entreprise. Donc, le reste, c'est une autre problématique. Et puis il y a une autre chose qu'il faut dire. Ce ne sont pas forcément toujours les mêmes personnes au même moment. Il y a des mobilités. Peut-être pas assez d'ailleurs. Ca, c'est quelque chose sur lequel on pourrait s'interroger. Il y a des mobilités. Au total, je pense qu'il faut, dans la statistique, rester dans les faits significatifs majoritaires. Je pense qu'il y a une forme de déformation à vouloir s'intéresser vraiment de manière très concentrée sur le 0,1 %. Moi, ce qui m'intéresse beaucoup plus, c'est comment d'une manière générale, on booste tous les autres. Je vais y revenir tout-à-l'heure. Comment on crée, en un mot, un dynamisme salarial, beaucoup plus fort et pour tout le monde. Ca, c'était le point sur les salaires.
Maintenant, je termine rapidement, par un point sur le profit et notamment sur la distribution des dividendes. Là, je voudrais attirer votre attention sur une chose. Vous le savez, si on regarde les profits jusqu'à 2007, c'est une chose, si on les regarde sur 2008, c'est déjà totalement différent puisqu'on a une chute forte des profits et quand on les regardera sur 2009, ce sera pire encore. Mais la question qui est à mes yeux importante, et je trouve que là, le rapport Cotis apporte des informations qui n'ont jamais été dites jusqu'alors, c'est : qui distribue des dividendes ? Ce n'est pas simplement combien, etc. C'est qui distribue les dividendes ? Moi, je vous propose de noter trois chiffres qui me semblent tout-à-fait intéressants. 84 % des PME ne distribuent pas de dividendes. 70 % des entreprises de taille intermédiaire ne distribuent pas de dividendes. Et 59 % des très grandes entreprises ne distribuent pas de dividendes. Cela veut dire que les dividendes dont on parle quand régulièrement on fait les additions spectaculaires qui impressionnent, ce sont essentiellement les dividendes de nos très grandes entreprises cotées au CAC 40 ou une large partie aussi cotées au SBF 120, c'est-à-dire que ce sont les dividendes de nos champions du monde. Donc, des dividendes qui sont le fruit, suivant les entreprises, à 60 %, 70 %, voire pour certaines d'entre elles à 80 %, du travail qu'elles font hors de France. Et pourtant, des dividendes qui sont versés en France et qui profitent à la collectivité nationale, notamment par l'impôt qui les frappe. Et je crois que ça, c'est un point très important, c'est qui distribue les dividendes. Il faut bien mesurer que dans les PME ou les entreprises de taille intermédiaire, seule une petite minorité distribue des dividendes. Qu'est-ce que cela veut dire ? Il y a plusieurs raisons pour lesquelles on peut ne pas distribuer des dividendes. Le rapport Cotis ne nous donne pas toutes les clefs. Et moi, je pense qu'il faut continuer à travailler là-dessus, continuer à creuser le pourquoi, finalement, le taux de distribution n'est pas plus élevé dans ces petites et moyennes entreprises, et même jusqu'aux entreprises de taille intermédiaire. Mais une des raisons, on la connait, c'est que les rentabilités sont bien souvent trop faibles. Une des raisons, c'est qu'il y a beaucoup d'entreprises qui ne gagnent pas d'argent. Et ceci est d'autant plus vrai que l'on a assisté depuis quelques années à une chute des taux de marge. Et vous savez peut-être que, vendredi, se réunit la commission des Comptes de la Nation qui va annoncer une chute très significative des taux de marge des entreprises françaises. (cf le graphique 10 - partage de la valeur ajoutée : l'approche par les taux de marge). Si on regarde la courbe rouge de ce graphique, on voit la chute qui est annoncée déjà par les Comptes de la Nation sur la période récente, sur les deux dernières années.
Alors, voilà le constat et les faits qui nous semblent tout-à-fait importants. Maintenant, ce qui est plus intéressant encore, c'est quels enseignements nous tirons de tout cela. Je vais vous liste une petite série d'enseignements très simples et je pense assez importants.
Premier enseignement : la croissance est la clef. C'est la clef du dynamisme salarial, c'est la clef du dynamisme de la rentabilité des entreprises, c'est la clef pour espérer que plus de petites et moyennes entreprises fassent du profit, car il faut en faire, il ne faut pas avoir peur de ce mot, c'est une condition de survie. Mais, si la croissance est la clef, il n'est pas question de penser la croissance avec les schémas d'hier. Et ce que nous, nous disons, c'est que nous devons créer les conditions de la croissance, mais d'une croissance qui ne soit pas mortelle pour notre pays, qui ne soit pas mortelle pour la planète. C'est créer les conditions d'une croissance durable. Il faut d'ailleurs avoir en tête que ce à quoi nous devons tous réfléchir en ce moment, c'est à ce que les anglo-saxons appellent l'« exit plan », c'est-à-dire le plan de sortie de crise. Et cet « exit plan », c'est bien réfléchir aux décisions, aux gestes, aux comportements que nous devons adopter pour retrouver le chemin de la croissance. Mais d'un « exit plan » qui intègre totalement la problématique du développement durable. Et pour nous, MEDEF, aujourd'hui, la mobilisation de tous, elle doit être autour de ce principe, avec, en ligne de mire, la fin de l'année 2009, Copenhague. Ca, c'est le premier enseignement que nous tirons du rapport Cotis. La croissance, la croissance, la croissance, mais pas n'importe quelle croissance.
Deuxième enseignement : le taux de marge des entreprises, la compétitivité des entreprises. Comment faire pour redonner les clefs de la rentabilité, notamment par rapport à nos partenaires, je pense à l'Allemagne, et comment faire pour que, finalement, le profit soit un objectif partagé et accepté par tous, du patron de la PME au patron de la très grande entreprise, du salarié de la PME au salarié de la très grande entreprise.
Et du coup, troisième enseignement : finalement, si nous avons ce diagnostic partagé - j'espère qu'il sera vraiment ainsi considéré par tout le monde - c'est, comment, à partir de ce diagnostic partagé, avoir des objectifs communs. Et ces objectifs communs, ce sont les deux premiers points que je viens de dire : de la croissance pour créer le dynamisme salarial, une forme de réhabilitation du profit, pour faire en sorte que les entreprises soient gagnantes et compétitives. Comment faire en sorte pour que, tous ensemble, nous ayons cette même vision.
Intéressement et Participation
Alors, nous pensons que de ce point-de vue là, il y a plusieurs pistes. Tout d'abord, il y a une piste sur laquelle nous travaillons continuellement qui est la piste de l'intéressement et de la participation. Je dis bien nous travaillons continuellement sur ce dossier. Vous savez que nous avions lancé, il y a maintenant un an, un tour de France de l'épargne salariale. Même si quelques étapes ont été reportées quant la crise est arrivée avec l'intensité que nous savons, ce tour de France reprend. Et puis, par ailleurs, vous savez également qu'un groupe de travail, présidé par Marc Veyron, a cherché de nouveaux axes d'évolution, de réforme de modernisation. Je pense que dans les semaines qui viennent, et alors que les travaux vont continuer, Marc Veyron vous rencontrera pour préciser les axes possibles, mais d'ores et déjà, puisque nous en avons largement débattu hier en Conseil exécutif, je voudrais vous donner deux idées qui émergent de ces travaux.
La première idée, c'est qu'il conviendrait notamment, pour les plus petites PME, mais on peut le penser peut-être pour toutes les entreprises jusqu'à 250 salariés, de simplifier en fusionnant les deux dispositifs qui existent aujourd'hui : celui de la participation et celui de l'intéressement. L'intérêt de la fusion est de permettre une plus grande mise en place encore de ces dispositifs parce que - je ne vais certainement pas rentrer dans le détail, on y passerait la journée - les mécaniques techniques, comptables, fiscales sont tellement complexes mais aussi tellement différentes entre un mécanisme et un autre que bien souvent, telle entreprise qui a déjà mis en place un des dispositifs, ne cherche pas à travailler sur l'autre, et réciproquement. Et, finalement, on perd, dans la diffusion générale, de ce type de système. Alors, nous, nous proposons donc la fusion du mécanisme participation et intéressement. Et d'ailleurs, pour moderniser l'ensemble, nous pensons qu'il faudrait renommer ce dispositif. Nous proposons de parler par exemple d'un dispositif qui s'appellerait la « PEIRF » pour « performance ». La « PEIRF », cela veut dire P pour « participation », E pour « et », I pour « intéressement », R, je prends le « R » de « intéressement », « F » de « fusionnés »... Ce nom ou un autre. Dénommer les choses d'une manière simple et qui veut bien dire ce que cela veut dire, ce serait aussi utile dans un projet global de simplification du système.
Deuxième idée intéressante parmi les dix qui ont été proposées hier : sur notamment la partie du mécanisme qui est consacrée à la participation, c'est de permettre l'attribution d'actions gratuites quand la participation est placée totalement ou partiellement dans un fonds constitué de titres de l'entreprise. Cela nous permettrait, je crois, d'abonder les choses, pas simplement d'une manière financière, mais en associant ainsi les salariés aux capital.
Voilà les deux axes les plus intéressants des propositions qui ont été faites et sur lesquels on pourrait continuer à travailler, dans cet état d'esprit que je viens de vous dire : comment faire en sorte que nous soyons vraiment dans une vision commune du salarié au manager en passant par l'actionnaire sur le projet de l'entreprise et le projet économique global.
Dialogue social-Agenda social 2009
Mais tout ceci ne suffit sans doute pas non plus. Et je crois que ce que toute la démarche du rapport Cotis a également démontré, c'est l'intérêt, finalement, du diagnostic partagé, c'est l'intérêt de mieux se comprendre sur les indicateurs, sur qu'est-ce c'est exactement le profit, qu'est-ce que cela permet, qu'est-ce que cela empêche, qu'est-ce que c'est que la valeur ajoutée, qu'est-ce que cela veut le poids de la masse salariale dans la valeur ajoutée ? Bref, à partir de là, et je dois vous dire que tout ceci est complètement dans la logique de ce que nous faisons depuis que je suis à la présidence du MEDEF, c'est la logique de la Commission Dialogue économique, c'est la logique de la Délibération sociale. Tout ceci nous amène à dire que, peut-être on devrait réfléchir ensemble à la modernisation du dialogue social dans l'entreprise. Pour que ces approches-là, que nous avons eues ainsi, on puisse les avoir de la même façon au niveau de l'entreprise. Est-ce que ces indicateurs-là, finalement, on ne devrait pas les regarder un peu plus entreprise par entreprise ?
Alors, réfléchir sur la modernisation du dialogue social, c'est quelque chose qui rejoint, d'une certaine façon, les propositions, notamment de la CFDT, sur différents éléments qui concernent l'agenda social. Et c'est pourquoi je propose que cet aspect-là soit totalement intégré dans l'Agenda social 2009 dont je pense pouvoir dire aujourd'hui que la première réunion va avoir lieu très rapidement, probablement, à 99 % le 27 mai. Donc, cela pourrait être quelque chose qui serait inscrit au titre de l'Agenda social que Benoît Roger-Vasselin qui est ici même avec nous ce matin, va conduire avec les partenaires sociaux.
Fonctionnement du marché du travail
Et puis, dernière chose, dernier enseignement de tout cela, c'est que là aussi, c'est dit à plusieurs endroits du rapport Cotis, tout ceci est lié également au fonctionnement du marché du travail. Quand certains se posent la question de savoir pourquoi, dans la partage de la valeur ajoutée, il y a une stabilité particulière de la masse salariale française par rapport à tout ce qui se passe dans les autres pays, on ne sait pas toujours très bien dire si cela s'explique pour telle raison ou pour telle autre raison ou si c'est inhérent au mode de fonctionnement propre du marché du travail. Mais ce que l'on sait, c'est que ça joue. Et ce que l'on sait aussi, c'est que nous avons commencé avec les organisations syndicales à améliorer le marché du travail grâce aux différents éléments de l'accord de janvier 2008 et dans le cadre de ce que nous avons appelé « Modernisation du travail I », nous disons, dans le cadre de l'Agenda social, ouvrons « Modernisation du marché du travail II » et il y a certains éléments du rapport Cotis que nous pouvons regarder dans ce cadre-là. Notamment, si vous regardez le graphique 8 (cf le Graphique 8 - Evolution des formes de contrat de travail) qui est l'évolution des formes de contrat de travail, je crois que c'est tout-à-fait intéressant qu'ensemble, nous travaillons sur la part des contrats dits atypiques par rapport aux contrats à durée indéterminée. Et cela rejoint un point important que j'ai déjà soulevé qui est de travailler sur les enjeux de mobilité, tout en se demandant comment justement la mobilité peut nous permettre d'acquérir, pour le salarié, plus de sécurité. Et en ce moment, nous sommes tous d'accord pour dire que l'emploi, c'est vraiment le problème numéro un, celui que nous devons traiter prioritairement. Eh bien tout ceci peut être mis au chapitre Agenda social dans le cadre de cet objectif prioritaire et de certains points issus du rapport Cotis.
Partage des richesses entre générations
Je vous ai dis les enseignements principaux et directs du rapport Cotis. Mais hier, en Conseil exécutif, après avoir ainsi conclu, je peux vous dire qu'une voix, puis une deuxième voix, puis une troisième, puis un quatrième, puis tout le monde a dit : c'est bien tout cela, et vraiment nous sommes très ouverts à tous ces débats-là, mais est-ce que la grande question sur la partage des richesses n'est pas d'abord la grande question du partage des richesses entre générations ? Est-ce que le vrai enjeu pour préparer l'avenir, ce n'est pas de se demander comment fait-on pour s'assurer que nous ne sommes pas en train de léguer, là aujourd'hui, ce n'est plus à nos petits-enfants, c'est vraiment à nos enfants, une situation telle que, de toute façon, ils vont être beaucoup plus pauvres que nous ? Est-ce que ce n'est pas cela le vrai problème ? Et on sait, parce qu'on a déjà des chiffres, que, oui c'est le coeur du problème. Quand on regarde l'évolution des taux de remplacement en matière de retraite, on sait très bien que ceux qui sont à la retraite aujourd'hui et qui ont 70 ans, ont un taux de remplacement de leur retraite de l'ordre de 80 % à 85 %. Aujourd'hui, celui qui a 25 ans, qui vient de rentrer sur le marché du travail, son taux de remplacement est d'au moins 10 points inférieur à cela. Au moins 10 points. Est-ce que là n'est pas le coeur du problème de l'iniquité dans les richesses ? Est-ce que ce n'est pas cela qu'il est encore temps, ou tout juste temps de préparer et que si l'on s'y attaque dans quelques années, ce sera trop tard ? Et nous, les plus anciens, nous ne serons plus là pour assumer nos responsabilités. Par contre, ceux que nous aurons laissés en subiront toutes les conséquences. C'est pourquoi, nous, nous disons que nous ne pouvons pas nous arrêter là. Qu'il faut absolument, à partir de ces travaux, les prolonger sur la question des retraites. Et hier, nous avons décidé, en Conseil exécutif, de créer un groupe de travail spécifique à partir de certaines équipes de la Commission Protection sociale, de la Commission Relations du Travail et Politiques de l'Emploi et de la Commission Economique car c'est vraiment ces trois choses là qu'il faut regarder en même temps - et je demanderais aussi à certaines personnes de la Commission Nouvelles Générations de s'y associer. Nous leur demandons de réfléchir à comment on peut penser des nouveaux mécanismes qui permettraient, par exemple, de créer un compte d'épargne retraite individuel qui soit attaché à l'individu et pas simplement à son statut de salarié et qui pourrait être abondé de différentes manières, mais qui permettrait, pour l'avenir, de garantir un taux de remplacement au moins égal à ce que la génération des retraités actuels connait. Donc, ça, c'est quelque chose de tout-à-fait essentiel qui est venu du fond des trips du Conseil exécutif. Le vrais sujet, il est bien celui-là, c'est la question du partage des richesses entre générations et on sait d'ores et déjà que, là-dessus, la situation, telle qu'on peut la prévoir pour le moment est tout-à-fait inéquitable.
Source http://www.medef.fr, le 14 mai 2009