Interviews de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à Radio France internationale et à la radio télévision ivoirienne RTI le 11 mars 1999, sur la nécessité d'une solution politique au Kosovo, le conflit en Sierra Leone et le partenariat franco-britannique en Afrique.

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Circonstance : Voyage conjoint de MM. Hubert Védrine et Robin Cook, ministre des affaires étrangères de Grande-Bretagne, au Ghana et en Côte d'Ivoire le 11 mars 1999 pour la conférence des ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne en Afrique

Média : Arti Haber - Radio France Internationale - RTI - Télévision

Texte intégral

ENTRETIEN AVEC RADIO FRANCE INTERNATIONALE :
Q - Encore un mot sur le Kossovo, est-ce que vous pouvez reformuler votre message, votre ultimatum à moins quatre jours ?
R - Non, ce nest pas un terme que jai employé. Jai simplement voulu dire que la situation est extrêmement préoccupante, puisque nous sommes à moins de quatre jours de la reprise des conversations de lundi prochain, et quon nen finit pas dattendre laccord constamment annoncé et confirmé des Kossovars, mais qui nest jamais définitif et sûr. Dautre part du côté des Yougoslaves, on voit limmobilisme dans lequel ils se sont arc-boutés.
Il sagit bien, cest la position du Groupe de contact, des Européens, autant dire de la communauté internationale, - de venir finaliser laccord et mettre au point les modalités dapplication civile et militaire. Cest cela, la détermination internationale. Nous avons donc été obligés de redire, Robin Cook et moi, que la partie, ou les parties - puisque maintenant on ne peut exclure aucune hypothèse - qui entraveraient ce processus seraient tenues pour responsables du blocage avec toutes les conséquences que cela peut entraîner.
Mais je veux croire encore quils seront là dans un esprit constructif, pour aboutir. Il ny a pas dautre solution à lavenir de la coexistence entre les peuples du Kossovo et de la Yougoslavie que la solution politique proposée par le Groupe de contact. En dehors de cela, il ny a que des tragédies.
Q - (Sur la Sierra Leone)
R - Je voudrais surtout insister sur le fait que si Robin Cook et moi-même avons pris linitiative de ce voyage commun au Ghana puis en Côte dIvoire, pour installer cette conférence des Ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne en Afrique, cest précisément parce que nous voulons confirmer dabord notre engagement par rapport à lAfrique, à son développement, à la nécessaire consolidation de lEtat de droit, à la gestion des crises, y compris les crises vraiment cruelles et tragiques comme celle de la Sierra Leone, mais malheureusement il y en a beaucoup dautres.
Cest donc un signal dengagement, et ensuite un signal de coopération entre deux pays qui souvent ont été en rivalité ou en concurrence. Il est temps de passer à autre chose, cette époque est révolue et ce message peut intéresser ou concerner aussi dautres pays européens ou occidentaux. Cest à travers cette approche qui va, je crois, à la rencontre dune approche menée par les Africains eux-mêmes, qui travaillent de plus en plus sur une base régionale ou sub-régionale, que nous allons bâtir le partenariat de lavenir et que petit à petit, peu à peu, des drames comme celui de la Sierra Leone dont vous parlez, mais aussi de la Guinée Bissau, il ny a pas longtemps du Liberia, ou encore dautres pays, la liste est longue, pourraient être contenus et maîtrisés.
Nous ne sommes pas venus faire un voyage en urgence pour traiter un conflit particulier, nous sommes venus lancer un processus de travail en commun et de coopération, et jai pu constater chez le président Bédié que cétait très bien reçu.
ENTRETIEN AVEC RTI :
Q - Sur le partenariat franco-britannique en Afrique comme contrepoids à la diplomatie américaine sur le continent.
R - Je ne crois pas quil y ait une percée diplomatique particulière des Etats-Unis sur le continent africain. Il y a périodiquement. de la part des Etats-Unis, lannonce dun intérêt nouveau sur le continent africain. Si cest le cas, nous jugeons cela très positif et nous pensons que ce serait bien que cet intérêt nouveau se concrétise. Mais en général ce nest pas le cas.
Nous ne sommes pas dans cette situation, parce que la France ou la Grande-Bretagne nont pas à annoncer périodiquement un intérêt nouveau, parce que leur intérêt est permanent. Cest une situation historique, mais cest également une situation actuelle, moderne et pour demain. Nous avons une situation dengagement solide. Nous cherchons avec la Grande-Bretagne à rendre notre présence et notre engagement sur le continent africain le plus durable et le plus efficace possible. Nous cherchons à faire que cela réponde aux désirs de nos partenaires africains, donc à travailler dune façon moderne.
Aujourdhui, cest la France et la Grande-Bretagne, cela peut sétendre à dautres pays européens, et dailleurs nous travaillons aussi avec nos amis américains dans le cadre de nouveaux programmes de formation au maintien de la paix. Notre idée générale, est de faire converger, de façon utile pour lAfrique, toutes ces approches.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mars 1999)