Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à Europe 1 le 20 mai 2009, sur l'attaque à l'arme de guerre contre des policiers à La Courneuve et la lutte contre les trafics de drogue et l'insécurité.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogie.- Bonjour, M. Alliot-Marie. Hier, à 23 heures, vous vous êtes rendue à La Courneuve, au commissariat, après les coups de feu tirés à la Kalachnikov contre un fourgon de police, ce week-end. Vous avez promis des opérations coups de poing contre les trafics de drogue. On se souvient qu'il y a quatre ans, N. Sarkozy, lui, parlait de "nettoyer la cité au Kärcher". Beaucoup de promesses donc, les vôtres et les siennes ; pas beaucoup de résultats ?
 
Si, beaucoup de résultats, puisque, avant 2002, il y avait eu une augmentation considérable, de plus de 15 % de la violence, et notamment de la délinquance de proximité. Après l'action de N. Sarkozy, il y avait eu inversion de la tendance, avec une diminution constatée de 2,2 % des violences, et notamment des violences de proximité, et ceci s'est encore accentué puisqu'au cours de ces deux dernières années, il y a eu successivement plus de 4,5 % de baisse de la délinquance, ce qui représente quand même des milliers d'actions en moins, et donc autant de victimes.
 
Beaucoup de chiffres, M. Alliot-Marie, mais entre temps, des caïds qui tirent sur des policiers ; hier, le maire de La Courneuve nous disait qu'il y avait des armes dans sa banlieue et qu'on savait exactement qui avait tiré. Ils n'ont pas été arrêtés, par exemple, ceux qui ont tiré ?
 
Beaucoup de chiffres, mais également beaucoup de réalité, parce que, pourquoi est-ce que ça se passe comme ça ? Parce que, notamment depuis deux ans, j'ai renforcé les actions dans la lutte contre la drogue, avec la création des unités territoriales de quartier et d'une compagnie de sécurisation - ça a été les premières en France -, avec le renforcement des GIR sur la lutte contre la drogue, et le résultat, c'est que nous dérangeons ces trafiquants. Les violences auxquelles on a assisté, notamment celles d'hier...
 
Mais est-ce que ça marche, concrètement ?
 
... cela vient de ça. C'est-à-dire qu'à partir du moment où ils sont gênés, ils essayent de réagir et ils réagissent de façon violente. Et je n'ai pas l'intention de les laisser faire.
 
Mais que faut-il faire de plus ? Parce que, manifestement, La Courneuve est toujours un supermarché de la drogue.
 
La Courneuve, c'est surtout un supermarché de la drogue, et c'est la raison pour laquelle, effectivement, j'ai voulu aller avec les policiers, dans la nuit, où ils m'ont montré les endroits où ils se font agresser, qui sont les endroits où ont lieu un certain nombre de trafics. Ils m'ont parlé des gamins qui sont payés quelques euros pour faire le guet ; ils m'ont parlé des personnes qui ont peur parce que la majorité des habitants sont sous la menace, dans ces zones. Et donc, c'est là où, effectivement, nous renforçons cette action. Je vous rappelle que cette année, nous avons saisi trois fois plus de résine de cannabis que l'année précédente, que nous avons saisi 25 % de plus de cocaïne. Cela veut dire que nous sommes dans le bon sens. Bien entendu, ce n'est pas en quelques mois que l'on met fin à des réseaux...
 
Là, c'est en quelques années, ce n'est pas en quelques mois ...
 
Non, je vous parle de l'action que je mène depuis deux ans.
 
Mais elle est dans la succession de N. Sarkozy !
 
Exactement l'année dernière, nous avons pris trois fois plus de résine de cannabis que l'année précédente. Nous les attaquons au patrimoine, et il va y avoir, effectivement, plusieurs actions. D'abord, ces opérations coups de poing dont j'ai parlées, et qui vont nous permettre, comme nous l'avons fait avant-hier, d'aller notamment fouiller un certain nombre d'endroits où se cachent des armes, où peuvent se cacher des armes et où peut se cacher de la drogue. Mais c'est également tous les moyens, notamment juridiques, qui sont dans la loi d'orientation pour la sécurité intérieure, qui doit être présentée au Parlement d'ici quelques semaines, que j'ai préparée déjà depuis plusieurs mois, qui vont renforcer nos moyens. Et nous allons bien voir, là, quels sont les parlementaires qui sont décidés à aider la police dans sa lutte contre les trafics de drogue, et ceux qui font parfois de grandes déclarations, mais qui refusent tous les moyens.. ;
 
Là vous parlez du PS qui, hier, vous a dit "stop" à vos discours d'autosatisfaction, de gesticulations du président de la République. Le PS dit que la situation, en terme de sécurité, se dégrade. Est-ce que vous allez arrêter ceux qui ont tiré ce week-end ? Puisque, apparemment, on sait qui c'est.
 
Bien entendu, nous allons les arrêter. Il faut simplement les arrêter avec des éléments de preuve qui nous permettent de les faire condamner. Parce que le problème, c'est aussi ça. Nous faisons énormément d'interpellations ; il n'y a pas toujours des suites parce que, et c'est d'ailleurs leur rôle, les juges demandent un certain nombre de moyens de procédure. Moi, ce que je ne supporte pas...
 
Mais vous, par exemple, ce matin, vous savez qui a tiré ; vous, ministre de l'Intérieur, vous savez qui a tiré ?
 
Nous savons où, dans quel milieu s'est trouvé le tireur. Il nous faut les éléments précis car ce qu'on nous demande, ce n'est pas d'arrêter plusieurs personnes, c'est d'arrêter une personne ou plusieurs personnes avec des éléments de preuve. Quant aux socialistes, je ne supporte pas leur hypocrisie en la matière. D'abord, parce qu'ils disent des contrevérités, ce n'est pas de l'autosatisfaction que les chiffres que les chiffres que je vous ai donné, ils sont incontestés, ce n'est pas moi qui les crée, c'est un organisme indépendant, et d'autre part, ce que j'ai entendu des policiers auxiliaires, c'est qu'un certain nombre de moyens leur sont refusés et refusés d'ailleurs, parce qu'ils sont attaqués, notamment par les communistes. Par exemple, le problème de la vidéo-protection, nous constatons que là où il y a des caméras, vous avez une baisse de la délinquance. Là aussi c'est constaté sur plusieurs années.
 
Pour terminer, à l'occasion du prochain remaniement, est-ce que vous souhaitez un secrétaire d'Etat à la Sécurité ? On parle de C. Estrosi ; Estrosi serait utile face à la montée de ce type de violence ?
 
Très franchement, je pense que ce type de problème n'intéresse par les Français, ce qu'ils veulent, c'est des résultats, je viens de vous dire que des résultats, il y en avait, et moi, ce qui m'intéresse, effectivement, c'est d'avoir de la part des parlementaires les moyens à travers la loi que je leur propose, de lutter encore plus efficacement contre les délinquants. Parce qu'on ne peut pas, d'un côté, dire que l'on soutient les policiers et, de l'autre, leur refuser les moyens en matière de vidéo-protection, des moyens en matière de fichiers d'empreintes génétiques.
 
Donc ce matin, vous dénoncez l'hypocrisie de vos confrères politiques de gauche ?
 
Exactement. Et je le dis sans aucune hésitation, c'est bien ce à quoi nous avons assisté hier.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 mai 2009