Déclaration de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur l'engagement de la France en faveur de l'Afrique dans les différentes réunions internationales, Paris le 5 juin 2009.

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Circonstance : 9ème Forum international sur l'Afrique, à Paris le 5 juin 2009

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de m'exprimer devant cette assemblée et de pouvoir ainsi partager avec vous quelques réflexions sur le continent africain, une région que j'ai déjà parcourue de nombreuses fois en tant que Secrétaire d'Etat au Commerce Extérieur, souvent même dans des pays qui n'avait pas reçu de telle visite depuis 10 à 15 ans.
J'y ai apprécié bien sûr l'hospitalité africaine mais, surtout, j'ai pu y mesurer à quel point ce continent concentre plusieurs des problématiques qui sont au coeur des préoccupations de développement durable qui caractériseront ce siècle : la pression démographique, le changement climatique, l'exploitation des ressources renouvelables, l'agriculture et la sécurité alimentaire. Plus récemment, les questions des partenariats public-privé, du pouvoir d'achat, des politiques contra-cycliques et des canaux de financements ont été abordées.
Il faut donc cesser une bonne fois pour toute de penser que l'Afrique est un continent isolé des autres.
Nous le savons tous : nous sommes face à une période de grande incertitude et surtout de grande volatilité. Après avoir accumulé durant plusieurs années les bénéfices des annulations de dette et de l'amélioration des termes de l'échange, dans un contexte de croissance record du commerce mondial, l'Afrique doit faire face à une accumulation de chocs externes.
Lors de la réunion des ministres des finances la Zone franc à laquelle j'ai participé en octobre dernier à Yaoundé, le principal sujet de préoccupation était encore l'impact de la hausse des prix alimentaires et les moyens de contenir le risque inflationniste. A peine 6 mois plus tard, nous sommes dans un environnement totalement renversé.
Dans un contexte de crise mondiale, préserver la dynamique de développement de l'Afrique n'est pas seulement un défi ; c'est une nécessité, que les pays du G20 ont d'ailleurs parfaitement comprise et reconnue comme telle. C'est un motif d'espoir sur les capacités de mobilisation de la communauté internationale en faveur de l'Afrique.
1. Le G20 et l'Afrique
A cet égard, je veux rappeler l'engagement de la France en faveur de l'Afrique, qui a contribué, de manière déterminante, aux décisions majeures prises par le sommet des chefs du G20 qui s'est tenu à Londres en avril.
Dès l'origine, la France a plaidé pour que les efforts de la communauté internationale pour remédier à la crise économique fassent l'objet de la concertation la plus large possible. En ce sens, le Président de la République a plaidé pour élargir les discussions, au-delà du G7, au format G20.
En amont du Sommet de Londres, les principaux responsables économiques et financiers de la Zone franc ont été invités à Paris. Cette initiative a permis de faire apparaître une grande convergence de vues sur les réformes relatives aux Institutions de Bretton Woods.
Nous nous réjouissons doublement des résultats du Sommet de Londres qui constitue une grande réussite. A la fois parce que les décisions adoptées sont ambitieuses et assorties de modalités de mise en oeuvre précises et parce que ce succès résulte pour partie du soutien des PMA dont a pu se prévaloir la France.
De fait, les pays les plus pauvres n'ont pas été oubliés, à travers la réaffirmation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et surtout l'accroissement des ressources du FMI et des BMD ainsi que l'adaptation de leur cadre d'intervention dans ces pays :
S'agissant du FMI, des ressources spécifiques à destination des PMA seront mises en place :
- La France a proposé et obtenu le doublement des ressources disponibles pour prêter à des conditions concessionnelles, soit 6 Mds USD sur 3 ans en utilisant les mécanismes de financement existants du fonds de fiducie et par le produit des ventes d'or.
- Les limites d'accès aux facilités du Fonds seront doublées pour l'ensemble des instruments, y compris ceux bénéficiant aux pays les plus pauvres.
S'agissant du groupe Banque mondiale, les engagements du groupe en faveur des pays pauvres augmenteront à travers :
- un objectif global d'augmentation des engagements en faveur des pays en développement, à hauteur de 100 Mds USD sur 3 ans, fixé aux Banques Multilatérales dans leur ensemble, la Banque mondiale devant y contribuer pour environ 60 Mds USD ;
- un assouplissement des modalités d'intervention de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) dans les pays à faibles revenus ;
- la possibilité de débourser immédiatement (front-loading) les ressources de l'Association Internationale pour le Développement ;
- la création d'un Cadre de lutte contre les vulnérabilités, comprenant un fonds d'aide aux pays les plus vulnérables (« Rapid Social Reponse Fund ») ;
- le lancement de plusieurs initiatives de la SFI (Société Financière Internationale, filiale de la Banque mondiale mettant en oeuvre l'appui au secteur privé), notamment une facilité pour les infrastructures et un fonds pour la micro-finance.
S'agissant en particulier de la Banque africaine de développement, nous avons soutenu le lancement d'initiatives innovantes, telles que la nouvelle « Facilité de liquidité d'urgence » pour pallier au tarissement des ressources d'investissement et l'« Initiative de financement du commerce », de même que le processus de revue du capital en vue d'une éventuelle augmentation à terme.
* Au total, s'il est vrai que l'essentiel des moyens annoncés par le G20 pour lutter contre la crise dans les pays en développement, soit au total près de 1 100 Md$ qui ont été promis iront d'abord aux pays émergents, il est incontestable que l'action de la France a permis de faire en sorte que l'Afrique ne soit pas oubliée.
Il convient désormais de s'assurer d'une mise en oeuvre, efficace et diligente, de l'ensemble des mesures annoncées.
La France s'y est doublement engagée puisque lors de la réunion des ministres des finances de la Zone Franc, qui s'est tenue à Ougadougou en avril dernier, nous avons décidé de mettre en place une structure pour assurer un suivi des mesures décidées par le G20.
Pour ce qui la concerne, la France prendra toute sa part aux engagements qui ont été formulés par le G20.
* Je ne vous cache pas que ces contributions additionnelles représentent pour nous un objectif très ambitieux compte tenu de nos contraintes budgétaires, mais elles s'insèrent pleinement dans l'objectif d'une APD équivalente à 0,7% du PIB fixé par le Président de la République.
* Cet après-midi même, le Premier ministre réunira une partie du gouvernement pour évoquer les questions de développement. Nous réaffirmerons la concentration de nos moyens budgétaires sur l'Afrique qui demeure plus que jamais au coeur de nos priorités.
Mais ne nous leurrons pas : l'accroissement des volumes d'aide ne sera probablement pas à la hauteur des attentes. Lors de mon dernier déplacement, j'étais la semaine dernière au Gabon, en Angola, en Afrique du Sud et au Zimbabwe, j'ai perçu des dynamiques de développement solides grâce à un secteur privé dynamique et solide.
2. Le soutien au secteur privé en Afrique et le rôle du secteur privé dans le développement
Ceci fait le lien avec la seconde partie de mon intervention, sur le lien entre le secteur privé et le processus de développement.
La France a depuis longtemps reconnu la dimension structurante du secteur privé et joué un rôle actif dans le soutien au développement des entreprises africaines, que ce soit grâce au FED où la France est le premier contributeur, ou encore par l'action de l'AFD et Proparco.
En tant que bailleur de fonds, la France a déjà une riche expérience de l'appui au secteur privé. Pour la première fois en 2007, les engagements réalisés par l'AFD auprès de contreparties non souveraines ont même dépassé ceux des contreparties souveraines.
Nous prévoyons d'accentuer cette tendance, y compris en Afrique subsaharienne où environ 4,4 Mds euros de prêts non souverains sont programmés pour la période 2008-2012, soit plus du double du montant engagé sur les 5 années précédentes. Je précise que cet accent porté sur le secteur parapublic et le secteur privé ne doit bien sûr pas être interprété comme un recul de nos engagements en faveur des Etats eux-mêmes. Certes, la France est particulièrement vigilante à la soutenabilité de la dette des Etats. Je dirais même que sur cette question, nous nous voulons exemplaires. Pour autant, cette prudence ne nous empêche pas de tenir compte aussi des besoins de financements puisque nous avons rouvert il y a un an notre capacité de prêt souverains aux pays ayant déjà bénéficié de l'initiative P-P-T-E, y compris pour les PMA.
Le Président de la République a fait de l'appui au secteur privé africain un axe fort de notre politique d'aide au développement, à travers le lancement en février 2008 de l'Initiative dite du Cap, qui vise à promouvoir le développement d'environ 2000 PME africaines, permettant ainsi la création ou le maintien d'environ 300 000 emplois.

En deux mots, il s'agit d'un projet phare de la coopération française, mis en oeuvre par l'AFD, et qui mobilisera 2,5 Mds euros de financement, structurés autour de trois axes principaux :
. Premièrement, la création d'un fonds d'investissement de 250 Meuros, qui investira pour partie dans des fonds d'investissements gérés localement et pour partie dans des opérations directes de capital-investissement ;
. Ensuite, la création d'un fonds de garantie doté de 250 Meuros. Ce fonds destiné aux établissements bancaires contribuera tout à la fois à faciliter l'accès au financement des PME et à approfondir le secteur financier.
. Enfin, le doublement de l'activité de soutien au secteur privé de PROPARCO qui, grâce à sa récente augmentation de capital, dispose une capacité d'engagement supplémentaire de 1,5 Md euros en prêts non souverains et 500 Meuros en prises de participation.
Cette initiative me semble tout à fait majeure, non seulement en raison de l'ampleur des volumes financiers, mais aussi, et peut être surtout, parce qu'elle s'appuie sur des instruments novateurs de partage de risque. Les impacts de moyen long terme n'en seront que plus importants.
Un peu plus d'un an après son lancement, la mise en oeuvre progresse rapidement. La production de garantie bancaire via le mécanisme ARIZ va ainsi passer de 24 Meuros l'année dernière à près de 150 Meuros cette année.
Le Fonds d'Investissement FI-SEA va démarrer ses premières opérations, pour un montant d'engagements de 50 Meuros.
Et plus généralement, les engagements de l'AFD en prêts non souverains concessionnels devraient atteindre 540 Meuros, contre 380 Meuros l'année dernière.
J'ai déjà été trop longue, mais je voudrais terminer en ajoutant qu'une plus large place devrait être accordée aux entreprises elles-mêmes sur les questions de développement.
* A ce titre, j'ai décidé d'accroître notre capacité de prise de risque au titre de l'assurance crédit en assouplissant de manière sélective les plafonds d'engagement de la COFACE, par exemple au Maroc et au Nigéria. Y compris dans les pays les plus pauvres d'Afrique subsaharienne, notre politique d'assurance crédit en direction du secteur privé et des acheteurs publics non souverains a été assouplie dans plusieurs pays, dans le cadre du strict respect des règles du FMI et de la Banque mondiale sur l'endettement du secteur public. Au total, nous espérons ainsi compenser partiellement l'aversion au risque des banques et maintenir des flux substantiels de commerce, qui reste incontestablement le principal vecteur de développement économique ;
* Par ailleurs je souhaite que la France et ses entreprises restent une référence en matière de Responsabilité Sociale et Environnementale. Ce n'est pas seulement une question de principe, c'est une question de soutenabilité. A titre d'illustration, sachez qu'environ 50% du montant des appels d'offres financés par l'AFD sont remportés par des entreprises locales. C'est un résultat dont nous sommes fiers, et qu'il convient de méditer à l'heure où d'autres investisseurs préfèrent importer avec eux l'ensemble du matériel et même de la main d'oeuvre dont ils ont besoin.
Mesdames et messieurs, je vous remercie.
Source http://www.delegfrance-ocde.org, le 7 juillet 2009