Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à France 2 le 7 septembre 2009, sur l'alliance du MoDem avec la gauche, le montant de la taxe carbone, la date de suppression de la prime à la casse et la poursuite du plan de relance.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous. Bonjour P. Devedjian.
 
Bonjour.
 
Avant de parler du plan de relance, je voudrais que l'on revienne sur l'actualité politique du week-end. Il y avait l'université d'été de l'UMP - vous y étiez - celle du MoDem. Alors, au MoDem, F. Bayrou veut dialoguer avec les socialistes. Est-ce que ça vous paraît...
 
Ah, plus que ça ! Il veut s'allier avec les socialistes.
 
Il a dit : « tendre la main, dialoguer ».
 
Oui, enfin...
 
Est-ce que pour vous c'est un renversement important, dans la vie politique française ?
 
Non. D'abord, il faut dire que l'impact de F. Bayrou sur la vie politique française est marginal. Deuxièmement...
 
Ce n'est pas très gentil pour lui.
 
Ecoutez, c'est un constat. Et deuxièmement, cette politique est bien comprise et annoncée depuis longtemps, on se souvient des palinodies avec S. Royal, au moment de la campagne, « Roméo et Juliette sous le balcon »...
 
A ce moment-là, il avait refusé l'alliance, justement.
 
Oui, mais on voyait bien que l'on était dans un processus et d'ailleurs les électeurs ne s'y sont pas trompés, puisque l'on voit bien une évolution de l'électorat du MoDem qui se reclasse, au Nouveau Centre ou à l'UMP, mais qui quitte progressivement, en même temps ils se durcissent sur leur position. Bon, eh bien, c'est un changement qui était prévisible.
 
Mais quand même, une alliance entre le PS, les Verts et le MoDem, est-ce que c'est un danger pour la majorité UMP ?
 
C'est surtout un danger pour la gauche, parce que c'est un facteur de division. Là où il arrive, F. Bayrou, il met le bazar, c'est sûr, et il est en train de le mettre à gauche, c'est vraiment un grand service qu'il peut nous rendre.
 
Alors, F. Bayrou, il a longtemps siégé dans des gouvernements de droite, est-ce que vous diriez qu'il s'agit d'une trahison ?
 
Oh, il a évolué, il a changé, dans la vie politique ça arrive. Quand des gens de gauche rejoignent la majorité présidentielle, c'est une évolution que je trouve normale ; quand les gens de droite passe à gauche, eh bien, vous savez, c'est le contraire, mais ce n'est pas plus grave.
 
A l'UMP, F. Fillon a essayé d'expliquer que sur la taxe carbone il y avait pas de malentendu entre lui et l'Elysée, pourtant il avait donné des chiffres : 14 euros la tonne de CO². Puis l'Elysée a dit que rien n'était arbitré. Ça fait quand même bizarre, non ?
 
Non, ce n'est pas bizarre, mais ça fait bizarre quand on veut vraiment, absolument, avec un microscope, trouver des difficultés. D'abord, 14 euros, c'est le prix du marché aujourd'hui. Quand un pollueur achète des droits à un non pollueur, c'est 14 euros la tonne. Donc, c'est à partir de là...
 
Oui, mais après, l'Elysée dit : rien n'est décidé.
 
... Oui, mais c'est la base de départ. Une contribution, c'est aussi quelque chose qui évolue avec le temps. Vous savez, les taxes, les impôts, les contributions, c'est quelque chose d'évolutif.
 
Donc pour vous, il n'y a pas eu de désaveu, pas de malentendu, entre Matignon et l'Elysée, tout va bien.
 
Non, le dispositif n'est pas encore calé, simplement il n'est pas définitivement calé, c'est compliqué, il faut qu'il soit entièrement compensé pour qu'il n'y ait pas de prélèvements supplémentaires, c'est une contribution qui doit remplacer autre chose. Quoi exactement ? Eh bien il faut arriver à se mettre d'accord là-dessus et il faut un travail pour ça.
 
La taxe professionnelle, par exemple ?
 
C'est un élément qui évidemment peut être pris en considération, les charges sociales sur les salaires, aussi, pour favoriser l'emploi. Enfin, il y a beaucoup de sujets sur la table.
 
Il y a un autre dossier que l'on ne comprend pas très bien, c'est la prime à la casse.
 
C'est pourtant simple.
 
Vous avez dit qu'elle serait supprimée en 2010, et C. Lagarde a dit qu'elle serait supprimée en 2011. Alors, quelle est la bonne date ?
 
Non. Ecoutez, c'est très simple. D'abord, aujourd'hui, la prime à la casse, elle est financée par le budget, pour l'année 2009, c'est-à-dire qu'au 31 décembre, elle n'est plus financée. Donc, dans la loi de finances pour 2010, il faut que nous réglions le problème de l'année 2010, et moi je propose que dans le budget 2010, ça soit une prime dégressive qui nous permette d'arriver, finalement, seulement, au bonus écologique.
 
Mais quand C. Lagarde dit 2011, elle se trompe.
 
Eh bien, pour 2011, nous verrons, mais aujourd'hui nous sommes sur 2010 et nous réglons le problème de la prime à la casse, année par année. Donc on a réglé l'année 2009, on n'a pas réglé l'année 2010, maintenant il nous faut régler l'année 2010, et il faut le faire en coordination avec les autres pays européens puisque 13 pays sur 27 ont une prime à la casse, et vous savez que par exemple les Allemands veulent arrêter, plusieurs pays sont en train de discuter sur ce qu'ils vont faire là-dessus ; moi j'ai demandé au Commissaire européen Verheugen, d'installer une vraie coordination, pour qu'il n'y ait pas de disparité de concurrence en Europe.
 
Sur le plan de relance, beaucoup de prévisionnistes disent : « La récession est terminée ». Est-ce que l'on a encore besoin d'un plan de relance ?
 
Ecoutez, les prévisionnistes, je vais vous dire, ils n'ont pas vu arriver la crise, alors maintenant, ils se relancent à nouveau dans des prévisions, ils devraient être un peu modestes. Moi, ce que je crois, c'est que l'on n'est pas sorti de la crise aujourd'hui, ça va mieux, ça va beaucoup mieux, on a connu le pire, au mois de décembre et janvier, janvier 2009, et aujourd'hui on est un petit peu le nez au-dessus de l'eau, juste audessus de l'eau, c'est-à-dire que l'on est à + 0,3 de croissance par mois, et ce n'est pas ce que sera le mois suivant, donc c'est mieux.
 
Sur 2009, ça donnera quoi ?
 
On sera en dessous de zéro, bien sûr.
 
Et sur 2010 ?
 
Eh bien, on devrait être positif. Seulement, aujourd'hui, le risque c'est que l'on soit positif, mais pas beaucoup, donc il faut... On a besoin d'une croissance forte, et aujourd'hui on est plutôt dans la perspective d'une croissance faible. Donc, on a besoin effectivement de stimuler l'économie.
 
Sur le chômage, quelles conséquences ça va avoir ?
 
Ça va quand même mieux, même si le problème demeure. Je rappelle simplement les chiffres : au mois de janvier, c'était le pire, il y avait + 90 000 chômeurs par mois, aujourd'hui, ce mois-ci, c'est + 10 800 ; le mois précédent c'était même moins, le chômage avait été réduit. Ça prouve simplement que l'on a la bonne politique, et cette politique, d'ailleurs, l'Allemagne a fait la même chose que nous, exactement la même chose, et elle a les mêmes résultats que nous, c'est-à-dire des résultats positifs, et quand les socialistes nous expliquaient qu'il fallait à tout prix baisser la TVA, faire de gros efforts sur la consommation, eh bien l'Angleterre a fait ça, elle n'a pas d'aussi bons résultats que nous.
 
Hier, on a appris que le forfait hospitalier allait augmenter. Ça va peser sur le pouvoir d'achat. Est-ce que ce n'est pas mauvais pour la croissance, ça ?
 
Ecoutez, ce n'est pas mon sujet, moi je ne suis pas en charge de ces problèmes-là, donc je ne vais pas me prononcer, mais là on est aussi au début du débat. Vous êtes amusants, les journalistes, c'est-à-dire que...
 
Tant mieux, si on fait rire, c'est bien.
 
Eh bien oui, mais il faut de temps en temps être pris au sérieux, aussi...
 
On essaie.
 
A peine un sujet est-il abordé- le Gouvernement travaille, réfléchit, consulte - non, non, vous voulez une solution calée, définitive, immédiate. Ce n'est pas possible, on ne peut pas travailler comme ça.
 
Merci P. Devedjian. William, c'est à vous, j'espère que vous vous êtes amusé.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 septembre 2009