Déclaration de M. Gérard Larcher, président du Sénat, sur la participation du Sénat à la Saison de la Turquie en France, Paris le 8 juillet 2009.

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Circonstance : Vernissage de l'exposition "Le pont, photos de Galata" à Paris le 8 juillet 2009

Texte intégral

Monsieur le Président du groupe d'amitié France-Turquie de la Grande Assemblée Nationale de Turquie, M. Yasar Yakis,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est heureux de vous accueillir dans l'Orangerie du jardin du Luxembourg pour inaugurer la superbe exposition « Le pont, photos de Galata », présentée dans le cadre de la saison de la Turquie en France.
C'est notre collègue Jacques Blanc, le dynamique président du groupe interparlementaire d'amitié France-Turquie du Sénat, qui, le premier, m'a parlé de la saison de la Turquie en France, et m'a dit son souhait de voir le Sénat y participer, en accueillant un des événements de cette saison. Hubert Haenel, qui préside notre commission des Affaires européennes, m'a lui aussi dit l'importance qu'il y avait à s'associer à cette grande manifestation culturelle.
D'autres m'ont également parlé de ce beau projet : notre ambassadeur à Ankara, Bernard Emié, que je connais depuis longtemps, depuis l'époque où il servait au Liban ; l'ambassadeur de Turquie à Paris, M. Osman Koruturk, qui est un interlocuteur régulier et apprécié du Sénat.
A vrai dire, ils n'ont pas eu besoin de me convaincre : je l'ai été dès le début. La participation du Sénat à la Saison de la Turquie en France était, pour moi, une exigence politique. Je remercie le comité de sélection, et tout particulièrement nos deux collègues, le président Guy Fischer et le sénateur Alain Dufaut, d'avoir partager ce point de vue et d'avoir retenu ce projet parmi la quarantaine que leur comité de sélection a eu à examiner.
Je suis particulièrement sensible à ce que M. Yasar Yakis, le Président du Groupe d'Amitié France-Turquie de la GANT, également Président de la Commission d'organisation avec l'Union européenne, soit venu spécialement de Turquie pour assister à ce vernissage. Nous nous étions vu à Paris, au mois de mai, et je suis heureux de le rencontrer à nouveau.
La participation du Sénat à la Saison de la Turquie ne se limite pas à cette exposition et nous accueillerons également, au cours des prochains mois, plusieurs manifestations.
Le 27 novembre 2009, se tiendra une conférence dans la salle Monnerville du Sénat, à l'occasion de la réunion du conseil académique de l'Université de Galatasaray ;
le 30 novembre, ce sera un colloque sur les investissements croisés entre la France et la Turquie, à l'initiative de l'agence gouvernementale turque « Invest in Turkey ».
Enfin, le 6 mars 2010, nous accueillerons un colloque "femmes françaises, femmes turques" organisé par le Comité France-Turquie.
L'exposition que nous inaugurons aujourd'hui est donc le premier de ces événements. C'est aussi celui qui s'adresse au public le plus large. En effet, contrairement à un colloque qui cible forcément un public déjà un peu spécialisé, une manifestation culturelle s'adresse à tous. Je suis persuadé que cette exposition va permettre au public nombreux du Jardin du Luxembourg de porter un regard renouvelé sur la Turquie d'aujourd'hui, d'en découvrir des aspects méconnus.
C'est la grande force des échanges culturels : nous proposer un voyage, une rencontre, nous expliquer nos différences mais aussi, nous faire prendre conscience de nos ressemblances.
D'un coup, ce pont nous plonge dans six univers différents, s'active sous six lumières diverses et finalement prend six formes successives grâce au talent de ces photographes.
Au témoignage historique des photos de Merhi Akogul répond l'esprit contemporain de Cemal Emden. A l'urbanisme chargé et coloré de Murat Germen répond la poésie sobre d'Orhan Cem Cetin. A la folie déstructurante des clichés d'Ahmet Elhan répond l'harmonie simple et ordonnée de ceux d'Ömer Orhun. Je souhaite saluer l'initiative du Musée d'art moderne d'Istanbul qui a eu l'idée de cette si belle rencontre de talents et de regards.
Les liens entre le Sénat et la Turquie, entre la France et la Turquie sont des liens d'amitiés, une amitié ancienne et solide. Notre dialogue est régulier et confiant.
J'ai reçu ici, en février, le président de la Grande Assemblée nationale de Turquie, M. Toptan, et, je l'évoquais tout à l'heure, au mois de mai, j'ai reçu M. Murat Mercan, le président de la Commission des Affaires étrangères, qu'accompagnait d'ailleurs M. Yakis.
M. Toptan m'a invité à me rendre en Turquie, en visite officielle, et c'est avec grand plaisir que je répondrai à son invitation : je serai à Ankara, puis à Istanbul, en septembre prochain. Sans doute aurai-je alors l'occasion d'emprunter le pont de Galata, que nous admirons aujourd'hui en photo !
Son nom résonne comme un mythe : celui du peuple des « Galates », Celtes qui migrèrent dans l'antiquité en Asie mineure, cousins de nos ancêtres Gaulois qui s'établirent en Europe occidentale.
C'est un lieu particulier d'Istanbul, un lieu chargé d'Histoire. Ce n'est pas, comme on le croit parfois, l'un des ponts sur le détroit du Bosphore qui relie la partie occidentale de la ville à sa partie orientale. C'est un pont plus petit, qui relie deux rives de la Corne d'or et deux visages de la cité d'Istanbul.
D'un côté, les quartiers du Bazar, de Sultanahmet et de la Pointe du Sérail qui concentrent, depuis l'Antiquité, l'essentiel des grandes places du pouvoir administratif, économique et religieux ; de l'autre sur la colline de Beyoglu, Galatasaray, l'ancien quartier des étrangers où s'établirent les Génois au XIIIème siècle, puis les juifs expulsés d'Espagne, les différentes communautés de l'Empire ottoman et, plus tard, les Ambassades occidentales. Notre Consulat Général s'y trouve toujours.
Léonard de Vinci, le premier, imagina de relier ces deux quartiers, et dessina un pont à la forme audacieuse, mais qui resta à l'état de projet. Le génial architecte avait déjà compris l'importance de relier le centre du pouvoir politique et religieux et le quartier des affaires, du négoce comme on disait alors.
Le pont émergera finalement au coeur du XIXème siècle : le premier date de 1845. Sur la rive de Karaköy, on trouve cette inscription du poète Sinasi : « Le premier à passer le pont fut le sultan Abdulmecid, et le premier à passer en dessous le capitaine français Magnan à bord de son bateau le Cygne ».
C'est l'époque où l'Empire ottoman cherche les voies de sa modernisation et s'inspire dans sa législation et ses institutions des pays d'Europe occidentale. Un bel exemple en est fourni, quelques années après la construction du pont, par la création du lycée de Galatasaray, sur le modèle du lycée Victor Duruy, puis de l'université qui développera de nombreux échanges avec des établissements français.
Ces deux établissements sont une autre forme de pont entre nos deux pays et nos deux cultures. Ils ont contribué à renforcé l'amitié entre nos deux pays, amitié qui remonte à l'alliance de François 1er avec Soliman le Magnifique.
Amitié qui fut une inspiration inépuisable pour la littérature française et francophone. Nous avons tous en mémoire les voyages de Nerval, de Théophile Gautier, de Pierre Loti et de Gustave Flaubert. Comme nous l'a rappelé Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature 2006 et fervent admirateur de Flaubert, c'est aussi un peu à Istanbul que nous devons Madame Bovary. Là encore, un autre pont...
Mais je reviens au pont qui est en photo devant nous. Il sera reconstruit quatre fois, au rythme du développement de la ville et de l'intensification des échanges. L'actuel a été achevé en 1994.
Le pont de Galata, ce n'est donc pas un pont, mais cinq ponts successifs, sur lequel se sont portés les regards de six photographes, de six sensibilités artistiques qui, chacune, nous révèlent une facette de la Turquie contemporaine.
Six artistes, cinq ponts...
Le sixième pont, c'est aussi celui que nous bâtissons à travers cette exposition, à travers l'ensemble des manifestations de la Saison de la Turquie en France. C'est le pont de nos échanges, de nos rencontres. C'est un pont ancien et sans cesse réinventé, un pont que chacun de nous emprunte et consolide.
Vive l'amitié entre la France et la Turquie !
Source http://www.senat.fr, le 10 septembre 2009