Interviews de M. Jean-Luc Cazettes, président de la CFE CGC, à RTL le 3 août 2000, France 2 le 25 et RMC le 17 octobre, sur la signature de l'accord de l'Unédic, notamment les négociations et les relations avec les partenaires sociaux.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - Emission L'Invité de RTL - France 2 - RMC - RTL - Télévision

Texte intégral

R. Arzt Dans une lettre de cinq pages, le Medef, la CFDT, la CFTC qui étaient signataires de l'accord sur l'Unedic, ont répliqué à M. Aubry et à L. Fabius qui dans une lettre également de cinq pages, avait expliqué il y a quinze jours, le refus du Gouvernement d'agréer cet accord. Est-ce que cet échange épistolaire - dénué de formules d'amabilité d'ailleurs - fait avancer le débat sur l'Unedic ?
- "Je ne suis pas persuadé que ça fasse avancer beaucoup de choses. J'ai lu ce texte, c'est plutôt un plaidoyer prodomo de la part des signataires qui réfutent point par point l'argumentation des ministres. Alors les ministres peuvent recommencer de leur coté en réfutant à nouveau, mais pour l'instant ça ne fait pas beaucoup avancer les choses. Il serait plus simple de se mettre autour d'une table de négociation et d'essayer de voir dans quelles mesures les uns et les autres devront faire les compromis nécessaires pour parvenir à un accord satisfaisant pour l'ensemble."
Vous sentez l'ambiance prête à ça ?
- "Malheureusement pas, j'ai l'impression qu'il y a un durcissement, des problèmes d'amour-propre, que personne ne veut venir renier ce qu'il a fait ni du côté des ministres, ni du coté des signataires de cet accord. Je crains qu'on ne soit dans une spirale qui amène à un blocage total au début du mois de septembre."
Vous qui n'avez pas signé cet accord - ce qui avait créé la surprise à l'époque - il n'y a pas un argument de la part des signataires qui vous fait réfléchir ?
- "Il y a un certain nombre d'arguments mais qui étaient déjà contenus : qu'il fallait négocier avec l'Etat sur la clarification financière - mais ça tout le monde en est d'accord, y compris les ministres et y compris les signataires, y compris les non- signataires - ; qu'il faille préciser les missions de l'ANPE, de l'Unedic - là-dessus, tout le monde est d'accord. Mais le fond du problème la mise en place obligatoire du PARE, c'est-à-dire d'un contrat individuel que devra signer chaque chômeur, alors qu'on est dans un système d'indemnisation collective. Tant qu'on ne reviendra pas sur le caractère obligatoire de cette mesure, je ne vois pas très bien comment on peut trouver des solutions."
L. Jospin - qui a commencé ses vacances hier - a dit qu'il voudrait bien qu'on puisse traiter cette question de l'Unedic complètement dans le respect des partenaires sociaux à condition qu'ils ne soient pas minoritaires et aussi dans le respect des législateurs. Vous adhérez à cette façon de voir ?
- "C'est logique, on ne va pas opposer systématiquement, comme on a tendance à le faire en ce moment, la loi et le contrat. La loi elle a son rôle, le législateur a son pouvoir, et puis le contrat vient en plus, en complément. On ne peut pas dire que le contrat qui va s'appliquer à 40 % - il n'y a que 40 % de chômeurs indemnisés par l'Unedic - des chômeurs indemnisés, doit avoir priorité par rapport à la loi qui, elle, concerne la totalité de la population, y compris l'ensemble des chômeurs indemnisés."
Si le Medef, la CFDT et les autres signataires quittent les organismes paritaires de l'Unedic et que l'Etat en arrive à créer un établissement public pour gérer l'assurance-chômage, qu'est-ce que vous direz ?
- "J'ai vu que M. Aubry, lorsqu'elle était intervenue sur votre antenne, avait lancé un certain nombre de pistes. Je suis prêt à en discuter. Vous savez, le paritarisme n'est pas malade de cette crise, il est malade depuis un certain nombre d'années, dans la mesure où les employeurs ne respectent plus l'esprit du paritarisme. Quand j'entends les responsables patronaux dire : "Le paritarisme c'est le Medef plus un", je me dis que c'est une vision quand même un peu sommaire des choses. Le paritarisme a été mis en place à l'époque parce qu'il y avait une volonté commune des employeurs et des syndicats de salariés pour apporter des garanties collectives à l'ensemble des salariés."
C'est ce qu'il faut préserver ?
- "C'est cela qu'il faut préserver, ce n'est pas simplement le fait de savoir si on gère tout seul dans notre petit coin ou si on gère avec l'Etat. Le fond du problème est de savoir si on veut toujours apporter des garanties collectives. Je ne suis pas persuadé que la tendance actuelle du Medef soit de protéger les garanties collectives plutôt que d'individualiser au maximum, que ce soit le chômage, que ce soit les retraites."
Comment expliquez-vous la proximité entre le Medef et la CFDT ?
- "Je la constate, je ne me l'explique pas. Je pense, qu'avec le temps, tout ça va revenir un peu dans l'ordre."
Le Gouvernement a présenté cette semaine un projet visant à développer l'actionnariat salarial. Il a fallu du temps pour mettre au point ce texte. Est-ce que vous pensez que, globalement, il va dans la bonne direction ?
- "Globalement, c'est un bon projet, surtout dans la mesure où il permet à 70 % de salariés - qui pour l'instant étaient totalement mis à l'écart de ces affaires-là : c'est-à-dire ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises - de pouvoir en bénéficier. Donc de ce côté-là, il y a une avancée importante. En revanche, il y a un point qui, pour moi, demeure toujours inacceptable : le fait d'exonérer les cotisations dans ce plan d'épargne de tout versement aux régimes de retraite. Mais je sais qu'il y aura un débat parlementaire. J'ai déjà eu des contacts avec les groupes parlementaires, il y aura vraisemblablement des amendements."
Quels sont les groupes qui déposeront ces amendements d'après vos contacts ?
- "J'ai des accords aussi bien chez les Verts que chez les communistes, chez les socialistes ou le mouvement démocratique de gauche. On a laissé de la marge pour le débat parlementaire. C'est normal. Il ne s'agit pas, par ce biais-là, de venir réduire les recettes des régimes de retraite au moment même où on explique que les régimes de retraites vont avoir quelques problèmes dans les années à venir. Si on veut rétablir un équilibre, je dis qu'il faut soumettre les plans d'épargne existants, il faut soumettre l'intéressement, il faut soumettre la participation aux cotisations retraites de la même façon qu'ils sont soumis aux cotisations maladie par le biais de la CSG. Pourquoi cotise-t-on pour la maladie sur l'ensemble de sa rémunération et pas pour la retraite, alors même que la retraite doit refléter l'ensemble de la rémunération qu'on a perçue pendant sa durée d'activité."
Le mot "fonds de pension", ça vous fait fuir ?
- "Je ne suis pas sûr du tout que, dans les années à venir, baser ses retraites uniquement sur la Bourse et sur la bulle financière actuelle soit vraiment la meilleure chose qu'on puisse faire pour les futurs retraités. Je pense qu'il y a de la place pour tout. A titre individuel, chacun peut se constituer une épargne complémentaire mais il ne faut pas mélanger les genres. La retraite c'est un problème collectif, ça doit donc être réglé sous forme d'un salaire différé comme c'est le cas actuellement."
Il y a, cet été, toute une série de conflits particulièrement durs et désespérés - Cellatex, Adelshoffen, Bernard-Faure -, qu'est-ce que vous pensez de ce nouveau type de conflit ?
- "Je pense qu'il est difficile d'expliquer à des salariés que leur entreprise va fermer, qu'il y aura un plan de licenciement, de restructuration alors que les profits des entreprises n'ont jamais été aussi impressionnants, que la Bourse monte, elle bat tous les records, que la croissance est à un haut niveau. Il y a un moment où les gens ne comprennent plus le décalage entre cette avancée globale favorable et le fait qu'on continue à leur imposer des licenciements et des fermetures de site."
Vous rejoignez un peu ce que J. Chirac avait dit le 14 juillet entre la croissance retrouvée et le pouvoir d'achat.
- "Tout à fait. Je crois que cette croissance retrouvée doit maintenant permettre de limiter la casse au niveau social. On ne peut plus se le permettre, sinon cela entraîne des réactions de désespoir parce que les gens ne comprennent pas qu'ils soient mis dans cette situation alors même qu'on leur dit que tout va bien dans le meilleur des mondes."
Les gens ce sont aussi les cadres ?
- "Tout à fait. Je crois que les cadres sont parties prenantes de l'ensemble de ces conflits. Au raidissement d'une partie du monde patronal correspond maintenant un raidissement qui dépasse même les organisations syndicales des salariés dans les entreprises. Je trouve que c'est très grave pour le moyen terme."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 8 janvier 2001)
G. Morin N. Notat a expliqué que la CFDT allait suspendre sa participation, mais pas quitter le système. Le patronat est à peu près sur les mêmes positions. Vous à la CGC, vous aviez refusé de signer la nouvelle convention, donc vous êtes en désaccord avec le patronat et la CFDT. Comment tout cela peut-il s'arranger ?
- "Ca paraît de plus en plus difficile, ça part un peu dans tous les sens. Je suis très satisfait de voir que, finalement, le Medef ne met pas à exécution sa menace de quitter tous les organismes, parce que l'on aurait été devant une situation de crise absolue. Ceci étant, la proposition de rouvrir la négociation, de rouvrir des débats, c'est une proposition que nous avions fait, avec M. Blondel, le lendemain même de l'échec de la première réunion, le 13 juin : on avait écrit à E.-A. Seillière pour lui proposer de reprendre les discussions."
Vous avez dit : "Rouvrir les négociations, rouvrir le débat", ce n'est pas la même chose.
- "Ce n'est pas la même chose. Ce qui me surprend un peu, c'est que tout le monde dit : "On va rediscuter " mais que personne ne semble savoir sur quoi on va rediscuter. Quand je vois les courriers qui sont échangés, en particulier entre les organisations signataires et le Gouvernement, c'est pour l'instant, un vrai dialogue de sourds. Ca se conclut toujours par : "Il faut se mettre autour d'une table ", mais sans qu'aucun point de discussion, de négociation ne soit prévu. Alors, de toutes les façons, on est prêt à s'associer à toute espèce de démarche pour clarifier les relations entre l'Etat, les partenaires sociaux, le régime d'indemnisation, pour faire en sorte que tous ceux qui ne sont pas concernés par l'accord Unedic - il ne faut pas oublier que l'accord Unedic ne concerne que 40 % des chômeurs ; il y en a quand même 60 % qui ne sont pas indemnisés par le régime de chômage - ... donc, si on peut mettre tout ça sur la place, avec l'Etat, avec le Medef et essayer de reconstruire, à partir des ruines actuelles, ça me paraît une bonne formule."
Avec FO et la CGT, vous faites partie des non-signataires de la nouvelle convention Unedic. Il était question que vous fassiez un texte commun, est-ce qu'une initiative commune va sortir dans les jours qui viennent ?
- "Tout à fait. Lundi ou mardi, nous allons écrire à toutes les parties prenantes à cette affaire - aux trois organisations patronales, aux deux organisations salariales signataires, aux pouvoirs publics parce qu'il faut qu'ils soient associés à cette opération - pour leur demander d'ouvrir un grand chantier, non pas sur l'accord Unedic qui est une partie du sujet, mais sur l'ensemble du problème du chômage en France, sur l'insertion des salariés privés d'emploi depuis un an, deux ans, parce que cela pose des problèmes de marginalisation, d'exclusion. On ne peut pas se satisfaire d'un seul système qui ne concerne que 40 % de personnes. Donc on veut élargir le débat et essayer, à travers ça, de reconstruire quelque chose. Il faut bien se mettre dans la tête que l'accord, signé le 13 juin, par quelques organisations, est mort-né puisque le Gouvernement n'en veut pas."
Est-ce que la lettre que vous allez adresser propose un contenu de discussion ?
- "Bien sûr, sur l'amélioration des conditions d'indemnisation du chômage, sur l'élargissement du nombre de salariés qui peuvent bénéficier de ces actions de remises à l'emploi et sur les modalités pratiques, concrètes - le PARE en particulier, pourquoi pas, s'il est mieux encadré -, d'aide au retour à l'emploi avec la formation, les bilans de compétences etc., mais élargi à l'ensemble des demandeurs d'emploi."
Vous êtes d'accord avec la CGT et FO pour le contenu de cette lettre ?
- "Nous avions fait un projet de texte peu de temps après l'échec de la négociation. Nous l'avions envoyé en commun aux pouvoirs publics et au Medef pour fixer, justement, ces grands axes sur lesquels nos trois organisations étaient d'accord."
Qui doit faire l'effort de débloquer la situation aujourd'hui : M. Aubry, E.-A. Seillière ? A qui vous adressez-vous en premier ?
- "Tout le monde doit faire l'effort. Y compris nous, y compris les organisations non signataires. Tout le monde doit faire l'effort de dépasser les petites querelles d'amour propre. Il y a ceux qui disent : "On a signé on ne va pas se déjuger ". Il y a le Gouvernement qui dit : "On a refusé, on ne va pas se déjuger ". Il y a les organisations non-signataires qui ont dit : "On n'a pas signé donc on ne va pas se déjuger ". Il faut que tout le monde passe un peu sur ses problèmes d'amour propre, accepte de remettre le chantier en état - parce que, pour l'instant, le chantier ne fonctionne pas - et, à partir de là, on peut trouver des solutions concrètes."
Les salaires : on sent monter une pression sur le pouvoir d'achat, dans plusieurs catégories. Est-ce que dans la catégorie d'encadrement, il y a cette demande de pouvoir d'achat et donc cette pression sur les salaires ?
- "Au moment où l'économie repart, au moment où les chiffres de la croissance sont de plus en plus importants, au moment où on explique que les profits des actionnaires, des dividendes sont de plus en plus élevés, les salariés ne peuvent pas regarder passer le train, sans monter dans les voitures. Donc il y a une demande très forte d'augmentation salariale. En plus avec les accords 35 heures, on a vu un peu partout des accords de modération salariale. Or la modération salariale, quand on a des taux de croissance qui redémarrent à 3-3,5 %, les gens ne la comprennent plus du tout d'autant que dans les catégories, en particulier, de l'encadrement, il y a de plus en plus, une part individualisée des augmentations de salaire. Ce qui fait que les situations sont de moins en moins comparables entre les gens. Il y a une demande réelle d'ouverture de négociation là-dessus."
L. Fabius dans le Monde, revient sur un projet de baisse de l'impôt. Vous lui faites confiance pour obtenir une baisse significative, notamment pour les catégories que vous représentez, de l'impôt, quelque chose d'important et de visible ?
- "J'ai longuement et souvent entendu L. Fabius parler de la baisse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. C'est effectivement, au niveau des catégories moyennes - qui sont largement les plus pressurées -, une revendication prioritaire. Je souhaite que cette baisse d'impôts ne soit pas noyée dans des mesurettes diverses et variées, mais qu'elle se traduise par une baisse importante de toutes les catégories, de toutes les tranches des gens qui payent l'impôt sur le revenu des personnes physiques
(Source http://sig.premier-ministre gouv.fr, le 8 janvier 2001)
P. Lapousterle Est-ce qu'il ne fait plus aucun doute à vos yeux maintenant que l'accord de l'Unedic soit signé, que la nouvelle convention soit signée dans les minutes qui suivent ?
- "Je le pense, compte tenu de l'arbitrage qui a été rendu par L. Jospin et de l'accord qu'il a donné à E.-A. Seillière. Maintenant, il suffit de rédiger exactement les termes un peu litigieux de la convention, et en particulier les aspects financiers. Normalement, nous devrions avoir aujourd'hui-même une négociation avec l'ensemble des organisations syndicales pour parvenir à un texte qui sera la troisième mouture de la convention, mais qui devrait être agréé par les pouvoirs publics."
Hier, on disait qu'il y avait encore quelques problèmes.
- "Il y a toujours un problème tant qu'on a pas les textes au mot à mot. Il y a toujours des interprétations, des différences d'appréciation. La langue française est très riche. Donc il va bien falloir faire attention à la façon dont cela devra être rédigé. Mais sur les principes de cette convention, je crois qu'il n'y a plus aucune ambiguité entre les uns et les autres."
C'est le Premier ministre qui a débloqué la situation ?
- "Je crois effectivement que c'est le Premier ministre qui a débloqué la situation. Vendredi soir, nous n'étions pas dans une situation d'accord avec les pouvoirs publics, la copie était jugée insuffisante. Cela s'est débloqué dans la nuit de dimanche à lundi."
Que s'est-il passé ?
- "Il y a eu une mesure supplémentaire au niveau financier. C'est un décalage dans le temps d'une partie de la deuxième baisse de cotisation qui devait intervenir au 1er janvier 2002 et qu'E.-A. Seillière a accepté de repousser au 1er juillet 2002. Ceci dégage quelques milliards supplémentaires dans les résultats de l'Unedic."
Vous croyez que c'est une affaire financière qui bloquait ou une affaire plus générale, plus politique ?
- "Sur ces derniers temps, c'était une affaire financière. Sur tous les problèmes qui, pour nous, étaient des problèmes de fond et qui avaient d'ailleurs justifié notre refus de signer l'accord au mois de juin - sur les sanctions des chômeurs, sur la nature des emplois proposés, sur le caractère obligatoire du dispositif -, la convention du mois de septembre, que nous avions signée et les discussions avec le ministère avaient permis d'éclaircir totalement le débat. Il n'y avait plus de contestation sur ces points. Il restait à régler un litige financier et à s'assurer que les baisses de cotisations étaient compatibles avec le fonctionnement normal de l'Unedic. Tout ceci a suscité quelques aménagements."
Ce n'est pas M. Aubry qui va signer ce texte ?
- "Manifestement pas puisqu'il y a des délais impératifs à respecter. Il faut signer une nouvelle convention. Je pense que ce sera fait aujourd'hui. Il faut ensuite qu'elle soit soumise à la Commission nationale, ce qui prend une quinzaine de jours. Mais le principe de cet accord sera acquis avant le départ de M. Aubry."
Si ce qui se passait était comme ce qu'il est prévu, c'est-à-dire que M. Guigou prenne sa suite, ce serait une bonne nouvelle pour vous ?
- "Elle aura l'occasion de signer un bel accord. Elle démarrera très bien son mandat. Ceci étant, en tant qu'organisation syndicale, on n'a peu de relations avec le ministère de la Justice. Il y a quelques ministères avec lesquels on a des relations, mais peu avec le ministère de la Justice. Je n'ai pas l'habitude de fréquenter Mme Guigou. On jugera sur pièce, comme on dit."
Est-ce qu'à votre avis, FO va signer cette dernière convention troisième mouture, ou non ?
- "Vous devriez poser la question à M. Blondel, je ne sais pas. Pendant trois mois nous étions, avec FO, parmi les opposants à la première version de la convention, on a eu l'occasion de débattre longuement sur nos points de désaccords vis-à-vis de cette convention. J'estime que tous ces points de désaccords sont maintenant levés. Honnêtement, je souhaiterai personnellement que FO vienne rejoindre le camp des tenants du paritarisme parce que c'est sa vocation normale d'être un défenseur des organismes paritaires."
Est-ce que ce n'est pas important qu'un accord comme celui-là, de cette importance, soit signé par le plus d'organisations possibles ?
- "Tout à fait. C'est quand même une novation parce qu'on rentre vraiment dans ce qu'on appelle l'activation des dépenses. On va vraiment mettre en place un certain nombre de moyens pour aider les chômeurs. Cela nécessite, à mon avis, un grand pacte social. Plus on sera nombreux à signer ce texte et plus on sera sûr qu'il sera appliqué dans son esprit."
Vous pensez qu'on entre dans une nouvelle atmosphère sociale, dans une nouvelle ère sociale en ce moment avec cet accord ?
- "Je ne m'hasarderai pas à dire - comme j'ai pu le lire dans quelques commentaires ce matin - que la refondation est en marche. Il y a un dossier technique qui est celui de l'Unedic, qui se termine d'une façon satisfaisante pour tout le monde. Il reste en chantier des tas de dossiers sur lesquels les divergences sont fortes - qu'il s'agisse de la santé au travail, des retraites, des voies et des moyens de la négociation. Je ne jugerai pas que l'ensemble des dossiers se réglera aussi facilement que celui-ci."
C'est la victoire de qui ? Est-ce que M. E.-A. Seillière a gagné dans l'espèce de confrontation qu'il y a eu entre le Gouvernement et le patronat ?
- "Je crois que c'est la victoire du bon sens."
On dit toujours ça...
- "Non, tout le monde a fait des efforts : regardez le texte d'aujourd'hui par rapport à celui du mois de juin. Il y a quand même eu énormément d'avancées, que ce soit sur les sanctions, les emplois, etc. De leurs côtés, les pouvoirs publics qui souhaitaient que l'Unedic participe un peu plus financièrement, ont accepté de mettre la barre un peu plus bas. Je crois que tout le monde a fait beaucoup d'efforts dans cette affaire. C'est un compromis. Une négociation se termine toujours par un compromis et là, on est dans un compromis acceptable."
Est-ce que vous n'êtes pas un peu inconstant ? Au départ vous aviez dit que vous alliez signer et puis après vous n'avez pas signé. Maintenant vous signez... On peut peut-être se demander si vous n'êtes pas un peu girouette ?
- "Je suis très bien dans mes bottes. Dans cette affaire, la CFE-CGC est certainement celle qui est le plus près de ses objectifs de départ. Je vous avais dit le 14 juin, lorsqu'on a refusé de signer le protocole d'accord, les raisons pour lesquelles on refusait de signer - le caractère obligatoire, les emplois proposés, les sanctions, etc. Tous ces éléments ont été enlevés de la convention. Donc, je suis parfaitement en ligne avec ce que j'ai déclaré depuis le début. Je ne suis pas persuadé que l'ensemble de mes partenaires soient aussi proches, aujourd'hui, de ce qu'ils ont accepté ou refusé il y a quelques mois."
Est-ce que c'est, sur le fond, le meilleur texte possible pour les chômeurs, ce qui est finalement le point le plus important ?
- "Il n'y a jamais de meilleur texte. Dans une négociation, il y a toujours des compromis. Une bonne négociation, c'est celle où personne n'est content c'est-à-dire où chacun est allé au bout des compromis envisageables."
C'est bien meilleur que le texte actuel ?
- "Oui, parce qu'il y a un élément totalement nouveau qui est l'aide que l'on va apporter aux demandeurs d'emploi en matière de formation, en matière de bilan de compétences. On va dépenser l'argent de l'Unedic non plus seulement pour indemniser les chômeurs - ce qui est sa vocation première - mais également pour les aider à retrouver un travail le plus rapidement possible."
C'est un pari, on ne sait pas si cela va marcher.
- "C'est un pari, mais on n'a pas inventé grand chose. Ce qu'on a mis en place, aujourd'hui, est déjà appliqué par l'ANPE dans le cadre de son programme "nouveaux départs" pour les chômeurs de longue durée. Et ça marche ! Grâce à ce programme, on voit que le nombre de chômeurs de longue durée a tendance à décroître. Plus de 50 % arrivent à trouver un emploi. Le pari qu'on fait, c'est qu'en étendant cela à l'ensemble des demandeurs d'emploi, cela va nous permettre d'accélérer la décrue du chômage."
Cela s'applique à tous les chômeurs ou seulement aux chômeurs à partir de la nouvelle formule ?
- "Cela va monter en charge progressivement. Cela va s'appliquer progressivement aux chômeurs qui rentrent dans le système et petit à petit à ceux qui viendront s'y inscrire et qui sont actuellement en cours d'indemnisation"
Les chômeurs actuels vivront sous l'ancien régime ou sous le nouveau régime ?
- "Ils vivront pendant un moment sous l'ancien régime. Nous n'avons pas les moyens ni à l'Unedic ni aux Assedic ni à l'ANPE de dégager du jour au lendemain les milliers de conseillers qu'il va falloir mettre en place pour aider tous ces chômeurs."
"Un moment", c'est combien de temps ?
- "C'est quelques mois, il est prévu des passages. Il va falloir maintenant qu'on détermine la montée en charge du système."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 octobre 2000)