Interview de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, à Europe 1 le 1er octobre 2009, sur l'expérience de baisse de la vitesse sur autoroute, la fiscalité verte et l'équipement en voitures électriques.

Prononcé le 1er octobre 2009

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- On parle beaucoup sur RMC, ce matin, de limitation de vitesse sur autoroute, à 110 km/h au lieu de 130. Est-ce que vous êtes favorable à cette limitation ?
 
La limitation de la vitesse, ça permet, effectivement, de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
 
Un petit peu, 130, 110...
 
Ce n'est pas négligeable. On arrive à des taux de 6 %. Mais ce ci dit, c'est de réduire globalement la vitesse. Globalement, c'est-à-dire les excès de vitesse. C'est globalement des excès de vitesse sur lesquels il faut continuer à agir. Ce qui a déjà été réussi quand même pas mal.
 
C'est une fausse réponse que vous me faites. 110 ou pas ?
 
Ce n'est pas une fausse réponse, parce que 130 à 110, on ne traite qu'une petite partie du problème.
 
Mais là, en l'occurrence, on parle des autoroutes, les autoroutes, c'est 130. Alors 110 ou pas ? Etes-vous favorable au passage à 110 de toutes les autoroutes en France ?
 
 Ce n'est pas une mauvaise idée mais ce n'est pas la mesure majeure qui nous permettra de réduire les émissions.
 
Ce n'est pas urgent ?
 
Ce n'est pas la plus importante. Ce n'est pas une mauvaise idée, objectivement, mais ce n'est pas la plus importante. Et si c'est pour qu'après, on me dise, "l'écologie, c'est tout le temps des contraintes !", voilà...
 
Donc vous dites non pour l'instant ?
 
Je dis qu'il y a bien d'autres choses à faire et qu'on est en train d'essayer de faire.
 
Ce n'est pas la priorité ?
 
Pas tout de suite.
 
On va parler de cette fiscalité verte qui fait débat, à tel point que vous allez être obligée d'expliquer cette fiscalité verte à tous les députés UMP si j'ai bien compris, parce que ça commence à gronder au sein de l'UMP !
 
Mais c'est normal de faire de la pédagogie. On est quand même sur un sujet majeur. One st en train de faire quelque chose qu'on n'avait jamais fait dans notre pays, à savoir faire vraiment changer les comportements, parce que la hausse du prix des énergies au niveau international, elle est inéluctable. Il faudra que l'on se passe du pétrole, du gaz et du charbon, c'est inéluctable. Ce n'est pas facile, il faut être extrêmement modeste sur ce sujet, vraiment. Donc la taxe carbone et le chèque vert, qui est là pour inciter, c'est un bonus-malus climat, c'est quelque chose de vraiment très nouveau. Donc c'est normal de faire de la pédagogie et d'aller expliquer à tout le monde comment ça marche. Je le fais déjà pour tout le monde, parce que je fais un tour de France du Grenelle pour expliquer comment ça marche, et puis aussi, bien évidemment...
 
...Vous allez en profiter pour voir les députés UMP. Parce que X. Bertrand vous l'a demandé ; vous confirmez ?
 
Absolument.
 
Parce qu'il sent l'inquiétude monter. J'ai même entendu J. Leonetti, député UMP, dire "on préfère toujours l'original à la copie". Cela veut dire qu'on est en train de faire le lit politique des Verts. Oui ou non ?
 
Ce qui est le plus important dans ce dossier, c'est que chacun se saisisse de la question. Parce que l'écologie, ce n'est pas un petit sujet, on est en train de préparer l'avenir de nos propres enfants.
 
C'est apolitique l'écologie ?
 
L'enjeu de l'écologie, c'est apolitique, ça concerne nos enfants. Nos enfants, on ne sait pas s'ils sont de droite ou de gauche, ce n'est pas le sujet. Il y a des bonnes idées à prendre partout. On partage l'objectif, ça c'est clair. Après, les moyens, ils sont différents, évidemment, entre les verts et nous. On n'est pas d'accord sur tout, évidemment. Donc l'objectif de l'écologie...
 
Vous êtes d'accord sur beaucoup.
 
On est d'accord sur l'objectif de l'écologie. Après, il y a des points de clivage fondamentaux. Je considère que nos décisions doivent être prises dans un cadre démocratique, dans un cadre de la société civile qui est celui du Grenelle. Après, on me dit, "non, le Grenelle, ça va pas assez loin..."
 
Pourquoi, les Verts ne sont pas des démocrates ?
 
Les Verts me disent que le Grenelle ne va pas assez loin, qu'il faudrait faire beaucoup plus. Il faudrait faire moins 40 % au lieu de moins 20 %. Moi, je dis que ça a été un consensus, ça a été un débat de la société civile, il faut respecter les engagements qui ont été pris avec des gens qui sont quand même des gens sérieux.
 
Regardons un peu le plan voiture électrique que vous présentez aujourd'hui avec J.-L. Borloo. Ce plan prévoit quoi ? Il prévoit de créer une vraie filière de fabrication des batteries en France. C'est essentiel ça.
 
Le plan essaye de tout prévoir. On sait qu'on est allé dans le mur dans les années 80. Vous savez qu'on a essayé de lancer le véhicule électrique dans les années 80.
 
Oui, on a pris beaucoup de retard d'ailleurs...
 
Parce qu'on avait fait la voiture, et on n'avait fait que la voiture. Donc vous n'aviez pas les prises pour vous recharger, vous n'aviez pas le service après-vente, vous n'aviez pas tout le reste. Donc ce que l'on fait, c'est l'ensemble. Les usines de batteries, celle de Bolloré a été lancée ; à Flins aujourd'hui, avec Renault et le CEA, on lance aussi une deuxième usine. Les prises électriques, les prises partout. On a créé une filiale à ERDF - c'est le réseau qui "développe les prises", entre guillemets - qui va permettre aux communes d'installer les prises un peu partout. On a donc les batteries, les prises, les constructeurs qui vont lancer des modèles dès la fin de l'année 2010. Et on a un objectif...
 
Les premiers modèles seront vendus en 2011...
 
Dès la fin de l'année 2010, on aura des modèles. C'est vrai qu'on a pris du retard, mais maintenant, ils essayent de rattraper leur retard, c'est plutôt bon signe. Et puis, on incite les Français à en acheter, on fait un super bonus de 5.000 euros sur ces véhicules.
 
Plafonné à 8 % du prix du véhicule.
 
On va faire baisser les prix, comment ? Parce que l'Etat, les collectivités, les grandes entreprises se sont groupés pour acheter des véhicules électriques. Au total, il y en aura 100.000, on commence par une première commande de 50.000. Parce qu'il n'y pas de secret, pour que les prix baissent, il faut qu'il y ait un marché plus important. Donc voilà, on a essayé de faire toute la chaîne pour ne pas refaire les erreurs des années 80 qui nous ont fait perdre énormément de temps en France. On est sur un enjeu mondial. Tous les autres pays, même la Chine, sont en train d'investir massivement dans ces nouveaux véhicules parce qu'on sait très bien que le pétrole...
 
Donc ne prenons pas de retard ?
 
Ne prenons pas de retard. Ne nous trompons pas de voie, pas deux fois.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er octobre 2009