Texte intégral
France 2 : Bonjour, François Bayrou.
François Bayrou : Bonjour.
France 2 : Demain cela fera exactement deux ans et demi que Nicolas Sarkozy est à l'Elysée, c'est-à-dire qu'on est à mi-mandat ; l'Elysée a d'ailleurs publié cette nuit une série de précisions sur son action, on va en parler, mais d'abord quel bilan faites-vous de ces deux ans et demi à l'Elysée ?
Il y a deux juges qui ne se trompent pas, c'est d'abord la situation du pays, les finances du pays qui sont dans une situation de dérive dangereuse sans précédent ; et le deuxième c'est le jugement des Français : comme beaucoup d'enquêtes le rappellent, leur déception est à la mesure des espoirs qui avaient été mis dans l'élection de Nicolas Sarkozy.
France 2 : Mais comment vous vous l'expliquez ?
Il y a la manière dont le pouvoir est exercé par le président de la République, et c'est une manière qui ne respecte pas les principes qui sont les nôtres, depuis à peu près tous les présidents de la Ve République.
France 2 : Par exemple ?
Je ne veux pas revenir sur des polémiques, je vois à votre sourire que vous savez exactement de quoi il s'agit...
France 2 : ...Non j'aurais préféré que vous me le disiez...
Exemple : l'installation dans tous les postes de pouvoir, économique financier médiatique de proches du président, choisis par lui, c'est quelque chose qui ne respecte pas la volonté de séparation des pouvoirs. Mettre la main sur la justice, ce n'est pas respecter la séparation des pouvoirs, et ainsi de suite... Mais il n'est pas question d'entrer dans la polémique. C'est la situation du pays qui doit être jugée impartialement, et tous ceux qui s'y intéressent expriment une inquiétude, qui est une inquiétude dont je ne me souviens pas avoir vu pareil dans le passé
France 2 : Vous pensez que les choses se sont dégradées, depuis deux ans et demi ?
Il ne faut pas nier que la crise a une part de responsabilité ; mais il y a eu des choix qui sont des choix de fuite en avant, et dont on verra dans les mois qui viennent à quel point ils compromettent l'avenir du pays. Il n'y a pas d'avenir sans équilibre ; aujourd'hui cet équilibre est très largement mis en danger par les choix qui ont été faits, et je crois que quiconque prit au sein de la majorité, dans la droite républicaine, sait très bien cela.
France 2 : Cela explique les divisions à droite ?
Oui, ça peut expliquer les divisions à droite, comme les nuances -que vous soulevez- entre, par exemple, François Fillon et Nicolas Sarkozy...
France 2 : Mais est-ce que vous pensez qu'il y a un danger pour la démocratie en France ?
Il y a un danger pour les principes républicains ; il y a un danger pour l'équilibre du pays et l'équilibre et les principes, cela devrait être les deux buts de l'action de ceux qui sont au pouvoir.
France 2 : Vous parliez de nomination ; dans les précisions apportées cette nuit par l'Elysée, on parle du cas Jean Sarkozy. Nicolas Sarkozy dit qu'il regrette d'avoir voulu présenter son fils à cette fonction...
Oui, il dit même qu'il a fait une erreur et c'est le moins qu'on puisse dire ; et quand vous voyez une déclaration de cette ordre à ce moment-là, vous jugez le caractère pernicieux de la mise sous tutelle de la totalité de l'UMP ! Parce que vous vous souvenez quand cette décision a été prise ? À l'intérieur du parti au pouvoir, tout le monde disait « c'est formidable, le fils d'un génie ne peut être qu'un génie, et c'est probablement la meilleure initiative pour la jeunesse »... Ce qui faisait se gondoler la totalité des jeunes Français qui rament tant, et vous voyez que cette situation montre qu'une voie libre, capable de dire vous vous trompez, c'est au fond le meilleur service à rendre au pays...
France 2 : ...Cette voix, c'est vous ?
J'en porte une qui dit de la manière la plus objective possible -et sans acrimonie personnelle, ce que pendant longtemps on n'a pas cru- ce qu'est la situation du pays. Les voix libres rendent davantage de service dans une situation que nous connaissons, plutôt que les voix asservies qui servent de serpillières du pouvoir !
France 2 : Il y a eu un dossier assez sensible cet été, celui des sondages de l'Elysée qu'on retrouve dans la presse. L'Elysée veut de la transparence, c'est une bonne chose ?
Vous vous souvenez ce qui a été dit, quand je me suis exprimé sur cette affaire ? On a dit « mais enfin, il voit des complots partout ! » ; mais la situation créée en France par la mainmise de l'exécutif, son influence sur les instituts de sondage par l'achat par millions et par millions de sondages d'opinion, est quelque chose qui n'est pas normal dans les principes qu'on devrait respecter, et qui touche à la séparation des pouvoirs, qui touche aussi au monde médiatique et au monde des puissants... On voit aujourd'hui à quel point ceux qui s'en inquiétaient avaient finalement raison.
France 2 : Sur le grand emprunt, Nicolas Sarkozy semble avoir tranché : ce sera entre 25 et 50 milliards. Cela vous paraît raisonnable ?
C'est déjà mieux que 100. Les finances de la France sont hors-contrôle, l'avalanche est partie, la boule de neige roule, et on ne sait pas faire en sorte d'éviter le dérapage auquel nous paraissons condamner. Je vous donne un chiffre qui vous fera comprendre : aujourd'hui, la totalité de l'impôt sur le revenu payé par les Français couvre à peine les intérêts de la dette ! Dans 3 ans, il en couvrira la moitié ; il faudra deux fois plus que la totalité de l'impôt sur le revenu pour payer la totalité de la dette. Cela veut dire que nous n'avons plus de marge de manoeuvre ; cela veut dire qu'on a mangé -à cause de ce dérapage de déficits et de dettes que j'ai si souvent montré du doigt- la totalité de la marge de manoeuvre des Français, de ce qui est produit et de ce qui sera dans la décennie qui vient.
France 2 : Autre dossier sensible, la proposition de Brice Hortefeux d'organiser un couvre-feu pour les mineurs délinquants, cela vous paraît une solution ?
Le bons sens, c'est que les parents s'occupent des enfants, et que à 12 ans, il vaut mieux qu'à minuit on soit dans son lit, si on doit aller à l'école le lendemain plutôt que de traîner dans les rues. Mais encore une fois, vous voyez la distance entre les déclarations et les actes. Parce que tous les syndicats de policiers et de magistrats ont dit « mais comment on va faire ? ». En réalité, ceci est inapplicable, c'est une déclaration verbale destinée à faire de la pub, et non à changer la législation.
France 2 : En ce qui concerne l'Europe, il y a un président de l'Europe qui va être choisi. Qui vous paraît le mieux placé ?
Si j'étais en position de choisir un gouvernement, je me poserais deux questions : qui a l'expérience, et qui sait comment fonctionne l'Europe, et ce qu'il peut lui apporter ? Deuxième question : qui veut que l'Europe avance ensemble, et pas chacun dans son coin ? On dit, en langage européen, « politique communautaire », et non pas intergouvernementale !
France 2 : Cela ressemble au profil du Premier ministre Jean-Claude Junker ? C'est votre favori ?
Et bien vous voyez que les portraits robots désignent parfois des hommes qui ont la capacité, la puissance de travail, de porter un projet aussi important que le projet européen.
Source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 6 novembre 2009
François Bayrou : Bonjour.
France 2 : Demain cela fera exactement deux ans et demi que Nicolas Sarkozy est à l'Elysée, c'est-à-dire qu'on est à mi-mandat ; l'Elysée a d'ailleurs publié cette nuit une série de précisions sur son action, on va en parler, mais d'abord quel bilan faites-vous de ces deux ans et demi à l'Elysée ?
Il y a deux juges qui ne se trompent pas, c'est d'abord la situation du pays, les finances du pays qui sont dans une situation de dérive dangereuse sans précédent ; et le deuxième c'est le jugement des Français : comme beaucoup d'enquêtes le rappellent, leur déception est à la mesure des espoirs qui avaient été mis dans l'élection de Nicolas Sarkozy.
France 2 : Mais comment vous vous l'expliquez ?
Il y a la manière dont le pouvoir est exercé par le président de la République, et c'est une manière qui ne respecte pas les principes qui sont les nôtres, depuis à peu près tous les présidents de la Ve République.
France 2 : Par exemple ?
Je ne veux pas revenir sur des polémiques, je vois à votre sourire que vous savez exactement de quoi il s'agit...
France 2 : ...Non j'aurais préféré que vous me le disiez...
Exemple : l'installation dans tous les postes de pouvoir, économique financier médiatique de proches du président, choisis par lui, c'est quelque chose qui ne respecte pas la volonté de séparation des pouvoirs. Mettre la main sur la justice, ce n'est pas respecter la séparation des pouvoirs, et ainsi de suite... Mais il n'est pas question d'entrer dans la polémique. C'est la situation du pays qui doit être jugée impartialement, et tous ceux qui s'y intéressent expriment une inquiétude, qui est une inquiétude dont je ne me souviens pas avoir vu pareil dans le passé
France 2 : Vous pensez que les choses se sont dégradées, depuis deux ans et demi ?
Il ne faut pas nier que la crise a une part de responsabilité ; mais il y a eu des choix qui sont des choix de fuite en avant, et dont on verra dans les mois qui viennent à quel point ils compromettent l'avenir du pays. Il n'y a pas d'avenir sans équilibre ; aujourd'hui cet équilibre est très largement mis en danger par les choix qui ont été faits, et je crois que quiconque prit au sein de la majorité, dans la droite républicaine, sait très bien cela.
France 2 : Cela explique les divisions à droite ?
Oui, ça peut expliquer les divisions à droite, comme les nuances -que vous soulevez- entre, par exemple, François Fillon et Nicolas Sarkozy...
France 2 : Mais est-ce que vous pensez qu'il y a un danger pour la démocratie en France ?
Il y a un danger pour les principes républicains ; il y a un danger pour l'équilibre du pays et l'équilibre et les principes, cela devrait être les deux buts de l'action de ceux qui sont au pouvoir.
France 2 : Vous parliez de nomination ; dans les précisions apportées cette nuit par l'Elysée, on parle du cas Jean Sarkozy. Nicolas Sarkozy dit qu'il regrette d'avoir voulu présenter son fils à cette fonction...
Oui, il dit même qu'il a fait une erreur et c'est le moins qu'on puisse dire ; et quand vous voyez une déclaration de cette ordre à ce moment-là, vous jugez le caractère pernicieux de la mise sous tutelle de la totalité de l'UMP ! Parce que vous vous souvenez quand cette décision a été prise ? À l'intérieur du parti au pouvoir, tout le monde disait « c'est formidable, le fils d'un génie ne peut être qu'un génie, et c'est probablement la meilleure initiative pour la jeunesse »... Ce qui faisait se gondoler la totalité des jeunes Français qui rament tant, et vous voyez que cette situation montre qu'une voie libre, capable de dire vous vous trompez, c'est au fond le meilleur service à rendre au pays...
France 2 : ...Cette voix, c'est vous ?
J'en porte une qui dit de la manière la plus objective possible -et sans acrimonie personnelle, ce que pendant longtemps on n'a pas cru- ce qu'est la situation du pays. Les voix libres rendent davantage de service dans une situation que nous connaissons, plutôt que les voix asservies qui servent de serpillières du pouvoir !
France 2 : Il y a eu un dossier assez sensible cet été, celui des sondages de l'Elysée qu'on retrouve dans la presse. L'Elysée veut de la transparence, c'est une bonne chose ?
Vous vous souvenez ce qui a été dit, quand je me suis exprimé sur cette affaire ? On a dit « mais enfin, il voit des complots partout ! » ; mais la situation créée en France par la mainmise de l'exécutif, son influence sur les instituts de sondage par l'achat par millions et par millions de sondages d'opinion, est quelque chose qui n'est pas normal dans les principes qu'on devrait respecter, et qui touche à la séparation des pouvoirs, qui touche aussi au monde médiatique et au monde des puissants... On voit aujourd'hui à quel point ceux qui s'en inquiétaient avaient finalement raison.
France 2 : Sur le grand emprunt, Nicolas Sarkozy semble avoir tranché : ce sera entre 25 et 50 milliards. Cela vous paraît raisonnable ?
C'est déjà mieux que 100. Les finances de la France sont hors-contrôle, l'avalanche est partie, la boule de neige roule, et on ne sait pas faire en sorte d'éviter le dérapage auquel nous paraissons condamner. Je vous donne un chiffre qui vous fera comprendre : aujourd'hui, la totalité de l'impôt sur le revenu payé par les Français couvre à peine les intérêts de la dette ! Dans 3 ans, il en couvrira la moitié ; il faudra deux fois plus que la totalité de l'impôt sur le revenu pour payer la totalité de la dette. Cela veut dire que nous n'avons plus de marge de manoeuvre ; cela veut dire qu'on a mangé -à cause de ce dérapage de déficits et de dettes que j'ai si souvent montré du doigt- la totalité de la marge de manoeuvre des Français, de ce qui est produit et de ce qui sera dans la décennie qui vient.
France 2 : Autre dossier sensible, la proposition de Brice Hortefeux d'organiser un couvre-feu pour les mineurs délinquants, cela vous paraît une solution ?
Le bons sens, c'est que les parents s'occupent des enfants, et que à 12 ans, il vaut mieux qu'à minuit on soit dans son lit, si on doit aller à l'école le lendemain plutôt que de traîner dans les rues. Mais encore une fois, vous voyez la distance entre les déclarations et les actes. Parce que tous les syndicats de policiers et de magistrats ont dit « mais comment on va faire ? ». En réalité, ceci est inapplicable, c'est une déclaration verbale destinée à faire de la pub, et non à changer la législation.
France 2 : En ce qui concerne l'Europe, il y a un président de l'Europe qui va être choisi. Qui vous paraît le mieux placé ?
Si j'étais en position de choisir un gouvernement, je me poserais deux questions : qui a l'expérience, et qui sait comment fonctionne l'Europe, et ce qu'il peut lui apporter ? Deuxième question : qui veut que l'Europe avance ensemble, et pas chacun dans son coin ? On dit, en langage européen, « politique communautaire », et non pas intergouvernementale !
France 2 : Cela ressemble au profil du Premier ministre Jean-Claude Junker ? C'est votre favori ?
Et bien vous voyez que les portraits robots désignent parfois des hommes qui ont la capacité, la puissance de travail, de porter un projet aussi important que le projet européen.
Source http://www.mouvementdemocrate.fr, le 6 novembre 2009