Texte intégral
P. Lapousterle - Un mot sur l'événement de la nuit, l'emprisonnement de l'ancien président serbe S. Milosevic aux Pays-Bas, aux mains de la justice internationale. A votre avis, s'agit-il là d'un changement majeur dans la vie internationale et dans la vie des peuples ?
- "C'est manifestement un changement tout à fait considérable puisque c'est la première fois qu'un ex-Chef d'Etat sera conduit devant la justice internationale. Il faut en féliciter la Yougoslavie, parce que ce n'était pas simple dans le contexte. A partir de là, rien ne sera plus comme avant."
Retour en France avec les mauvaises nouvelles sur la croissance. Le Gouvernement avait annoncé, il y a un an, une croissance de 3,3 %, chiffre sur lequel il avait d'ailleurs bâti son budget. Semaine après semaine, les chiffres de la croissance diminuent, jusqu'à hier où les experts parlent de 2,3 % seulement. Ce ralentissement et peut-être ce retournement, sont-ils dus à votre avis à la politique économique du Gouvernement ou bien aux mauvais vents venus des Etats-Unis."
- "D'abord, je trouve que cela démontre une erreur de prévision du Gouvernement qui n'a pas anticipé. Au fil des mois, L. Fabius nous annonçait 3,3, ensuite 2,9, puis 2,7. On est à 2,5, et je prends le pari qu'avant la fin de l'année, la croissance sera inférieure à 2 %, à quoi s'ajoute l'inflation, alors que les risques de reprise du chômage sont très importants. Rappelez-vous, quand il y a eu le retournement de conjoncture en Allemagne ..."
... Tout le monde peut se tromper sur l'avenir.
- .".. Bien sûr. Mais quand il y a eu le retournement de conjoncture en Allemagne, qu'est-ce que L. Jospin et L. Fabius nous ont dit ? Avec beaucoup d'assurance et d'arrogance, ils nous parlaient des mérites du gouvernement français qui faisait qu'il n'y avait pas retournement. Aujourd'hui, il y a retournement, et c'est vraisemblablement parce que le mérite de la politique du gouvernement français n'existe pas. C'est un phénomène, il est vrai, international, mais cela veut bien dire que la politique du Gouvernement français, qui a gaspillé cette formidable période de croissance que nous venons de vivre, n'a pas été bonne. Je voudrais insister, par rapport à ce retournement de conjoncture, sur la reprise du déficit. Fin avril, nous sommes à 170 milliards de francs de déficit, alors que nous étions l'année dernière à 140 milliards. Cela veut dire qu'il y a une reprise du déficit, une reprise de l'inflation alors même que les promesses ..."
Donc, vous criez "casse-cou" ?
- "On crie "casse-cou", parce qu'il y a des promesses qui ont été faites qui n'ont pas été financées. Aujourd'hui, nous sommes quasiment en promesses non financées à 100 milliards de francs, et le risque est grand de se retrouver dans la situation du début des années 90
- 1992-1993 - où nous nous sommes retrouvés avec un retournement de conjoncture et une crise sans précédent."
Vous êtes formidable car quand les nouvelles sont bonnes vous dites : "ça vient des Etats-Unis, le Gouvernement n'y est pour rien." Et quand les choses vont plus mal, "c'est la faute du Gouvernement." N'est-ce pas un peu politicien ?
- "Quand les nouvelles sont bonnes et quand il y a des retournements ailleurs, le Gouvernement, avec beaucoup d'arrogance dit : "c'est grâce à nous !" Aujourd'hui, que dit-il ? Il dit simplement que n'est pas sa faute. Je crois que le Gouvernement n'avait pas anticipé et que ce sera grave pour les années qui viennent."
Deux mots sur le Chef de l'Etat : vos amis du RPR ou d'autres appartenant à d'autres partis de l'opposition parlent de "tentative de déstabilisation contre le chef de l'Etat"- c'est ce qu'à dit, hier matin à votre place, monsieur Raffarin. On parle de ses ennuis avec les juges mais ce ne sont pas les hommes politiques qui enquêtent, écrivent des conclusions, et qui s'inclinent d'ailleurs, au bout du compte, devant le privilège de juridiction du Chef de l'Etat, ce sont des juges indépendants de la République. Pourquoi parler de "déstabilisation du Chef de l'Etat" ?!
- "C'est un constat. Ce que l'on constate, c'est qu'à chaque fois que L. Jospin et le Gouvernement sont affaiblis, il y a quelque chose qui sort sur le Président de la République. Nous ne disons pas qu'il y a derrière tout cela un chef d'orchestre. Mais ce que nous constatons, c'est qu'il y a un systématisme contre le Chef de l'Etat."
"Systématisme" de qui ?
- "Un systématisme des institutions. A chaque fois que le Gouvernement est dans une position de faiblesse, des institutions - des juges, des magistrats ... mais je ne les accuse pas individuellement -, il y a un systématisme collectif pour affaiblir le Chef de l'Etat et sa fonction, ne l'oublions pas ! Au plan international, cela peut poser des problèmes."
Vous voulez dire que les juges sont à la botte du Gouvernement dans cette affaire ?
- "Je ne crois pas qu'ils soient "à la botte" en soi. Mais ils font des actes politiques en sortant des affaires à chaque fois que L. Jospin et le Gouvernement sont affaiblis."
Est-ce que tous ces bruits autour du Chef de l'Etat ne vont pas affaiblir sa candidature, son statut actuel et ses possibilités d'être candidat à sa réélection ?
- "Aujourd'hui, je ressens dans ma ville, à Bourges, en parlant avec mes concitoyens que les Français en ont assez de tout ce climat qui se crée. Je dirais qu'au début ils ont été surpris, choqués, ils avaient raison d'ailleurs. Aujourd'hui, il semble qu'on est pris - tout le monde d'ailleurs - dans une sphère médiatico-judiciaire, et tout cela ne les intéresse plus. Ce qui est important pour eux, c'est ce qu'on va leur proposer à l'élection présidentielle, aux élections législatives, ce que l'on souhaite faire pour notre pays. Je crois que les Français le ressentent profondément. Ils se sentent maintenant un peu en-dehors de tout cela."
On rappelle que votre Parti réunit demain son Conseil national. Un mot sur le bilan. On entend dire que le bilan de L. Jospin est assez satisfaisant en général, enfin les Français le considèrent comme tel en tout cas. Mais on dit qu'il serait insuffisant à assurer son élection. En quoi le non-bilan du Président de la République - car il faut quand même bien parler de cela au bout de sept ans -, serait-il un avantage ?
- "Je crois d'abord que sur le bilan de L. Jospin, les Français ressentent bien, aujourd'hui, même si on leur parle de croissance, que leur pouvoir d'achat n'a pas augmenté, que les inégalités n'ont pas cessé d'augmenter même au plus bas de l'échelle. On est à deux ou trois Smic ... Certaines personnes engagées aujourd'hui ne gagnent pas la même chose que certaines qui s'étaient engagées dans des entreprises avant. Il y a là quelque chose d'anormal. Les Français le ressentent profondément."
Le bilan est globalement négatif pour le Gouvernement Jospin ?
- "C'est "globalement négatif" ! Il y a beaucoup d'échecs. Moi qui m'intéresse beaucoup aux questions d'environnement, je constate qu'aujourd'hui, il n'y a rien eu de fait sur ces questions. Or, le Chef de l'Etat, au plan international, au plan de la défense a un vrai bilan, lui. Les Français le savent."
Il a passé cinq ans sur sept sans pouvoirs ...
- "Sur les questions qui le concernent en tant que Président de la République, en particulier au plan international, et on le voit bien lors des Conférences internationales - je suis allé avec lui à La Haye pour la Conférence contre le réchauffement climatique -, je peux vous assurer qu'il est écouté."
(source http://www.sig.premier-ministre.gouv.fr, le 29 juin 2001)
- "C'est manifestement un changement tout à fait considérable puisque c'est la première fois qu'un ex-Chef d'Etat sera conduit devant la justice internationale. Il faut en féliciter la Yougoslavie, parce que ce n'était pas simple dans le contexte. A partir de là, rien ne sera plus comme avant."
Retour en France avec les mauvaises nouvelles sur la croissance. Le Gouvernement avait annoncé, il y a un an, une croissance de 3,3 %, chiffre sur lequel il avait d'ailleurs bâti son budget. Semaine après semaine, les chiffres de la croissance diminuent, jusqu'à hier où les experts parlent de 2,3 % seulement. Ce ralentissement et peut-être ce retournement, sont-ils dus à votre avis à la politique économique du Gouvernement ou bien aux mauvais vents venus des Etats-Unis."
- "D'abord, je trouve que cela démontre une erreur de prévision du Gouvernement qui n'a pas anticipé. Au fil des mois, L. Fabius nous annonçait 3,3, ensuite 2,9, puis 2,7. On est à 2,5, et je prends le pari qu'avant la fin de l'année, la croissance sera inférieure à 2 %, à quoi s'ajoute l'inflation, alors que les risques de reprise du chômage sont très importants. Rappelez-vous, quand il y a eu le retournement de conjoncture en Allemagne ..."
... Tout le monde peut se tromper sur l'avenir.
- .".. Bien sûr. Mais quand il y a eu le retournement de conjoncture en Allemagne, qu'est-ce que L. Jospin et L. Fabius nous ont dit ? Avec beaucoup d'assurance et d'arrogance, ils nous parlaient des mérites du gouvernement français qui faisait qu'il n'y avait pas retournement. Aujourd'hui, il y a retournement, et c'est vraisemblablement parce que le mérite de la politique du gouvernement français n'existe pas. C'est un phénomène, il est vrai, international, mais cela veut bien dire que la politique du Gouvernement français, qui a gaspillé cette formidable période de croissance que nous venons de vivre, n'a pas été bonne. Je voudrais insister, par rapport à ce retournement de conjoncture, sur la reprise du déficit. Fin avril, nous sommes à 170 milliards de francs de déficit, alors que nous étions l'année dernière à 140 milliards. Cela veut dire qu'il y a une reprise du déficit, une reprise de l'inflation alors même que les promesses ..."
Donc, vous criez "casse-cou" ?
- "On crie "casse-cou", parce qu'il y a des promesses qui ont été faites qui n'ont pas été financées. Aujourd'hui, nous sommes quasiment en promesses non financées à 100 milliards de francs, et le risque est grand de se retrouver dans la situation du début des années 90
- 1992-1993 - où nous nous sommes retrouvés avec un retournement de conjoncture et une crise sans précédent."
Vous êtes formidable car quand les nouvelles sont bonnes vous dites : "ça vient des Etats-Unis, le Gouvernement n'y est pour rien." Et quand les choses vont plus mal, "c'est la faute du Gouvernement." N'est-ce pas un peu politicien ?
- "Quand les nouvelles sont bonnes et quand il y a des retournements ailleurs, le Gouvernement, avec beaucoup d'arrogance dit : "c'est grâce à nous !" Aujourd'hui, que dit-il ? Il dit simplement que n'est pas sa faute. Je crois que le Gouvernement n'avait pas anticipé et que ce sera grave pour les années qui viennent."
Deux mots sur le Chef de l'Etat : vos amis du RPR ou d'autres appartenant à d'autres partis de l'opposition parlent de "tentative de déstabilisation contre le chef de l'Etat"- c'est ce qu'à dit, hier matin à votre place, monsieur Raffarin. On parle de ses ennuis avec les juges mais ce ne sont pas les hommes politiques qui enquêtent, écrivent des conclusions, et qui s'inclinent d'ailleurs, au bout du compte, devant le privilège de juridiction du Chef de l'Etat, ce sont des juges indépendants de la République. Pourquoi parler de "déstabilisation du Chef de l'Etat" ?!
- "C'est un constat. Ce que l'on constate, c'est qu'à chaque fois que L. Jospin et le Gouvernement sont affaiblis, il y a quelque chose qui sort sur le Président de la République. Nous ne disons pas qu'il y a derrière tout cela un chef d'orchestre. Mais ce que nous constatons, c'est qu'il y a un systématisme contre le Chef de l'Etat."
"Systématisme" de qui ?
- "Un systématisme des institutions. A chaque fois que le Gouvernement est dans une position de faiblesse, des institutions - des juges, des magistrats ... mais je ne les accuse pas individuellement -, il y a un systématisme collectif pour affaiblir le Chef de l'Etat et sa fonction, ne l'oublions pas ! Au plan international, cela peut poser des problèmes."
Vous voulez dire que les juges sont à la botte du Gouvernement dans cette affaire ?
- "Je ne crois pas qu'ils soient "à la botte" en soi. Mais ils font des actes politiques en sortant des affaires à chaque fois que L. Jospin et le Gouvernement sont affaiblis."
Est-ce que tous ces bruits autour du Chef de l'Etat ne vont pas affaiblir sa candidature, son statut actuel et ses possibilités d'être candidat à sa réélection ?
- "Aujourd'hui, je ressens dans ma ville, à Bourges, en parlant avec mes concitoyens que les Français en ont assez de tout ce climat qui se crée. Je dirais qu'au début ils ont été surpris, choqués, ils avaient raison d'ailleurs. Aujourd'hui, il semble qu'on est pris - tout le monde d'ailleurs - dans une sphère médiatico-judiciaire, et tout cela ne les intéresse plus. Ce qui est important pour eux, c'est ce qu'on va leur proposer à l'élection présidentielle, aux élections législatives, ce que l'on souhaite faire pour notre pays. Je crois que les Français le ressentent profondément. Ils se sentent maintenant un peu en-dehors de tout cela."
On rappelle que votre Parti réunit demain son Conseil national. Un mot sur le bilan. On entend dire que le bilan de L. Jospin est assez satisfaisant en général, enfin les Français le considèrent comme tel en tout cas. Mais on dit qu'il serait insuffisant à assurer son élection. En quoi le non-bilan du Président de la République - car il faut quand même bien parler de cela au bout de sept ans -, serait-il un avantage ?
- "Je crois d'abord que sur le bilan de L. Jospin, les Français ressentent bien, aujourd'hui, même si on leur parle de croissance, que leur pouvoir d'achat n'a pas augmenté, que les inégalités n'ont pas cessé d'augmenter même au plus bas de l'échelle. On est à deux ou trois Smic ... Certaines personnes engagées aujourd'hui ne gagnent pas la même chose que certaines qui s'étaient engagées dans des entreprises avant. Il y a là quelque chose d'anormal. Les Français le ressentent profondément."
Le bilan est globalement négatif pour le Gouvernement Jospin ?
- "C'est "globalement négatif" ! Il y a beaucoup d'échecs. Moi qui m'intéresse beaucoup aux questions d'environnement, je constate qu'aujourd'hui, il n'y a rien eu de fait sur ces questions. Or, le Chef de l'Etat, au plan international, au plan de la défense a un vrai bilan, lui. Les Français le savent."
Il a passé cinq ans sur sept sans pouvoirs ...
- "Sur les questions qui le concernent en tant que Président de la République, en particulier au plan international, et on le voit bien lors des Conférences internationales - je suis allé avec lui à La Haye pour la Conférence contre le réchauffement climatique -, je peux vous assurer qu'il est écouté."
(source http://www.sig.premier-ministre.gouv.fr, le 29 juin 2001)