Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, à RMC le 2 décembre 2009, sur l'envoi de soldats français en Afghanistan et le plan de relance de la croissance.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin L. Chatel, porte-parole du Gouvernement, ministre de l'Education nationale, notre invité ce matin. L. Chatel, bonjour.
 
Bonjour, Jean-Jacques.
 
L'Afghanistan. B. Obama fait pression ; il veut que nous envoyions 1.500 soldats supplémentaires. Allons-nous les envoyer ?
 
A la suite du discours du Président Obama, cette nuit, le président de la République a adressé un communiqué dans lequel il a rappelé l'engagement de la France au côté des alliés en Afghanistan, que c'était un enjeu majeur qui ce jouait là-bas, c'est clairement la guerre contre le terrorisme international, contre l'intolérance, contre les talibans. Il a rappelé que la France avait, depuis deux ans maintenant, augmenté ses moyens en Afghanistan. Nous avons actuellement près de 4.000 soldats, 3.750, qui sont engagés. Il a rappelé également que notre volonté c'est ce qu'on appelle la "stratégie d'afghanisation", c'est-à-dire que, progressivement, grâce à l'appui des alliés, les Afghans prennent leur destin en main en matière de développement économique, en matière de formation de leurs forces armées et de leur police. Donc c'est cette stratégie que nous poursuivons. Vous savez que nous sommes très engagés en matière de formation en Afghanistan. Quant à l'engagement de nos troupes, il y aura dans les prochains jours une réunion des ministres de l'Otan et vous savez que la France au côté de la Grande- Bretagne et de l'Allemagne va organiser à Londres le 28 janvier prochain un sommet des pays qui sont engagés en Afghanistan, et dans le cadre de ce sommet et de la réunion des ministres des Affaires étrangères qui sera la semaine prochaine, eh bien nous aurons à préciser notre engagement.
 
Est-ce que nous disons non à B. Obama ? La France dit-elle non à B. Obama ?
 
D'abord, je viens de vous dire que nous ne disons pas non, puisque nous sommes engagés au côté des Américains et des alliés.
 
Donc la France ne dit pas non à B. Obama ?
 
La France ne dit pas non à son engagement qui est conforté là-bas avec 3.750 soldats.
 
Oui, donc la France ne dit pas non à la demande de B. Obama, on est bien d'accord, L. Chatel ?
 
La France est au côté des Américains et des alliés en Afghanistan.
 
Donc, elle ne dit pas non ? Quant à la nature de notre engagement, je viens de vous dire que nous aurons l'occasion de préciser.
 
Cela veut dire que nous allons envoyer, je ne sais pas moi, des gendarmes pour former l'armée afghane ou la police afghane ?
 
La formation est un axe majeur de notre stratégie en Afghanistan, nous Français, puisque nous avons déjà envoyé des gendarmes qui ont vocation à former les Afghans précisément pour qu'ils prennent en matière de sécurité leur destin en main. Quant à la suite des évènements, je viens de vous l'indiquer...
 
Vous allez envoyer de nouveaux gendarmes ?
 
Je viens de vous indiquer que je ne peux pas vous répondre ce matin dans la mesure où cela n'a pas été défini et que les ministres se réuniront et que l'objet du sommet du 28 janvier, c'est de discuter avec Monsieur Karzaï, le Président afghan, pour voir comment lui, en face de l'engagement des alliés, peut apporter une réponse pour lui-même prendre en charge un certain nombre d'activités.
 
Est-il vrai qu'à la mi-octobre, N. Sarkozy affirmait qu'il n'enverrait pas un soldat de plus ?
 
Je viens de vous dire, J.-J. Bourdin que dans les prochains jours, la France aura l'occasion de préciser son engagement. Cette nuit, le président de la République, que vous aimez bien citer...
 
Oui, je le cite parce que c'est lui qui est le chef des armées...
 
... a rappelé l'engagement de la France au côté des Américains.
 
Bon. Ce qui veut dire que peut-être... Peut-être que nous enverrons, peut-être pas de nouvelles troupes mais dans tous les cas des gendarmes formateurs.
 
Après la discussion avec nos partenaires.
 
Bon, eh bien, nous verrons. Une fédération de parents d'élèves, en l'occurrence la PEEP, demande à ce que les enseignants soient vaccinés en priorité contre la grippe A. Oui ou non ?
 
Il faut bien expliquer aux parents d'élèves, aux enseignants et à l'ensemble des Français la stratégie que nous avons mise en oeuvre avec R. Bachelot et avec B. Hortefeux. Vous savez que nous avons commandé avant l'été un grand nombre de vaccins pour répondre à cette épidémie...
 
...Et acheté. Combien ? 94 millions de doses commandées et achetées ?
 
Oui, achetées. Ces doses arrivent, sont en train d'être produites ; elles arrivent progressivement. Elles ne sont pas encore toutes disponibles. C'est la raison pour laquelle il a été défini un certain nombre de publics prioritaires, un ordre de priorité dans la vaccination. Comment avons-nous défini cet ordre de priorité ? Par rapport au virus H1N1 et par rapport au risque sur certaines populations. On sait que c'est un virus qui touche les personnes fragiles, les jeunes enfants, les publics qui sont... les nourrissons, par exemple. Donc nous avons listé des publics prioritaires, tous les gens qui travaillent auprès de nourrissons, les personnes fragiles et à risque, les femmes enceintes et les enfants qui sont davantage exposés que d'autres publics à ce virus.
 
Et ceux qui travaillent auprès des enfants ne sont pas prioritaires ?
 
Non, ils sont moins prioritaires.
 
Moins prioritaires, donc pas de vaccination en priorité.
 
Comme nous n'avons pas encore l'ensemble des doses disponibles, nous vaccinons d'abord les publics prioritaires, et c'est la raison pour laquelle nous avons engagé la campagne de vaccination dans les collèges et dans les lycées, la semaine dernière, et que les écoliers commencent à pouvoir se faire vacciner dans les centres de vaccination avec les parents. Donc les enseignants n'ont pas été définis comme public prioritaire.
 
Bon, non à la PEEP.
 
Mais j'ajoute, J.-J. Bourdin, qu'ils pourront se faire vacciner dès que les publics prioritaires l'auront été, c'est-à-dire à partir de la fin du mois de décembre.
 
Trouvez-vous N. Sarkozy très content de lui ? Est-ce que Obama, Zapatero, Brown sont des nuls ?
 
Non, mais N. Sarkozy il essaie un an après de faire un bilan de ce qu'a été la réponse de la France à la crise sans précédant...
 
Il y a encore la crise un an après ?
 
Si, bien sûr qu'il y a la crise. Simplement, comme c'est un an après, la réaction de la France, il n'est pas inutile de rappeler tout ce qui a été fait. Vous savez il y a un an on nous a beaucoup brocarder en disant qu'est-ce que vous allez inventé ! Un plan de relance à quoi cela va servir ? Force est de constater un an après que d'abord nous avons, je pense, fait de bons constats, peut-être avant les autres. Moi je me souviens avoir accompagné N. Sarkozy à Toulon, c'était en septembre 2008, eh bien, avant les autres, oui il a senti, il a perçu l'ampleur de la crise. Ensuite, je me souviens avoir travaillé avec lui, j'étais en charge de l'industrie à l'époque, à un plan de relance. Au départ, il envisageait d'annoncer, de mettre en place le plan de relance à la fin du mois de janvier 2009, eh bien, c'est lui qui a senti que vu la gravité de la crise, il fallait anticiper les choses, et c'est le discours de Douai, de début décembre 2008. Donc c'est lui qui a eu ce sens de la réactivité par rapport à l'ampleur de la crise.
 
Alors, pourquoi - j'ai une question toute simple, toute simple, qui me paraît... pourquoi 33 % des habitants des quartiers dit sensibles vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 908 euros par mois ? Pourquoi ne parle-t-on pas des retraités qui n'arrivent pas à se loger ? Pourquoi les femmes seules avec enfants sont de plus en plus nombreuses aux Restos du coeur ?
 
Alors, attendez ! Je crois que... Vous évoquez de vrais sujets. Je ne suis pas sûr que les sujets auxquels nous sommes confrontés (...) je ne suis sûr qu'il faille forcement faire un amalgame entre les différents sujets.
 
Non, je ne fais pas d'amalgame, mais je vous pose la question, c'est une...
 
Alors, abordons les sujets. La question des quartiers difficiles ce n'est pas une question nouvelle. Nous avons depuis 40 ans...
 
Echec sur échec !
 
Oui il y a eu une politique de la Ville...
 
Tous les gouvernements, L. Chatel, et votre dernier plan, même chose.
 
Non, je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas d'accord parce que quand vous regardez les bilans de l'Observatoire sur les zones urbaines sensibles, qui a été publié en début de semaine, il est critique effectivement sur le fait que nous n'avons pas encore réussi à inverser la tendance sur la précarité...
 
Même F. Amara nous dit : je n'ai pas pu appliquer mon plan à cause de C. Boutin. D'ailleurs, c'est surréaliste !
 
Ne caricaturez pas, J.-J. Bourdin ! Venons-en plutôt au fond plutôt qu'aux éventuelles querelles.
 
D'accord, mais c'est une réalité.
 
Donc, sur le fond, nous avons enregistré un certain nombre de progrès. Prenons l'exemple de la rénovation urbaine. Dans le cadre du plan de relance, puisque vous m'interrogez sur la relance, il y a 350 millions d'euros supplémentaires qui ont été mobilisés dans les quartiers. Je suis maire d'une ville, Chaumont, qui n'a pas particulièrement de difficultés, de zone urbaine sensible, mais il y a plus de 55 % d'habitants en logements sociaux. Eh bien, nous avons engagé, grâce au plan de relance en particulier, un programme de rénovation urbaine de plus de 40 millions d'euros. Cela veut que ces quartiers, ils vont se transformer, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain, cela se fait sur plusieurs années. C'est un programme qui a été engagé il y a deux ans.
 
C'est comme le bilan de la relance, quoi, cela ne se fait pas sur un an. Cela se fait sur plusieurs années.
 
Non, sauf que la relance il y a des secteurs sur lesquels nous avons aujourd'hui déjà de vrais résultats.
 
L'automobile, c'est une réussite ?
 
Par exemple, l'automobile. Vous vous souvenez, on envisageait de proposer 220.000 primes à la casse. Nous pensions vendre 220.000 véhicules sur l'ensemble de l'année 2009 grâce à la prime à la casse. Nous allons dépasser les 500.000 véhicules.
 
Alors pourquoi ne pas prolonger cette prime à la casse, qui est réduite d'ailleurs ?
 
Réduite parce qu'on ne peut pas subventionner éternellement le secteur automobile. Nous avons voulu sauver l'automobile qui était confrontée à une crise jamais vue. Rappelez-vous, il y a quand même Général Motors qui a fait faillite dans l'affaire. Il y a plusieurs constructeurs qui ont été en grande difficulté. Nous avons, grâce au plan qui a été mis en oeuvre en février dernier, le pacte automobile, sauvé la filière automobile française, parce qu'elle a un impact considérable sur l'emploi, sur le tissu de PME, sur l'ensemble de nos territoire dans l'industrie.
 
L. Chatel, que dites-vous aux restaurateurs, aux hôteliers, aux patrons et aux salariés de la restauration qui n'arrivent pas à trouver un accord salarial ?
 
Je dis que le Gouvernement a tenu ses engagements. Cela a été un accord difficile - je parle de la baisse de la TVA - où le Gouvernement, le président de la République lui-même, excusez-moi l'expression, a vraiment mouillé la chemise et il a convaincu ses partenaires européens.
 
Il a mouillé sa chemise.
 
Nous pensons que c'était justifié, parce que la restauration c'est un réservoir d'emplois très important dans notre pays.
 
Mais comment se fait-il qu'après cette aide, on n'arrive pas à trouver un accord salarial dans cette branche ?
 
Eh bien, c'est d'abord aux responsables de cette branche qu'il faut poser la question.
 
Que leur diriez-vous ce matin ?
 
Je leur dis que nous avons tenu nos engagements. A eux de faire preuve de responsabilité et de respecter leurs engagements, sur les trois domaines...
 
Vous mettez un nouveau délai ? Il faut absolument trouver un accord très vite ?
 
H. Novelli doit revoir l'ensemble de la profession le 15 décembre prochain pour faire un point avec le comité de suivi sur les engagements qui ont été pris. Il y a un engagement qui avait été pris sur les prix, nous n'y sommes pas, puisque seulement la moitié des prix ont baissé et que la moitié du chemin seulement a été fait. Il y avait un engagement sur les emplois. Alors, certes il y a avait la crise et je dois dire, beaucoup de restaurants ont sans doute été sauvés grâce à la baisse de la TVA, au moment où nous traversons la crise, mais il y quand même un engagement qui est pris sur l'emploi. Il y a un engagement sur les salaires. La négociation qui s'est achevée hier matin dans la nuit, malheureusement s'est conclue par un accord dit minoritaire ; il n'y a que deux syndicats qui ont signé. Cela veut dire qu'il faut continuer les efforts.
 
Il faut continuer à négocier ?
 
Je crois. Et c'est à H. Novelli de piloter ce dossier. (.../...)
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2009