Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je crois à la démocratie sanitaire. Non pas comme un slogan, vide de sens et surtout de chair, mais comme le véritable moteur d'une politique de santé dont chacun serait acteur.
Je crois à la qualité des soins dans notre pays, que l'OMS a classé au premier rang mondial.
Je crois aux performances de notre système de sécurité sanitaire.
Je crois au principe de précaution mais pas au syndrome de précaution.
Je crois à ces centaines de milliers de professionnels qui chaque jour, chaque nuit, se tiennent auprès de personnes malades mais qui j'espère ne souffrent pas.
Je crois aux nouveaux horizons de la recherche, pour peu qu'ils soient maîtrisés et coordonnés avec les nécessités de santé publique.
Je crois à l'unité nécessaire des acteurs de la santé publique et du soin.
Je crois que nous avons de la chance en France, de la chance d'être en bonne santé et d'être bien soignés.
Demandez aux Français, comme l'a fait le CFES, ils vous le diront très clairement.
Oui, ils sont en bonne santé, mais ils veulent savoir, être informé et participer, y compris financièrement si on leur explique.
Et souvenons-nous que nous gagnons trois mois d'espérance de vie par an.
Mais je sais, dans le même temps, les carences, les inégalités, les insuffisances.
Comment se résoudre, par exemple, à ce que l'espérance de vie d'un ouvrier spécialisé de quarante-cinq ans reste nettement inférieure à celle d'un cadre supérieur ou d'un membre d'une profession libérale.
Je sens aussi ce désarroi, cette insatisfaction diffuse, sourde et profonde, parfois silencieuse et souvent bruyante, manifestant sous les fenêtres du Ministère.
Les professionnels s'interrogent, s'inquiètent, doutent parfois de leur avenir.
Je sais leurs attentes considérables.
Et je sais également d'expérience que le malaise d'une société se manifeste souvent en premier lieu dans le champ de la santé.
Mesdames et Messieurs, je voudrais partager aujourd'hui avec vous une vision.
Celle d'un combat partagé pour (re)donner, à tous, usagers comme professionnels, fierté et confiance dans notre système ; pour le faire évoluer vers plus d'efficacité, mais aussi plus d'humanité.
Les Etats généraux de la Santé, voulus par Lionel Jospin et que j'avais animé en 1998 et 1999, ont affirmé l'importance d'un débat ouvert et démocratique, au plus près des réalités.
Notre ambition est de conduire une politique globale de santé où le principe de responsabilité s'impose et pas seulement le nécessaire principe de précaution.
La démocratie sanitaire exige que chacun puisse prendre en charge son destin.
Les malades et les usagers doivent être à même d'apprécier les risques qu'ils courent et de choisir en toute conscience, leurs comportements, leurs prises de risques, les soins qu'on leur prodigue.
La naissance d'une véritable démocratie sanitaire commence par la reconnaissance des droits des malades.
Le projet de loi sur la modernisation de la santé que j'espère, nous pourrons présenter au Parlement cette année fait de cette revendication majeure des Etats Généraux son article premier.
Autour des principes de respect de la dignité, de la vie privée et du secret médical, de la non discrimination en raison de l'état de santé, d'un handicap ou du patrimoine génétique.
Il affirme l'impératif de transparence des institutions et des établissements de santé.
L'une des inégalités majeures, mais sournoise, de notre système sépare ceux qui savent s'orienter dans le maquis de l'offre de soins, et ceux qui ne sont pas en mesure de le faire.
Il faut permettre à chacun de connaître les performances ou la qualité du système.
Le projet de loi établit le droit à l'information.
Droit individuel à l'information sur son état de santé, sur les risques et les bénéfices des traitements proposés, mais également droit à l'information sur les performances et la qualité de l'offre des soins. Je ne veux plus voir des classifications sauvages mais des classifications fondées.
Et enfin, et surtout, il affirmera le droit pour chacun à l'accès direct et personnel à son dossier médical
Autre axe législatif majeur: Nous allons enfin je l'espère mettre en uvre l'indemnisation de l'aléa thérapeutique
Je vois et reçois beaucoup de victimes d'incidents ou d'accidents pour lesquels aucune faute n'a été identifiée: elles parlent toujours avec force et émotion de ce qu'elles vivent comme une profonde injustice : sans faute avérée, pas d'indemnisation.
De leur côté, les professionnels sont déroutés par l'évolution fluctuante, et parfois contradictoire, des règles qui définissent leur responsabilité. Comment travailler sereinement dans un tel contexte ?
Face à cette situation, il est devenu indispensable de mettre en place un dispositif d'indemnisation de l'aléa thérapeutique.
Nécessité impérative tant pour les victimes que pour les professionnels si l'on veut rétablir la confiance.
J'ai rêvé depuis longtemps de pouvoir mettre en uvre ce projet.
J'ai rédigé le premier texte en 1992.
L'heure est enfin venue.
Et quand je pense à la détresse de toutes les personnes concernées permettez-moi de vous dire mon émotion de toucher enfin au but.
Le système de santé doit faire toute sa place à l'usager
Il ne doit plus en être un simple consommateur, mais un véritable acteur.
Les personnes touchées par le SIDA ont su nous le dire avec force, et plus encore l'imposer avec compétence et détermination, grâce à leurs associations.
Et je suis très heureux que la Ligue contre le Cancer après Aides se soit engagée dans cette voie avec ce réseau de malades qu'ils viennent de me présenter.
N'ayons pas peur de cette formidable ouverture, y compris quand elle vient nous interroger, pouvoirs publics ou professionnels, avec parfois une véhémence légitime, pour nous obliger à toujours conserver le malade au cur du système, au cur de nos préoccupations.
Faisons des malades des partenaires, et jamais des adversaires.
Appelons-les les usagers, les patients, les malades ou les citoyens, qu'importe.
Mais comprenons que ces femmes et ces hommes -c'est à dire nous, nos frères, nos mères, nos enfants - refusent d'être passifs, isolés, livrés - dans le cadre du trop fameux colloque singulier - à la pression de la médecine.
Ils et elles veulent maîtriser les choix qui touchent à leur santé, à leur vie.
Ils ont mille fois raison.
Qui oserait aujourd'hui le contester.
Alors faisons-le. Ensemble.
Ils doivent avoir leur place partout.
Et pas pour être des alibis.
Le projet de loi de modernisation du système de santé y veillera.
Le système de santé doit être organisé au plus près des besoins, et donc véritablement régionalisé.
La politique de santé doit avoir un ancrage régional et local.
C'est également l'objet de l'un des volets du projet de loi de modernisation.
Nous avons prévu de créer dans ce cadre des conseils régionaux de santé.
Cette structure unique donnera une cohérence nouvelle aux actions, programmes et politiques régionales de santé.
Elle permettra également aux Régions de contribuer à la définition de la politique nationale.
Le Conseil régional de santé doit être une première étape vers une régionalisation plus poussée de l'assurance maladie et des services de l'Etat.
Les ordonnances de 1996 ont implicitement fait de la politique de santé un codicille de la politique d'assurance maladie, définie par la loi de financement de la sécurité sociale.
Ce n'est pas acceptable.
Certes, nous devons tenir compte des contraintes budgétaires.
Mais le primat doit rester à la santé publique et au service du malade.
La procédure parlementaire ne doit pas se résumer au vote de l'ONDAM. Le projet de loi de modernisation du système de santé prévoit la définition d'une procédure simple en cinq étapes :
- Les conseils régionaux de santé élaborent des propositions.
- Le gouvernement s'en saisit pour construire une politique de santé.
- La Conférence nationale de santé et les caisses nationales d'assurance maladie analysent le projet présenté par le gouvernement.
- sur la base de ces avis, le gouvernement soumet un projet révisé et enrichi devant l'Assemblée nationale lors d'un débat public.
Puis il met en uvre cette politique, notamment par le biais de la loi de financement de la sécurité sociale.
Voilà une procédure nouvelle, cohérente, qui redonnent la priorité aux objectifs de santé publique.
Mesdames et Messieurs, c'est sur la base de vos travaux, auxquels nous attachons une importance majeure, que le gouvernement entend organiser ses priorités de santé publique autour de six axes.
Premier axe : la lutte contre les pathologies chroniques ;
Avec une préoccupation centrale : le cancer
Aujourd'hui, plus de 700 000 personnes en France vivent avec un cancer et l'on diagnostique 250 000 nouveaux cas chaque année.
Dans ce domaine, peut- être encore plus qu'ailleurs, la prévention est essentielle : la réorganisation du dispositif de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme sera poursuivie pour que tout hôpital de plus de deux cents lits puisse proposer une offre de soins adaptée, une consultation personnelle.
Le dépistage organisé du cancer du sein sera généralisé à l'ensemble des départements cette année.
Et nous engageons un processus d'extension du dépistage du cancer du colon, qui concernera en 2001 onze départements.
Mais une fois dépistés, il faut traiter ces cancers.
Nous avons déjà pris des mesures pour améliorer la prise en charge : nouvelles autorisations pour les IRM, programme pluriannuel de soutien aux innovations technologiques, enveloppe spécifique - près de 500 millions de francs - pour mieux prendre en compte le coût des chimiothérapies.
Mais il reste beaucoup à faire, quantitativement et qualitativement.
Pour 2001, nous veillerons à développer la radiothérapie, compte tenu des progrès techniques importants réalisés dans ce domaine.
Et j'ai souhaité que nous portions une attention particulière aux cancers de l'enfant, mais aussi des personnes âgées, insuffisamment pris en compte jusqu'à maintenant.
Enfin, l'amélioration des conditions de vie et d'accompagnement médico-social des personnes atteintes de cancer reste indispensable, en particulier le soutien psychologique.
Je le sais, les besoins sont immenses, les derniers Etats généraux des malades du cancer l'ont encore confirmé.
J'aimerais qu'à terme toute personne atteinte d'un cancer puisse avoir accès à un soutien psychologique s'il elle désire.
Accent fort sur la lutte contre le cancer donc, mais sans oublier les autres maladies chroniques, avec le développement :
D'un plan de lutte contre les maladies cardiovasculaires
D'un plan de prise en charge du diabète
D'un plan d'action sur l'asthme
D'un plan pour la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique
Et, enfin, d'un plan pour améliorer la prise en charge des enfants atteints de mucoviscidose.
Notre deuxième axe prioritaire, c'est la lutte contre les pathologies infectieuses
Avec, tout d'abord l'infection à VIH que les progrès thérapeutiques ne doivent pas faire oublier.
Certes sur ce front, il y a de bonnes nouvelles, et notamment la régression de la mortalité sous l'effet des traitements (600 décès en 1999 contre 2000 en 1994), mais aussi la qualité des vies des personnes touchées qui s'est très sensiblement améliorée.
Mais des préoccupations demeurent, ou ré-émergent, comme le relâchement des comportements de prévention dans certains milieux exposés, et surtout dans certains lieux de rencontre.
Quant aux traitements, ils s'accompagnent de difficultés croissantes d'observance en raison des effets indésirables des antirétroviraux.
Nous devons faciliter l'accès aux nouveaux médicaments, notamment pour les malades en échec thérapeutique.
Dans le domaine des maladies transmissibles, l'hépatite C exige également une action prioritaire. Environ 1% de la population française serait infecté. 600.000 personnes environ seraient atteintes mais seulement une personne sur trois est aujourd'hui dépistée, et 5% sous traitement.
Nous devons donc d'abord améliorer l'information.
Nous le ferons dans les prochains mois avec une campagne d'information destinée au grand public, mobilisant la presse nationale et régionale.
Nous relancerons la politique de dépistage selon les critères retenus par l'ANAES, c'est-à-dire un dépistage ciblé sur les groupes exposés et non plus un dépistage de toute la population.
L'accès aux traitements constitue avec la surveillance et le dépistage le troisième axe prioritaire. Il sera renforcé.
Le budget consacré à la recherche contre l'hépatite C est en augmentation, notamment au sein de l'ANRS où il s'est accru de 30 %.
Il nous faut enfin prévenir la transmission : chez les toxicomanes, en renforçant les programmes d'échanges de seringues et de substitution, et en milieu de soins en redoublant d'efforts dans le nettoyage, la désinfection et la stérilisation des instruments médicaux ou chirurgicaux.
Troisième axe : la lutte contre les maladies émergentes ou orphelines
La crise de la vache folle a souligné l'importance de la vigilance sanitaire et de l'adaptation de notre système de santé à d'éventuelles pathologies émergentes.
La Direction générale de la Santé assurera la coordination des actions de prévention contre les maladies émergentes et l'organisation des prises en charge adaptées.
Quant aux maladies orphelines, l'idée et le terme même me sont insupportables, tant ils sont hypocrites.
Ce sont en réalité des maladies négligées. Négligées parce que non rentables !
La France a largement contribué au développement des médicaments qui permettent de lutter contre les maladies rares, trop souvent abandonnées par la recherche médicale.
Ces pathologies, au nombre de 6 000, ne touchent chacune que peu de patients.
Mais à l'échelle européenne, elles affectent 25 millions de personnes, souvent gravement.
Voilà encore un domaine dans lequel nous avons besoin d'Europe.
Grâce à l'action continue et obstinée du gouvernement français, l'Union Européenne a adopté en décembre 1999 un mécanisme de soutien aux médicaments concernés.
Lors de sa présidence, la France a entamé une action similaire en faveur des médicaments adaptés à l'enfant. Nous poursuivons cette action.
Et je veux que nous donnions à l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments une responsabilité et des moyens plus importants dans ce domaine.
En France, le programme hospitalier de recherche clinique a retenu pour 2001 les maladies orphelines parmi ses priorités de financement.
Quatrième axe : la lutte contre les pratiques addictives
Nous avons fait le choix il y a trois ans, à la suite du rapport Roques, que j'avais commandé, de rassembler au sein de la MILDT l'ensemble des toxiques.
C'était la bonne approche.
Ne pas considérer le tabac et l'alcool comme un toxique au même titre que les drogues illicites est un déni de santé publique.
Mais ce n'était qu'un point de départ vers une véritable politique de santé en matière de pratiques addictives.
Nous la développons avec la MILDT ;
Je me refuse à rester aveugle aux réalités ; aux évolutions sociologiques en France et juridiques chez nos voisins européens.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que je n'étais pas favorable à une dépénalisation du cannabis, en tant que telle.
Mais je crois aux vertus d'une stricte réglementation qui éviterait le maintien de la situation ubuesque que nous connaissons.
Cinquième axe : les programmes d'action spécifiques, qui seront consacrés, comme les conférences régionales et la conférence nationale l'ont souhaité :
A la santé des jeunes, et à celle des personnes âgées,
A la santé des femmes, avec une attention particulière portée à la violence sexuelle et aux violences conjugales (85 % sous l'emprise de l'alcool).
Il faut rompre avec cette véritable omerta - cette intolérable loi du silence - dont la société mais aussi le système de santé sont coupables.
Alors que de 10 % à 20 % des femmes consultent aux urgences de l'hôpital pour ce motif.
Nous ferons également évoluer le cadre légal applicable à l'IVG, dont nous débattrons dès ce soir au Sénat.
Mais cette évolution n'a de sens que si elle s'accompagne d'un renforcement des actions en faveur de la contraception.
Ce que nous ferons.
Enfin, nous attacherons une attention particulière à la santé des personnes en situation précaire.
Je voudrais à cet égard mentionner deux sujets majeurs :
Le saturnisme, pour lequel le dispositif prévu dans la loi contre les exclusions n'a malheureusement pas produit les résultats escomptés,
Et la santé des détenus, pour laquelle nous mènerons une action commune avec le ministère de la Justice au cours de cette année, avec un effort particulier dans le domaine de la psychiatrie,
Enfin, sixième et dernier axe : les actions d'intérêt général qui concerneront : le développement des greffes, l'accompagnement de fin de vie et la lutte contre la douleur.
3-Voici donc brossées rapidement les grandes orientations de santé publique que vous avez identifiées et dont nous avons fait nos priorités et nos axes de travail.
Dans le même temps, nous devons amorcer une nouvelle étape de la sécurité sanitaire.
Pourquoi ne pas dire parfois notre fierté ?
La France dispose d'un dispositif de sécurité sanitaire que l'Europe et le monde nous envient.
A sa tête, le conseil national de sécurité sanitaire, instance de coordination, se réunit désormais sous la présidence du ministre chargé de la Santé pour examiner les grands enjeux de cette politique et amorcer une nouvelle étape dans le construction de la sécurité sanitaire
Dans cette perspective, nous voulons faire un effort particulier pour le suivi et le contrôle des mesures prises.
La politique de sécurité sanitaire repose sur deux piliers fondamentaux : la surveillance, l'évaluation et la gestion des risques d'un côté, et de l'autre le suivi et le contrôle de l'application des règles au jour le jour.
Un décret qui réforme les déclarations obligatoires de pathologie améliorera la surveillance épidémiologique
En médecine hospitalière comme en médecine ambulatoire, nous aurons un programme de contrôle de l'application des mesures de stérilisation et de précaution vis-à-vis des risques infectieux, comme l'ESB par exemple.
La sécurité d'utilisation des médicaments à l'hôpital sera renforcée par l'application des bonnes pratiques de pharmacies hospitalières qui doivent être prochainement publiées.
Enfin, après celle de 1996, une enquête nationale sur les infections nosocomiales, menée en mai-juin 2001, permettra d'apprécier le chemin parcouru et de préciser les efforts à accomplir.
Le dispositif français, transversal, cohérent, réactif et transparent permet de mener une action claire avec des temps de réaction très courts.
Il assure la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
C'est là notre responsabilité.
Elle doit reposer sur l'application stricte et intransigeante - mais pas excessive - du principe de précaution -chaque fois qu'un risque est présent ou plausible et que les conséquences sont graves, durables ou irrémédiables- mais aussi sur l'affirmation du principe de responsabilité.
Responsabilité du politique pour les risques collectifs, responsabilité partagée pour les risques individuels.
Cette responsabilité partagée suppose un effort majeur de pédagogie du risque.
Il nous faut assurer l'information des citoyens et permettre l'exercice d'un droit de choisir : risque acceptable ou inacceptable, ressenti ou objectif ; risque informé, risque choisi.
Il y a là place pour une démarche de responsabilité des experts et des hommes et femmes politiques certes, mais aussi des citoyens.
Comment proportionner un danger alimentaire et un risque sur l'environnement ?
Comment comparer le coût de mesures destinées à réduire un risque hypothétique, mais potentiellement très grave, au coût de celles qui viseraient à endiguer un risque moins grave mais plus probable ?
Cela suppose des approches différenciées et adaptées à chaque secteur.
Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que le déploiement de moyens considérables sur certains risques peut conduire à négliger des risques éventuellement plus menaçants dans d'autres domaines.
Lors de la conférence de Stockholm des 19 et 20 février 2001, l'OMS nous a confié le soin de conduire cette réflexion sur le risque et sa pédagogie.
Je voudrais maintenant en venir à l'organisation de notre système.
Je suis assez attaché à l'idée d'une médecine sans frontières.
Désormais triomphante hors de l'hexagone, c'est en France aussi que je voudrais la voir s'imposer.
Combien de barrières, combien de cloisonnements, restent encore à faire tomber dans notre système ?
Entre hôpital et secteur libéral, entre spécialités, entre professions, entre médical et social, entre préventif et curatif, entre soins et recherche
De l'air, s'il vous plaît de l'air.
Faisons respirer ce système.
Décloisonner, c'est d'abord ouvrir l'hôpital. L'ouvrir sur lui-même, l'ouvrir sur l'extérieur.
Je n'accepte pas l'étanchéité de ce système qui éloigne définitivement de l'hôpital, dès la fin de leur formation, des dizaines de milliers de professionnels partis exercer en libéral.
Vus de l'hôpital, on les dirait exilés pour quelque destination lointaine avec un aller simple et devenus seulement fournisseurs de malades.
Vus de la planète libérale, l'hôpital dresse l'opacité menaçante et de ses mâchicoulis.
Quand le malade lui navigue de l'un à l'autre en permanence.
Nous devons inventer, ensemble, les mécanismes qui permettront aux libéraux, notamment aux médecins, de trouver une place à part entière - respectueuse de leurs compétences - et faire partie de l'équipe hospitalière dans la prise en charge.
Il faut à ce stade me risquer à prononcer un terme aussi magique que brocardé :
Il s'agit bien sûr des réseaux qui, n'en déplaise à certains esprits chagrins, ne sont pas la nouvelle tarte à la crème d'une pseudo-modernité sanitaire,
mais au contraire le seul avenir souhaitable de notre système de santé, que l'expansion de l' " e-santé" devrait d'ailleurs favoriser.
Seul le développement des réseaux de prévention et de prise en charge peut permettre de placer la personne malade au centre du dispositif, c'est-à-dire à la place qui doit être la sienne.
Nous avons progressé dans ce domaine.
Mais pas assez.
C'est pourquoi il nous est apparu important de consacrer un article de la loi de modernisation du système de santé aux réseaux.
Décloisonner, c'est aussi réformer les études médicales, et notamment le premier cycle des études pour qu'il puisse conduire à l'ensemble des professions de santé, afin d'établir des bases communes pour ces différents métiers et de garantir la complémentarité future de leurs interventions.
Quant à la réforme de l'internat, elle doit permettre de construire le choix des spécialités en fonction des besoins.
Décloisonner, c'est aussi permettre l'affirmation de la prévention au sein du système de santé.
Notre système continue à négliger - je devrais parfois dire mépriser - la prévention.
Le projet de loi de modernisation du système de santé fera évoluer cette situation :
- en définissant clairement les objectifs et les modalités de la politique de prévention ;
- en instituant des programmes prioritaires de prévention ;
- en finançant les programmes prioritaires de prévention sur les risques à l'instar des soins ;
- en établissant une coordination de l'ensemble des acteurs.
- en créant un institut de prévention et de promotion de la santé.
Le plan national d'éducation pour la santé que j'ai présenté en Conseil des Ministres le 28 février dernier va dans ce sens, et souligne en particulier l'importance d'une véritable éducation thérapeutique, gage de la participation des malades à leur guérison.
Décloisonner, c'est développer les métiers de santé publique
Le dispositif de formation en santé publique devra s'adapter. Des pôles de formation supérieure se développeront en coordination avec l'Ecole Nationale de Santé Publique.
Décloisonner, c'est renforcer la recherche biomédicale, notamment à l'hôpital.
Nous avions entamé cette évolution avec la création du Programme hospitalier de recherches cliniques (PHRC). Nous allons l'amplifier.
Plus largement une mission fera des propositions et portera une attention particulière aux recherches concernant les maladies émergentes et notamment l'ESB.
Le GIS constitué allouera cette année 210 millions de francs de crédits de recherche dans ce domaine, soit un triplement de l'effort financier par rapport à 2000.
C'est dans le cadre de l'Europe que notre pays demeurera un lieu d'essais thérapeutiques.
Nous devrons donc travailler à des propositions afin d'organiser au niveau européen une action d'orientation et de fédération de la recherche clinique en Europe.
Décloisonner, c'est accélérer la diffusion du progrès médical
A cet égard, la réforme de la formation médicale continue - que contient la loi de modernisation du système de santé - est une nécessité.
C'est aussi faire que les malades puissent accéder dans les meilleurs délais aux nouveaux produits thérapeutiques.
Cette mise à disposition s'est largement développée grâce aux autorisations temporaires d'utilisation, qui ont permis, notamment dans la lutte contre le sida, de fournir des traitements innovants à 70 000 malades chaque année.
Le transfert en officine de médicaments jusqu'alors cantonnés à l'hôpital a également joué son rôle. Un tel transfert devrait se poursuivre dans les prochains mois, accompagné d'une clarification et d'une simplification des procédures liées à la prescription restreinte à l'hôpital.
Nous proposerons enfin d'engager une réflexion sur l'évolution de la carte sanitaire, qui à terme pourrait conduire à un aménagement de la procédure concernant les équipements lourds.
Dans cette perspective, une mission sera menée sur l'imagerie médicale.
Enfin, décloisonner, c'est s'ouvrir au monde en développement :
Le ministère chargé de la Santé mobilisera des moyens supplémentaires et coordonnera l'action des différentes institutions de santé qui contribuent à la coopération internationale en matière de santé.
A cet effet, nous mettons en place une cellule de coordination comme un point de rassemblement pour l'ensemble des hôpitaux et services concernés.
Enfin, nous devons poursuivre l'action pionnière de la France en matière d'accès aux médicaments dans les pays en voie de développement
Il n'est pas acceptable que les malades soient au Sud et les traitements au Nord.
En 1998, la France a pris, à Abidjan, une première initiative mondiale qui a conduit à la mise en place du Fond de solidarité thérapeutique internationale.
Cette initiative a permis de mettre en lumière l'inégalité d'accès aux traitements contre le sida.
Nous devrons désormais engager une action plus large afin de mettre à la disposition des pays les plus pauvres les médicaments indispensables face aux grandes pathologies.
Il faudra continuer d'inciter les laboratoires pharmaceutiques à diffuser leurs spécialités pharmaceutiques à des prix adaptés.
Au regard des possibilités ouvertes par les licences obligatoires, nous devrons, au niveau international, établir un code de conduite afin de tempérer les conflits.
Mais ici aussi, c'est vers l'Europe que la France doit se tourner pour que les réponses apportées soient à la mesure des enjeux qu'elle a su, la première, porter à l'attention de la communauté internationale.
CONCLUSION
On reproche souvent, en France, aux gouvernements successifs de ne pas avoir de politique de santé lisible.
J'ai donc voulu vous proposer ici ce que je voudrais être notre feuille de route commune, notre ambition partagée.
Un manifeste que nous éditerons d'ailleurs bientôt dans sa version détaillée, pour que soit assurée la transparence que je crois indispensable.
Je souhaite qu'il soit commenté, débattu, critiqué.
Tout ce qu'il contient ne sera pas réalisé en un jour, mais j'ai souhaité qu'il indique la direction dans laquelle nous nous engageons.
Chacun des plans et des programmes que j'ai évoqués trop rapidement fera l'objet de présentations plus précises dans les semaines et mois à venir.
Pour conclure, je souhaite restaurer l'unicité de la médecine du ministère de la santé, malade des professions de santé : le temps de la réflexion et des actions communes est revenu. Je souhaite que notre pays ait un jour l'argent de sa politique de santé, au lieu comme aujourd'hui de faire la politique de l'argent de la santé.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 6 avril 2001)
Mesdames et Messieurs,
Je crois à la démocratie sanitaire. Non pas comme un slogan, vide de sens et surtout de chair, mais comme le véritable moteur d'une politique de santé dont chacun serait acteur.
Je crois à la qualité des soins dans notre pays, que l'OMS a classé au premier rang mondial.
Je crois aux performances de notre système de sécurité sanitaire.
Je crois au principe de précaution mais pas au syndrome de précaution.
Je crois à ces centaines de milliers de professionnels qui chaque jour, chaque nuit, se tiennent auprès de personnes malades mais qui j'espère ne souffrent pas.
Je crois aux nouveaux horizons de la recherche, pour peu qu'ils soient maîtrisés et coordonnés avec les nécessités de santé publique.
Je crois à l'unité nécessaire des acteurs de la santé publique et du soin.
Je crois que nous avons de la chance en France, de la chance d'être en bonne santé et d'être bien soignés.
Demandez aux Français, comme l'a fait le CFES, ils vous le diront très clairement.
Oui, ils sont en bonne santé, mais ils veulent savoir, être informé et participer, y compris financièrement si on leur explique.
Et souvenons-nous que nous gagnons trois mois d'espérance de vie par an.
Mais je sais, dans le même temps, les carences, les inégalités, les insuffisances.
Comment se résoudre, par exemple, à ce que l'espérance de vie d'un ouvrier spécialisé de quarante-cinq ans reste nettement inférieure à celle d'un cadre supérieur ou d'un membre d'une profession libérale.
Je sens aussi ce désarroi, cette insatisfaction diffuse, sourde et profonde, parfois silencieuse et souvent bruyante, manifestant sous les fenêtres du Ministère.
Les professionnels s'interrogent, s'inquiètent, doutent parfois de leur avenir.
Je sais leurs attentes considérables.
Et je sais également d'expérience que le malaise d'une société se manifeste souvent en premier lieu dans le champ de la santé.
Mesdames et Messieurs, je voudrais partager aujourd'hui avec vous une vision.
Celle d'un combat partagé pour (re)donner, à tous, usagers comme professionnels, fierté et confiance dans notre système ; pour le faire évoluer vers plus d'efficacité, mais aussi plus d'humanité.
Les Etats généraux de la Santé, voulus par Lionel Jospin et que j'avais animé en 1998 et 1999, ont affirmé l'importance d'un débat ouvert et démocratique, au plus près des réalités.
Notre ambition est de conduire une politique globale de santé où le principe de responsabilité s'impose et pas seulement le nécessaire principe de précaution.
La démocratie sanitaire exige que chacun puisse prendre en charge son destin.
Les malades et les usagers doivent être à même d'apprécier les risques qu'ils courent et de choisir en toute conscience, leurs comportements, leurs prises de risques, les soins qu'on leur prodigue.
La naissance d'une véritable démocratie sanitaire commence par la reconnaissance des droits des malades.
Le projet de loi sur la modernisation de la santé que j'espère, nous pourrons présenter au Parlement cette année fait de cette revendication majeure des Etats Généraux son article premier.
Autour des principes de respect de la dignité, de la vie privée et du secret médical, de la non discrimination en raison de l'état de santé, d'un handicap ou du patrimoine génétique.
Il affirme l'impératif de transparence des institutions et des établissements de santé.
L'une des inégalités majeures, mais sournoise, de notre système sépare ceux qui savent s'orienter dans le maquis de l'offre de soins, et ceux qui ne sont pas en mesure de le faire.
Il faut permettre à chacun de connaître les performances ou la qualité du système.
Le projet de loi établit le droit à l'information.
Droit individuel à l'information sur son état de santé, sur les risques et les bénéfices des traitements proposés, mais également droit à l'information sur les performances et la qualité de l'offre des soins. Je ne veux plus voir des classifications sauvages mais des classifications fondées.
Et enfin, et surtout, il affirmera le droit pour chacun à l'accès direct et personnel à son dossier médical
Autre axe législatif majeur: Nous allons enfin je l'espère mettre en uvre l'indemnisation de l'aléa thérapeutique
Je vois et reçois beaucoup de victimes d'incidents ou d'accidents pour lesquels aucune faute n'a été identifiée: elles parlent toujours avec force et émotion de ce qu'elles vivent comme une profonde injustice : sans faute avérée, pas d'indemnisation.
De leur côté, les professionnels sont déroutés par l'évolution fluctuante, et parfois contradictoire, des règles qui définissent leur responsabilité. Comment travailler sereinement dans un tel contexte ?
Face à cette situation, il est devenu indispensable de mettre en place un dispositif d'indemnisation de l'aléa thérapeutique.
Nécessité impérative tant pour les victimes que pour les professionnels si l'on veut rétablir la confiance.
J'ai rêvé depuis longtemps de pouvoir mettre en uvre ce projet.
J'ai rédigé le premier texte en 1992.
L'heure est enfin venue.
Et quand je pense à la détresse de toutes les personnes concernées permettez-moi de vous dire mon émotion de toucher enfin au but.
Le système de santé doit faire toute sa place à l'usager
Il ne doit plus en être un simple consommateur, mais un véritable acteur.
Les personnes touchées par le SIDA ont su nous le dire avec force, et plus encore l'imposer avec compétence et détermination, grâce à leurs associations.
Et je suis très heureux que la Ligue contre le Cancer après Aides se soit engagée dans cette voie avec ce réseau de malades qu'ils viennent de me présenter.
N'ayons pas peur de cette formidable ouverture, y compris quand elle vient nous interroger, pouvoirs publics ou professionnels, avec parfois une véhémence légitime, pour nous obliger à toujours conserver le malade au cur du système, au cur de nos préoccupations.
Faisons des malades des partenaires, et jamais des adversaires.
Appelons-les les usagers, les patients, les malades ou les citoyens, qu'importe.
Mais comprenons que ces femmes et ces hommes -c'est à dire nous, nos frères, nos mères, nos enfants - refusent d'être passifs, isolés, livrés - dans le cadre du trop fameux colloque singulier - à la pression de la médecine.
Ils et elles veulent maîtriser les choix qui touchent à leur santé, à leur vie.
Ils ont mille fois raison.
Qui oserait aujourd'hui le contester.
Alors faisons-le. Ensemble.
Ils doivent avoir leur place partout.
Et pas pour être des alibis.
Le projet de loi de modernisation du système de santé y veillera.
Le système de santé doit être organisé au plus près des besoins, et donc véritablement régionalisé.
La politique de santé doit avoir un ancrage régional et local.
C'est également l'objet de l'un des volets du projet de loi de modernisation.
Nous avons prévu de créer dans ce cadre des conseils régionaux de santé.
Cette structure unique donnera une cohérence nouvelle aux actions, programmes et politiques régionales de santé.
Elle permettra également aux Régions de contribuer à la définition de la politique nationale.
Le Conseil régional de santé doit être une première étape vers une régionalisation plus poussée de l'assurance maladie et des services de l'Etat.
Les ordonnances de 1996 ont implicitement fait de la politique de santé un codicille de la politique d'assurance maladie, définie par la loi de financement de la sécurité sociale.
Ce n'est pas acceptable.
Certes, nous devons tenir compte des contraintes budgétaires.
Mais le primat doit rester à la santé publique et au service du malade.
La procédure parlementaire ne doit pas se résumer au vote de l'ONDAM. Le projet de loi de modernisation du système de santé prévoit la définition d'une procédure simple en cinq étapes :
- Les conseils régionaux de santé élaborent des propositions.
- Le gouvernement s'en saisit pour construire une politique de santé.
- La Conférence nationale de santé et les caisses nationales d'assurance maladie analysent le projet présenté par le gouvernement.
- sur la base de ces avis, le gouvernement soumet un projet révisé et enrichi devant l'Assemblée nationale lors d'un débat public.
Puis il met en uvre cette politique, notamment par le biais de la loi de financement de la sécurité sociale.
Voilà une procédure nouvelle, cohérente, qui redonnent la priorité aux objectifs de santé publique.
Mesdames et Messieurs, c'est sur la base de vos travaux, auxquels nous attachons une importance majeure, que le gouvernement entend organiser ses priorités de santé publique autour de six axes.
Premier axe : la lutte contre les pathologies chroniques ;
Avec une préoccupation centrale : le cancer
Aujourd'hui, plus de 700 000 personnes en France vivent avec un cancer et l'on diagnostique 250 000 nouveaux cas chaque année.
Dans ce domaine, peut- être encore plus qu'ailleurs, la prévention est essentielle : la réorganisation du dispositif de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme sera poursuivie pour que tout hôpital de plus de deux cents lits puisse proposer une offre de soins adaptée, une consultation personnelle.
Le dépistage organisé du cancer du sein sera généralisé à l'ensemble des départements cette année.
Et nous engageons un processus d'extension du dépistage du cancer du colon, qui concernera en 2001 onze départements.
Mais une fois dépistés, il faut traiter ces cancers.
Nous avons déjà pris des mesures pour améliorer la prise en charge : nouvelles autorisations pour les IRM, programme pluriannuel de soutien aux innovations technologiques, enveloppe spécifique - près de 500 millions de francs - pour mieux prendre en compte le coût des chimiothérapies.
Mais il reste beaucoup à faire, quantitativement et qualitativement.
Pour 2001, nous veillerons à développer la radiothérapie, compte tenu des progrès techniques importants réalisés dans ce domaine.
Et j'ai souhaité que nous portions une attention particulière aux cancers de l'enfant, mais aussi des personnes âgées, insuffisamment pris en compte jusqu'à maintenant.
Enfin, l'amélioration des conditions de vie et d'accompagnement médico-social des personnes atteintes de cancer reste indispensable, en particulier le soutien psychologique.
Je le sais, les besoins sont immenses, les derniers Etats généraux des malades du cancer l'ont encore confirmé.
J'aimerais qu'à terme toute personne atteinte d'un cancer puisse avoir accès à un soutien psychologique s'il elle désire.
Accent fort sur la lutte contre le cancer donc, mais sans oublier les autres maladies chroniques, avec le développement :
D'un plan de lutte contre les maladies cardiovasculaires
D'un plan de prise en charge du diabète
D'un plan d'action sur l'asthme
D'un plan pour la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique
Et, enfin, d'un plan pour améliorer la prise en charge des enfants atteints de mucoviscidose.
Notre deuxième axe prioritaire, c'est la lutte contre les pathologies infectieuses
Avec, tout d'abord l'infection à VIH que les progrès thérapeutiques ne doivent pas faire oublier.
Certes sur ce front, il y a de bonnes nouvelles, et notamment la régression de la mortalité sous l'effet des traitements (600 décès en 1999 contre 2000 en 1994), mais aussi la qualité des vies des personnes touchées qui s'est très sensiblement améliorée.
Mais des préoccupations demeurent, ou ré-émergent, comme le relâchement des comportements de prévention dans certains milieux exposés, et surtout dans certains lieux de rencontre.
Quant aux traitements, ils s'accompagnent de difficultés croissantes d'observance en raison des effets indésirables des antirétroviraux.
Nous devons faciliter l'accès aux nouveaux médicaments, notamment pour les malades en échec thérapeutique.
Dans le domaine des maladies transmissibles, l'hépatite C exige également une action prioritaire. Environ 1% de la population française serait infecté. 600.000 personnes environ seraient atteintes mais seulement une personne sur trois est aujourd'hui dépistée, et 5% sous traitement.
Nous devons donc d'abord améliorer l'information.
Nous le ferons dans les prochains mois avec une campagne d'information destinée au grand public, mobilisant la presse nationale et régionale.
Nous relancerons la politique de dépistage selon les critères retenus par l'ANAES, c'est-à-dire un dépistage ciblé sur les groupes exposés et non plus un dépistage de toute la population.
L'accès aux traitements constitue avec la surveillance et le dépistage le troisième axe prioritaire. Il sera renforcé.
Le budget consacré à la recherche contre l'hépatite C est en augmentation, notamment au sein de l'ANRS où il s'est accru de 30 %.
Il nous faut enfin prévenir la transmission : chez les toxicomanes, en renforçant les programmes d'échanges de seringues et de substitution, et en milieu de soins en redoublant d'efforts dans le nettoyage, la désinfection et la stérilisation des instruments médicaux ou chirurgicaux.
Troisième axe : la lutte contre les maladies émergentes ou orphelines
La crise de la vache folle a souligné l'importance de la vigilance sanitaire et de l'adaptation de notre système de santé à d'éventuelles pathologies émergentes.
La Direction générale de la Santé assurera la coordination des actions de prévention contre les maladies émergentes et l'organisation des prises en charge adaptées.
Quant aux maladies orphelines, l'idée et le terme même me sont insupportables, tant ils sont hypocrites.
Ce sont en réalité des maladies négligées. Négligées parce que non rentables !
La France a largement contribué au développement des médicaments qui permettent de lutter contre les maladies rares, trop souvent abandonnées par la recherche médicale.
Ces pathologies, au nombre de 6 000, ne touchent chacune que peu de patients.
Mais à l'échelle européenne, elles affectent 25 millions de personnes, souvent gravement.
Voilà encore un domaine dans lequel nous avons besoin d'Europe.
Grâce à l'action continue et obstinée du gouvernement français, l'Union Européenne a adopté en décembre 1999 un mécanisme de soutien aux médicaments concernés.
Lors de sa présidence, la France a entamé une action similaire en faveur des médicaments adaptés à l'enfant. Nous poursuivons cette action.
Et je veux que nous donnions à l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments une responsabilité et des moyens plus importants dans ce domaine.
En France, le programme hospitalier de recherche clinique a retenu pour 2001 les maladies orphelines parmi ses priorités de financement.
Quatrième axe : la lutte contre les pratiques addictives
Nous avons fait le choix il y a trois ans, à la suite du rapport Roques, que j'avais commandé, de rassembler au sein de la MILDT l'ensemble des toxiques.
C'était la bonne approche.
Ne pas considérer le tabac et l'alcool comme un toxique au même titre que les drogues illicites est un déni de santé publique.
Mais ce n'était qu'un point de départ vers une véritable politique de santé en matière de pratiques addictives.
Nous la développons avec la MILDT ;
Je me refuse à rester aveugle aux réalités ; aux évolutions sociologiques en France et juridiques chez nos voisins européens.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que je n'étais pas favorable à une dépénalisation du cannabis, en tant que telle.
Mais je crois aux vertus d'une stricte réglementation qui éviterait le maintien de la situation ubuesque que nous connaissons.
Cinquième axe : les programmes d'action spécifiques, qui seront consacrés, comme les conférences régionales et la conférence nationale l'ont souhaité :
A la santé des jeunes, et à celle des personnes âgées,
A la santé des femmes, avec une attention particulière portée à la violence sexuelle et aux violences conjugales (85 % sous l'emprise de l'alcool).
Il faut rompre avec cette véritable omerta - cette intolérable loi du silence - dont la société mais aussi le système de santé sont coupables.
Alors que de 10 % à 20 % des femmes consultent aux urgences de l'hôpital pour ce motif.
Nous ferons également évoluer le cadre légal applicable à l'IVG, dont nous débattrons dès ce soir au Sénat.
Mais cette évolution n'a de sens que si elle s'accompagne d'un renforcement des actions en faveur de la contraception.
Ce que nous ferons.
Enfin, nous attacherons une attention particulière à la santé des personnes en situation précaire.
Je voudrais à cet égard mentionner deux sujets majeurs :
Le saturnisme, pour lequel le dispositif prévu dans la loi contre les exclusions n'a malheureusement pas produit les résultats escomptés,
Et la santé des détenus, pour laquelle nous mènerons une action commune avec le ministère de la Justice au cours de cette année, avec un effort particulier dans le domaine de la psychiatrie,
Enfin, sixième et dernier axe : les actions d'intérêt général qui concerneront : le développement des greffes, l'accompagnement de fin de vie et la lutte contre la douleur.
3-Voici donc brossées rapidement les grandes orientations de santé publique que vous avez identifiées et dont nous avons fait nos priorités et nos axes de travail.
Dans le même temps, nous devons amorcer une nouvelle étape de la sécurité sanitaire.
Pourquoi ne pas dire parfois notre fierté ?
La France dispose d'un dispositif de sécurité sanitaire que l'Europe et le monde nous envient.
A sa tête, le conseil national de sécurité sanitaire, instance de coordination, se réunit désormais sous la présidence du ministre chargé de la Santé pour examiner les grands enjeux de cette politique et amorcer une nouvelle étape dans le construction de la sécurité sanitaire
Dans cette perspective, nous voulons faire un effort particulier pour le suivi et le contrôle des mesures prises.
La politique de sécurité sanitaire repose sur deux piliers fondamentaux : la surveillance, l'évaluation et la gestion des risques d'un côté, et de l'autre le suivi et le contrôle de l'application des règles au jour le jour.
Un décret qui réforme les déclarations obligatoires de pathologie améliorera la surveillance épidémiologique
En médecine hospitalière comme en médecine ambulatoire, nous aurons un programme de contrôle de l'application des mesures de stérilisation et de précaution vis-à-vis des risques infectieux, comme l'ESB par exemple.
La sécurité d'utilisation des médicaments à l'hôpital sera renforcée par l'application des bonnes pratiques de pharmacies hospitalières qui doivent être prochainement publiées.
Enfin, après celle de 1996, une enquête nationale sur les infections nosocomiales, menée en mai-juin 2001, permettra d'apprécier le chemin parcouru et de préciser les efforts à accomplir.
Le dispositif français, transversal, cohérent, réactif et transparent permet de mener une action claire avec des temps de réaction très courts.
Il assure la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
C'est là notre responsabilité.
Elle doit reposer sur l'application stricte et intransigeante - mais pas excessive - du principe de précaution -chaque fois qu'un risque est présent ou plausible et que les conséquences sont graves, durables ou irrémédiables- mais aussi sur l'affirmation du principe de responsabilité.
Responsabilité du politique pour les risques collectifs, responsabilité partagée pour les risques individuels.
Cette responsabilité partagée suppose un effort majeur de pédagogie du risque.
Il nous faut assurer l'information des citoyens et permettre l'exercice d'un droit de choisir : risque acceptable ou inacceptable, ressenti ou objectif ; risque informé, risque choisi.
Il y a là place pour une démarche de responsabilité des experts et des hommes et femmes politiques certes, mais aussi des citoyens.
Comment proportionner un danger alimentaire et un risque sur l'environnement ?
Comment comparer le coût de mesures destinées à réduire un risque hypothétique, mais potentiellement très grave, au coût de celles qui viseraient à endiguer un risque moins grave mais plus probable ?
Cela suppose des approches différenciées et adaptées à chaque secteur.
Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que le déploiement de moyens considérables sur certains risques peut conduire à négliger des risques éventuellement plus menaçants dans d'autres domaines.
Lors de la conférence de Stockholm des 19 et 20 février 2001, l'OMS nous a confié le soin de conduire cette réflexion sur le risque et sa pédagogie.
Je voudrais maintenant en venir à l'organisation de notre système.
Je suis assez attaché à l'idée d'une médecine sans frontières.
Désormais triomphante hors de l'hexagone, c'est en France aussi que je voudrais la voir s'imposer.
Combien de barrières, combien de cloisonnements, restent encore à faire tomber dans notre système ?
Entre hôpital et secteur libéral, entre spécialités, entre professions, entre médical et social, entre préventif et curatif, entre soins et recherche
De l'air, s'il vous plaît de l'air.
Faisons respirer ce système.
Décloisonner, c'est d'abord ouvrir l'hôpital. L'ouvrir sur lui-même, l'ouvrir sur l'extérieur.
Je n'accepte pas l'étanchéité de ce système qui éloigne définitivement de l'hôpital, dès la fin de leur formation, des dizaines de milliers de professionnels partis exercer en libéral.
Vus de l'hôpital, on les dirait exilés pour quelque destination lointaine avec un aller simple et devenus seulement fournisseurs de malades.
Vus de la planète libérale, l'hôpital dresse l'opacité menaçante et de ses mâchicoulis.
Quand le malade lui navigue de l'un à l'autre en permanence.
Nous devons inventer, ensemble, les mécanismes qui permettront aux libéraux, notamment aux médecins, de trouver une place à part entière - respectueuse de leurs compétences - et faire partie de l'équipe hospitalière dans la prise en charge.
Il faut à ce stade me risquer à prononcer un terme aussi magique que brocardé :
Il s'agit bien sûr des réseaux qui, n'en déplaise à certains esprits chagrins, ne sont pas la nouvelle tarte à la crème d'une pseudo-modernité sanitaire,
mais au contraire le seul avenir souhaitable de notre système de santé, que l'expansion de l' " e-santé" devrait d'ailleurs favoriser.
Seul le développement des réseaux de prévention et de prise en charge peut permettre de placer la personne malade au centre du dispositif, c'est-à-dire à la place qui doit être la sienne.
Nous avons progressé dans ce domaine.
Mais pas assez.
C'est pourquoi il nous est apparu important de consacrer un article de la loi de modernisation du système de santé aux réseaux.
Décloisonner, c'est aussi réformer les études médicales, et notamment le premier cycle des études pour qu'il puisse conduire à l'ensemble des professions de santé, afin d'établir des bases communes pour ces différents métiers et de garantir la complémentarité future de leurs interventions.
Quant à la réforme de l'internat, elle doit permettre de construire le choix des spécialités en fonction des besoins.
Décloisonner, c'est aussi permettre l'affirmation de la prévention au sein du système de santé.
Notre système continue à négliger - je devrais parfois dire mépriser - la prévention.
Le projet de loi de modernisation du système de santé fera évoluer cette situation :
- en définissant clairement les objectifs et les modalités de la politique de prévention ;
- en instituant des programmes prioritaires de prévention ;
- en finançant les programmes prioritaires de prévention sur les risques à l'instar des soins ;
- en établissant une coordination de l'ensemble des acteurs.
- en créant un institut de prévention et de promotion de la santé.
Le plan national d'éducation pour la santé que j'ai présenté en Conseil des Ministres le 28 février dernier va dans ce sens, et souligne en particulier l'importance d'une véritable éducation thérapeutique, gage de la participation des malades à leur guérison.
Décloisonner, c'est développer les métiers de santé publique
Le dispositif de formation en santé publique devra s'adapter. Des pôles de formation supérieure se développeront en coordination avec l'Ecole Nationale de Santé Publique.
Décloisonner, c'est renforcer la recherche biomédicale, notamment à l'hôpital.
Nous avions entamé cette évolution avec la création du Programme hospitalier de recherches cliniques (PHRC). Nous allons l'amplifier.
Plus largement une mission fera des propositions et portera une attention particulière aux recherches concernant les maladies émergentes et notamment l'ESB.
Le GIS constitué allouera cette année 210 millions de francs de crédits de recherche dans ce domaine, soit un triplement de l'effort financier par rapport à 2000.
C'est dans le cadre de l'Europe que notre pays demeurera un lieu d'essais thérapeutiques.
Nous devrons donc travailler à des propositions afin d'organiser au niveau européen une action d'orientation et de fédération de la recherche clinique en Europe.
Décloisonner, c'est accélérer la diffusion du progrès médical
A cet égard, la réforme de la formation médicale continue - que contient la loi de modernisation du système de santé - est une nécessité.
C'est aussi faire que les malades puissent accéder dans les meilleurs délais aux nouveaux produits thérapeutiques.
Cette mise à disposition s'est largement développée grâce aux autorisations temporaires d'utilisation, qui ont permis, notamment dans la lutte contre le sida, de fournir des traitements innovants à 70 000 malades chaque année.
Le transfert en officine de médicaments jusqu'alors cantonnés à l'hôpital a également joué son rôle. Un tel transfert devrait se poursuivre dans les prochains mois, accompagné d'une clarification et d'une simplification des procédures liées à la prescription restreinte à l'hôpital.
Nous proposerons enfin d'engager une réflexion sur l'évolution de la carte sanitaire, qui à terme pourrait conduire à un aménagement de la procédure concernant les équipements lourds.
Dans cette perspective, une mission sera menée sur l'imagerie médicale.
Enfin, décloisonner, c'est s'ouvrir au monde en développement :
Le ministère chargé de la Santé mobilisera des moyens supplémentaires et coordonnera l'action des différentes institutions de santé qui contribuent à la coopération internationale en matière de santé.
A cet effet, nous mettons en place une cellule de coordination comme un point de rassemblement pour l'ensemble des hôpitaux et services concernés.
Enfin, nous devons poursuivre l'action pionnière de la France en matière d'accès aux médicaments dans les pays en voie de développement
Il n'est pas acceptable que les malades soient au Sud et les traitements au Nord.
En 1998, la France a pris, à Abidjan, une première initiative mondiale qui a conduit à la mise en place du Fond de solidarité thérapeutique internationale.
Cette initiative a permis de mettre en lumière l'inégalité d'accès aux traitements contre le sida.
Nous devrons désormais engager une action plus large afin de mettre à la disposition des pays les plus pauvres les médicaments indispensables face aux grandes pathologies.
Il faudra continuer d'inciter les laboratoires pharmaceutiques à diffuser leurs spécialités pharmaceutiques à des prix adaptés.
Au regard des possibilités ouvertes par les licences obligatoires, nous devrons, au niveau international, établir un code de conduite afin de tempérer les conflits.
Mais ici aussi, c'est vers l'Europe que la France doit se tourner pour que les réponses apportées soient à la mesure des enjeux qu'elle a su, la première, porter à l'attention de la communauté internationale.
CONCLUSION
On reproche souvent, en France, aux gouvernements successifs de ne pas avoir de politique de santé lisible.
J'ai donc voulu vous proposer ici ce que je voudrais être notre feuille de route commune, notre ambition partagée.
Un manifeste que nous éditerons d'ailleurs bientôt dans sa version détaillée, pour que soit assurée la transparence que je crois indispensable.
Je souhaite qu'il soit commenté, débattu, critiqué.
Tout ce qu'il contient ne sera pas réalisé en un jour, mais j'ai souhaité qu'il indique la direction dans laquelle nous nous engageons.
Chacun des plans et des programmes que j'ai évoqués trop rapidement fera l'objet de présentations plus précises dans les semaines et mois à venir.
Pour conclure, je souhaite restaurer l'unicité de la médecine du ministère de la santé, malade des professions de santé : le temps de la réflexion et des actions communes est revenu. Je souhaite que notre pays ait un jour l'argent de sa politique de santé, au lieu comme aujourd'hui de faire la politique de l'argent de la santé.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 6 avril 2001)