Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à Europe 1 le 19 janvier 2010, sur son démenti concernant des suppressions de liaisons TGV par la SNCF et sur le ralliement de membres du MoDem à la liste de S. Royal pour les élections régionales en Poitou Charentes.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, D. Bussereau.
 
Bonjour, J.-M. Aphatie
 
Les Echos, journal sérieux et généralement bien informé, affirmait, hier matin, à la "Une" que la SNCF pourrait, je cite, "supprimer ou fortement réduire l'offre de certaines lignes de TGV", par exemple sur Paris-Arras, Lille-Strasbourg ou Nantes-Strasbourg. En cause : l'absence de rentabilité de ces lignes. Dans la journée d'hier, la SNCF a démenti ces informations sans convaincre personne. Donc, ce matin, D. Bussereau, on attend beaucoup de vos propos : des lignes de TGV seront-elles supprimées prochainement en France ?
 
La réponse est non.
 
Est-ce possible ? Personne n'y croit ?
 
Ecoutez, moi je vais vous le dire. D'abord, la SNCF est une entreprise publique. Elle vous appartient comme à l'ensemble des auditeurs de RTL. Elle appartient à l'ensemble des Français. L'Etat en est à 100% majoritaire et, naturellement, elle a des impératifs de rentabilité, de concurrence ; elle est en concurrence avec d'autres sociétés ferroviaires, avec l'avion, avec la voiture individuelle, avec les compagnies low cost. N'empêche qu'elle a des missions de service public, des missions d'aménagement du territoire. Et si vous regardez la carte publiée hier par Les Echos, Paris-Arras c'est quand même le chef lieu du Pas-de- Calais (la chanson célèbre) tout près de la métropole lilloise. Ensuite, des grandes relations d'aménagement du territoire entre Lille et Strasbourg, Lille-Nantes et Bordeaux, donc entre le nord de la France et l'Atlantique, par l'interconnexion de la région parisienne. Donc tout ça n'est pas du tout ce que souhaite le Gouvernement. J'ai trouvé le démenti de la SNCF un peu mou, donc je dis les choses clairement ce matin sur votre antenne.
 
D'accord, c'est dit : "Le démenti de la SNCF était mou", "aucune ligne ne sera supprimée". La rentabilité des lignes TGV se réduit, visiblement, et donc il y a un problème à la SNCF, totu de même ?
 
Oui, il faut faire attention. Pardon, J.-M. Aphatie, de vous corriger - je ne veux pas vous corriger - de préciser : "les lignes". Quand vous entendez "lignes", vous vous dites : tiens, c'est la ligne à grande vitesse qu'on construit à renfort de milliards. Il s'agit plus exactement dans l'article des Echos de relations TGV, par des TGV sur des lignes nouvelles, et d'ailleurs, en partie sur des lignes classiques. Vous imaginez que l'année prochaine, on va construire en France, cinq lignes nouvelles. On fait le plus gros effort de tous les pays d'Europe pour construire des lignes nouvelles. Donc, ce n'est pas au moment où on construit des lignes nouvelles qu'on va fermer ou qu'on va baisser la garde sur des lignes existantes.
 
Convenez-vous, D. Bussereau, que la SNCF est confrontée à une baisse de la rentabilité des TGV ?
 
Non, la SNCF a été confrontée comme toutes les entreprises de transports dans le monde, compagnies d'aviation, compagnies maritimes, fret, à une baisse du trafic l'année dernière. C'était la crise. Et la crise elle se traduit immédiatement dans le domaine des transports. La rentabilité, si c'est parce que certains pensent que l'Etat augmente les péages ; je rappelle que si l'Etat augmente les péages, c'est d'abord que les lignes payées par les contribuables sont utilisées aussi par des trains étrangers ; donc, il s'agit que tout le monde paie et le contribuable français ne subventionne pas un jour les chemins de fer allemands ou les chemins de fer italiens. Deuxio, qu'avec ça on va construire 2.000 kilomètres de lignes nouvelles avant 2020. 2.500 kilomètres après ; en 2011, il y aura cinq lignes en chantier. Donc l'Etat croit - et j'ai écouté ce matin les auditeurs de RTL, fortement sur votre antenne - je peux vous dire que l'Etat croit sacrément dans le chemin de fer pour construire tout ça.
 
Alors, certains pensent, effectivement, que la hausse des péages est un problème pour la SNCF. Parmi les "certains", il y a G. Pépy, président de la SNCF. Est-ce qu'il y a un problème, aujourd'hui, entre vous, D. Bussereau, secrétaire d'Etat aux Transports, et G. Pépy, président de la SNCF ?
 
Bien sûr que non. G. Pépy est un excellent président de la SNCF. Il est malin, fin. Il dirige son entreprise. Il sait parler brillamment en son nom. Simplement, quand on augmente les péages - par exemple, on va les augmenter entre 2008 et 2013, pour les TGV de 870 millions d'euros -, il faut que vos auditeurs sachent que là-dessus les deux tiers repartent à la SNCF puisque RFF redonne ensuite de l'argent à la SNCF pour qu'elle gère et entretienne, jour par jour, les infrastructures. Donc, c'est du donnant-donnant.
 
Donc, le communiqué de la SNCF, hier, démentait les informations des Echos, vous l'avez dit : de manière un peu molle.
 
Voilà, j'essaie de le faire de manière plus viril, si vous me permettez l'expression.
 
C'est ça. Donc, hier, la SNCF disait que dans le cadre des réflexions en cours sur le modèle économique des TGV à plus long terme, des travaux plus poussés d'évolution de l'offre TGV sont engagés, donc personne n'a rien compris, effectivement. Vous souhaitez que la SNCF dise "non", des lignes ne seront pas supprimées ou leur service ne sera allégé sur Paris-Arras et compagnie.
 
Ecoutez, le président de la SNCF - je l'ai lu ce matin, je crois que c'est dans Le Parisien -, est aujourd'hui à Strasbourg. L'ancien maire de Strasbourg, F. Keller, avait réagi vigoureusement avec le tempérament qu'on lui connaît comme l'actuel maire, d'ailleurs, R. Ries. Je crois que ce sera pour lui l'occasion, ayant écouté la parole de l'actionnaire et de l'Etat, de dire les choses clairement.
 
Eh bien, écoutez oui, il a dû vous entendre ce matin.
 
J'en suis persuadé, mais il a toute mon amitié, et c'est un bon président.
 
Ca lui fera plaisir de le savoir qu'il conserve votre amitié. Donc tempête dans un verre d'eau, D. Bussereau ?
 
Non, Les Echos ont fait leur travail. Simplement...
 
Ils n'ont pas inventé, non plus, à croire votre démenti !
 
Est-ce que vous pensez, J.-M. Aphatie, qu'on n'est pas un petit peu en période électorale et que d'un côté, il n'y a pas...
 
Quel rapport ?
 
Il n'y a pas certains qui ont envie de dire : l'Etat se désengage - puisque c'est le thème de la logomachie d'une certaine partie de l'opposition - l'Etat se désengage des services publics et de l'aménagement du territoire, donc tout ça n'est pas gratuit. Et puis, il y a peut-être du côté de la SNCF quelques technocrates éthérés qui ont voulu aussi envoyer un petit message à l'Etat. Eh bien, l'Etat répond clairement ce matin par ma voix.
 
Bon, Les Echos sont dans la campagne électorale des socialistes ?
 
Non, non, non Les Echos font leur métier, c'est un excellent journal économique et sur les transports, ils sont sacrément bons.
 
Donc, on répète, D. Bussereau : pas de lignes TGV supprimées, vous en parlerez tout à l'heure à 8h30 avec les auditeurs de RTL ?
 
Je suis à leur disposition.
 
Petit sujet politique. On a compris, samedi, que S. Royal qui est votre adversaire pour les élections...
 
Non, pas adversaire, on est en République.
 
Concurrente, alors ?
 
Voilà, s'il vous plaît.
 
 
D'accord. Votre concurrente dans la région Poitou-Charentes avait attiré à elle cinq élus du MoDem ; alors, elle va des Verts au MoDem, elle a des syndicalistes sur sa liste. Elle ratisse large et on se dit : il ne va pas vous rester grand chose dans les urnes !
 
Oui, c'est la chanson de Boris Vian. C'est un peu le "déserteur" au pluriel. Les Verts, c'est des Verts qui étaient déjà avec elle, ça va d'ailleurs lui poser un sacré problème lorsqu'elle devra fusionner entre les deux tours avec la vraie liste Verte, ceux qui ont l'étiquette Europe- Ecologie. Quant au MoDem, il y a un jeune homme qui a eu la politique du "courage, fuyons !". On lui a promis la gamelle, une bonne viceprésidence ; et F. Bayrou, dont je ne partage pas toutes les opinions, mais qui a au moins le courage des siennes et de l'autonomie, a indiqué qu'il maintenait une vraie liste MoDem. Donc, il y aura pour les électeurs, les vrais choix républicains et on verra au deuxième tour comment les choses se passent.
 
Vous avez dit, D. Bussereau, samedi, en commentant ce ralliement de cinq élus du MoDem : "Nous n'avons pas besoin de traîtres qui nous rejoignent et qui quittent leurs familles politiques." Vous avez dit ça ?
 
Oui, j'ai dit ça, et j'assume.
 
Et en vous lisant, on pensait à B. Kouchner, E. Besson, qui ont quitté leur famille politique et qu'ils vous ont rejoint. On s'est dit : tiens, dis donc, D. Bussereau il doit en penser de belles de Besson et Kouchner !
 
Oui, monsieur Aphatie, vous confondez le niveau national, où le Président de la République a fait des choix engageant la société, et des hommes de gauche, qui sont des hommes de grande qualité, sont venus le rejoindre et puis la politique locale.
 
C'est ça ! Quand on rejoint S. Royal, c'est des traîtres mais quand on rejoint le Gouvernement, c'est... !
 
Non. Non, non, non, non, non... D'abord, je vous prie de vous rappeler qu'une élection présidentielle, c'est dans la Vème République en France, le moment où s'organise la vie politique. Les centristes ont rejoint Giscard en 1974 ; d'autres ont rejoint le Président Mitterrand en 1988, élection présidentielle. C'est le moment de vérité où s'organise la vie politique pour cinq ans.
 
Et dans les régions, c'est pareil ! C'est le moment de la présidence de région !
 
Attendez ; que monsieur Bayrou ait dit... Si monsieur Bayrou avait dit : je fais alliance avec madame Royal, le MoDem avec le PS, ça c'était très bien. Mais que des gens partent à la gamelle indépendamment du MoDem, je porte un jugement plus nuancé.
 
D. Bussereau, qui est donc secrétaire d'Etat aux Transports, va dialoguer avec les auditeurs de RTL.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 janvier 2010